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Racisme et islamophobie (séminaire CA-CS-Fondateurs d’Attac, 21 juin 2015)
Jean-Michel DUPONT
samedi 26 septembre 2015, par
Introduction (Thomas Coutrot)
Les événements de janvier ont percuté Attac comme toute la société française. Malgré la salutaire réaction du 11 janvier, la fracture entre la société majoritaire et les « quartiers » s’est révélée dans toute son ampleur. Les islamistes radicaux et le FN se renvoient la balle dans un jeu pervers qui les renforcent tous deux. La gauche est désarmée, voire parfois égarée. Il y a là un défi majeur pour les mouvements sociaux, s’ils veulent contribuer à l’unité des catégories populaires.
Attac voudrait jouer un rôle, évidemment modeste, pour faciliter le dialogue entre les forces sociales et militant-es attaché-es à l’égalité des droits, quelle que soit leur couleur ou leur religion. D’où notre réunion CA-CS-Fondateurs du 14 janvier, puis notre participation au meeting unitaire de Saint-Denis contre l’islamophobie, et maintenant cet espace de débat qui veut réfléchir à notre stratégie d’alliances.
L’interprétation de la situation et l’attraction jihadiste
Intervention d’Alain Bertho.
Il y a une difficulté à penser ce qui s’est passé autour du 11 janvier. Un parallèle peut être fait avec le livre de Murakami concernant les attentats de la secte Aoun au japon. Deux lectures sont à explorer : celles des auteurs, pour qui l’acte criminel a un sens, et celles des victimes qui n’en voient aucun. Premier constat : ce qui s’est passé le 11 janvier échappe à la culture politique progressiste du 20ème siècle, qui se représentait l’Histoire comme un progrès permanent (voir le texte de Vitez en 1990 sur l’effondrement d’une culture).
Concernant le 11 janvier et son esprit, le Je a remplacé le Nous (« Je suis Charlie »). Le collectif se construit dans la mobilisation et l’émotion et sans contrôle, il est malléable et sujet à diverses interprétations.
Pourquoi l’émotion a-t-elle concerné Charlie et peu l’Hypercacher ?
Cette asymétrie révèle la prégnance de l’islamophobie (à laquelle Charlie contribuait) et de l’antisémitisme. Pourquoi le droit au blasphème a-t-il ému plus que l’antisémitisme ? Lors du rassemblement devant la mairie de St Denis, il y avait tous les militants de tous réseaux, y compris religieux, mais pas la population musulmane qui s’est sentie exclue. Il y a également eu instrumentalisation par le pouvoir refondateur de l’identité nationale malgré son caractère excluant les jeunes musulmans.
Le soir de la mort de Coulibaly les jeunes du quartier de la Grande Borne ont voulu attaquer le commissariat. Il faut savoir que Coulibaly a autrefois vu son ami Areski mourir dans ses bras tué par la police. Cette histoire commune des jeunes des quartiers n’est pas prise en compte par le discours dominant. Ceux qui ont refusé la minute de silence ont réagi à l’exclusion exprimée le « Je suis Charlie ». Il s’agit en particulier de cette jeunesse qui a grandi en subissant la sur-répression policière, le déni de reconnaissance de la part de la société majoritaire.
Un travail de recensement systématique a été fait sur les phénomènes mondiaux concernant la violence (voir http://berthoalain.com/documents/). Il y a une absence d’unité subjective des participants aux émeutes et de constitution de courants politiques. Dans le monde les affrontements civils ont augmenté de 100 en 2008 à 2400 en 2013. Le nombre des manifestations violentes et des émeutes urbaines a triplé, de 30 à 110, entre 2005 et 2014. Beaucoup partent de la mort d’un jeune tué par la police.
La disparition de la révolution annule l’efficacité de la gouvernance. Les dérives anti- démocratiques du système représentatif et des dispositifs électoraux génèrent de la conflictualité violente. La disparition de la figure du « bon gouvernement », comme à l’occasion des affaires de fraude électorale ou de corruption, ouvre la voie à la violence.
Un « Nous » national inclusif s’est affirmé dans une série de mobilisations (2011, Tunisie et printemps arabes, Indignés en Espagne et Grèce, Occupy Wall Street, en 2012 Québec et Taksim) mais débouché sur des échecs et des désillusions. Les foyers du salafisme se situent en partie à Sidi Bouzid et Qaserin d’où est partie la révolution tunisienne, essentiellement par absence de perspectives et d’espoir de changement (comme le nazisme après l’échec de la révolution allemande : les désillusions sont à la mesure des espoirs créés par une révolution).
On constate que lorsque les attentats augmentent, les émeutes baissent et réciproquement. Les attentats ont explosé, de 4000 en 2012 à 12 000 en 2014. Dans les pays musulmans ou en Europe, il ne s’agit pas d’une radicalisation islamique mais d’une islamisation de la révolte radicale.
Tous les attentats ne sont pas religieux. Il y a un besoin des Etats de se relégitimer alors que les gouvernements ne rendent plus de comptes à leurs peuples (trahison des promesses électorales, sauf en Grèce jusqu’ici…), sont corrompus par la financiarisation, cherchent à se légitimer par l’insécurité et la guerre. Il y a une montée de l’instrumentalisation du religieux comme refuge identitaire face à la disparition de l’Etat social et du consensus national (ex : manif pour tous).
En France il y a aussi la sacralisation de la laïcité, qui, de fait, devient une confessionnalisation à la française.
Débat (synthèse des interventions des participants)
– L’islamisme émerge après la répression des aspirations démocratiques dans les pays arabes en révolution. En Egypte on assiste aujourd’hui à une radicalisation violente des Frères Musulmans en butte à la répression.
– La chute du communisme et des espoirs qu’il pouvait contenir signe aussi la fin du tiers mondisme.
