Accueil > Groupe Discriminations-Démocratie > Mobilisations anti-racistes > Axe démocratique : bilan de la mandature et perspectives

Axe démocratique : bilan de la mandature et perspectives

vendredi 29 avril 2016, par Martine Boudet

L’actualité révèle sans fard la dure réalité, celle de la conjonction de forces réactionnaires voire obscurantistes à l’échelle internationale.

I- Des obstacles à la recomposition des forces progressistes (bilan géo-politique)

C’est bien connu, l’UE est devenue un champ clos de confrontation entre extrêmes-droites nationalistes et xénophobes et djihadisme terroriste, les vagues de migrations venues du Moyen Orient (Syrie…) devenant également un repoussoir en Europe centrale et de l’Est. La récente élection présidentielle en Autriche (1) confirme la conquête progressive du pouvoir d’Etat par les forces extrémistes, déjà présentes en Hongrie, en France où le FN est devenue la première organisation politique depuis les européennes de 2014.
Cette lame de fond traverse les Amériques, le sort du monde étant d’une certaine manière conditionné à la prochaine élection présidentielle aux USA, pour laquelle concourt le candidat Trump (2). Autre élément de sidération, qui nous vient du Brésil (3) avec une tentative inédite de coup d’Etat institutionnel, et qui fait suite à la réaction vénézuelienne, suite à l’embellie démocratique connue par les pays latino-américains à la faveur de l’unification continentale à l’encontre des forces impérialistes.
« Stratégie du choc », « choc des civilisations », ces mots ne sont pas trop forts pour caractériser les conflits ouverts à l’échelle (inter)nationale, instrumentalisés en période de crise systémique par les oligarchies régnantes.
Dans ce contexte, la France confirme son statut de 2e puissance exportatrice d’armes de guerre, renforcée l’expérience acquise dans les OPEX dans la dernière période (4). «  Souvent remis en cause, le concept d’impérialisme est essentiel à notre compréhension du monde. Loin d’être une lubie conspirationniste, ou encore un synonyme du colonialisme, il comporte des dimensions politique, économique et sociale. Il faut comprendre l’impérialisme comme l’expression politique des impératifs de l’accumulation du capital. À travers ce concept, [se dessine] un tableau saisissant de la France d’aujourd’hui : une industrie exsangue et un faible potentiel d’expansion, compensées par une politique ultra-belliciste, néocoloniale, appuyée par de grands groupes stratégiques (armement, nucléaire, pétrole). Cette « économie politique de la Ve République » permet d’articuler État et capital de façon résolument dialectique. » (5)
Des peuples de l’Europe du sud résistent à cet engrenage en fonction des moyens politiques du bord, que ce soit en Grèce, qui préfére actuellement le modèle de Syriza à celui d’Aube dorée malgré des difficultés décuplées par la gestion de la troïka, en Espagne (6) où Podemos s’impose comme force alternative depuis les municipales de 2015 ou au Portugal (7) . Comme quoi les cultures nationales, que les peuples valorisent et optimisent dans leur combat contre l’adversité, leur permettent de ne pas succomber aux sirènes du populisme extrémiste ou de la sinistrose.
Comment contribuer en France à la recomposition des forces progressistes ?

