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Le racisme institutionnel : quelles pistes d’action ? (Mireille Fanon-Mendès France)

mercredi 30 mai 2012, par Groupe Société-Cultures

Le racisme de l’establishment politique français est un fait qui ne se discute pas. Avec l’approfondissement de la crise et la montée du désespoir, le racisme institutionnel prend aujourd’hui un tour dangereusement offensif. Malgré ses dénégations, l’élite politique, qu’elle se proclame de droite ou de gauche, de l’UMP ou du PS, est l’héritière, plus ou moins assumée, de l’idéologie coloniale fondée sur la mission civilisatrice et la hiérarchie des cultures. Il n’y a pas de rupture dans le continuum raciste.

Aujourd’hui, cette élite fondamentalement conservatrice, au-delà de nuances formelles, est confrontée à une très grave crise économique et sociale. Cette élite « de gouvernement », est globalement d’accord sur le maintien de l’ordre racial hiérarchique remis en question par la transformation démographique française et la place dans l’espace public occupée par des populations d’origine non-européenne. Cette contestation de l’ordre raciste n’est pas relayée par les acteurs politiques conventionnels.

Au contraire, il existe un consensus politique contre ces minorités que l’on voudrait confiner à la périphérie des centres urbains, à la périphérie du pouvoir, à la périphérie de l’économie. Dans un contexte d’aggravation de la crise et de préparation d’une agression militaire contre l’Iran, ces populations marginalisées et exclues sont placées au centre d’une surenchère démagogique. Il s’agit, par le martèlement du mensonge et de la diabolisation, de nourrir les diversions et de fabriquer de faux ennemis. Les médias sont réduits de plus en plus ouvertement à une mission de propagande.

De dérapages en aveux candides, la droite « décomplexée » n’hésite plus à reprendre directement le discours de la hiérarchie des civilisations historiquement connotés de la droite nationale-fasciste. Dans ce système, le musulman a bel et bien remplacé le juif.

Mais le paravent le plus utilisé par les élites de pouvoir est celui d’une conception dévoyée de la laïcité républicaine pour stigmatiser, exclure davantage et mettre à l’index des catégories entières de français coupables d’être de religion musulmane et de ne point s’en cacher. La campagne anti-islam n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel d’été, il s’agit d’un développement de la campagne anti-immigrés impulsée par l’extrême-droite dès les années soixante. C’est sur terreau empoisonné mais avec un argumentaire plus « politiquement correct » que les propagandistes néoconservateurs cultivent inlassablement la haine de l’autre, la haine de la différence pour mieux imposer leurs guerres contre la société toute entière. C’est au nom d’une laïcité dévoyée et du respect de soi-disant « valeurs » que le combat est mené contre des musulmans présentés, sur tous les registres, comme obscurantistes, antirépublicains et violents. Le commentaire du philosophe Finkielkraut en 2005 qui prétendait que les jeunes des banlieues qui, je le cite, « ne se sont pas révoltés parce qu’ils sont pauvres mais parce qu’ils sont musulmans » exprime clairement l’articulation idéologique dominante.

De manière parfaitement claire, en dépit de précautions oratoires et de professions de foi hypocrites, l’offensive contre l’islam englobe bien entendu tous ceux dont les apparences trahissent une altérité originelle irréductible. Et ce ne sont pas les quelques arabes ou noirs « de service » que l’on exhibe qui peuvent masquer une sordide réalité. A mesure que le pays s’enfonce dans la crise et que les tambours de guerre battent crescendo, la surenchère islamophobe prend de l’ampleur. Et il est plus que regrettable qu’une partie de la gauche radicale succombe à la pathologie essentialiste, en la niant ou en ne lui donnant qu’une importance secondaire dans la bataille idéologique en cours.

La dernière sortie de l’extrémiste Guéant sur la hiérarchie des civilisations renvoie précisément au vieux fond commun suprématiste des élites politiques françaises et à la guerre civile de basse intensité comme moyen de gestion de la société. L’abjecte loi « foulardière » défendue au Sénat par le PS n’en est qu’une autre déclinaison. Gestionnaire d’un système politique verrouillé et n’offrant aucune alternative réelle, la classe politique française de gouvernement, libérale et néoconservatrice, n’a plus rien à proposer en dehors d’un discours de haine et de guerre. En alimentant le racisme et en jouant sur les plus basses pulsions, cette classe politique prend la responsabilité d’une dérive extraordinairement dangereuse. La souillure sur le visage de la République est bien de son fait.