– Les manifestations du 11 janvier ont empêché l’instrumentalisation par l’extrême droite. Mais il y a eu une absence de perspectives et des désillusions. Les échecs et désillusions sont renforcés par l’absence d’organisation collective internationale.
– Il ne faut pas céder sur la question du caractère réactionnaire des religions et de l’importance de la laïcité
– Il est nécessaire de traiter de la violence des États qui criminalisent les résistances.
– Il peut être utile de réactualiser la réflexion de Hannah Arendt.
Table-ronde n°1 : les mouvements contre l’islamophobie, les risques de détournement de la laïcité et la défense des libertés.
Intervention de Joël Roman
La loi de 1905, qui organise la séparation des Eglises et de l’Etat, est le texte fondateur de la laïcité en France. Elle affirme la liberté de culte et de conscience, qui caractérise la laïcité, et est avant tout un principe d’organisation et non une valeur morale. Toutefois, historiquement, la laïcité a dû s’affirmer par un mouvement de contestation du poids du catholicisme conservateur.
La laïcité anti-église catholique réactionnaire a évolué vers une laïcité anti-religion et anti-religiosité ; elle s’est constituée en une sorte de religion civile, une valeur transcendante délimitant un camp antireligieux. Cependant les pratiques sociales des organisations catholiques (JOC, JEC…) ont permis une certaine banalisation et une pacification des oppositions.
L’affrontement concernant la laïcité a resurgi avec l’Islam. Les pratiques religieuses des musulmans ne s’opposent pas à la loi de la laïcité, mais elles sont stigmatisées, car elles sont revendiquées par des pauvres et des immigrés, qui sont souvent associés à l’islam.
Le voile est un catalyseur de l’islamophobie depuis Creil en 1989 et la loi de 2004, qui interdit le port du foulard dans les établissements scolaires. L’islam en France est souvent associé au terrorisme, avec différentes peurs et fantasmes sur l’extension de l’islam ou le « Grand Remplacement », il n’y a qu’à voir le succès des livres de Michel Houellebecq, Caroline Fourest ou Zemmour, de plus en plus relayés politiquement ; Elisabeth Badinter déplore que « seul le FN défende la laïcité » ; Nicolas Sarkozy multiplie les postures islamophobes par opportunisme.
Il faut revenir à la conception initiale de la laïcité qui organise le vivre ensemble avec des convictions différentes. Ce qui exclut d’exiger que la religion soit confinée à l’espace privé : la religion ce n’est pas seulement des convictions intimes mais c’est aussi l’exercice collectif d’un culte, qui est nécessairement public.
En France, la montée identitaire musulmane traduit une exigence de reconnaissance sociale. Une musulmane peut très bien vouloir s’affirmer comme citoyenne en exigeant de faire valoir son droit à s’habiller comme elle veut, à porter un foulard.
Entre les deux guerres l’action catholique ouvrière pouvait offrir ce type de reconnaissance, et servir de voie de passage vers d’autres formes de militantisme. De manière analogue aujourd’hui, il y a une multiplication d’associations musulmanes qui font du travail social.
Il ne faut pas confondre communautarisme (revendication de droits et de lois spécifiques pour une communauté, ce que personne ne revendique en France) et vie communautaire (qui doit plutôt être considérée comme une ressource pour les individus). Entre l’individu et l’Etat, les personnes ont besoin de corps intermédiaires pour exister collectivement.
Intervention de Christiane Marty (Commission genre d’Attac)
Différentes sensibilités existent au sein de la commission genre, cette intervention se centre sur les points d’accord.
1) D’abord, il y a à la fois une montée de l’intolérance vis-à-vis de l’islam et des préjugés antisémites (pourtant sous-estimation de l’antisémitisme), mais aussi une banalisation du racisme à l’égard des Roms.
On constate une montée des pressions en faveur de l’ordre moral et de la famille traditionnelle, menées par différents courants religieux, traduits par les Manifs pour tous, et les Journées de retrait de l’école, avec une capitulation du gouvernement là -dessus. En parallèle, émergence d’une conception dévoyée de la laïcité utilisée pour stigmatiser l’islam.
La crise économique a favorisé la montée de l’intolérance. Hausse des inégalités, du chômage, précarité ; discriminations envers diverses catégories de population (maghrébins, musulmans, femmes, homosexuels), tout cela fait que de nombreuses personnes ne trouvent pas leur place dans la société, remettent en cause le modèle républicain laïc.
Mentionner aussi une responsabilité du passé colonial de la France dans le racisme et le manque d’une analyse critique de cette histoire.
C’est dans ce contexte que se développe un débat public sur laïcité, identité nationale, etc.
Ce qui nous semble être un piège. Car c’est l’intérêt du gouvernement, pour éviter de parler des conséquences des politiques d’austérité ; c’est aussi l’intérêt, à droite ou au FN, de questionner la « compatibilité de l’islam avec la République » pour focaliser sur l’immigration et sur les musulmans. De leur côté, les islamistes aussi en profitent pour faire du prosélytisme parmi des jeunes sans perspectives.
Mais, c’est un piège de se polariser sur ce débat.
Nous voulons rappeler l’importance de lutter contre toutes les discriminations (envers les musulmans, juifs, noirs, Roms, femmes, homosexuel-les, handicapé-es, …), de ne pas les hiérarchiser.
Certes, il existe différents racismes avec des histoires différentes. Mais il faut être capable de prendre en compte l’articulation des différentes oppressions, qui souvent se cumulent (ex : femmes + musulmanes + emploi précaire)
Ce qui signifie lutter sur plusieurs fronts en parallèle : contre toutes les discriminations (dont de sexe), contre tous les racismes, contre l’extrême-droite qui en fait son terreau, contre tous les fondamentalismes, et contre les politiques qui accroissent la précarité de larges couches de population. => Construire des solidarités avec les courants progressistes dans chaque cause et travailler à leur convergence.
