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Paix civile et démocratisation des relations (inter)nationales

Martine BOUDET (Eléments de programme altermondialiste)

mercredi 1er avril 2015, par Groupe Société-Cultures

Les événements de janvier 2015 à Paris constituent, de l’avis général, un point de non-retour. Quels enseignements tirer de cette séquence ? Quels éléments programmatiques seraient susceptibles de résorber la crise (géo)politique et de promouvoir les principes altermondialistes ?

Le refus du peuple grec de la politique de l’UE montre l’exemple : il s’agit de constituer un front cohérent à la politique belliciste d’union euro-nationale, qui instrumentalise actuellement la question terroriste et verrouille, ce faisant, toute perspective d’évolution des relations Nord-Sud.

I- Crise (géo) politique et mobilisations populaires

Les attentats djihadistes ont conclu une période de crise géo et socio-politique, manifeste depuis le début du quinquennat du socialiste F Hollande mais dont les prémisses datent de l’ère sarkozyenne, inaugurée avec la crise financière des subprimes en 2008. Aventurisme populiste puis gestion social-libérale des affaires publiques, tels sont les volets respectifs de ces mandats en matière de politique intérieure, et qui, l’un et l’autre, ont attiré la réprobation de l’opinion, par leur échec global à résoudre les problèmes posés par la crise systémique.
Les attentats menés contre le journal Charlie Hebdo et le super marché casher rompent avec ce continuum, les enjeux géo-politiques liés aux relations Nord-Sud s’imposant dans le débat public avec une force symbolique et politique démultipliée. Etant menés par des délinquants issus des banlieues et originaires respectivement du Maghreb et du Mali, ils interpellent sur la situation particulière des citoyens des quartiers populaires et multi-ethniques (2) . A bien des égards, le peu de réponses apportées par les pouvoirs publics comme du mouvement associatif et citoyen aux émeutes de 2005, émeutes alors sans contenu religieux et d’une gravité à la mesure des souffrances et privations, explique la montée en puissance d’un courant djihadiste, apte à structurer les révoltes juvéniles. Cette contre-idéologie, de type réactionnel, gagne du terrain en France, en phase avec l’essor de forces obscurantistes solidement implantées voire institutionnalisées dans le monde musulman au Moyen Orient (Syrie, Irak...) et désormais en Afrique subsaharienne (nord du Mali, du Nigéria, du Cameroun…). La nature a horreur du vide, dit-on : depuis le reflux des pouvoirs (dans les pays de l’est) et contre-pouvoirs (en Occident) d’inspiration marxienne, les relations internationales sont alimentées par un dialogue de sourds entre impérialisme euro-occidental et islamisme terroriste. Depuis les attentats de Manhattan en 2001, s’aiguisent les crispations identitaires de toutes parts, comme le manifeste la montée des extrémismes populistes voire fascisants en France et dans l’UE : FN promu premier parti de France aux élections européennes de 2014, Pegida apparaissant comme un nouvel acteur en Allemagne….
De même que le récent discrédit porté à l’égard de cette alliance islamophobe (3), le FN est ressorti momentanément affaibli de cette période qui, pourtant est censée apporter de l’eau à son moulin. La manifestation parisienne du 11 janvier 2015 traduit l’aspiration majoritaire au refus des amalgames et à un meilleur vivre ensemble. Au-delà de la défense de cet acquis historique qu’est la liberté de conscience et d’expression, a été exprimée une puissante volonté collective de revivifier les valeurs de la République à la lumière des défis actuels.
A partir des cultures politiques de l’Europe du Sud, la progression de forces progressistes, Syriza en Grèce, qui a su s’imposer face à Aube Dorée, et Podemos en Espagne, montre la voie : il est possible dans une Union européenne pourtant corsetée sur un plan institutionnel et économique, de faire valoir des programmes alternatifs. Même chose à l’échelle des pays d’Afrique : l’évolution constitutionnelle en Tunisie et l’expulsion du dictateur françafricain au Burkina-Fasa constituent des sources d’espoir à alimenter, du côté des printemps arabes et des mobilisations africaines en faveur de la démocratie et de la souveraineté nationale.

