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Je suis tombé par terre, c’est la faute à Daech ?

Gérard COLLET CL de Grenoble

lundi 22 août 2016, par Martine Boudet

Dix-huit mois se sont écoulés depuis que le coup de tonnerre de Charlie Hebdo a secoué la France. Depuis cette date, tout et le contraire a été dit quant aux causes, aux conséquences, aux parades possibles.

Tout a été dit par les politiques, par les Grandes Plumes, par les intellectuels organiques et les experts en tout. Et dans les sphères influentes, chacun a tenté de s’approprier la terrible suite d’événements et d’en tirer le meilleur parti. Cette instrumentalisation a été faite parfois de manière si grossière que le plus simplet des électeurs ne s’y est pas trompé ; cela a été fait jusqu’à l’indécence, au point que politiques et éditorialistes aux ordres y ont laissé leurs dernières onces de crédibilité. Pendant tout ce temps, il a fallu chercher avec obstination pour trouver des points de vue s’écartant de la doxa.
Pourtant cette débauche de commentaires et analyses laisse un goût bizarre. Une impression malsaine comme si au fond l’on était, malgré toutes ces contributions, passé à côté de l’essentiel, comme si toute cette matière grise n’avait pas réussi à vraiment appréhender le sujet et les enjeux, comme si l’on n’avait pas progressé vers une solution mais seulement accumulé les faux-fuyants. Ou plutôt, car on ne peut avoir de doute n’est-ce pas, sur l’intelligence des analystes en renom, plutôt comme si tout avait été faussé par des présupposés indépassables, comme si les pensées avaient été distordues par des objectifs de communication calculés, comme si enfin postures, préjugés et intérêts avaient dominé la réflexion.

Quel était au fond le but des analyses officielles ?
Si l’on s’en tient aux déclarations qui ont saturé l’espace médiatique, celles des responsables politiques, celles des grands journaux et des chaînes d’information, celles des éditorialistes en vue, on ne tarde pas à voir que derrière l’apparente diversité, les rodomontades téméraires et les idées apparemment novatrices, certains sujets sont restés quasi tabous. Il apparaît que tout en feignant de rechercher la genèse des actions « terroristes » [1], il fallait avant tout escamoter le rôle des guerres étrangères, ne pas parler des questions sociales au sens large (y compris la délicate affaire de l’univers carcéral), ne jamais mentionner le poids de la guerre en Palestine, oublier l’histoire coloniale et ses non dits ou ses mensonges.
La volonté affirmée de tout ramener à Daech [2] servait alors toutes ces causes la fois : elle évitait de questionner l’état de la société française et donc la responsabilité des gouvernements successifs et de leurs lignes politiques invariablement néolibérales et impérialistes, et justifiait de facto les actes de guerre en Afrique et au moyen-orient, destinés à éradiquer ce foyer du terrorisme décrit métaphoriquement comme un abcès qu’il suffirait de vider pour faire disparaître le mal.
Cette stratégie de communication n’a jamais été plus claire que le terrible soir du 14 juillet, lorsque le président lui-même décida d’attribuer d’emblée la responsabilité de l’attaque au « terrorisme islamiste » avant même que la moindre enquête ait eu le temps d’être menée, et alors que l’on ne connaissait à peu près rien à part la couleur du camion incriminé [3]. A ce jour, la preuve incontestable du lien avec Daech et même avec la religion n’est toujours pas faite. Cette déclaration, qui venant du magistrat suprême ne pouvait que peser sur l’ensemble des postures à venir, et pour désinvolte qu’elle put sembler, ne pouvait être le résultat d’une erreur ou de la précipitation. Le pouvoir en place avait d’emblée choisi le schéma qui lui semblait politiquement le plus profitable, n’entendait attendre aucune information complémentaire, et défendrait cette posture jusqu’au bout. On ne peut évidemment s’empêcher de penser à la réaction de José Maria Aznar, qui après l’horrible attentat de la gare d’Atocha, pensa habile d’incriminer l’ETA.
Avec la caution de cette affirmation au plus haut niveau de l’état, les guerres au moyen orient étaient de facto justifiées, et le renforcement de la réponse sécuritaire coulait de source.
Pourtant, incriminer Daech et invoquer de puissants « réseaux terroristes » n’a guère de sens alors que le degré d’organisation des attentats les plus récents (Nice, et Saint-Étienne-du-Rouvray, mais également ceux de Paris) est proche de zéro. Écraser des piétons avec un camion ne relève pas de la tactique la plus élaborée, et malheureusement, sauter d’une voiture de location pour tirer sur une terrasse de café n’est pas non plus un chef d’oeuvre d’organisation à l’heure où, nous répète-t-on, la Kalachnikov est devenue facile à acquérir. Surtout lorsque la question du repli n’est pas même envisagée et que les tireurs ont d’emblée choisi de mourir.
Certes en cherchant bien, on trouvera que les psychopathes qui ont commis ces actes possédaient des smartphones, avaient des correspondants, avaient repéré les lieux, et peut-être même avaient parlé de leurs projets [4]. Mais il paraît tout à fait arbitraire et stérile d’échafauder une causalité prenant Daech pour principale origine.
On peut d’ailleurs se demander pourquoi l’Allemagne, de ses sphères politiques à ses éditorialistes et dans des circonstances proches, ne s’est pas enferrée dans la même démonstration [5].