2) Sur la question laïcité et égalité femmes-hommes, nous souhaitons nous démarquer de deux positions :
a) D’abord de ceux qui utilisent la laïcité comme un rempart contre l’islam. C’est le cas de certains à droite, au FN ou même à gauche, qui n’hésitent pas à instrumentaliser l’égalité femmes-hommes pour défendre une certaine conception de la laïcité qui sert de prétexte au rejet de l’islam (ces organisations n’étaient pas connues auparavant pour leur engagement féministe).
Rappel : les religions, quelles qu’elles soient (pas seulement les intégrismes), attribuent un statut inférieur aux femmes. De ce fait, la laïcité qui organise la séparation entre l’État et les ノglises est défendue par les féministes.
Aujourd’hui on entend des propositions pour étendre l’exigence de neutralité (l’absence de signes ostensibles religieux) aux usagers des services publics, aux étudiantes d’université, voire à la sphère publique, avec des interprétations de la laïcité qui suggèrent que la religion doit être cantonnée dans la sphère privée.
Concrètement, l’absence de signes religieux ne concerne quasiment que le voile, c’est-à-dire les femmes musulmanes. Car le voile rend visible la religion. Nous refusons de focaliser sur la question du voile. Pourtant il est utile de faire un point là-dessus. Rappeler la situation sur un plan international. Dans de nombreux pays, en Iran, dans les pays arabes (Egypte, Arabie, Pakistan,…), et lorsque les intégristes (Daesh, Al Qaida au Maghreb, …) prennent des territoires, les femmes qui ne sont pas voilées sont agressées, emprisonnées ou pire. De nombreuses femmes luttent contre cette obligation, contre l’emprise de la religion, parfois au péril de leur vie.
Nous refusons le contrôle sur la vie des femmes et sur leurs tenues, exercé par les religieux, la famille, les pressions de la société. Nous condamnons les agressions contre les femmes voilées et non voilées. Notre position – en tant que féministes, mais elle devrait être générale - est de défendre l’autonomie des femmes, faire en sorte que cette autonomie devienne une réalité.
Que met-on derrière l’autonomie des femmes ? Divergence au sein de la commission genre en ce qui concerne la décision de porter le voile. Est-ce que nous défendons cette décision ? Peut-on parler de choix - et alors le défendre- en tant que féministe ? Le féminisme, la résistance contre le patriarcat ont-ils un caractère universel ? Nous en discutons.
La commission est d’accord dans son ensemble pour dire qu’il ne s’agit pas de parler d’un quelconque « droit » de porter le voile (tendance aujourd’hui à utiliser à tout propos le concept de droit). Le voile reste pour la plupart des féministes un des symboles de l’oppression patriarcale. Il est aussi un instrument de cette oppression, que s’empressent d’utiliser les intégristes pour soumettre les femmes lorsqu’ils accèdent au pouvoir. Il ne s’agit pas non plus de défendre un soi-disant « libre choix » de porter, ou non, le voile : il n’y a aucun sens à parler de libre choix dans une situation où existent aussi fortement des rapports de domination. Les femmes qui portent le voile donnent diverses raisons à leur décision, et on écoute leur parole. Le débat n’est pas nouveau : quelle est la part de l’autonomie dans un choix, compte tenu des rapports de domination existants ?
Nous soutenons donc les luttes de toutes les femmes pour leurs droits, pour l’égalité, pour l’accès à un emploi, droit à la contraception, IVG ; les femmes qui luttent, au péril de leur vie dans certains pays, pour leurs droits à l’éducation - l’autonomie passe par cela -, le droit de divorcer, de conduire, de sortir, d’hériter, etc., contre les conservatismes religieux.
b) Seconde position, dont nous nous démarquons : celle de certains courants politiques dans la gauche radicale, qui ont considéré le développement du fondamentalisme comme une réponse à l’impérialisme et donc comme un allié utile. Cette analyse centrée sur l’impérialisme a occulté la nature totalement réactionnaire des courants islamistes intégristes (sexisme, homophobie).
Par extension, l’islam étant en France la religion d’une minorité discriminée, toute critique de l’islam est considérée par certains comme racisme anti-musulman. Nous revendiquons le droit de critiquer toute religion, y compris celle « des opprimés », comme de critiquer toute option spirituelle et d’en dénoncer les aspects réactionnaires notamment par rapport aux femmes ou aux homosexuels.
Pour conclure : la laïcité, en tant qu’affirmation de la volonté de vivre ensemble en dépassant les différences entre les citoyen-nes, reste un principe indispensable.
La lutte contre les injustices sociales, les inégalités entre les sexes et les discriminations restent pour nous une condition indispensable qui doit accompagner toute mobilisation contre le racisme.
Intervention d’Alain Gresh
Il y a un enjeu important dans cette discussion concernant la participation des musulmans aux luttes sociales. En 2002 la rencontre entre Tarik Ramadan et Attac ne débouche sur rien. Dix ans plus tard, l’absence d’immigrés et de filles avec foulard dans Attac et dans les mouvements sociaux « classiques » pose problème. Si les jeunes musulman-es qui se radicalisent contre les injustices ne sont pas accueillis dans les organisations progressistes, ils vont voir ailleurs.
La philosophie de la laïcité est multiple, mais n’a rien à voir avec l’égalité entre femmes et hommes : la loi de 1905 a été votée par un Parlement 100% masculin.
L’égalité ne se résume pas à la laïcité. Certaines militantes féministes voilées peuvent être plus libérées que certaines femmes non voilées, de même que certains prêtres, qui ont soutenu les populations algériennes durant la guerre en Algérie en n’étant pas du tout favorables à l’IVG.