II-Programme gouvernemental en contexte
Il ne faudrait pas qu’en France, au nom de stratégies politiciennes et électoralistes, « l’esprit du 11 janvier » soit récupéré par les instances dirigeantes, en une « union sacrée » qui communierait dans la défense des seuls intérêts euro-nationaux et mènerait une « guerre contre le terrorisme », alimentant de manière irresponsable le choc des civilisations .(4)
Qu’en est-il dans les faits ? Le programme gouvernemental est double, portant sur le renforcement à la fois des secteurs régaliens, -armée, police, justice – et éducationnels, avec le renforcement de l’enseignement de la morale laïque et citoyenne et des valeurs républicaines.
Pas moins de trois milliards doivent être levés pour assurer cette guerre contre « l’ennemi intérieur/extérieur », cela dans un contexte d’austérité budgétaire maintenu à l’encontre des besoins sociaux, parfois les plus urgents et d’ordre humanitaire (budgets alloués aux chômeurs, aux sans abri et sans papiers…). Ce premier volet de réaction gouvernementale est par ailleurs ouvertement attentatoire aux libertés et droits des citoyens non conformes à la pensée unique du moment : « En témoignent les récentes et parfois très lourdes condamnations pour apologie de terrorisme prononcées contre plusieurs personnes jugées en comparution immédiate alors que certaines d’entre elles étaient sous l’emprise de l’alcool et que d’autres souffraient de troubles psychologiques. Sans oublier la procédure engagée contre une mineure de 14 ans. De là les mises en garde du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France et d’Amnesty International qui dénoncent une justice expéditive et liberticide rendue possible par la loi du 13 novembre 2014 présentée par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. » (5)
Ce volet s’inscrit dans une dynamique européenne et occidentale concertée qui, par son militarisme « sécuritaire », ne fait qu’attiser les tensions identitaires de part et d’autre (6). Ses deux pôles de projection sont le sionisme grandement responsable de la mort de milliers de victimes civiles à Gaza, territoire palestinien, dans l’indifférence de la communauté internationale en juillet 2014, et la françafrique qui orchestre des conflits militaires à répétition, notamment en Côte d’Ivoire en 2010 et en Libye en 2011 (7) . Combattre l’irrationnel de l’idéologie anti-complotiste ne doit pas occulter la réalité d’un impérialisme occidental coalisé à travers les institutions militaires -8- (OTAN), économiques (FMI, Banque mondiale, Union européenne qui impose actuellement en Afrique occidentale des Accords de partenariat économique drastiques, G8… ), diplomatiques (Conseil de sécurité de l’ONU), judiciaires (tribunal pénal international de la Haye où ne sont mis en procès que des dirigeants du Sud, en l’absence de leurs mentors du Nord), médiatique (le cyber-espace et les médias audiovisuels étant régis par les firmes et Etats du Nord, le traitement quasi unilatéral de l’information s’apparente à des formes d‘espionnage à l’égard des pays non occidentaux). Cet ordre mondial néo-libéral, en l’absence de contrepoids idéologique et institutionnel suffisant à l’échelle (inter)nationale, est grandement responsable des passifs occasionnés : quasi destruction d’Etats nationaux (l’Irak, la Syrie, la Lybie, le Centrafrique…) et d’économies (les APE imposés aux pays d’Afrique de l’ouest s’ajoutant aux PAS à l’initiative du FMI et de la Banque mondiale des années 90), crises alimentaires et sanitaires se surajoutant dans des pays laminés dans l’un ou l’autre des secteurs précités (la Sierra Leone, le Libéria, la Guinée, pays victimes de l’épidémie d’ébola, qui fait suite à celle du sida), des centaines de milliers de victimes de ces conflits parasites….
"Sachant que tout texte s’inscrit dans un contexte, comment ne pas s’interroger sur le fait que, depuis plus d’un an, tant de soldats français sont présents en Afrique pour « combattre contre les djihadistes », alors même qu’aucun débat public sérieux n’a eu lieu en France sur l’utilité où les dommages de ces interventions militaires ? Le gendarme colonialiste d’hier, qui porte une responsabilité incontestable dans l’héritage chaotique des frontières et des régimes, est aujourd’hui « rappelé » pour réinstaurer le « droit » à l’aide de sa force de gendarmerie néocoloniale. Avec le gendarme américain, responsable de l’énorme destruction en Irak, sans en avoir jamais émis le moindre regret, il participe aux bombardements des bases de « daesch ». Allié aux dirigeants saoudiens « éclairés », et à d’autres chauds partisans de la « liberté d’expression » au Moyen-Orient, il préserve les frontières du partage illogique qu’il a imposées, il y a un siècle, selon ses intérêts impérialistes. Il est appelé pour bombarder ceux qui menacent les précieux puits de pétrole dont il consomme le produit, sans comprendre que, ce faisant, il invite le risque de la terreur au sein de la métropole." (9)

