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Pistes pour rénover de fond en comble notre système politique

Commission démocratie d’Attac

dimanche 27 janvier 2019

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Les revendications des Gilets jaunes sont multiples et variées. Elles portent principalement sur la réduction des inégalités sociales, la défense des services publics, la fin des privatisations tous azimuts ou la transition écologique. Elles portent aussi sur la rénovation de notre système politique avec nombre de propositions très précises qui toutes expriment le rejet du système actuel, et dans lesquelles nous nous retrouvons largement : pour le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Pour contribuer au débat citoyen sur le système politique désirable, nous faisons ici un certain nombre de propositions qui rejoignent souvent celles que les Gilets jaunes ont remises en débat. Elles pourraient être des pistes de réflexion et se transformer en revendications des citoyens.

Donner l’initiative aux citoyens

1. Droit citoyen d’initiative législative (pour proposer une loi)

Nous proposons la création d’un site lisible et efficace, encadré par un organisme indépendant de contrôle, où les citoyens pourront déposer une proposition de loi. Si cette proposition de loi obtient la signature de 1 % des électeurs inscrits sur les listes électorales, elle devra être discutée, et pourra être complétée et amendée par l’Assemblée Nationale. Cette proposition de loi devra respecter la Constitution et notamment les droits fondamentaux des citoyens. L’Assemblée Nationale aura ensuite l’obligation (six mois au plus après l’obtention des signatures) soit de l’adopter, soit de la soumettre au vote de l’intégralité des Français.

2. Référendum d’initiative citoyenne

Pour que les citoyens ne soient plus des intermittents de la vie politique mais les premiers acteurs de leur avenir, le référendum d’initiative citoyenne ou RIC permet à un certain nombre de citoyens d’initier un référendum sur toute décision publique passée ou potentielle : abroger ou proposer une loi, un décret ou un arrêté de niveau local à national, voter une loi ordinaire ou organique, un décret ou un arrêté, révoquer un élu, modifier la Constitution, convoquer une Constituante, ratifier ou se retirer d’un traité international, définir la position de la France dans un sommet international.

Le seuil de déclenchement pourrait être de 1 % du corps électoral ou un pourcentage du nombre de voix obtenues par les élus.

Pour que l’opinion des électeurs ne soit pas en grande partie le fruit des médias contrôlés par l’État ou par quelques grandes fortunes, on pourrait associer obligatoirement à un RIC (hors révocation d’un élu) un jury de citoyens, dont la procédure la plus rationnelle à ce jour est celle de la convention de citoyens. Une convention de citoyens nécessite la constitution d’un groupe temporaire d’une vingtaine de citoyens non spécialistes auxquels on confie la mission ponctuelle de s’informer auprès d’experts d’opinions variées, de délibérer et de donner un avis sur un sujet controversé. L’expérience a largement montré que les réponses des jurys de citoyens sont du côté du bien commun et n’oublient pas la prise en compte des plus démunis ni de l’environnement commun. La convention de citoyens devra être largement transparente pour les électeurs.

Le référendum lui-même (après une convention de citoyens) ne peut être organisé que dix (ou douze ?) mois au minimum après l’acceptation du RIC.

Votes

3. Comptabilisation du vote blanc et nul

Les votes blancs (bulletin blanc avec éventuellement l’inscription "blanc" ou " vote blanc") sont comptabilisés et entrent dans le décompte des votes exprimés. Les votes nuls (mélange de bulletins différents, bulletins non vierges, absence de bulletin, etc.) devraient être comptabilisés avec les votes blancs car ils témoignent l’un et l’autre d’une participation et d’un rejet du choix proposé.

4. Comptabilisation des votes

Les nombres de bulletins de vote en faveur d’un candidat ou d’une position (cas du référendum) sont exprimés en fonction du nombre de votes exprimés et en fonction du nombre d’inscrits.

5. Élection d’un élu

Pour être élu, un candidat doit obtenir un minimum de 15 % des inscrits.

Élus

6. Statut des élus

Tout représentant élu sera salarié de sa collectivité publique de rattachement (Assemblée nationale, ville, etc.), avec un contrat à durée déterminée, en accord avec le droit du travail. Il aura droit à un salaire fonction du salaire médian en France et proportionnel au taux de temps complet auquel correspond son mandat. Ses cotisations et droits afférents seront ceux définis par le droit du travail général (et naturellement il n’y aura plus d’indemnités présidentielles à vie). Ses frais de transports seront surveillés et remboursés s’ils sont justifiés. Il aura droit aux tickets restaurant et aux chèques vacances.

Le salaire du président de la République est de trois fois le salaire médian, celui d’un député ou sénateur deux fois, celui d’un maire de grande ville de plus de 100 000 habitants de deux fois aussi, et inférieur pour les maires de communes plus petites. Le travail d’un élu national ou d’un maire d’une grande ville correspond à un plein temps.

7. Limitation du cumul des mandats

Un élu ne peut travailler en tant qu’élu ou pour une autre activité plus d’un plein temps.