De même les fondamentalistes ne sont pas tous anti-impérialistes. L’Islam politique n’est aucunement un courant unifié (Hamas, Hezbollah, Djihad Islamique palestinien, Frères Musulmans...)
La politique des révoltes dans les pays musulmans utilise le référent religieux comme une grammaire politique. Le Hezbollah par exemple, est à la fois un mouvement rétrograde et patriarcal, et un mouvement de libération nationale. On peut trouver des analogies du côté de la théologie de la libération.
Les Occidentaux veulent imposer la marche de l’histoire réduite à leur propre vision, celle d’un abandon irréversible du sentiment religieux. Mais d’autres trajectoires sont possibles. Par exemple en Iran la mixité à l’Université ou dans l’emploi est plus grande qu’en Tunisie grâce au port du voile qui permet aux filles des campagnes d’aller à l’école. Même en Europe au XIXè siècle, les femmes membres de congrégations religieuses étaient beaucoup plus dans des emplois dans la sphère publique (hôpitaux...). Nous devons apprendre à renoncer à l’européo-centrisme et à l’orientalisme.
Débats :
– Pour rappel, il y a eu récemment une rencontre entre le Collectif féministe pour l’égalité et la commission genre d’Attac
– Le choix des partenaires est politique selon les contextes, il ne doit pas y avoir d’obstacle à l’engagement commun si les valeurs sont communes.
– On peut être à la fois contre l’imposition du voile et l’imposition de l’enlever
– La théologie de la Libération est née sous hégémonie socialiste-communiste, mais le contexte est différent aujourd’hui, l’idée d’émancipation s’est effondrée
– les opprimés ne choisissent pas toujours leurs moyens de lutte mais prennent les symboles qu’ils ont sous la main se défendre (ex Black Panthers, Hezbollah...)
– Il y a bien du sexisme anti-musulmanes, les hommes peuvent bien porter les djellabahs qu’ils veulent.
– Il serait souhaitable de ne plus légiférer sur le vêtement des femmes.
– Il y a une certaine bipolarisation avec la montée simultanée de la tolérance et de l’intolérance qui accompagne la conquête de droits (ex mariage des homosexuels : l’institution du mariage peut être considérée comme réactionnaire mais c’est une revendication et un droit des homos.
– Le combat peut se mener avec des croyants mais pas par les religions.
– La question de la laïcité n’est pas posée de façon pertinente en France : la laïcité n’est universelle que si elle se base sur des valeurs universelles. Or il n’y a pas d’universel par généralisation de l’exception laïque française
– Aucune religion n’est spontanément laïque. La laïcité s’est construite par des conflits. Toute religion est dogmatique et hégémonique, mais la laïcité les libère en les contraignant.
– on ne peut faire reculer le port du voile qu’en en discutant avec les femmes voilées
– Ce débat est aussi à intégrer dans les syndicats
– Il n’y a pas de femmes voilées à Attac, comme il y a peu d’adhérents de classes populaires. Certainement un lien entre les deux.
– Le débat est très focalisé sur le voile, alors que personne ne parle du refus des Sikh d’ôter leur turban à l’école.
– Toutes les religions mettent les femmes en situation d’infériorité.
Table-ronde n°2
L’émergence de l’islamophobie, la montée des racismes, le rôle de l’état Français et les liens entre islam, quartiers populaires et inégalités
Intervention Augustin Grosdoy (MRAP, C.A. d’Attac)
Le racisme était fondé sur des justifications religieuses avant la révolution industrielle : les Noirs n’avaient « pas d’âme ». Puis au 19ème siècle, il y a eu une construction scientifique des « races ». Au Xxè siècle la Shoah a décrédibilisé les justifications de race.
Dans les enquêtes d’opinion on voit que les Juifs n’ont pas une mauvaise image alors que l’Islam est mal vu, mais il y a une augmentation tant de l’antisémitisme que du racisme anti-musulman ou anti-arabe.
L’Islamophobie, notion validée par la CNCDH, recouvre des pratiques variables et inclut la haine de la religion, les discriminations contre les musulmans, le racisme anti-arabe. Le terme ne pose plus problème au MRAP.
Peut-on parler d’État raciste ? Non car cela ne correspond pas à la réalité. Certes la loi de 2004 est discriminante vis à vis des musulmans, donc de fait raciste. La justice relaxe systématiquement les policiers auteurs de bavures racistes. Mais l’Etat français n’est pas officiellement et légalement raciste, comme l’apartheid d’Afrique du Sud ou la constitution d’Israël. L’État lutte contre le racisme (loi de 1972, loi Gayssot...). Donc pas d’État raciste, mais sans doute un racisme d’État.
Intervention de Farid Benai (Reprenons l’initiative)
« Reprenons l’initiative » est d’abord un appel regroupant des militants associatifs et politiques, en particulier dans les quartiers, et des intellectuels qui s’associent à leurs combats antiracistes. Nous nous adressons à la société civile, mais nous interpellons aussi le monde politique. En effet, nous engageons à repenser la lutte contre le racisme en dépassant une posture morale pour développer un antiracisme proprement politique.
En premier lieu, au-delà des préjugés et des idéologies racistes, au-delà des discriminations raciales systémiques, nous pointons le rôle, dans le prolongement des politiques d’immigration et d’identité nationale, des politiques de racialisation, qui assignent à des places les populations racisées par la ségrégation, la hiérarchisation et la stigmatisation, tout en instituant, implicitement et parfois explicitement, un groupe social défini en creux, qu’on peut dès lors qualifier de « blanc ».
Deuxièmement, au lieu d’isoler telle ou telle forme de racisme pour la privilégier, nous nous attachons à montrer les liens parfois complexes entre toutes, quel que soit leur objet – en particulier les Rroms, les migrants postcoloniaux, Noirs ou Arabes, mais aussi les musulmans. Car, l’antisémitisme nous le rappelle, et l’islamophobie le confirme, le racisme peut s’appuyer sur la religion (réelle ou supposée) : au commencement, il y a la racialisation, et non la race. La différence n’est pas tant la cause du racisme que sa conséquence.