En guise de riposte, il reste à faire jouer les contradictions entre les discours et les actes : comment, par exemple, prétendre mener une « guerre au terrorisme » et entretenir les relations les plus étroites avec l’Arabie saoudite (10) et un Etat voyou, le Qatar, connu pour financer des forces djihadistes et corrompre dans la foulée les plus hauts dirigeants sous nos cieux ? (11) Par ailleurs, pour éviter l’instrumentalisation sous forme de repoussoir de la question de l’immigration par les droites et la gauche social-libérale, et l’occultation proportionnelle d’intérêts nationaux survalorisés dans les politiques actuelles de « coopération », il semble important de corréler plus systématiquement ces deux secteurs de politique intérieure et internationale. Les citoyens et militants seront ainsi plus informés et conscients des possibilités de leur réhabilitation interactive, et de résolution, ce faisant, des problèmes de (co-)développement qui se posent aux peuples du Nord comme du Sud, en fait.

Le second volet du programme gouvernemental concerne le renforcement de l’éducation à une citoyenneté laïque et aux valeurs républicaines (12) . Ces acquis précieux pour le vivre ensemble avec nos différences religieuses et culturelles ne doivent pas être un prétexte à mettre le couvercle sur les légitimes aspirations à la diversification culturelle, notamment dans l’Education nationale. Un épisode malheureux a été précédemment celui de « l’identité nationale », dont le ministère reliait cette problématique à celle de la régulation des flux migratoires. Tout aussi éphémère a été l’épisode des rapports rendus pour « la refondation de la politique d’intégration » (13) , sous le gouvernement Ayrault. La laïcité ne peut se résumer en une dogmatique abstraite ou ethnocentrée (14), la République se nourrissant des acquis et expériences religieuses, linguistico-culturelles et sociétales des différentes communautés, celles des régions historiques, des Dom-Tom et des banlieues, véritables territoires-mondes (15). A défaut d’une conception ouverte de cet ordre, la part régalienne, autoritaire-sécuritaire, s’impose dans le jeu éducationnel, et ce de manière inadmissible actuellement : sous le couvert de la juridiction anti-terroriste, création d’un délit de « blasphème laïc » à l’égard des symboles républicains (drapeau et autres rites…), de délit de pensée et d’expression imposé à des mineurs… . Cette imposition est de toute manière contre-performante à l’égard du climat de violences scolaires qui, dans un contexte adulte de confusions et agressions en tous genres, parasitent trop souvent l’exercice des enseignants et des personnels d’éducation. Est inquiétante à cet égard la crise de recrutement de ces personnels, en dépit du fort chômage qui touche les milieux juvéniles et estudiantins.
« Unité dans la diversité », telle est la devise européenne. Sur la base du constat de la multiculturalité de fait de la société française et des publics scolaires, et cela à plusieurs degrés, les objectifs de « démocratie inclusive », d’ « interculturalité », de « francophonie progressiste et des peuples » gagneraient à être largement promus. Est-il normal que l’enseignement de la littérature francophone, programmé dans la loi de réforme pour les lycées en 2001, n’ait pas jusqu’à présent été mis en œuvre ? Un exemple de ces possibilités évolutives, le film "Les héritiers", subventionné par l’ACSE : les phénomènes d’échec et de violence vécus dans une classe de banlieue (Clichy) y sont traités sous un angle interculturel dans le temps et dans l’espace. L’EN gagnerait à s’ouvrir davantage à ses environnements territoriaux : par exemple, la gestion des REP (qui remplacent les ZEP) ne peut se suffire d’une politique de moyens, il reste à préciser les moyens pédagogiques et didactiques à mettre en œuvre (16). Au-delà, ce qu’il s’agit de réguler à travers cet humanisme démocratique revisité, c’est « le « choc des civilisations » (…) qui passe à l’intérieur de chaque société. Il oppose un modèle centré sur la croissance économique à tout prix et un modèle centré sur « le développement humain » ». (17)