Un élu ne peut exercer plus de deux mandats à plein temps successifs.

8. Référendum révocatoire ou droit de répudiation d’un élu en cours de mandat

Tout élu pourra être révoqué par un vote des électeurs de sa circonscription. Pour convoquer ce référendum révocatoire, un nombre de citoyens inscrits dans sa circonscription, égal au minimum au quart du nombre de voix que cet élu a obtenues lors de son élection, devront demander ce référendum. Pour s’assurer très sérieusement que l’élu n’a pas respecté ses engagements électoraux, on pourrait faire appel à une institution de citoyens tirés au sort qui étudierait le respect de ses engagements, par exemple la Chambre des citoyens.

9. Mandat impératif

Certains types d’élus pourront avoir un mandat impératif sur certains points. Un conseil de citoyens tirés au sort nationalement, par exemple la Chambre des citoyens, sera chargé de contrôler le respect par les élus de ces mandats impératifs. Ces contrôles seront réguliers ou sur réclamation d’un pourcentage des électeurs inscrits dans sa circonscription.

Représentation nationale des citoyens

10. Mandat de sept ans pour le président de la République ou compétence réduite

Si le principe d’un président de la République chef de l’exécutif est maintenu, son mandat doit être de sept ans. L’élection des députés deux ans après l’élection du président de la République permettait d’envoyer un signal positif ou négatif au président de la République concernant sa politique. Cela participait donc à faire entendre la voix du peuple.

Cependant, un seul chef de gouvernement devrait suffire, c’est-à-dire un premier ministre. Dans ce cas, le président de la République ne devrait qu’être le garant des institutions (sans être chef de l’exécutif) comme dans la plupart des pays.

11. Créer des Conventions de citoyens

Il s’agit de constituer des groupes temporaires de citoyens auxquels on confie la mission ponctuelle de s’informer, de délibérer et d’aviser sur un sujet controversé. Ces groupes temporaires d’une vingtaine de personnes sont choisis aléatoirement par un organisme de sondage, tout en respectant la diversité de la population (en âge, sexe, catégorie professionnelle, etc.), mais en excluant tout spécialiste de la question traitée. Ils sont formés pendant quelques jours par des spécialistes aux compétences et positions variées, choisis par un comité de pilotage pluriel puis par eux-mêmes. Ils ne sont pas rémunérés mais indemnisés de leurs frais.

Après délibération, la Convention de citoyens donne un avis sur le sujet qui lui a été confié puis elle est dissoute. Cet avis doit recevoir une réponse décisionnelle argumentée.

Les Conventions de citoyens peuvent être créés dans le cadre d’une initiative citoyenne, par toute assemblée élue ou par la Chambre des citoyens dont elles constituent l’outil principal dans la résolution des controverses.

12. Remplacer le Sénat par une Chambre des citoyens

Cela consiste à remplacer le Sénat par exemple par une « Chambre des citoyens » composée de 200 citoyens ordinaires tirés au sort de telle sorte qu’ils constituent un échantillon de diversité maximale et le plus représentatif possible des opinions des 53 millions de citoyens adultes.

Leur mandat serait court, un ou deux ans par exemple, et non renouvelable. Un congé correspondant serait prévu pour les salariés, avec garantie de retrouver leur poste à leur retour. Ils ne jouiraient d’aucun avantage particulier, l’État leur garantissant simplement un revenu égal à celui qu’ils avaient auparavant et assumant tous les frais relatifs à l’exercice de leur fonction. Ils seraient dans l’obligation de dénoncer toute tentative de lobbying sur leur personne, sous peine d’être exclus de la Chambre.

Une des fonctions de cette chambre serait l’organisation de Conventions de citoyens sur les sujets faisant l’objet de controverse.

La Chambre des citoyens jouerait un rôle comparable à celui du Sénat : elle se prononcerait sur toutes les lois votées par l’Assemblée nationale qu’elle pourrait approuver, amender ou rejeter en bloc, le dernier mot restant à l’Assemblée nationale. Néanmoins, si la Chambre des citoyens estimait que le désaccord avec l’Assemblée nationale est particulièrement grave, elle aurait le pouvoir de suspendre la loi, de créer une Convention de citoyens ad hoc et de provoquer un référendum.

Justice

13. Garantir l’indépendance de la Justice

Le transfert de la tutelle de la Police judiciaire du ministère de l’intérieur au ministère de la justice semble une solution simple et judicieuse.

Les magistrats du parquet, c’est-à-dire les magistrats qui sont chargés de requérir l’application de la loi et de conduire l’action pénale au nom des intérêts de la société, sont actuellement nommés par le ministre de la Justice – le fait du prince, et ne peuvent agir sans l’accord de leur supérieur hiérarchique avec, au sommet de cette hiérarchie, le ministre de la Justice. Ils dépendent donc totalement du gouvernement, situation régulièrement dénoncée par la Cour européenne des droits de l’homme (qui ne dépend pas de l’Union européenne mais du Conseil de l’Europe).

