Accueil > Paix et mutations > Course aux armements : il faut en finir !

Course aux armements : il faut en finir !

une nouvelle étape dans la lutte pour le désarmement nucléaire

lundi 3 juin 2013, par Daniel Hofnung

Les différents pays du monde, après la fin de la « guerre froide » et la disparition du bloc soviétique, avaient vu leurs dépenses d’armement décroître pendant une dizaine d’années, jusqu’en 1998.

Situation bénéfique pour les peuples (environ 1/3 de dépenses militaires mondiales en moins en 1998 par rapport à 1988) mais dramatique pour le lobby militaro-industriel des différents pays : nous savons tous que les multinationales n’aiment qu’une situation, la croissance des armements, et que la décroissance leur sied mal.

Heureusement pour elles, le regain des tensions, puis l’arrivée des conservateurs au pouvoir aux USA avec G.W. Bush et le début de l’époque de la « guerre contre le terrorisme » après les attentats du 11 septembre 2001 ont permis le retour de leur situation préférée : il y avait enfin un ennemi, et les Etats allaient pouvoir rivaliser et jouer à celui qui serait le mieux armé, et donc « faire marcher le commerce » des armes.

Notre pays vit sur un non-dit : celui du budget militaire et de la dissuasion nucléaire. C’est ce qu’on ne discute pas, c’est ce qui va de soi.

A quoi sert la dissuasion nucléaire, imaginée à l’époque de la lutte entre deux blocs surarmés, dans une lutte contre le terrorisme ? Qui dissuader quand l’ennemi n’est pas clairement localisé, quand il n’est pas rattaché en règle générale à un pays ?

L’idée est venue, dans l’évolution des concepts stratégiques, que la frappe nucléaire pourrait être faite en premier par un pays nucléaire pour en dissuader un autre, qui le menacerait ou serait suspecté de chercher à se doter « d’armes de destruction massive ». A-t-on bien mesuré ce que signifierait l’usage de cette arme, en la faisant passer du statut de menace qu’on ne peut pas utiliser (car si on le fait on s’expose au pire) au statut d’arme possible ? A-t-on mesuré les conséquences pour l’humanité toute entière de l’usage d’une telle arme, dont les versions actuelles sont bien plus
puissantes et destructrices que les bombes d’Hiroshima et Nagasaki, qui ont eu les effets que l’on sait ?

Notre époque est marquée par la contradiction entre et la nécessité pour le capitalisme de faire croître indéfiniment le volume du marché pour préserver l’accumulation de ses profits et l’épuisement des ressources naturelles. L’emprise des marchés financiers ne fait que renforcer ce cycle de croissance indéfinie.

Mais l’épuisement des ressources naturelles est déjà là, et le moment d’une rupture se profile tant sur les matières premières (métaux...) que sur l’énergie. La dernière prospective du « Club de Rome » nous donne une vingtaine d’années au plus de répit. La mainmise sur les ressources naturelles et leur contrôle devient essentielle pour les tenants du système en place. Ce n’est pas un hasard si elle entre maintenant dans les missions de l’OTAN, organisation créée à l’époque de la guerre froide, qui avec la fin de celle-ci comme l’arme atomique aurait dû ne plus avoir d’objet, mais que la « guerre contre le terrorisme » a revigorée et justifiée à nouveau.

Le terrorisme et la nécessité d’assurer la « sécurité au niveau de l’approvisionnement en énergie » peuvent « enfin » (pour le lobby des marchands d’armes) servir à justifier auprès des politiques un renouveau de la course aux armements, même en période de crise.

Les différents gouvernements qui se succèdent assurent, avec des nuances, la poursuite de la même logique. Ils s’y sentent en quelque sorte « obligés ».

Derrière, il y a ce mensonge : les gouvernements parlent de « défense nationale » ou de « sécurité », et ce qu’ils font réellement, c’est consacrer sans cesse de nouveaux crédits à la réalisation d’armes nouvelles et à la course aux armements.

Le cas du nucléaire est particulièrement significatif : un traité - le Traité de Non Prolifération nucléaire - a été signé par tous les pays du monde, sauf trois (ceux qui ont eu l’arme nucléaire après la conclusion du traité mais avant son entrée en vigueur : Pakistan, Inde, Israël). Ce traité indique à son article 6 que les pays s’engagent à « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».

Ont-ils cessé depuis la course aux armements ? Non, au contraire, ils la mènent avec constance.

Négocient-ils le désarmement ? Non, même la conférence sur la création d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient, qu’ils avaient pourtant en 2010 décidé de tenir en 2012, a été repoussée

Par contre, la France remplace ses missiles nucléaires par des missiles de plus grande portée et à têtes multiples guidées indépendamment, elle a remplacé ses sous marins nucléaires par des sous-marins de nouvelle génération, les Etats-Unis préparent le remplacement de leurs missiles intercontinentaux et de leurs Minuteman III, remplacent et modernisent leurs têtes nucléaires, la Russie prépare un nouveau missile intercontinental « lourd » et un nouveau missile de croisière, pendant que l’Inde, le Pakistan et Israël développent et déploient leurs armes...

N’est-il pas temps de sortir de cette logique mortifère, à un moment où le monde est plongé dans une profonde crise économique, où l’austérité est imposée aux peuples, mais où, en Grèce, pays d’Europe où les dépenses militaires sont les plus importantes proportionnellement au PNB, le seul budget qui échappe à l’austérité est celui des armes (il faut bien payer les fournisseurs, Dassault et Siemens) ?

Plusieurs pays d’Europe ont demandé le départ des armes nucléaires de l’OTAN : Allemagne, Pays-Bas, et plus récemment l’Italie. Sans résultat, évidemment.

L’assemblée générale de l’ONU a voté plusieurs fois, avec un nombre de voix croissant d’année en année, pour une Convention de désarmement nucléaire multilatéral (146 voix en 2010) : les Etats nucléaires s’y opposent en majorité (USA, Russie, France, Grande-Bretagne, Israël) et, même favorables, ils continuent la course aux armements comme si de rien n’était.

Il est temps d’arrêter de dilapider dans la logique mortifère de l’armement les ressources qu’on refuse aux peuples étranglés par l’austérité.

Il faut engager un processus vertueux de désarmement, dans lequel des mesures prises par certains pays développera la confiance et la progression vers l’avant.

Une pression des peuples, des pays décidés à en finir avec la logique où un petit nombre de pays impose son choix à tous les autres est nécessaire.

La société civile, la large majorité des pays ont pu imposer l’interdiction des armes chimiques et celle des mines anti personnelles.

Il est grand temps de passer maintenant à l’interdiction de l’arme qui peut rayer de la carte l’humanité toute entière : l’arme nucléaire. C’est le sens de la campagne de « désarmement humanitaire » qui est lancée par plusieurs organisations de la société civile, des gouvernements et organisations internationales.(1)


(1) Coordination ICAN-France (pour l’Abolition de l’Arme Nucléaire), Handicap International, Human Right Watch, ICBL-CMC(contre les mines anti-personnelles), Croix Rouge Internationale, gouvernements de Norvège, de Suisse et d’Autriche, Vatican en Europe, plus une dizaine d’autres pays sur les divers continents du monde.