« Les liens historiques entre l’Occident et le monde musulman sont mis à mal. Alors que le futur de l’humanité dépend en partie de cette relation, le vrai dialogue multilatéral, pour construire ensemble un monde moins chaotique, juste, fraternel, existe peu. L’immobilisme des uns et l’arrogance des autres mènent à l’abîme. » (18)
Une laïcité ouverte doit pouvoir dialoguer avec des représentants progressistes des religions et sagesses. A ce dispositif s’ajoute la gestion des langues-cultures : faut-il en rester à une conception assimilationniste et jacobine, à l’Université et à l’Ecole en particulier ? (19) Les mesures ministérielles précitées ne répondent pas à cette problématique, notamment concernant l’enseignement de l’arabe.
En fait, il serait intéressant de passer à une deuxième étape de décentralisation, suite à celle des régions historiques et des Dom-Tom en 1981. Dans ce cas, il s’agit de libérer l’expression à partir des territoires-mondes que sont les banlieues et quartiers populaires. Un exemple réussi de cette possibilité est le courant de la créolité dans les Antilles françaises et à la Réunion, courant qui alimente une littérature créative mais encore peu enseignée dans l’hexagone (voir les oeuvres d’Edouard Glissant, de Patrick Chamoiseau...).
D’un dialogue des cultures plus largement institué, dépend l’avenir d’une authentique francophonie des peuples (20). Les objectifs de réforme portées par les printemps arabes en seraient également renforcés :
« Je vois en toi, ô monde musulman, des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de trouver une vie spirituelle pour le XXIe siècle ! Il y a en toi en effet, malgré la gravité de ta maladie, malgré l’étendue des ombres d’obscurantisme qui veulent te recouvrir tout entier, une multitude extraordinaire de femmes et d’hommes qui sont prêts à réformer l’islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l’humanité entretenait jusque-là avec ses dieux ! " (21)
Cette réorientation éducationnelle d’ordre anthropologique et géo-culturel doit être accompagnée d’une politique en amont du même ordre, sur le plan des médias publics : est-il normal qu’au 21e siècle, l’actu métropolitaine réservée aux Dom-Tom soit le plus souvent limitée aux incidents climatiques ? Et que, sous un gouvernement dit de gauche, les relations Afrique-France soient encore l’objet d’un interdit d’antenne ?
Pour conclure, s’impose, dans cette période-carrefour, un examen rigoureux de la nature de l’Etat national, dans l’objectif de sa démocratisation et de la pacification, ce faisant, des relations inter-communautaires et internationales. Le nationalisme et l’union sacrée contre un ennemi extérieur-intérieur sont des exutoires commodes, des leviers manipulés par des équipes dirigeantes acculées par les événements et/ou les effets de leur propre politique (22). Les réactions virulentes observées dans des pays islamiques pourtant proches (Niger, Sénégal -23-…) incitent tous les protagonistes à faire preuve d’un sens accru des responsabilités. C’est en combattant le volet impérialiste-centraliste-unitariste de l’Etat français, en solidarité avec les composantes progressistes des peuples et diasporas des suds et de l’UE, que le mouvement associatif et citoyen valorisera la part authentiquement sociale et progressiste de la République. De l’issue favorable de cette confrontation, de la nécessaire recomposition idéologique du peuple français, découlera un possible regain de sa composante sociale, nécessaires aux équilibres géo-culturels et géo-politiques. Plutôt que d’en faire les bouffons du roi, ce serait rendre ainsi un authentique hommage aux journalistes et artistes tués au siège de Charlie Hebdo, et qui ont combattu, à travers leurs textes et œuvres, pour tout ou partie de ces principes.