Pourquoi ne pas avoir recours pour leur nomination au tirage au sort parmi les inscrits au tableau d’avancement, peut-être avec une condition d’ancienneté dans ce tableau, minimale (pour éviter les coups de chance insolents) et maximale (pour que les malchanceux ne soient pas privés d’une évolution) ?

Les procureurs et juges doivent être nommés par une instance indépendante des pouvoirs législatif et exécutif.

Presse

14. Créer un pôle de presse citoyenne

Pour en finir avec une presse contrôlée par une dizaine de milliardaires ou par le pouvoir et pour garantir le droit des citoyens d’accéder facilement à une information pluraliste et contradictoire d’une part et d’autre part de soumettre au débat public analyses, questions et propositions, des médias honnêtes et pluralistes sont nécessaires.

Une solution serait de créer un service public de l’information et de la culture, regroupant des organes de presse. L’affiliation y serait libre (les journalistes concernés ne sont pas des fonctionnaires) ; elle n’imposerait aux organes de presse affiliés que le respect de règles déontologiques comme ceux de la Charte de Munich et l’obligation d’élire eux-mêmes leurs cadres dirigeants. Ce service public de l’information et de la culture devrait s’adosser à deux formes de propriété : un secteur public, émancipé de l’État, et un secteur associatif.

Son financement serait assuré, en sus de la vente de leurs productions et des dons fortement limités, par une source de financement publique mais non étatique, qui pourrait être décidée périodiquement par les citoyens ou constitutionnalisée. Le service public de l’information et de la culture serait administré par un Conseil national des médias qui formerait un quatrième pouvoir constitutionnel, composé par exemple majoritairement de citoyens tirés au sort et secondairement d’élus des salariés des médias.

Le contrôle du respect de la déontologie journalistique serait du ressort d’un Conseil de déontologie de la presse, comme il en existe dans la majorité des pays européens.

Paix civile et libertés

15. Pour en finir avec une conception répressive de l’ordre public

Les forces de l’ordre ont le monopole de la violence. En contrepartie, elles doivent être irréprochables. Elles doivent aussi respecter et même favoriser les libertés fondamentales garanties par la Constitution, notamment d’expression, de manifestation, de réunion et d’association.

Voici des propositions pour un changement d’état d’esprit dans l’exercice de la profession de policier :

  Demande à l’exécutif de suspendre et au législatif d’interdire l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) et des grenades de désencerclement.

  Pas d’interpellations arbitraires, dites "préventives".

  Abandon des contrôles d’identité au faciès (suspension par l’exécutif et vote d’une loi) qui se pratiquent partout, dans les gares autant que dans les quartiers populaires.

  Sanction effective, rapide et proportionnée des dérives policières (dites « bavures ») et enquête judiciaire sur tout décès survenant dans le cadre d’une action de la police.

  Mise en débat des conclusions des enquêtes parlementaires et judiciaires concernant l’affaire Benalla. Sanctions administratives et pénales s’il y a lieu. Formalisation (loi ?) de l’interdiction effective des polices parallèles et privées.

  Abrogation de la loi de sécurité intérieure d’octobre 2017 qui banalise de nombreux aspects du dispositif d’État d’urgence au prétexte d’actes terroristes.

  Organisation de plaintes collectives en justice, pour mise en danger de la vie d’autrui, violation des droits des mineurs et violation du code de déontologie de la police et de la gendarmerie.

  Respect des libertés constitutionnelles telles que la liberté de manifester, et retrait du projet de loi "visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs" conduisant de fait à restreindre la liberté de manifester.

Conclusion : une constituante ?

Les propositions ébauchées ci-dessus forment ensemble une véritable remise à plat de notre système politique, même si elles n’épuisent pas le sujet. S’il est possible et légitime de modifier l’actuelle constitution sur tel ou tel point par un simple référendum, il n’est pas souhaitable pour définir un mode de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple de traiter l’ensemble des propositions indépendamment les unes des autres. Cela appelle une réflexion globale et donc une constituante qui a pour tâche la rédaction d’un projet de constitution, c’est-à-dire d’un projet de texte fondamental d’organisation des pouvoirs publics du pays.

Une constituante de doit pas être une assemblée d’hommes et de femmes politiques aidés de quelques spécialistes. En effet une constitution écrite par le personnel politique ne pourra qu’être au service du personnel politique, quoiqu’en dise ce dernier. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui doivent écrire des projets de constitution, en bénéficiant d’éclairages extérieurs, de constitutionnalistes entre autres. Les conventions de citoyens qui permettent un débat approfondi entre simples citoyens seraient d’une grande aide.

De multiples débats et ateliers constituants sont nécessaires, pour que le plus grand nombre de citoyens participent à cette écriture. La synthèse des propositions devant déboucher sur un projet de constitution ne peut être réalisée que par une assemblée constituante qui pourrait réunir des citoyens tirés au sort. Et le projet doit être ensuite accepté ou rejeté par référendum. En cas de rejet, le processus constituant doit continuer.