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Lettre-type de plainte contre le ministre de l’intérieur

lundi 10 octobre 2016, par Groupe Société-Cultures

A la commission des requêtes de la
Cour de justice de la République
21, rue de Constantine
75007 Paris

Objet  : dépôt de plainte contre Monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
PJ : copie de ma pièce d’identité

Mesdames, Messieurs,

Je dépose plainte contre Monsieur le ministre de l’Intérieur pour m’avoir exposé directement à un « risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement », comme prévu par l’article 223-1 du code pénal.

En tant que ministre de l’Intérieur et donc chef des polices, Monsieur Bernard Cazeneuve est responsable des consignes qui sont données aux forces de l’ordre et des conséquences qui en découlent. Si les forces de l’ordre ne sont pas juridiquement inquiétées lorsqu’elles suivent un ordre, quelqu’un doit répondre de cette décision. Dans le cas contraire, un sentiment d’injustice et d’impunité ne peut que légitimement se répandre, engendrant forcément des réactions violentes.

Lors des manifestations contre la loi El Khomri, j’ai participé à des rassemblements durant lesquels les ordres donnés aux forces de l’ordre m’ont mis en danger. D’ailleurs, des centaines de manifestants pacifiques, et non des individus violents, ont été blessés.

Dans le cadre du maintien de l’ordre, les ordres donnés en marge des manifestations sont généralement illégitimes, injustifiés ou incompatibles avec la réalité et les problématiques rencontrées sur le terrain.

Ces ordres entraînent des conséquences incontrôlables pour lesquelles personne n’est inquiété au niveau décisionnaire. Seuls les manifestants et les forces de l’ordre payent les conséquences de ces décisions.

Les violences qui ont été engendrées dans les mobilisations précédentes, en partie à cause de ces ordres que nous condamnons, ont légitimé la colère que les manifestants peuvent avoir contre l’autorité.

Tout d’abord, les forces de l’ordre reçoivent l’ordre de ne rien faire, même lorsqu’elles essuient des tirs de projectiles, entraînant une frustration et le sentiment d’une impunité. Elles ont ensuite l’ordre de charger alors qu’il n’y a plus aucune justification à cet assaut.

Quand nous, manifestants, nous retrouvons piégés et pris au piège d’une confrontation entre des individus violents et les forces de l’ordre, sans aucune possibilité de sortie de secours, les ordres donnés mettent en danger notre intégrité physique et morale.

Pire, ces ordres favorisent des situations de conflit qui entraînent un grand nombre de blessés parmi les manifestants et les forces de l’ordre. Certains d’entre eux en sont sortis gravement mutilés, voire même handicapés pour toute leur vie.

Ces ordres entraînent des situations d’incompréhension générale et alimentent un climat stressant et des réactions violentes.

Ces ordres ne servent pas le maintien de l’ordre mais contribuent à légitimer l’emploi de la force et de la violence des deux côtés. Ils provoquent des situations graves qui sont ensuite exploitées excessivement et de manière indécente afin de faire taire la cause même de la mobilisation. Ils renforcent les tensions et contribuent à la stigmatisation des forces de l’ordre et des manifestants.

La volonté de cette mise en danger est politique et émane en grande partie du ministre de l’Intérieur, comme le prouve le déroulement apaisé des manifestations des 23 et 28 juin 2016. Je souligne cependant que la manière dont ces deux dernières manifestations ont été autorisées limite gravement le droit de manifester.

De même, Monsieur Bernard Cazeneuve me met en danger de par sa gestion de la lutte antiterroriste.

Il a fait le choix de prolonger l’état d’urgence et l’opération Sentinelle alors que l’inefficacité de ces mesures a été constatée. De plus, aucun moyen n’est donné aux services de renseignement pour cibler les zones à risque et ainsi mieux gérer le déploiement des forces de l’ordre.

Monsieur le ministre n’assure donc pas ma sécurité : si le risque zéro n’existe pas, il pourrait être minimisé en ciblant mieux les risques identifiés.

Enfin, le ministre de l’Intérieur pousse sciemment au bord de l’épuisement les personnels des forces de l’ordre. De nombreux CRS sont à plus de 160 heures supplémentaires par mois, soit plus du double du temps de travail habituel, dans un contexte demandant encore plus d’attention. Ces personnels sont armés et doivent assurer notre sécurité. Comment peuvent-ils l’assurer s’ils sont au bord de l’épuisement ? Comment éviter un incident dû à la fatigue ?

Pour toutes ces raisons, je vous demande de poursuivre et de condamner Monsieur Bernard Cazeneuve à un an de prison, à 15 000 euros d’amende et à une privation de tout droit d’exercer des responsabilités publiques.

Prénom Nom
Signature