III- Pistes de programme altermondialiste
Les attentats perpétrés également dans l’hyper marché casher ont révélé l’ampleur des fractures au sein du peuple, avec la montée inquiétante de l’islamophobie, d’une manière générale de la xénophobie et en réaction, du communautarisme intégriste et de l’antisémitisme. Concernant la relégation d’une fraction importante de la population des quartiers, le premier ministre va jusqu’à parler d’ « apartheid territorial » ; le racisme et l’antisémitisme sont promus « grande cause nationale pour l’année 2015 ».
« Problème : notre faiblesse et l’affaiblissement général du mouvement ouvrier dans ses centres historiques – en particulier l’Europe. La mondialisation capitaliste plonge nos sociétés dans une spirale sans fin de crises sociales. La précarisation s’étend et prend des formes dramatiques. Ni la « gauche de la gauche » ni les syndicats ne sont à même d’offrir une réponse radicale à ces attaques radicales du capital mondialisé. Dans ces conditions, les fondamentalismes (de toutes religions) et les nouvelles extrêmes droites (xénophobes et racistes) peuvent prétendre occuper le terrain idéologique de la radicalité. Nous avons besoin d’un front international de résistance antifasciste, anti-fondamentaliste large ; mais aussi d’une gauche militante capable d’offrir une alternative radicale au capitalisme. Pour se faire, cette gauche doit être enracinée au sein des populations frappées par la précarité. Ce n’est aujourd’hui pas le cas ; et c’est l’un de nos talons d’Achille. » (24)
Il est dans la vocation d’Attac de contribuer à retisser des liens entre le mouvement associatif et syndical et les organisations et collectifs agissant dans les quartiers populaires (25). Une démarche fédératrice de cet ordre serait cohérente avec l’objectif de laboratoire démocratique et la mission d’éducation populaire et altermondialiste que s’est donnée ATTAC. En interne, il serait dommageable que la composition d’ATTAC reste similaire à celle de l’Assemblée nationale : 2 à 3% de minorités visibles, mais aussi 27% de femmes et à peine 10% d’employés et d’ouvriers. Il serait bienvenu de déceler les obstacles qui freinent la diversification des profils militants, en engageant une véritable réflexion sur l’inclusion des minorités visibles (citoyens des Dom-Tom ou originaires de l’immigration) mais aussi des femmes, des jeunes et des catégories populaires, aux différents échelons.
Pour ce faire, le programme anti-libéral (promu principalement sur un axe Est-Ouest) nécessite d’être accompagné d’un programme authentiquement altermondialiste, notamment sur l’axe Nord-Sud. Au plan des savoirs, il serait intéressant de compléter l’exercice en (macro)économie et écologie avec une expertise dans les domaines géo-culturel et stratégique. Au plan de la philosophie politique, est-il légitime que les libertés et acquis sociaux des citoyens franco-occidentaux continuent à prévaloir sur le destin de peuples entiers ?
Les éléments de programme altermondialiste qui suivent –et dont la liste n’est pas exhaustive- pourraient être proposés au débat avec les acteurs des mouvements sociaux et citoyens, ici et là-bas, notamment au FSM de Tunis. La volte-face progressiste opérée par le peuple espagnol suite aux attentats du 11 mars 2004 à Madrid (expulsion de l’équipe libérale d’Aznar du pouvoir et retrait de son armée d’Irak) montre que, malgré les déterminismes, il est toujours possible de réorienter le cours des choses. Cela dit, à la différence de l’Espagne et de la Grèce, en France, pays à forte composante impérialiste, il importe de déconstruire les relations néo-coloniales, comme sources de dérive oligarchique et d’obscurantisme politique. C’est une condition sine qua non au décrochage du peuple à l’égard d’une double composante partidaire antagonique -le système UMPS et le FN-, au désamorçage de l’unanimisme euro-nationaliste et bonapartiste, et à la transformation de l’essai populaire de réhabilitation des valeurs républicaines.

