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Abolir le système prostitutionnel

5 avril 2014, 19:19, par Christiane Marty

Thomas Coutrot fait un amalgame gênant qui laisse croire que la résolution trancherait en faveur de la pénalisation des clients, ce qui n’est pas du tout le cas. La résolution propose de prendre position en faveur de l’abolition, ce qui ne signifie pas du tout prendre position en faveur de la pénalisation des clients. La pénalisation des clients, qui n’est qu’une mesure possible et optionnelle pour lutter contre la prostitution, ne fait pas l’unanimité parmi les abolitionnistes (même si la grande majorité des associations féministes l’approuve). Il est exact, comme le dit TC, que la loi actuellement en cours de vote intègre cette mesure dans un projet global. Mais la résolution proposée au vote n’a rien à voir avec un quelconque soutien à la loi. La résolution propose simplement qu’Attac adopte la position de principe abolitionniste (définie par la Convention des Nations Unies) qui condamne l’exploitation de la prostitution d’autrui et la traite des êtres humains qui y est liée, interdit le proxénétisme, accorde un statut de victimes aux personnes prostituées et oblige à les protéger et permettre leur (ré)insertion.

Thomas Coutrot cite le collectif "Droits et prostitution" qui combat la mesure de pénalisation des clients pour la raison qu’elle précariserait davantage les prostituées. Mais la résolution proposée au vote est très claire : elle affirme que le principe doit être de « soutenir toutes les mesures visant à protéger les personnes prostituées » et de «  s’opposer à toute politique qui mettrait les personnes prostituées encore plus en difficulté ». Il n’est donc pas très responsable de dénaturer ainsi le sujet de la résolution.

De même, il est très surprenant de lire que le mouvement féministe développe une "vision misérabiliste" des prostituées en les voyant comme des " femmes victimes réduites au seul acte de prostitution " ! La réalité est tout le contraire : les abolitionnistes ne nient jamais la « capacité d’action » des personnes prostituées et sont les premiers à la mettre en avant. Les prostitué-es font la preuve tous les jours de cette capacité, ne serait-ce que pour résister aux violences, au mépris, à l’humiliation dont sont si friands les clients et si coutumiers les proxénètes. La position abolitionniste considère les personnes prostituées non comme des êtres incapables, mais les reconnait comme les victimes d’un système d’exploitation. Qui oserait critiquer le mouvement syndical en disant qu’il développe une vision misérabiliste des salarié-es sous prétexte qu’il dénonce leur exploitation par le système capitaliste ?

Alors, oui, et contrairement à ce qu’écrit T. Coutrot, Attac a toute raison de prendre position en faveur de l’abolitionnisme. Simplement par cohérence avec les objectifs qui sont les nôtres : construire une société où on refuse la marchandisation des corps, et où les femmes et les hommes sont égaux quelle que soit leur situation financière. Une société qui garantisse aux femmes (mais aussi aux hommes et aux enfants, de plus en plus concernés) la faculté de vivre sans devoir vendre l’accès à leur sexe.