Troisièmement, nous nous employons à penser la place du racisme dans le monde néolibéral pour récuser toute opposition entre « question sociale » et « question raciale », sans pour autant réduire à la seconde à la première. Les « boucs-émissaires » racisés ont certes vocation à distraire d’autres enjeux, en particulier économiques, mais aussi à diviser ceux qui pourraient être unis (et à réunir ceux qui devraient être divisés) : dans l’Europe néolibérale, et dans les rapports de classe, ils incarnent celles et ceux qui n’auraient pas de valeur, et qui semblent donner une valeur relative à ceux et celles qui les rejettent comme des « vauriens ».
Notre appel contre les politiques de racialisation, en novembre 2014, a permis de poser des termes – nos propres termes. Nous les avons précisés dans le manifeste pour un antiracisme politique, en mai 2015. Les nombreux signataires, à titre individuel ou collectif, ont participé à un échange qui a débouché sur un Forum, qui s’est tenu le 9 mai 2015 à Gennevilliers ; il y en aura d’autres, un peu partout en France. Il est temps de retourner le regard sur les politiques pour interroger à la fois leur inaction et leur action, en répondant à la racialisation par la politisation.
Débat
– Il y a un traumatisme de la récupération de SOS racisme par le pouvoir.
– Il y a aussi la pluralité des identités de ceux qui subissent le racisme, d’où une auto-organisation nécessaire
– Les tensions avec les organisations traditionnelles doivent être maîtrisées.
– Il est nécessaire d’étudier les différentes discriminations
– Les Juifs ne sont plus discriminés en France.
– Le racisme d’Etat existe même si non inscrit dans la loi.
– Le critère de non discrimination légale des Juifs ne suffit pas à dire que l’antisémitisme a disparu. Les musulmans jouent dans cette crise le rôle des Juifs dans la crise des années 30.
– La position du PIR sur le philosémitisme d’état, qui peut sembler justifier l’antisémitisme, est dangereuse.
– Comment lutter contre l’antisémitisme se développant dans les milieux victimes de l’islamophobie ?
– Le racisme comme système de domination sociale est un des points aveugles des organisations antiracistes. Les discriminations permettent aux blancs (donc nous mêmes) un accès privilégié aux emplois, ou de passer sans encombres les contrôles au faciès... L’auto-organisation des personnes racisées est indispensable, ceux qui refusent ces organisations comme "communautaristes" sont aveugles à leur position de "dominants malgré eux".
– Il y a une réticence à l’usage du terme islamophobie, car on doit critiquer les religions y compris l’islam
– La loi de 2004 était islamophobe dans son intention, mais pas dans sa forme ; elle a provoqué une « discrimination indirecte » car en pratique elle n’a touché que des femmes voilées, pas des porteurs de badges politiques...
– Le racisme est ressenti comme culturel, d’où la nécessité de travailler sur ce que les gens ressentent.
– Pourquoi toujours demander aux musulmans de se justifier vis à vis de l’antisémitisme, du terrorisme etc.
Quelle stratégie, quelles alliances, quelles initiatives pour Attac ?
Contribution de Gustave Massiah sur les alliances 17-08-2015
J’aborderai quatre questions : pourquoi discuter, notamment dans ATTAC de l’Islamophobie ? Dans quelle situation sommes-nous ? Quelle place dans le projet et dans la stratégie ? Comment poser la question des alliances ?
Pourquoi discuter, notamment dans Attac, de l’islamophobie ?
Le débat sur l’islamophobie occupe une place centrale en France et dans le monde. Prenons-le comme un analyseur, un révélateur pertinent, de la société française et de la société mondiale.
Ce qu’on appelle l’islamophobie occupe une position centrale dans l’accentuation du racisme et des discriminations. Elle prend place dans la bataille pour l’hégémonie culturelle menée par les groupes dominants de la financiarisation, notamment à travers les médias dominants.
Le racisme, bien alimenté, est l’une des armes principales de la domination. La phase actuelle de la mondialisation capitaliste, le néolibéralisme, a fait exploser les inégalités. Les inégalités s’appuient sur les discriminations et les renforcent. Le racisme fait accepter les discriminations ; il fait aussi accepter la précarité et la pauvreté. L’enjeu est double. Il s’agit d’abord pour limiter les résistances au capitalisme, de diviser les couches populaires et de rallier les couches moyennes. Il s’agit aussi de fermer les alternatives en remettant en cause la valeur de l’égalité. On entend ainsi que le racisme est naturel, que les inégalités sont naturelles ; il y a des forts et il y a des faibles. Il suffit de prendre soin des fragiles sans se soucier du sens profond de la solidarité.
C’est cette bataille idéologique contre l’égalité qui a permis de donner à l’aile extrême de la droite sa suprématie dans la construction de la droite et dans la droitisation de la société. En France, elle a été préparée par le Club de l’Horloge dès 1974.
L’islamophobie s’impose comme le racisme le plus efficace. Elle combine les peurs et les insécurités. Elle mêle les dimensions sociales, culturelles et religieuses, géopolitiques et sécuritaires. Ses avantages sont multiples. Elle permet de faire du voisin un ennemi héréditaire. Elle permet d’isoler les quartiers précaires et de détourner dans ces quartiers la résistance à la précarité et à l’exclusion. Elle permet d’instrumentaliser le terrorisme pour construire des systèmes sécuritaires. Elle permet de surfer sur la peur de l’étranger et des migrants. Elle permet de détourner la laïcité vers la différenciation et le rejet. Elle permet de réinventer des identités nationales sur une base occidentale. Elle permet de rabattre la modernité sur le mode de vie et les modes de consommation. Elle permet de restreindre la liberté d’expression à la morale dominante. Elle permet tant d’autres choses encore pour faire oublier la nature de la société actuelle, de ses formes d’oppression, de domination et d’exploitation ; de les faire accepter à partir du rejet de l’autre.