A- Au plan des relations internationales
-la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire concernant le bilan des relations de la France avec les pays d’Afrique subsaharienne et les Etats du moyen Orient (Qatar, Arabie saoudite -26-….) : demande renouvelée de parlementaires d’ouvrir une commission d’enquête en France portant sur le rôle, la mission et la responsabilité des forces françaises (principalement Licorne) dans la crise politique en Côte d’Ivoire (27)
 le contrôle médiatique et parlementaire de la politique militaire, sous l’angle des opérations extérieures (OPEX) et du renseignement ; la réduction significative de leurs budgets au profit des budgets sociaux
 le conditionnement par le gouvernement Valls du maintien de la coopération avec ses homologues au respect des droits de l’homme et de l’opposition politique dans les pays appartenant à notre champ d’action (28)
 le traitement effectif par la justice de tous les dossiers impliquant des crimes et délits commis par des acteurs de l’oligarchie politico-financière française, du lobby militaro-industriel et de l’énergie (29)
 le non remboursement des dettes illégitimes contractées par les membres de ces différentes oligarchies dans la gestion de ces secteurs (cf affaires du crédit Lyonnais, Areva….)

B- Au plan des politiques de coopération, d’immigration et d’intégration :
 corréler plus systématiquement les politiques de coopération et d’immigration, dans l’objectif de la résolution des problèmes de (co-)développement inhérents à ces politiques et de l’information des citoyens sur ce double enjeu
-activer la feuille de route gouvernementale en matière de politique de la ville et d’intégration (30)
 réaliser la promesse présidentielle d’un débat parlementaire sur l’obtention du droit de vote aux élections municipales et locales, pour les résidents non européens

C- Au plan des droits démocratiques en France
 l’arrêt de la législation d’exception concernant notamment un pseudo délit de « blasphème laïc » (attentatoire aux symboles et rites républicains) et d’expression pour les mineurs scolarisés

D- Aux plans médiatique, culturel et éducationnel :
 le libre accès des citoyens français aux médias extra-métropolitains : RFI/France 24 (chaîne française internationale), France Ô (média des Dom-Tom)
 la libre diffusion sur les médias publics et d’Etat des informations concernant les relations Afrique-France et les Dom-Tom
 le contrôle démocratique de la politique francophone et la promotion d’un dialogue des cultures équitable dans ce cadre
 l’accroissement de l’enseignement de l’arabe à l’Ecole
 la promotion des littératures comparée et francophone, de l’anthropologie culturelle et de la sémiologie...


(1) Martine Boudet, Consensus nationaliste et néocolonial, la rupture
http://www.humanite.fr/consensus-nationaliste-et-neocolonial-la-rupture-568907

La mobilisation antiraciste ne manque pas de perspectives d’avenir en France 
http://www.humanite.fr/societe/la-mobilisation-antiraciste-ne-manque-pas-de-persp-555234

(2) Adda Bekkouche, Sur quels terreaux, le terrorisme se développe-t-il ? L’Humanité http://www.humanite.fr/sur-quels-terreaux-le-terrorisme-se-developpe-t-il-562791

(3) http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2015/01/23/pegida-decapite-place-aux-citoyens

(4)Alain Gresh, « Ces pelés, ces galeux... » Charlie, je ne veux voir dépasser aucune tête
http://blog.mondediplo.net/2015-01-19-Charlie-je-ne-veux-voir-depasser-aucune-tete

(5) Olivier Le Cour Grandmaison, Après les attentats : le triomphe du parti de l’ordre http://blogs.mediapart.fr/blog/olivier-le-cour-grandmaison/240115/apres-les-attentats-le-triomphe-du-parti-de-l-ordre

(6) Mireille Fanon-Mendes-France, Les Libertés démocratiques et la justice sociale contre le terrorisme et l’autoritarisme sécuritaire http://frantzfanonfoundation-fondationfrantzfanon.com/article2269.html

Claude Calame, Attentats des 7/8/9 janvier : quel islamisme ? quels enjeux ? http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-calame/200115/attentats-des-789-janvier-quel-islamisme-quels-enjeux