9 février 2012


Pistes d’action

La France connait depuis quelques années une véritable dérive antireligieuse, focalisée sur l’islam. Toute la société est concernée, avec des situations vécues très difficiles. Dans ce contexte, il est important de mettre en lumière le rôle néfaste des dirigeants politiques (Droite et Gauche).

Ainsi, il n’est pas besoins de se convaincre du consensus politique contre la communauté musulmane, conduit de manière directe et agressive par l’UMP ou de manière hypocrite et mielleuse par le PSQ : les fondements et les buts sont les mêmes. Le PS défend même qu’il sera plus efficace car il sait enrober ses arguments d’une apparence vertueuse.

L’islam est vu par les tenants d’une idéologie dominante comme la religion des étrangers : il y a eu le problème du voile dans les écoles, la loi contre le niqab, la circulaire pour interdiction du voile pour les mamans lors des activités périscolaires, et maintenant une loi interdisant le voile pour les nourrices agréées. Parallèlement, ce sont des attaques permanentes, sur les migrants, les jeunes des banlieues et maintenant sur l’infériorité de la civilisation musulmane.

Il y a des actions à envisager.

1/ Saisir le rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction

Il serait intéressant d’étudier la possibilité de faire venir en France le rapporteur spécial sur la liberté de religion, Heiner Bielefeld

• pour l’informer sur les réalités des pratiques religieuses en France et lui faire connaître les nombreuses discriminations dont sont victimes les personnes de religion musulmane.

• Pour obtenir, de sa part, quelques rappels sur ce qu’est la liberté de religion, car la base des problèmes, est qu’il y a en France une fausse conception de la laïcité, vécue comme une anti-religion.

Ce qu’il peut faire puisque son mandat consiste à « encourager l’adoption de mesures, aux niveaux national, régional et international, en vue d’assurer la promotion et la protection du droit à la liberté de religion ou de conviction ;

 Repérer les obstacles existants et naissants à l’exercice du droit à la liberté de religion ou de conviction et faire des recommandations sur les moyens de les surmonter ;

 Poursuivre les efforts qu’il consacre à l’examen des incidents et des mesures gouvernementales qui sont incompatibles avec les dispositions de la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, et recommander les mesures à prendre pour y remédier, selon qu’il conviendra ;

 Continuer d’appliquer une démarche sexospécifique, entre autres, en mettant en évidence les violations sexistes, dans le cadre de l’établissement de ses rapports, y compris la collecte d’informations et l’élaboration de recommandations ».

Il peut après cela

o « transmettre les appels urgents et les lettres d’allégation concernant les cas qui représentent des violations de ou des obstacles à l’exercice de la liberté de religion ou de conviction aux Etats.

o effectuer des visites dans les pays.

o présenter des rapports annuels au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale sur les activités, les tendances et les méthodes de travail ».

2/ saisir aussi le rapporteur spécial sur la question du racisme, discriminations et xénophobie, saisir aussi l’expert du groupe de travail sur les personnes d’ascendance africaine

3/ Obtenir la saisine du Conseil constitutionnel

Il ne faut surtout pas se priver d’organiser un lobbying important et structuré –période électorale oblige- pour que les parlementaires saisissent, dès la publication de la loi, le Conseil constitutionnel. Il en faut 60 à l’Assemblée nationale ou 60 au Sénat. Sachant que si le président actuel n’est pas réélu, il va intégrer le Conseil constitutionnel aux côtés de Giscard et de Chirac et cela, sous la présidence de Debré…Ce qui n’est pas encourageant. Mais c’est une bataille politique qui doit se mener. Il nous faut utiliser tous les moyens qui sont à notre portée. Il y a déjà une pétition de 60 000signatures qui pourrait être la base de ce lobbying.

Bagnolet
Meeting organisé par le
Collectif Mamans toutes égales

Mireille Fanon-Mendès France
Fondation Frantz Fanon
Experte ONU, groupe de travail sur les personnes d’ascendance africaine