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Occupation du Sambodrome

vendredi 22 juin 2012, par Thomas Spindler

Situé a plusieurs kilomètres de l’Aterro do Flamengo où se déroule le Sommet des Peuples, le Sambadrome ne sert habituellement qu’une fois par an, pour accueillir les festivités du fameux carnaval de Rio. Edifice de 700 mètres de long, d’une capacité de 90 000 places, le Sambadrome accueille aujourd’hui plus de 8000 militants en lutte qui ont convergé vers la capitale carioca pour le Sommet des Peuples. La plupart des individus dorment à même la dalle de béton, un petit tiers ayant eu la clairvoyance d’amener une tente de fortune.

La première moitié de l’espace, haute en couleurs, est reservées aux peuples indigènes, soit environ 2000 personnes ; l’autre moitié aux multiples délégations de la Via Campesina. Le campement est très marqué par la jeunesse militante de la Via Campesina.

La cohabitation entre ces deux grandes communautés se fait globalement en bonne intelligence ; les objectifs politiques sont proches, imbriqués et s’inscrivent dans la même logique de défense des biens communs, de lutte contre la marchandisation des ressources naturelles et de militance pour des réformes sociales et agraires. Mais au dela de ces points de convergence, subsistent quelques difficultés d’entente. Les militants de la Via Campesina reprochent aux indigènes leur "incapacité" d’organisation, leur manque de discipline militante dans l’organisation d´évènements collectifs et de convergences des luttes en particulier.

Les indigènes viennent a Rio dans un esprit combatif ; on le serait à moins au regard des menaces qui pèsent sur leurs territoires. Quelques-uns, touchés dans leur fierté, s’insurgent d´être parqués "comme des chiens". C’est une minorité. Leurs journées sont rythmées par la participation au sommet des peuples, suivre les ateliers et plénières mais aussi vendre les nombreux fruits de leur artisanat. Le soir, quelques danses et palabres "entre hommes" en cercle.

Deux remarques viennent a l’esprit du militant européen invité tout à fait par hasard à partager ces quelques jours de campement. Premièrement, d’un point de vue pratique, la question de l’hygiéne commence à devenir problématique, et il est temps que les foules se dispersent. Une centaine de douches et de toilettes mobiles sont disponibles pour tout ce monde... très certainement insuffisant pour accueillir des milliers de personnes ! Les autres problèmes rencontrés par l’organisation sont principalement posés par la consommation d’alcool, en particulier dans les communautés indigènes, où la cachaça fait des ravages.

Deuxièmement, et de manière moins anecdotique, les questions politiques se font nombreuses. La nourriture est le seul élément directement pris en charge par les organisations militantes d’un point de vue financier. Le transport, l´hébergement, la sécurité sont pris en charge par les pouvoirs publics brésiliens, qu’il s’agisse des Etats, de la municipalité de Rio ou du gouvernement fédéral, pour un coût forcément considérable. Que de duplicité de la part du Brésil ! D’un coté un détricotage en cours du code forestier, une réforme agraire (pourtant inscrite dans le programme du PT) qui ne voit pas le jour, le soutien au développement de la monoculture d’exportation, le syphonnage du texte en cours de discussion par les Nations unies,... et de l’autre, le ménagement des mouvements sociaux, des facilitations considérables pour le Sommet des Peuples d’un point de vue financier et organisationnel.

On peut dire, sans trop se tromper, que les pouvoirs publics n’avaient guère le choix de s’y plier, sauf à voir le mouvement social submerger la ville et dégrader une image qui ne saurait l’être pour des raisons politiques, touristiques, etc. Quoiqu’il en soit, le regroupement de ces centaines de militants crée une ambiance véritablement chaleureuse, ponctuée de chants et slogans politques repris en coeur, de jour comme de nuit. Une vraie bouffée d’air frais.