Accueil > Commission démocratie > Situations non démocratiques > Choisir la pleine démocratie, combattre sa destruction !

Choisir la pleine démocratie, combattre sa destruction !

par des membres de l’Espace de travail Démocratie d’Attac

mardi 8 octobre 2024, par Alain Mouetaux, Christian Delarue, Eliane Cesarin Mayoussier, Jacques Testart, Jean-Luc Picard-Bachelerie, Jean-Michel Toulouse, Margaret Méchin, Martine Boudet, Martine Monier, Monique Demare, Robert Joumard

Notre espace démocratique est sous tension . De multiples questions surgissent, sociales, écologiques, mais nous sentons bien qu’elles butent désormais contre un mur infranchissable (pour exemples la réforme des retraites et, quoique sur un mode différent, les mégabassines (1). Ce mur porte un nom : la crise de la démocratie. D’où la question : doit-on renforcer plus encore le pouvoir présidentiel ou, au contraire, réanimer notre vie démocratique par plus de pouvoirs citoyens ?

Depuis 1958, naissance de notre constitution, mais surtout depuis 2023, nous sommes confrontés à une crise qui débouche sur deux lourdes tendances contradictoires : opter pour un pouvoir centralisé mais fragile démocratiquement, et trop présidentiel, ou, au contraire, investir dans un enrichissement authentique de notre démocratie ? Le moment est venu d’agir pour construire un avenir où le pouvoir et la participation vont de pair !

Notre choix, à Attac France (2), est depuis longtemps, de faire progresser la démocratie, de démocratiser (3), et corrélativement de diminuer tout pouvoir autoritaire et/ou arbitraire (dans la gestion des conflits sociaux).

I - Un césarisme représentatif grandissant !

Le mode représentatif actuel montre que nombre d’élites essaient de donner à la démocratie le visage du césarisme (ou bonapartisme assimilé à un pouvoir concentré entre les mains d’un homme fort, charismatique, appuyé par le peuple) (4). Quant au peuple dont sa souveraineté est transférée à ses représentants, il cherche à conserver le peu de pouvoir dont il dispose encore, sinon en regagner un peu.

Le mode représentatif est le système dominant de notre démocratie telle qu’elle existe : une démocratie de plus en plus réduite à des traficotages constitutionnels. La « crise démocratique » actuelle montre un écart grandissant entre les élites qui cherchent à enlever le pouvoir aux citoyens et les citoyens eux-mêmes qui potentiellement veulent reprendre ce pouvoir. En d’autres termes, il y a un conflit entre le pouvoir (kratos) et le peuple (demos).

Or il est essentiel d’avoir plus de participation citoyenne. Les citoyens ne doivent pas rester passifs entre les élections. Actuellement, les moyens d’intervenir entre les élections sont très limités : les citoyens sont réduits au rapport de force par manifestations de rue de plus en plus réprimées, tandis que les parlementaires votent des lois, peuvent censurer le gouvernement par le jeu d’alliances incertaines. Ils peuvent aussi destituer le président.

À côté des outils démocratiques, il existe des mesures de l’exécutif qui sont des contraintes contre les représentants des électeurs, comme le passage en force d’une loi (article 49.3), les ordonnances (article 38), l’élimination des amendements de l’opposition, et le vote bloqué (article 44.3). Le référendum est contrôlé par le Président et le gouvernement, et si le résultat ne leur plaît pas, ils peuvent passer outre comme ce fut le cas en 2005. Désormais, nous l’avons vu, le président peut même nier le résultat des urnes et donner le pouvoir au groupe parlementaire le plus faible. Ces dispositions constitutionnelles peuvent être considérées comme des abus de pouvoir de l’exécutif.

La dissolution de l’Assemblée nationale (en juin 2024) après un scrutin européen qui n’avait aucune incidence sur la politique nationale, le refus de nommer un Premier ministre du groupe parlementaire le plus important, l’arrêt des institutions pendant deux mois, et l’envoi de lettres plafonds aux ministères sur pour contraindre la politique économique avant même la nomination d’un Premier ministre sont peuvent être considérés comme un déni démocratique, une faute constitutionnelle, voire un coup d’État. Le gouvernement démissionnaire a poussé le détail jusqu’à passer un décret, le 9 juillet, pour suspendre le repos hebdomadaire de certaines activités agricoles, alors qu’il devait se contenter de gérer les affaires courantes.