L’inversion des causalités
Il semble bien en effet que Daech ne « recrute » pas au sens propre les malades mentaux et les repris de justice qui commettent ces attentats. Pour ces enrôlements, l’EI ne fait que diffuser son idéologie mortifère, et les djihadistes n’ont pas même besoin d’un état pour le faire, comme le montra Ben Laden. Les voies de l’Internet, innombrables, multiformes, incontrôlables et peu coûteuses sont largement suffisantes pour cette propagande ; le discours sera toujours audible, le ressentiment toujours aussi fort, les martyrs potentiels toujours là... La vraie question est donc de comprendre ce qui pousse des desperados à se raccrocher à cette idéologie et à accomplir ses rites, et non de prétendre faire disparaître la mouvance djihadiste de la planète. Mais cette question renvoie à l’état social de la France, ce qui ne convient à aucun de nos dirigeants, car il faudrait alors mettre en doute l’approche guerrière, reconnaître les injustices, comprendre les rancoeurs, dénoncer les récits historiques partiaux qui nourrissent cette haine. Et cela suppose préalablement de rejeter l’aberrante position de Manuel Valls pour qui « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser ». Pourtant, comment lutter contre ce qu’on ne comprend pas ?
On en vient donc, dans la frénésie de réflexions sécuritaires, à échafauder toutes sortes de théories sur les motivations des assassins, à répéter en boucle que c’est notre mode de vie qu’ils exècrent, qu’ils ne supportent pas de nous voir boire des bières en terrasse, que notre liberté les horrifie, que nos valeurs les hérissent, que la musique les rend fous furieux... Mais on évite soigneusement d’insister sur les faits tangibles, de mentionner leurs professions de foi, de rappeler leurs dernières déclarations, et lorsqu’on ne peut l’éviter, on l’oublie aussitôt et on ne semble en tenir aucun compte. Or dans presque tous les cas, c’est bel et bien de la guerre en Syrie en en Irak que les assassins ont parlé : c’est des bombardements occidentaux, des « dommages collatéraux » et de la volonté de la coalition de régenter le Moyen Orient qu’ils ont parlé ; c’est de l’interminable colonisation perpétrée par l’état Hébreu.