Front de gauche : Non à la guerre de civilisation, non à l’union nationale !
https://www.ensemble-fdg.org/content/non-la-guerre-de-civilisation-non-lunion-nationale
Sortir du colonialisme http://anticolonial.net/spip.php?rubrique132

(7) Survie, Charlie Hebdo : vigilance face aux dérives sécuritaires menées au nom de la guerre contre le terrorisme http://survie.org/francafrique/article/charlie-hebdo-vigilance-face-aux-4854

Michel Cuny, Armement, finance internationale et guerre : la troïka infernale http://www.micheljcunysitegeneral.sitew.fr/
Bernard Dreano, Sauve qui peut ? La militarisation, la guerre et la sécurité des humains au début du XXIe siècle

(9) Schlomo Sand : «  Je ne suis pas Charlie » http://www.ujfp.org/spip.php?article3768

(10) Alexis Varende, "Qui manipule l’organisation de l’État islamique ? (Le jeu trouble des émirats du golfe et de la Turquie)"
http://orientxxi.info/magazine/qui-manipule-l-organisation-de-l,0801

(11) Vanessa Ratignier et Pierre Péan, « Une France sous influence. Quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu », éd. Fayard, septembre 2014.
Livre explosif sur les relations consternantes entre le Qatar et Sarkozy http://www.mac123.net/vusurlessites/?p=4447

(12) http://www.education.gouv.fr/cid85644/onze-mesures-pour-une-grande-mobilisation-ecole-pour-les-valeurs-republique.html

(13) Thierry Tuot, Rapport sur la refondation des politiques d’intégration (7 févr. 2013). http://www.la-croix.com/Actualite/France/Rapport-sur-la-refondation-des-politiques-d-integration-de-fevrier-2013-_NG_-2013-02-07-908585

(14) Pierre Tevanian, Une révolution conservatrice dans la laïcité, http://lmsi.net/Une-revolution-conservatrice-dans

Etienne Balibar, Saeculum. Culture, religion, idéologie, Galilée, coll. « la philosophie en effet », 2012 http://lectures.revues.org/9962

(15) Pierre Khalfa et Gustave Massiah, Mettons la laïcité au service de l’intégration et non de la stigmatisation http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/15/mettons-la-laicite-au-service-de-l-integration-et-non-de-la-stigmatisation_4557343_3232.html#UrEWYmtWLSTwA3wl.99

(16) Marie-Castille Mention-Schaar, Les héritiers (film, 2014)
http://www.telerama.fr/cinema/films/les-heritiers,493631.php
http://aggiornamento.hypotheses.org/2474

(17) Philippe Meirieu, Pour que nos émotions soient vraiment démocratiques !
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/01/16012015Article635569918387973960.aspx

(18) Mustapha Cherif, La responsabilité partagée

(19) Alain Renaut, La France doit faire le choix d’un multiculturalisme tempéré, Le Monde, 15 janvier 2015, pages Débats, https://docs.google.com/file/d/0B07Q7dMNI46_WWlpQWV5SWxDWXc/edit

Alain Touraine, Un nouveau paradigme, 2005, Fayard.

(20) Dominique Wolton, Demain la francophonie- Pour une autre mondialisation, Flammarion, 2006 http://www.wolton.cnrs.fr/spip.php?article22

(21) Abdennour Bidar, Lettre au monde musulman http://quebec.huffingtonpost.ca/abdennour-bidar/lettre-au-monde-musulman_b_5991640.html

(22) Frédéric Lordon, Charlie à tout prix ? http://blog.mondediplo.net/2015-01-13-Charlie-a-tout-prix

Collectif, Non à l’union sacrée http://mobile.lemonde.fr/idees/article/2015/01/15/non-a-l-union-sacree_4557288_3232.html

(23) 1.500 personnes, dont le Premier ministre sénégalais, ont défilé à Dakar contre la caricature de Mahomet en Une de Charlie Hebdo http://www.jeanmarcmorandini.com/article-331891-1500-personnes-dont-le-premier-ministre-senegalais-ont-defile-a-dakar-contre-la-caricature-de-mahomet-en-une-de-charlie-hebdo.html
Burkina Faso : Nouvelle caricature du Prophéte Mahomet - Des manifestants brûlent le drapeau français à Bobo, http://fr.allafrica.com/stories/201501261895.html
Blog de Politis : Le dernier Charlie-Hebdo est une déclaration de guerre
http://www.politis.fr/Le-dernier-Charlie-Hebdo-est-une,29701.html

