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Commission Culture : pistes de travail (Emmanuel Leclercq)

jeudi 6 février 2014, par Groupe Société-Cultures

1. Définir clairement la notion de « culture »

Le terme de culture a plusieurs acceptions : au sens large, on peut la définir comme la conscience et l’expression (sous ses diverses formes) d’une ou de plusieurs appartenances, et au sens restreint comme une des manifestations artistiques qui en serait issue.

Les deux acceptions (ainsi que toutes les acceptions intermédiaires) sont certainement justes et devraient toutes deux être prises en considération, mais sans être confondues, sous peine de mener à des malentendus.

Par ailleurs, il apparaît comme essentiel de veiller à ne pas séparer la culture des autres activités humaines, sous peine de tomber dans la conception bourgeoise de la culture, qui la place « au-dessus » de tout. La « Déclaration de Fribourg » de 2007 le dit bien : « Les droits de l’homme sont interdépendants » .

Simone de Beauvoir le relevait à sa manière en écrivant — à propos du film Samedi soir et dimanche matin (Karel Reisz – Grande-Bretagne, 1960) — que « lorsque le travail est aliéné, les loisirs aussi le sont ».

C’est la raison pour laquelle il ne faut pas négliger, dans l’acception du terme, les loisirs et les divertissements.

2. Un état des lieux

À l’exception des enquêtes de l’Insee, bien faites mais sans perspectives concrètes, il existe très peu d’évaluations (tant chiffrées que symboliques) de la démocratisation de la culture. À notre échelle, il conviendrait de dresser un premier état des lieux, partant des exemples passés et présents de démocratisation culturelle véritable (Francis Jeanson, Jean Vilar, quelques autres), et voir dans quelle mesure ils ont coïncidé avec une contestation de l’ordre établi.

3. Cibler les causes de la déficience démocratique

Sans prétendre à l’exhaustivité, on pourrait se baser sur les causes les plus évidentes :

  1. La quasi-absence, en France tout au moins, d’une véritable éducation artistique et culturelle dès la petite enfance, comme en témoigne l’absence de législation contraignante en ce sens ;
  2. Le caractère significativement non-sanctionné des rares dispositions légales internationales sur le sujet (Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations-unies, les excellents textes de l’Unesco, etc.) ;
  3. L’absence systématique d’action structurée vers les « citoyens de la culture », c’est-à-dire pour l’essentiel les « non-publics », pour, d’une part, les conscientiser (comme le préconisait Pierre Bourdieu), et par suite en faire une « catégorie d’action ».

5. Les acteurs possibles pour une réflexion

Attac pourrait organiser une table ronde :

  1. Outre le groupe de Fribourg, quelques chercheurs se sont déjà penchés sur la question, et il faudrait les y associer ;
  2. Plusieurs acteurs culturels de la société civile seraient certainement demandeurs : associations, mouvements d’éducation populaire, syndicats, partis politiques, voire producteurs culturels ;
  3. Au niveau de l’Union européenne : si sa politique culturelle se limite à l’affirmation d’une « diversité culturelle », il faut noter que certains projets culturels financés par l’Union européenne sont audacieux, et qu’associer à la table ronde certains Européens progressistes serait intéressant.

4. La finalité de la culture

Au-delà de ces propositions stratégiques, il faut se pencher sur la finalité de la culture.

La « Déclaration de Fribourg » énonce à ce sujet quelque chose de très important : « Les violations des droits culturels provoquent des tensions et conflits identitaires qui sont une des causes des violences et des guerres  », rejoignant ce que Freud écrivait à Einstein en 1933 : « Toute action en faveur de la culture œuvre en faveur de la paix ».

5. Les moyens

La question des moyens financiers de la culture doit se poser en profondeur et des réponses originales peuvent être trouvées, nonobstant le pessimisme ambiant sur le sujet.

Si la professionnalisation de la culture est une garantie contre son élitisme, son financement n’a jamais fait l’objet de propositions vraiment neuves, les acteurs culturels se limitant à constater la baisse des financements publics en leur faveur. Une analyse budgétaire sérieuse pourrait démontrer que les possibilités de financement public de la culture ne relèvent que de la volonté politique.

Quant au « mécénat participatif », il convient de l’appréhender sans naïveté dans la mesure où il revêt plusieurs formes dont certaines, à examiner de près, sont très éloignées du « mécénat citoyen » que beaucoup de culturels « modestes » appellent à bon droit de leurs vœux.

Emmanuel Leclercq