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Couper des forêts pour assurer la transition énergétique, c’est aggraver le changement climatique.

lundi 19 août 2024, par Daniel Hofnung

Parmi les mesures annoncées pour diminuer l’usage de combustibles fossiles et aller vers la transition énergétique plusieurs ont un effet totalement opposé au but recherché.

Pour installer des capteurs solaires photovoltaïques, plusieurs projets prévoient de couper à blanc des centaines d’hectares de forêts. Reporterre avait identifié dans un article de 2022 deux mégaprojets de 3.000 hectares dont 1.700 hectares de forêts, et 82 plus petits projets, totalisant aussi 1.700 hectares de forêts, soit en tout 3.400 hectares de forêts coupées à blanc. Les deux mégaprojets sont tous deux dans la forêt landaise, l’un sur 1 000 hectares de forêt, à Saucats, l’autre le parc des Landes de Gascogne, dans le Lot-et-Garonne, sur 2 000 hectares, dont 700 de forêts.
La très grosse majorité des projets est dans le sud-ouest et la sud-est de la France, emplacements où le réchauffement climatique s’accroît et où les événements climatiques violents se multiplient.

Un projet a amené une forte mobilisation militante de la part du collectif Elzéard, Lure en résistance : sur la montagne de Lure (près de Sisteron) 200 hectares de capteurs solaires sont déjà installés, et 1.000 hectares sont prévus dans la chaîne montagneuse des Préalpes, où treize Zones à Défendre ont été mises en place par le collectif. Des sites, comme celui de Revest saint Martin, sont au cœur de la Réserve de Biosphère Luberon-Lure de l’Unesco.

Alors que la forêt joue, avec l’évapotranspiration des arbres, un rôle de rafraîchissement climatique, les capteurs solaires créeront un flux de chaleur sensible et un réchauffement de l’air au dessus d’eux.

Une autre menace plane sur les forêts : la fabrication du « e-kérosène » pour les avions. Le volet BioTJet du projet E-CHO prévoit de produire 75.000 tonnes de e-kérosène pour l’aviation. Un autre volet du projet prévoit de produire 200.000 tonnes de méthanol pour le transport maritime décarbonné qui nécessiteront 300.000 m³ de biomasse forestière sèche : des déchets de bois sont mis en avant, mais des coupes forestières dans un rayon de 200 km sont aussi prévues. Le troisième volet du projet prévoit de prélever 8 millions de m³ d’eau par an dans le gave de Pau, pour fabriquer 72.000 tonnes d’hydrogène par électrolyse, pouvant mener à la disparition de l’eau du gave l’été. Le collectif TPMF-PLC (Touche Pas à Ma Forêt – Pour Le Climat), regroupant 65 organisations environnementales, syndicales et paysannes de tout le quart Sud-Ouest s’est formé pour lutter contre le projet E-CHO, qui prévoit des usines autour de Lacq par la société Elyse Énergie.

La forêt joue un rôle régulateur du climat. Des exemples de restauration du cycle de l’eau en captant et stockant l’eau de pluie pour remplir les nappes phréatiques et développer la végétation, en Inde ou en Slovaquie, montrent le rôle joué par les plantes et par la forêt, qui diminuent localement la température. À l’opposé moins de végétation et de forêts, plus d’espaces artificialisés, c’est plus d’événements climatiques violents et plus de réchauffement.

Les causes locales du changement climatique avaient été étudiées par Milan Milan à la fin des années 70 pour l’Organisation Météorologique Mondiale. Elles ont peu à peu été ignorées, seul le réchauffement global dû aux gaz à effet de serre étant pris en compte. Les solutions locales au changement climatique, mises en avant avec succès en Inde, doivent nous amener à prendre en compte à l’opposé l’effet destructeur du climat joué par la déforestation.

Le Sud-est de la France est aussi une zone où sont concentrées de nombreuses centrales nucléaires en particulier sur le Rhône. Elles réchauffent l’environnement, surtout les rivières, où les circuits de refroidissement s’alimentent. 31 % de l’eau consommée en France sert au refroidissement des centrales nucléaires et est rejetée plus chaude dans l’environnement. Avec un autre procédé, une faible partie est évaporée dans des tours aéro-réfrigérantes qui réchauffent l’air et vaporisent la vapeur d’eau. Le rendement d’un réacteur nucléaire n’étant que de 32 % en moyenne, c’est plus de deux fois la puissance cumulée du parc nucléaire qui doit être évacuée dans l’environnement. L’incidence climatique n’en a pas été étudiée, mais elle pose question.

Des programmes aidés par l’État prévoient la coupe de forêts pour permettre l’abandon des énergies fossiles et la transition vers une énergie décarbonnée. Mais en apportant une solution sur le plan énergétique, ils créent un problème autrement grave, tant au niveau de la destruction de l’environnement, qu’au niveau du changement climatique. On l’augmente en détruisant la forêt, facteur essentiel de la régulation du climat et de son rafraîchissement.

Ces projets de déforestation justifiés par la transition énergétique sont en même temps des projets gravement climaticides. Ils sont aussi une grave menace pour notre environnement.

Ils doivent être stoppés et les contrats avec les sociétés qui les réalisent résiliés.