(24) Pierre Rousset et François Sabado , Charlie Hebdo – Et maintenant ? L’événement, sa portée, ses enjeux , cité in Que faire ? Que faire ? de Samy Johsua
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34100

(25) Mohamed Mechmache, coprésident de la coordination Pas sans nous , « Condamner le massacre, refuser les amalgames »
http://www.leparisien.fr/espace-premium/seine-saint-denis-93/condamner-le-massacre-refuser-les-amalgames-12-01-2015-4438301.php

(26) Parti de gauche, Pas au nom de la France ! https://www.lepartidegauche.fr/actualites/communique/hollande-en-arabie-saoudite-pas-au-nom-la-france-31417
http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Liberte-expression/Actions/Flagelle-en-Arabie-Saoudite-pour-s-etre-exprime-cessons-le-chatiment-de-Raif-Badawi-13862?utm_source=emailing-action&utm_medium=email&utm_campaign=15.01.22-RBADAWI&utm_term=signez-top

(27) http://www.assembleenationale.fr/14/propositions/pion0131.asp (2012)
http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3647.asp (2011)

(28) Comité pour la libération des prisonniers politiques ivoiriens, Femmes en résistance, Inter-Collectif Afrique (ICA), Côte d’Ivoire : il faut que cessent les crimes politiques, avec la complicité du gouvernement français (5 janvier 2015)
https://fraternafrique.wordpress.com/2015/01/05/cote-divoire-il-faut-que-cessent-les-crimes-politiques-avec-la-complicite-du-gouvernement-francais-5-janvier-2015/#more-674

(29) Nebia Bendjebbour, "Affaire Areva : 3 milliards en fumée « (Namibie, la République Centrafricaine et l’Afrique du Sud ) http://teleobs.nouvelobs.com/la-selection-teleobs/20141210.OBS7426/ne-ratez-pas-affaire-areva-3-milliards-en-fumee.html

(30) http://www.ville-et-banlieue.org/egalite-republicaine-et-dintegration-la-feuille-de-route-du-gouvernement-8214.html

Messages

  • Je remercie Martine Boudet et ses co-rédacteurs( trices) pour le travail d’analyses géo-politiques des problèmes actuels internes et externes à la France ainsi que ses propositions d’orientations altermondialistes.
    l’interventionisme militaro-économique ultra-libéral occidental est effectivement au coeur des tensions internationales et nationales que nous vivons, doublé d’une émergence de volonté démocratique effective dans les pays en voix de développement ou néo-colonialisés parmi la population. Les pays développés sauront-ils réagir à temps pour prendre le train d’un avenir plus réjouissant pour tous et moins violent ?
    l’altermondialisme encadrant l’équité des échanges et un humanisme pour tous ainsi que la promotion de l’ autonomie des individus comme des sociétés régionales pourra-t-il devenir l’ alternative de poids pour échapper aux extrémismes idéologiques et rééquilibrer les pouvoirs oligarchiques et financiers nationaux et internationaux avec les pouvoirs démocratiques afin de pacifier les relations internationales et nationales ? Le repli identitaire actuel occidental n’en prend pas forcément le chemin. Sans doute que cette orientation altermondialiste mérite autant d’être renforcée entre le Nord et le Sud qu’entre l’Est et l’Ouest en acceptant le dialogue sans négliger personne. Pour cela, le développement de l’autonomie en sources d’énergie renouvellables existantes locales ( vent, soleil, ...) de chaque pays implique un renforcement démocratique et volontaire pour la maîtrise technique nécessaire ainsi qu’ un partage équitable des richesses. Par conséquent, un contrôle démocratique effectif objectif et impartial sera nécessaire pour pacifier le monde.

  • Merci de ce commentaire, dont je partage les principes et les objectifs.