L’islamophobie permet de marquer des points dans une bataille majeure, celle de la remise en cause de la décolonisation. La première phase de la décolonisation a été une véritable révolution. Entre 1920 et 1980, elle a bouleversé l’ordre du monde et mis en difficulté les impérialismes occidentaux, états-uniens et européens, et aussi japonais. Après les premières indépendances, la contre-offensive, sous la forme du néolibéralisme, a connu plusieurs succès. Elle s’est centrée sur la gestion de la crise de la dette et les interventions armées. La crise de la décolonisation s’est appuyée sur la nature des régimes des pays décolonisés et sur la rupture de l’alliance, de la libération nationale, entre les élites et les peuples. Elle a permis de relancer une recolonisation active (ressources naturelles et matières premières, accaparement des terres, contrôle des régimes, etc.) Elle s’appuie aussi sur la colonialité du pouvoir et l’approfondissement des formes coloniales dans les pays dominants.
L’offensive idéologique a été illustrée par le livre de Huttington, « Le choc des civilisations », qui laissait déjà une grande place à l’islam comme ennemi nécessaire. Après 1989, et surtout après le 11 septembre 2001, le Pentagone a confirmé que la lutte contre l’islam était au cœur de la croisade dite « anti-terroriste ». L’islamophobie a trouvé une place de choix dans la panoplie stratégique militaire. Elle correspond à un choix géopolitique mondial.
Pour mener la bataille idéologique et culturelle contre le racisme, il y a dans l’islamophobie des contradictions qu’un mouvement antiraciste peut exploiter mais qui l’oblige à se reconstruire. Il y a notamment une discussion sur la signification du mot lui-même. Comment nommer ce racisme qui prend de nouvelles formes. Certes les discussions sur les mots sont importantes. L’islamophobie peut-elle être réduite au racisme antimusulman ou au racisme anti-arabe ? Elle les contient certainement mais elle ne s’y réduit pas. C’est un racisme spécifique, comme pour l’antisémitisme dont la signification a été imposée. Acceptons de partir de ce qui est ressenti par les discriminés, même s’il a pu être imposé par les discriminants.
Dans quelle situation sommes-nous ?
Pour prendre la mesure de l’islamophobie, et des manières de la combattre, il faut revenir à la situation et à la compréhension des grandes contradictions. Partons de l’hypothèse que nous sommes dans une nouvelle séquence de bouleversements et de contradictions. A partir de 2008, l’évidence d’une crise du capitalisme s’impose. Les forces dominantes ont engagé une contre-offensive extrêmement brutale qui a mis en difficulté les forces anti-systémiques. Mais, elles n’ont pas résolu leur problème, malgré des succès de court terme, elles ne sont pas sorties de la crise du système.
Depuis 2011, des mouvements massifs, quasi insurrectionnels, témoignent de l’exaspération des peuples. Les révoltes des peuples ont un soubassement commun dans la compréhension de la situation globale depuis 2008. Mais, ce n’est pas sur cette analyse d’ensemble que démarrent les mouvements. L’explosion part de questions inattendues et se prolonge. Elle semble ensuite refluer mais laisse des traces et surgit ailleurs.
Ces mouvements montrent que la contre-offensive de l’oligarchie dominante ne s’est pas imposée, même si elle a marqué des points. Elle montre aussi que la seule réponse des peuples n’est pas dans la droitisation des positions. Certes, la montée des courants fascistes, d’extrême droite et populistes réactionnaires est sensible. Elle prend d’ailleurs des formes différentes avec le néo-conservatisme libertarien aux États-Unis, les diverses formes de national-socialisme en Europe, le jihadisme armé au Moyen-Orient, le hindouisme extrême en Inde. Dans plusieurs des nouveaux mouvements, la gauche classique est battue en brèche et des courants de droite paraissent quelquefois imposer leurs points de vue. Mais, dans leur ensemble, les mouvements portent la contestation de l’ordre dominant.
La bataille pour l’hégémonie culturelle devient essentielle. Elle nécessite à la fois la contestation de l’ordre dominant et la remise en cause de la poussée de la droitisation dans les sociétés. Cette droitisation prend appui sur trois idées imposées et déclinées sans relâche par les médias dominants. D’abord, le néolibéralisme c’est le réalisme et il n’y a pas d’autres alternatives ; autant se soumettre pour éviter le pire. Ensuite, le soviétisme a miné l’alternative socialiste et s’est opposé aux aspirations démocratiques ; l’égalité est une utopie dangereuse. Enfin, la lutte contre l’insécurité passe par l’idéologie et les politiques sécuritaires ; l’ennemi est partout et le racisme relève de l’autodéfense.
La défiance par rapport au politique s’affirme à travers le rejet de la corruption, la condamnation systématique de la corruption systémique. La fusion entre le politique et le financier corrompt structurellement la classe politique dans son ensemble. Le rejet de la corruption va au-delà de la corruption financière ; il s’agit de la corruption politique. Elle est visible dans les politiques imposées, celles du capitalisme financier, et dans le mélange des intérêts. La subordination du politique au financier annule le politique. Elle remet en cause l’autonomie de la classe politique et la confiance qui peut lui être accordée.