Un régime représentatif peut être démocratique ou autoritaire, selon les actions pouvoirs de l’exécutif et ce qu’il en fait. La Constitution de la Ve République est un régime présidentiel qui n’a fait que se renforcer. Macron utilise les méthodes autoritaires du néolibéralisme avec son gouvernement bis des cabinets-conseils : au lieu d’avancer vers plus de démocratie, il la fait reculer.

II - Une Ve République clivée par les inégalités

Nous devrions vivre dans une République pour tous et toutes, une République libre, égalitaire et solidaire, mais Emmanuel Macron divise profondément la société en favorisant les riches (concentration des dividendes dans le 1%), et en libérant les entreprises des contraintes de leur responsabilité sociale et environnementale. Cette politique inégalitaire a pour conséquence non seulement d’affliger les plus faibles (exonération des cotisations patronales pour les faibles salaires) mais aussi de frapper l’ensemble du monde du travail par diverses formes de précarité. En outre, cette politique encourage la concurrence entre les individus. À eux de s’adapter ou de s’éliminer ! L’égalité est oubliée ! L’égalité est même niée par l’extrême droite en passe de prendre le pouvoir...

Le régime de Macron est autoritaire, césariste et antirépublicain. Il nie le peuple, le divise et empêche le vote des parlementaires. Il s’appuie sur la forme actuelle de la Constitution de la 5e République, modifiée dans sa forme depuis son adoption initiale et qui laisse les mains libres à l’exécutif avec un président déclaré irresponsable. Aucun chef d’un État dit démocratique n’a un tel pouvoir.

III - Une autre République est possible et nécessaire !

La Ve République est parvenue à son terme. C’était inéluctable : elle contient en elle, les ferments de la démocrature (5) ; ce mal autoritaire voire dictatorial qui se diffuse partout sous couvert d’élections et de votations. Il faut que cela cesse. Nous devons franchir ce mur que cette constitution a dressé entre l’exécutif et les citoyens.

Il ne s’agit donc plus de réformer cette constitution devenue nocive. Il s’agit d’en changer pour que le peuple puisse exercer sa souveraineté, ne serait-ce que par le contrôle de ses élus qu’il doit pouvoir révoquer. Mais la démocratie peut aller au-delà en permettant aux citoyens de proposer des référendums eux-mêmes (RIC - cf 6), d’utiliser les mécanismes des assemblées citoyennes et des conventions citoyennes. Le peuple a montré en 2005 qu’il savait s’intéresser à des sujets complexes, lors du référendum sur le traité européen. Les citoyens ont aussi démontré dans les conventions citoyennes dont les experts ont dit y voir des conclusions d’experts alors même que les citoyens la composant sont tirés au sort.

Aux représentants qui ont trop souvent montré qu’ils représentaient d’autres intérêts que ceux du peuple, affirmons que, nous, peuple de France, sommes capables de prendre notre destin en main.

Notes :

1) Retraites et mega-bassines : crise démocratique, un diagnostic philosophique sur Radio France. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/reforme-des-retraites-mega-bassines-diagnostic-philosophique-d-une-crise-democratique-2020517

2) ATTAC France et pas que « l’Espace de travail Démocratie » (dite communément « Commission Démocratie »)

3) Pour les membres d’« ATTAC Démocratie » une « démocratisation de notre démocratie césariste est nécessaire » : Lire « Pour un autre démocratie, une autre constitution » (automne 2023) : https://france.attac.org/nos-idees/etendre-et-approfondir-la-democratie/article/pour-une-autre-democratie-une-autre-constitution ; ou https://blogs.mediapart.fr/amitie-entre-les-peuples/blog/081023/pour-une-autre-democratie-une-autre-constitution

4) Césarisme (ou bonapartisme - terme proche) lire notre dernier texte : « Contre un césarisme antidémocratique, une constituante ». https://blogs.attac.org/commission-democratie/outils-de-la-democratie/article/contre-un-cesarisme-antidemocratique-une-constituante ; ou https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/070924/contre-un-cesarisme-antidemocratique-une-constituante

5) D comme Démocrature. https://blogs.mediapart.fr/edition/abecedaire-citoyen-du-club-2024/article/100924/d-comme-democrature

6) Sur le RIC : https://france.attac.org/nos-idees/etendre-et-approfondir-la-democratie/article/les-enjeux-democratiques-actuels-le-ric-referendum-d-initiative-citoyenne