II- De l’importance de l’axe démocratique

Le principe de constitution d’une commission Démocratie a été acté aux Assises de Lille (janvier 2016), préparatoires à l’AG d’Attac. Cela constitue une avancée intéressante : comment la mettre en œuvre effectivement, spécialement dans un contexte de mobilisation contre la loi du travail et de pré-campagne pour les présidentielles de 2017 ?
Au-delà de la question des modalités institutionnelles à mettre en œuvre -si importantes soient ces questions au demeurant pour l’avenir du pays, telles que traitées notamment dans le cadre de la mobilisation Nuit debout-, ce qui importe c’est l’adaptation à la nouvelle donne, c’est le suivi d’une éducation populaire en temps de désorientation concernant repères et valeurs socio-politiques. Car il s’agit de tenir sur la durée, à contre-courant des involutions précitées.
La lutte spécifique contre les discriminations (8), de quelque nature qu’elles soient, s’inscrit dans une société qui se fragmente sous le poids d’inégalités socio-économiques grandissantes et d’une précarité généralisée, qui tend à faire régner le "tous contre tous" (9). Si ce sont les citoyens appartenant aux catégories les plus vulnérables -les femmes, les catégories populaires, les minorités ethniques, les jeunes...- qui peuvent être discriminés, ceux qui les défendent, des militants du mouvement social par exemple, peuvent l’être également, par un effet de "contamination" (effet domino).
A l’origine de nombreuses discriminations, il y a l’autoritarisme étatique, qui s’avère le modèle canonique du système général de domination, dans l’entreprise par exemple. Il se manifeste par des violences administratives accrues à l’encontre d’enseignants, de personnels d’éducation et de fonctionnaires, des violences policières et judiciaires à l’encontre d’étudiants et lycéens (qui se mobilisent pour le retrait de la loi du travail)....Ces phénomènes conjugués manifestent le refus de l’oligarchie au pouvoir de démocratiser les institutions et de réhabiliter les services publics. Cette fin de cycle de la 5e République se traduit par une inversion de la donne par rapport au mouvement de mai 68 par exemple, avec une violence d’Etat assumée sans complexe par un gouvernement dit de gauche et démultiplié à l’encontre de représentants de la génération montante, en lutte pour une autre société.
Dans ces conditions (celles d’une répression indifférenciée à l’égard de « ce qui bouge »), la lutte contre les discriminations s’avère nécessaire pour retisser des liens sociaux, pour sortir des citoyen-n-es et travailleurs-euses de l’isolement et/ou de la démobilisation (l’individualisme atomisant) dans lesquels ils peuvent être enfermés, et pour reconstituer un corps social, de fait malade. Activer des solidarités concrètes à l’égard de victimes de ces états de faits contribue à recréer des dynamiques humanistes et à retrouver chemin faisant la voie de l’unité sur des objectifs généraux.

III- Lutte contre les racismes et solidarité internationaliste

La lutte contre les racismes est l’une des formes principales du combat anti-discriminatoire. Un amendement sur les questions anti-racistes, largement cosigné, notamment par le comité local Attac Paris Centre (réuni le 9 janvier 2016) et le groupe Démocratie-réelle-discriminations, a été intégré au rapport d’orientation :
" La résistance multiforme passe encore par le combat anti-raciste qui exige une rupture tant avec l’ordre sécuritaire sélectif (discriminations) orchestré par les pouvoirs publics qu’avec la montée du repli sur soi et du nationalisme xénophobe dans la population. Ce combat pourrait être renforcé par l’instauration de la citoyenneté de résidence et du droit de vote des étrangers. D’une manière générale, le combat anti-raciste est nécessaire au développement de l’altermondialisme. "
Dans cet ordre d’idées, deux préconisations discutées sur les listes semblent à retenir pour les textes programmatiques de la commission Démocratie :
- le droit de vote pour les citoyens non communautaires, notamment aux élections locales
- une égalité de traitement des dossiers par la police et la justice (refus du "délit de faciés").

A titre de contre-exemple, le peu de traitement de la question raciale -le peu d’intégration de la diaspora noire- apparaît comme l’une des causes de la crise politique au Brésil (10). Le peuple de gauche, maintenu dans le cadre étroit des questions socio-économiques, se retrouve en ordre dispersé face aux forces de la réaction, issue quant à elles d’une longue histoire de prédation (post) esclavagiste. En France et en Europe, de même, la montée des extrêmes-droites est liée à la question non encore résolue de l’harmonisation des relations intercommunautaires. De l’intérêt stratégique, dans ces conditions, de solidariser les forces antiracistes, actuellement isolées à la mesure de la ghettoïsation des quartiers populaires, avec le mouvement social. Le renoncement du gouvernement à inscrire in fine la déchéance de la nationalité dans la Constitution est un signe fort des perspectives de réussite à cet égard.