Le mouvement social est confronté, dans ses réponses, à plusieurs défis : le précariat, l’alliance avec les compétents, la xénophobie. Le premier défi concerne l’indispensable et très difficile alliance pour les luttes communes entre travailleurs non-précaires et les précaires. C’est un défi social, culturel et idéologique majeur. L’islamophobie est utilisée pour accentuer la division dans les couches populaires. De plus, l’islamophobie permet de diviser les classes populaires et les classes moyennes. Les diplômés chômeurs ne sont-ils pas souvent issus de l’immigration ? Une idée simple est proposée : pour éliminer la précarité, éliminons les précaires qui seraient par nature étrangers à nos sociétés ; éliminons les étrangers. Comme le disait si bien Coluche « Attention ! Méfions-nous ! Il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde ! »
Le défi principal concerne la montée des idéologies racistes et xénophobes. Elles prolifèrent à partir de la peur et des insécurités sociales, écologiques et civiques. Elles se traduisent dans la guerre aux migrants et dans les guerres civiles. Elles se traduisent dans la crainte de l’islam qui monte en puissance dans certaines régions du monde. Elles alimentent le « désenchantement » qui prolonge le basculement géopolitique du monde. Comment penser son identité quand on sait qu’on ne sera plus au centre du monde ? Il devient urgent de faire admettre qu’on peut très bien concevoir un monde sans centre du monde.
Pour lutter contre l’islamophobie, on peut s’appuyer sur la nouvelle culture politique portée par les mouvements. Cette approche enrichit la manière de relier les déterminants des structurations sociales : les classes et les couches sociales, les religions, les références nationales et culturelles, les appartenances de genre et d’âge, les migrations et les diasporas, les territoires. Elle expérimente de nouvelles formes d’organisation à travers la maîtrise des réseaux numériques et sociaux, l’affirmation de l’auto-organisation et de l’horizontalité. Elle tente de redéfinir, dans les différentes situations, des formes d’autonomie entre les mouvements et les instances politiques. Elle recherche des manières de lier l’individuel et le collectif. Elle se réapproprie l’espace public. Elle interpelle les formes de représentation et, notamment, les limites de la délégation. Ce n’est pas un changement du rapport au politique mais un processus de redéfinition du politique.
Quelle place dans le projet et la stratégie ?
Pour un mouvement comme ATTAC, il faut inscrire la lutte contre l’islamophobie dans une démarche qui implique la définition de son projet, la démarche stratégique, la construction des alliances.
Attac travaille à définir un projet d’alternative à la phase actuelle de la mondialisation capitaliste, le néolibéralisme, et à la mondialisation capitaliste elle-même. L’association définit son approche à partir de la transition sociale, écologique, démocratique et géopolitique.
L’approche par la transition permet de rompre avec l’idée du grand soir, de réintroduire la durée dans la transformation sociale et culturelle, le cheminement par rapport à l’optimum à imposer. Il comporte aussi l’idée qu’il faut commencer tout de suite, sans pour autant abandonner l’importance des ruptures nécessaires et des périodes de rupture. Les pratiques alternatives s’appuient sur des nouveaux rapports sociaux en gestation, sans sous-estimer les risques de récupération.
La stratégie nécessite l’articulation entre l’urgence et le projet. Comment lutter pour l’amélioration des conditions de vie des couches populaires en inscrivant cette action d’urgence dans la perspective d’une transformation radicale. Elle implique la lutte contre l’austérité, les inégalités, l’urgence écologique et démocratique.
Quatre conditions sont nécessaires :
Donner toute sa place au front idéologique et culturel pour reconstruire l’idée d’émancipation
Mettre la lutte contre les discriminations au centre du projet et de la stratégie
Faire converger la diversité des luttes et des mouvements qui luttent contre les différentes formes d’oppression et d’exploitation
Inscrire le respect des droits fondamentaux au centre du projet et de la perspective stratégique
La lutte contre le racisme, et contre l’islamophobie qui en est, aujourd’hui, une des formes principales est une dimension essentielle de chacune de ces quatre conditions.
La réinvention de la démocratie est nécessaire, indispensable, pour tirer les leçons de l’échec du soviétisme, pour répondre aux aspirations démocratiques et pour construire la confiance populaire. La lutte contre le racisme et l’islamophobie contribue à la réinvention de la démocratie par de très nombreux aspects. Elle oblige à réexaminer les rapports entre les classes, les genres et les races ; les rapports entre religions et cultures ; la colonialité du pouvoir ; les migrations et la liberté de circulation ; la laïcité ; l’universalisme ; etc.
Comment poser la question des alliances ?
Pour apprécier une alliance, l’approche classiste est toujours pertinente, indispensable, mais jamais suffisante. Chacune des couches sociales engagées dans une alliance peut et doit être appréciée en fonction de la nature et des positions de classes. Mais, l’alliance joue plutôt sur les contradictions de classes et sur leurs évolutions, aucune structure sociale n’étant immuable. D’autant que les alliances engagent la complexité des sociétés et de leurs contradictions, plusieurs des composantes engagées n’étant pas des classes et étant interclassistes. Le schéma classe contre classe ne correspond pas à des alliances mais suppose un affrontement ou chacun choisit son camp. Il correspond plus à une bataille qu’à une alliance de long terme.
Ces alliances se construisent à plusieurs échelles, locales nationales, par grandes régions et mondiales. Elles progressent dans plusieurs directions : dans les résistances, dans les pratiques alternatives, dans les débats idéologiques, dans les revendications pour les politiques publiques d’égalité, dans les avancées du droit international. Pour ATTAC, la stratégie des alliances combine plusieurs niveaux : les priorités nationales, les comités locaux, les membres fondateurs.
Pour schématiser, proposons de distinguer trois types d’alliances, en dehors des alliances tactiques de court terme sur des initiatives ou des mobilisations.
L‘alliance de mobilisation et de résistance qui peut-être de moyen terme et qui correspond à des situations de moyenne période. Par exemple les alliances anti-fascistes ou le front populaire. Aujourd’hui, pour ATTAC, ce serait la stabilisation d’un front anti-austérité.
