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Qu’est ce que l’état d’urgence ? (CL d’Angers)
Intervention UniverCité des quartiers populaires
samedi 16 juin 2018
I- Qu’est ce que l’état d’urgence ?
Forme d’état d’exception qui permet aux préfets et ministres de l’intérieur de prendre des mesures qui restreignent les libertés.
Mesures emblématiques :
– assignation à résidence
– Interdiction de manifester ou interdiction de se rendre dans des lieux ou territoires
– Perquisition administratives de jour comme de nuit
Ces éléments ne sont pas saisis par la justice mais par les préfecture par ses pouvoirs de police. Contrôle a posteriori via le T.A.
Application avant les attentats : en 2005 pendant les mouvements de révolte des banlieues.
Etat d’exception qui n’a jamais été appliqué aussi longtemps.
Origines : guerre d’Algérie.
II- Analyse politique de l’état d’urgence
– amplifie un climat fait d’amalgames, de racisme et d’islamophobie.
Cela se surajoute et amplifie des discriminations déjà présentes. Il y a une forme de suspicions notamment pour les habitants des quartiers et les musulmans.
– également délétère pour la démocratie, déjà plus qu’imparfaite, avec un transfert de pouvoir vers l’exécutif, marqué par l’arbitraire et l’atteinte aux libertés.
Transfert de pouvoir vers la police et les préfets.
Place de plus à l’arbitraire.
– créé un prétexte et des outils supplémentaires pour réprimer les mouvements sociaux (COP 21, Loi travail, criminalisation du soutien au peuple palestinien) et intimider les militantes et les militants qui luttent pour un autre monde.
– renvoie à un imaginaire de « guerre intérieure » sans questionner la cause des impérialismes dans le marasme international (on ne peut comprendre la montée de Daesh sans parler de l’intervention étatsunienne en Irak...)
– Esquive, conduit à amoindrir la possibilité, dans le débat public, d’affronter les urgences sociales et écologiques actuelles qui ne manquent pas. Cet imaginaire de "guerre" tend à minimiser la « guerre économique » menée par la finance, les multinationales et les classes dominantes contre les peuples partout dans le monde.
III- Mobilisations locales
Création de collectifs contre l’état d’urgence et initiatives multiples à Angers.
– Première manif dès novembre à l’initiative des milieux libertaires.
– Création d’un collectif en janvier 2016 avec comme issue un meeting public avec 150 personnes. Tract qui circule. Mobilisation de syndicats, d’organisations politiques à la gauche du PS, d’associations.
– Relance de ce collectif en novembre 2016 pour ancrer dans le temps les actions contre l’état d’urgence.
Programme avec 5 évènements (actions de rue aussi pour recueillir les paroles sur l’état d’urgence et interpeller, ciné-débat, soirée de témoignages de victimes de l’état d’urgence, pique-nique l’état d’urgence, interpellation de tous les candidats aux législatives avec position rendue publique, interpellation des nouveaux députés sans aucune réponse)
Bilan de ces luttes : arc large de groupes sociaux et forces touchés par l’état d’urgence (habitants des quartiers, musulmans, syndicalistes, mouvements sociaux, militants écolo, militants en soutien au peuple palestinien…). Une victoire : l’abandon du projet de réforme de la Constitution pour introduire dans celle-ci la déchéance de nationalité. Une des mesure les plus racistes et nationalistes. Les mobilisations ont permis certains reculs mais l’état d’urgence est toujours en vigueur.
Humainement très riche, a permis de faire entendre les témoignages des personnes victimes de l’état d’urgence à Angers et notamment : un ancien appelé en Algérie contre la guerre à qui cela rappelle le climat des horreurs de l’Algérie, une jeune militante qui s’est vue agresser par la police lors des mouvements à Rennes, les militants pour la justice climatique à Angers, un habitant qui a vu défoncer sa porte par 6 policiers en mode tortu ninja à 6h du matin.
Difficulté stratégique à permettre une mobilisation d’ampleur contre l’état d’urgence.
On en reparlera mais projet politique de Macron de faire passer l’état d’urgence dans la loi de façon permanente.
IV- Exemple de la répression du mouvement justice climatique
Bon exemple de l’instrumentalisation et de l’amplification de la répression au moment de la COP 21.
Pour rappel, la COP 21, c’était fin 2015 le sommet international de tous les états au Bourget à Paris pour finaliser un accord mondial sur le changement climatique. Au niveau du calendrier international, c’était le sommet d’une importance énorme.
Depuis 2 ans avant, une mobilisation se préparait du côté des associations environnementales mais aussi des associations d’éducation populaire et du mouvement syndical.
Il était et il est primordial de pas laisser ces questions aux seuls gouvernements largement en dessous des enjeux face au changement climatique.
D’où ce mouvement pour la justice climatique.
« Justice climatique » car c’est à la fois un mouvement contre le changement climatique et pour la justice sociale.
Car la question du changement climatique n’est pas neutre : la responsabilité n’est pas également partagé entre tous face au changement climatique : celle des entreprises du CAC 40 ou d’un habitant de quartier populaire n’est pas du tout la meme face au changement climatique. Egalement, les victimes du changement climatique sont les personnes précarisées.
Tandis que les gouvernements veulent répondre par un capitalisme vert, il est super important que les mobilisations en face puissent porter une autre voix.
Donc à Angers, un éventail large d’acteurs organisaient une mobilisation sur cette question.
Comment l’Etat d’urgence à permis de réprimer ce mouvement :
– au niveau local, tandis qu’on organisait une manifestation pour la justice climatique le 28 novembre 2015 où l’on aurait pu attendre 2 000 participants, la préfecture a interdit par arrêté préfectoral cette manifestation. L’interdiction induit une menace pour les personnes qui ont déclaré la manif en préfecture (3 personnes) une menace de 7 500€ d’amendes.
Face à cela, il a été décidé non pas d’interdire la marche mais de la transformer en chaîne humaine en informant les participants tout de même que la marche était interdite. Et vu qu’on était 300, on a été obligé de faire une marche parce qu’on était trop nombreux pour une chaîne humaine.
Là où il y a une vraie instrumentalisation, c’est qu’en parallèle, il y avait le marché de Noël ou pleins d’évènements soit sportifs, soit commerciaux qui étaient autorisés. C’était le contenu politique qui dérangeait et il ne fallait pas faire de vague.
A Paris et à l’échelle nationale, la répression a été encore plus sévère :
– X ?? de militants écologistes ont été assignés à résidence pendant la COP 21 à pointer X fois par jours au commissariat.
– La manif d’ouverture le lendemain le 29 novembre à Paris a été interdite. Des organisations et des personnes ont quand même souhaité ne pas céder à la peur : 317 personnes arrêtées et mises 24h en garde à vue, évidemment fichées, etc..
Volonté, juste au tout début de la COP 21, de faire un exemple et de faire peur aux militants.
Sans cette répression, cela aurait été la plus grosse mobilisation pour la justice climatique que la France ait jamais connue.
« C’est vrai, l’état d’urgence a servi à sécuriser la COP 21, ce qu’on n’aurait pas pu faire autrement », nous avoue Hollande avec franchise. « Imaginons qu’il n’y ait pas eu les attentats, on n’aurait pas pu interpeller les zadistes pour les empêcher de venir manifester. Cela a été une facilité apportée par l’état d’urgence, pour d’autres raisons que la lutte contre le terrorisme, pour éviter qu’il y ait des échauffourées. On l’assume parce qu’il y a la COP. »