Au plan organisationnel, le réseau des CADTM du Nord et du Sud (11), né en Belgique, est un bel exemple des possibles au niveau des Attac du monde. A noter que les sections africaines adoptent souvent le double statut Attac-CADTM , s’inscrivant ainsi dans une double dynamique, à la fois anti-libérale et anti-impérialiste.
--------------------
Pour conclure, pour la réalisation des objectifs de la commission Démocratie, il serait intéressant, entre autres conditions, de
-constituer une équipe d’animation mixte et reflétant la diversité des spécialités représentées
-constituer un blog pour la publication et l’archivage des documents de travail et contributions collectives et individuelles.
-s’inscrire dans l’actualité en mobilisant l’opinion et en participant à des campagnes en faveur de la démocratisation, notamment par l’abrogation de l’état d’urgence et en faveur du respect des libertés d’expression et d’organisation. Par exemple, en poursuivant la collaboration au sein du collectif contre l’état d’urgence (12) et dans le cadre de la journée contre la répression à Saint-Denis (4 mai 2016). Avec a minima un relais de campagnes d’opinion (témoignages, pétitions, rencontres....) auprès des adhérents et des CL, et une défense de dossiers de victimes de la répression policière et judiciaire...Cela en complément du travail fait sur les questions institutionnelles.

Martine BOUDET membre du CA


Notes
(1) Présidentielle en Autriche : un « tsunami » de l’extrême droite au premier tour (Libération, 25 avril 2016) http://www.liberation.fr/planete/2016/04/25/presidentielle-en-autriche-un-tsunami-de-l-extreme-droite-au-premier-tour_1448428

(2) Donald Trump, président des Etats-Unis : à quoi faut-il nous attendre ? Le Figaro, Par Jonathan Mann le 02/03/2016 http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/03/02/31002-20160302ARTFIG00144-donald-trump-president-des-etats-unis-a-quoi-faut-il-nous-attendre.php

(3) Le Brésil : un pays à la dérive juridique ? 25 avr. 2016 Par Marilza de Melo Foucher
https://blogs.mediapart.fr/marilza-de-melo-foucher/blog/250416/le-bresil-un-pays-la-derive-juridique

(4) En 2015, le montant des exportations françaises d’armements a atteint 16 milliards d’euros Posté dans Industrie par Laurent Lagneau Le 19-01-2016 http://www.opex360.com/2016/01/19/en-2015-le-montant-des-exportations-francaises-darmements-atteint-16-milliards-deuros/

(5) Qui s’intéresse encore à l’impérialisme français ? Entretien avec Claude Serfati
http://revueperiode.net/qui-sinteresse-encore-a-limperialisme-francais-entretien-avec-claude-serfati

(6) Espagne : les sympathisants de Podemos rejettent l’accord PSOE-Ciudadanos
https://www.mediapart.fr/journal/international/180416/espagne-les-sympathisants-de-podemos-rejettent-l-accord-psoe-ciudadanos

(7) Un vent d’avril au Portugal, Arthur Porto (27 avril 2016)
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/270416/un-vent-davril-au-portugal

(8) Blog et pad du groupe Démocratie-Discriminations (Commission Démocratie)
https://blogs.attac.org/groupe-discriminations-democratie/
https://pad.attac.org/p/democratie-reelle|discriminations

(9)Aux éditions Utopia, De quoi l’effondrement est-il le nom ? La fragmentation du monde de Renaud Duterme (2016).
https://editionutopia.wordpress.com/2016/03/22/de-quoi-leffondrement-est-il-le-nom-la-fragmentation-du-monde/
L’auteur replace les différentes " crises " financière, économique, écologique, climatique, sociale, démocratique, identitaire, politique dans une réalité d’ensemble où l’effondrement civilisationnel s’annonce comme probable et oblige à rechercher les bases d’un nouveau système plus juste et plus durable.

(10) Brésil : bienvenue au pays du racisme cordial (Jeune Afrique) http://www.jeuneafrique.com/32807/politique/br-sil-bienvenue-au-pays-du-racisme-cordial/
https://www.monde-diplomatique.fr/1996/11/HAZARD/5882

(11) Le réseau CADTM tient son assemblée générale mondiale à Tunis (26 au 30 avril 2016) http://cadtm.org/Le-reseau-CADTM-tient-son

(12) https://etatdurgence.fr/
http://www.nousnecederonspas.org/
http://www.associations-citoyennes.net/?p=7050