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Un "toxic tour" à Santa Cruz
dimanche 17 juin 2012, par
Samedi à midi le toxic tour a embarqué ses 30 passagers dans un bus, toxic car les organisateurs nous emmenaient rencontrer des communautés sur des sites très affectés par les pollutions industrielles.
Le départ s’est fait symboliquement devant la Banque nationale de développement économique et social qui investit dans de grands projets désastreux pour les populations locales et pour l’environnement. La BNDES est une banque qui investit au Brésil, et dans toute l’Amérique Latine … une banque qui investit dans l’opacité totale sur ses projets, protégée en cela par des accords diplomatiques, le seul moyen de récupérer des informations étant de le faire auprès des populations concernées.
Après une bonne heure de route, nous arrivons dans la ville de Santa Cruz, petite ville très pauvre et nous découvrons que tous les toits des maisons sont recouverts de tôles en amiante. Soudainement, juste après des maisons, la route s’arrête, on se trouve face à une grille et à des policiers, seulement un petit portail pour passer à pied ou en vélo, pas possible de passer en voiture. Pourquoi ? Nous sommes sur le site de l’usine qui s’est approprié la route, espace public, obligeant ainsi les habitants à faire un grand détour pour aller vers le village voisin. Ce passage est gardé par des policiers privés, avertis qu’un bus avec des « extrémistes » allait venir et que les ouvriers devaient faire attention.
Là où la route s’arrête, l’histoire de la tragédie locale commence.
C’est l’usine CSA (Compania Siderurgica de Atlantico), en fonctionnement depuis juin 2010 : elle appartient au groupe allemand Thyssen Krupp (Alfred Krupp était ministre de la guerre sous Hitler, condamné par le tribunal de Nuremberg). Vale, une des premières industries minières du monde, est actionnaire à 30%.
L’usine est installée sur une superficie immense et comporte 3 sites :
– l’usine sidérurgique, la plus importante d’Amérique latine, produit 10 millions de tonnes de palques d’acier par an,
– l’usine thermoélectrique qui produit 490MW d’électricité, usine alimentée par 4 millions de tonnes de charbon provenant de Colombie
– un port avec 2 terminaux : un pont d’accès de 4 km et une jetée de 700m à travers l’océan.
Cette usine est contigüe avec la ville qui compte environ 20.000 habitants.
Les habitants nous ont reçu dans la salle communale, décorée avec leurs affiches et slogans de manifestation tels que « nos poumons ne sont pas les filtres de la CSA, et les résidus où vont-ils ? ». Des militants de Mais democracia, Pacs et Justica global étaient venus les aider à préparer la rencontre.
Des échanges ont eu lieu en petits groupes avec habitants, pêcheurs et un professeur de l’université (spécialiste des algues) et les participants au toxic tous : des brésiliens, français, étatsusiennes, argentine ainsi que des étudiants pour les traductions.
Très rapidement, tous regroupés en cercle, les témoignages se croisent en brésilien, en anglais, en espagnol.
Plusieurs habitants prennent la parole.
– La pêche : les poissons sont contaminés par les métaux lourds (cadmium, zinc) : les poissons disparaissent, mettant en difficulté les familes qui vivaient de la pêche, plus moyen de nourrir la famille.
– L’emploi : Alors que l’usine emploie 3.000 personnes, les habitants ne sont que 200 à avoir pu y trouver un emploi.
– La santé : Les habitants sont déjà affectés par les contaminations industrielles et les maladies respiratoires sont déjà à un stade avancé chez quelques uns.
Les participants du toxic tour
– Nora, la mère de la place de mai, argentine, les encourage à poursuivre la lutte sans relâche affirmant vous devez vous battre, lutter, toujours lutter, occuper la rue
– Naeema, militante de Grassroots Global Justice de Caroline du nord témoigne de plusieurs luttes dans des communautés proches de chez elle, leur affirme tout son soutien, propose de l’aide, les invitant à faire connaître dans un maximum de lieux, de réseaux leur lutte et à dénoncer cette entreprise « Plus vous vous taisez, plus on vous écrase ».
Cette force transmise par les militantes étatsunienne et argentine répondait en partie au désespoir justifié des pêcheurs et habitants malades qui, retrouvant force et sourire, ont échangé adresses et contacts afin de poursuivre les échanges.
En conclusion, les habitants de Santa Cruz connaissent parfaitement la réponse à la question « A qui profite le développement du Brésil ? » certainement pas aux populations décimées par les grands projets industriels (y compris ceux avec investissements d’Etat), certainement pas à la sauvegarde des activités vivrières locales, mais certainement aux actionnaires des grandes entreprises telles que Krupp, qui empochent de larges bénéfices sur le dos des travailleurs et de la population locale.