L’alliance de projet est une alliance de très long terme qui porte sur une transformation révolutionnaire par rapport au mode de production dominant. Par exemple les soviets entre ouvriers et soldats en 1917, les alliances entre ouvriers et paysans dans les révolutions chinoises et vietnamiennes. Aujourd’hui pour ATTAC, il s’agirait de définir l’alliance correspondant aux mouvements qui s’inscriraient dans le projet de transition sociale, écologique, démocratique et géopolitique. Il s’agirait de stabiliser une aile « radicale » dans la diversité des mouvements des forums sociaux.
L’alliance stratégique de long terme qui cherche à modifier les rapports de forces sur le long terme. Prenons pour exemple de ce type l’alliance entre les mouvements de libération nationale et les mouvements communistes qui a permis de 1920 à 1970 la révolution de la décolonisation.
EN 1920, le Congrès de Bakou opère un renversement d’alliance ; il propose l’alliance anti-impérialiste entre les mouvements de libération nationale et les mouvements communistes qui étaient alors en guerre entre eux. Les mouvements de libération nationale se méfiaient des communistes et les mouvements communistes considéraient que les bourgeoisies nationales contrôleraient les libérations nationales ; ce qui s’est révélé partiellement exact. De 1920 jusqu’à Bandoeng en 1955, cette alliance a mené la révolution anticoloniale et a réussi à « encercler » les pays impérialistes. C’est la rupture au sein du mouvement communiste entre la Russie et la Chine, à la fin des années 1960, qui a interrompu ce mouvement et a facilité la contre-offensive néolibérale à la fin des années 1970.
L’alliance à construire entre les mouvements sociaux et les mouvements religieux peut-être de cette nature. Elle passe par la différenciation au sein des mouvements religieux sur la question sociale et au sein des mouvements sociaux sur la démocratisation. Cette alliance a déjà fonctionné par exemple pour le PT au Brésil qui a regroupé toutes les nuances du communisme (trotskystes, maoïstes, orthodoxes, anarchistes) et plusieurs nuances des mouvements chrétiens (théologie de la libération et comité œcuméniques de base, jusqu’à quelques courants évangélistes).
Cette configuration s’est produite ailleurs, dans les mouvements anti-apartheid aux États Unis et en Afrique du Sud dans l’ANC. En France aussi, dès 1936, Maurice Thorez tendait la main aux catholiques et précisait quelques années plus tard : nous vous le proposons non pas malgré ce que vous croyez mais à cause de ce que vous croyez. Manuel Bridier, premier président du CEDETIM, venu de la Résistance et membre du bureau du PSU disait « au PSU, j’ai rencontré des chrétiens de gauche, je n’imaginais même pas que ça pouvait exister. Et puis, je me suis rendu compte que nous étions en désaccord complet sur tout ce qui est fondamental mais complètement d’accord sur ce qu’il fallait faire le lendemain ». Plus proches de nous, c’est cette alliance qui a permis le succès des mobilisations du Larzac et de LIP dans les années 70.
L’enjeu aujourd’hui c’est l’alliance avec des mouvements qui se réfèrent à l’islam. On ne pourra pas lutter contre l’islamophobie sans des mouvements qui se réfèrent à l’islam. D’autant que ces mouvements ne sont pas immuables et qu’ils sont traversés par des contradictions. N’oublions pas non plus les contradictions dans les mouvements qui se veulent progressistes et le rôle que joue une partie des courants qui se veulent à gauche dans la légitimation et le renforcement de l’islamophobie. Sans lutte contre l’islamophobie, il y a peu de chances d’avancer dans la construction de l’unité de la classe ouvrière et des couches populaires.
Débat :
– Comment construire les solidarités au delà des Forum sociaux ?
– Privilégier des alliances sur des projets, comme par exemple l’embauche massive dans le secteur public, plus que des alliances d’appareil
– L’alliance avec mouvements islamistes ou chrétiens peut être problématique.
– Pas d’alliance stratégique sans programme commun très élaboré. La situation n’est pas encore assez mûre.
– Attac doit devenir plus homogène sur son analyse du monde et de ses basculements. Il n’est pas possible d’associer tous les partenaires de toutes les luttes dans un même cadre. UOIF, Tarik Ramadan, PIR, CFM, PSM, CCIF, ont des projets différenciés, on ne peut pas travailler au même niveau avec tous.
– L’alliance de Bakou contre le colonialisme et pour la libération nationale n’était pas pour le projet politique post indépendance (où la concurrence était féroce).
– UOIF a demandé à rencontrer ATTAC : le bureau a refusé sans qu’aucune réponse officielle n’ait été faite. Est-ce normal ?
– Il y a une nécessité de discuter avec Tarik Ramadan et avec les Indigènes. Mais l’invitation du PIR au séminaire n’a pas été actée par le bureau.
– Il faut nouer des contacts pour connaître le paysage politique. UOIF est en crise, leur jeunesse est en demande de réponses radicales.
– La discussion avec les organisations est un moyen pour participer à leur polarisation, aider à construire des forces sociales, et pas des cartels d’organisations.
– Proposition de construire les alliances sur un projet contre les discriminations.
Messages
20 septembre 2017, 21:15, par Mallocci sandra
Bonjour
Vous me connaissez je suis sandra mallocci
Je ne peux pas tout lire maintenant sur la question de l islam mais le sujet m a intéressé vous apportez des nuances j ai decouvert leila slimani à travers un articlé dans l obs j aime également sa vision nuancée et non pas sectaire pour ma part je pense que la mort du paganisme a destructuré le lien social populaire lire RABELAIS et BAKTINE sur la culture populaire et le paganisme
Voilà c est ma contribution
À part ça à l’ hopital la tsarine a refusé de me prescrire mon traitement mauvaise ambiance à purpan j ai peur pour les patients
Je vous souhaite bonne réception de ce courrier et continuerai à apporter ma maigre contribution si je le peux