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La République, la démocratie et les manipulations identitaires

Christian DELARUE

lundi 21 avril 2014, par Groupe Société-Cultures

La question démocratique doit être reliée à la question républicaine pour contrer les constructions identitaires obsessionnelles sources de haine(s) de l’autre ! Le mouvement altermondialiste tend à renouveler la question de la République par ses développements sur la nécessité de développement des biens communs au niveau mondial. Il intègre aussi les apports du mouvement ouvrier sur la République sociale et la République socialiste.

Les identitaires au sens général du terme se focalisent sur une identité particulière au détriment d’une autre. Cette focalisation génère un fort investissement sur la ou les différences culturelles valorisées au détriment du commun de l’humanité. Concrètement, tantôt ce sera la communauté nationale qui sera magnifiée et on évoquera en complément fatal la haine nationaliste, tantôt ce sera la communauté régionale et on pointera des crispations régionalistes, tantôt ce sera une communauté religieuse ou ethnique et on parlera des excès identitaires du communautarisme.

La République, comme ouverture et participation au bien commun de la société d’appartenance, a l’avantage de permettre de sortir l’individu de ces fermetures identitaires, de ces « identités meurtrières » de par la possible participation politique des citoyens à la vie de la cité. Mais cette participation est faussée, sous l’emprise des discours médiatiques trompeurs qui méprisent le peuple-classe ou des fractions de ce dernier.

La constitution de l’individu citoyen et de la démocratie au sein de la République laïque française est un processus historique toujours à l’oeuvre et non dépourvu d’ambivalence car il porte tout à la fois progrès et régression sociale, richesse et dépossession. Ce processus historique n’est pas uniforme allant fatalement vers le mieux et le bien mais socialement contradictoire car il a dans le réel ses avancées et ses reculs. Ses limites aussi. République et démocratie sont à lire en extension (tentative d’une proto République européenne : idée encore floue d’un bien commun pour l’Europe ) et surtout approfondissement avec l’idée d’une République sociale qui fasse place à la participation sociale des travailleurs et travailleuses au sein des organisations productives, privées ou publiques. La République socialiste et démocratique est aussi pensable comme avancée des biens communs, des services publics contre la marchandisation du monde et comme avancée de l’alter-démocratie, une démocratie qui n’intervient pas seulement pour choisir des élus, un mécanisme délégataire qui s’analyse tout la fois comme progrès et dépossession ;

Les identitaires au sens labellisé comme tel en France se focalisent eux sur l’identité régionale des français comme axe politique. Le gros problème est que les individus n’ont pas qu’une identité. Ils vivent de plusieurs appartenances. On a tous d’abord une identité subjective personnelle provenant d’un parcours familial spécifique. Mais en plus de cette identité-personnalité issue de notre histoire on trouve surtout en outre une identité sociale car l’individu n’est rien sans son inscription complexe dans la sphère sociétale et dans les rapports sociaux de cette société clivée. L’individu totalement isolé n’existe pas et ceux et celles qui le deviennent accidentellement et partiellement risquent la maladie psychologique par appauvrissement social.

L’individu grandit nécessairement dans une communauté nationale historique, dans un milieu pauvre ou riche, dans une communauté professionnelle spécifique, et plus largement dans le monde capitaliste avec une appartenance de classe plus ou moins ressentie mais réelle. C’est dans ces communautés diverses que naissent les divers sentiments d’appartenance qui s’emboitent plus ou moins harmonieusement. Nous sommes loin des simplifications des identitaires !

Les manipulations identitaires peuvent être très puissantes. La crise économique et sociale favorise la montée de ces manipulations, notamment en usant de la technique du « bouc émissaire ». Le responsable des mauvaises conditions de vie et de travail sera vu chez l’autre, le voisin ou non, qui pourtant est lui aussi manifestement victime de mal logement et de chômage ou de précarité. Il y a là une cécité maladive construite à l’égard de l’oligarchie responsable réel de ce qui surgit et focalisation compensatoire sur le voisin immigré vu comme responsable de tous les maux. Des migrants des quartiers populaires peuvent commettre évidemment des délits voire des crimes mais exactement comme les « nationaux » des quartiers populaires ou non. Par ailleurs il va y avoir cécité sur les délits en « col blanc » au profit des vols de vélos et des dégradations d’entrées de HLM ! A partir de ces cécités, certaines formations politiques d’extrême-droite vont alimenter régulièrement les haines nationales contre les étrangers, les migrants comme d’autres alimentent des haines racistes contre des « personnes de couleurs », des haines sexistes et homophobes aussi.

Christian DELARUE