Du terrorisme à l’Islam
Reste enfin, parmi les conclusions « contre-productives » qui se sont vulgarisées, la dangereuse confusion à tous les niveaux entre l’Islam et la succession d’assassinats, l’utilisation tous azimuts de termes inquiétants et flous, jamais définis et souvent utilisés fort schématiquement.
Dans cette dangereuse approximation, l’Etat Islamique est présenté comme la cause unique et directe des actes terroristes, tandis que le « salafisme » en serait évidemment la contrepartie et la base arrière sur notre territoire ; alors « l’intégrisme » ferait évidemment le lit du salafisme. « Radicalité », « Intégrisme » et « salafisme » deviennent ensuite quasi synonymes de terrorisme, et les plus volontaires taxent d’angélisme, de sophisme ou de complicité tous ceux qui prétendent ne pas confondre les catégories. De là, il devient aisé de suggérer que l’Islam dans son ensemble ferait preuve de beaucoup de mansuétude à l’égard de ses intégristes, de mettre en demeure tous les fidèles ou supposés fidèles de se démarquer à haute et intelligible voix, et la boucle est bouclée qui montre du doigt l’ensemble des musulmans ou supposés tels. Or cette conclusion est précisément celle qu’il faut éviter, celle qui peut miner la confiance et dynamiter la paix civile. Le plus stupéfiant étant que tous nos brillants dirigeants et leurs analystes complices expliquent urbi et orbi que là est le piège tendu par les terrorisme, alors que tous leurs discours et toutes leurs décisions conduisent directement dans ce mur.
Qui devient terroriste ?
Tandis qu’il a souvent été difficile de démontrer la religiosité des assassins, et a fortiori leur intégrisme ou l’adhésion au salafisme de gens plutôt connus comme piliers de boîtes de nuit et adeptes de l’alcool [6], il est deux dénominateurs communs qui sont toujours apparus d’emblée et parfois ensemble : une grande perturbation psychologique et un passé de délinquance. Ces caractéristiques sont beaucoup plus criantes et omniprésentes que le radicalisme religieux que sa « rapidité » rend pour le moins douteux.
Or là est exactement la ligne de démarcation, le point de basculement entre les croyances, fussent-elles radicales, et l’activisme violent, haineux, aveugle et assassin. Un individu « radicalisé », qu’il s’agisse d’un militant politique, écologiste, d’un croyant catholique, adventiste, juif ou évangéliste, ne s’empare pas aisément d’une mitraillette pour tirer sur des inconnus. Ce passage à l’acte nécessite de rompre avec des valeurs empathiques et culturelles, avec la société dans son ensemble, et de franchir des barrières légales. En revanche, le délinquant est habitué de longue date à utiliser des armes et beaucoup plus enclin à tuer ; quant à la légalité, il l’a depuis fort longtemps rangée au magasin des accessoires. Pour ce qui est des psychopathies [7], le cas du pilote de Germanwings a montré que certaines d’entre elles pouvaient conduire aux mêmes errements [8]. Et ce sont les circonstances politiques et sociales qui catalysent à certains moments historiques la collusion du radicalisme, de la délinquance et de la folie. C’est donc ces circonstances qu’il faut étudier en priorité. Or cet aspect des faits a été systématiquement minoré, présenté comme une donnée marginale du problème dans la volonté de tenir « l’Islamisme » pour la cause essentielle et quasi unique. Pourtant, outre que les deux paramètres mentionnés sont nécessaires à la compréhension du phénomène terroriste observé, ils interfèrent fortement avec certaines des solutions proposées : à titre d’exemple, les « centres de rétention » chers à certains devraient alors s’emplir non pas de musulmans radicalisés et pour cette raison fichés « S », mais de délinquants et de psychopathes, ou des trois catégories à la fois... La jeunesse pouvant évidemment être un facteur aggravant ainsi que le sexe... Il faudra donc de forts vastes centres.

Racines de l’insatisfaction et facteurs de désintégration sociale

Au delà des faits de terrorisme, la question centrale est bien celle de la cohésion de la société française, et des tensions qu’elle accumule [9]. Comme cela a été maintes fois noté, si l’État Islamique constitue sans doute un attracteur lointain, c’est bien à chaque fois au sein de la société française que se sont cristallisées puis organisées les défiances, les incompréhensions, les haines, les volontés criminelles, puis les actions elles mêmes. Ce sont souvent de jeunes français qui les ont conçues et perpétrées. L’état Islamique, en grande difficulté militaire, n’a selon toute vraisemblance joué pratiquement aucun rôle ni au niveau de l’intendance, ni au niveau de la préparation. Quant à son « assistance tactique et technique », elle se résume à quelques encouragements ineptes et suicidaires prodigués à distance. Et c’est donc bien au sein de la société française qu’il convient de trouver les ressorts de cette vague d’attentats qu’une défaite de Daech n’a guère de chances d’éteindre.
Reste alors ce que d’aucuns nomment le but stratégique de l’État Islamique dont les assassins locaux seraient les marionnettes. Ce but serait selon eux la désintégration de la société française, puisque une victoire militaire est hors de leur portée [10]. En conséquence tous nos choix devraient se porter sur les moyens de maintenir ou de renforcer la cohésion de cette société et de ses valeurs essentielles. La question est donc aujourd’hui de savoir si c’est par la coercition, la menace, la mise en demeure, la culpabilisation et la vindicte permanente que l’on peut parvenir à ce but trop longtemps ignoré.
Mais choisir un autre angle d’attaque représenterait un défi et un changement de registre trop important. Il faudrait alors en effet accepter de voir que les injustices intolérables (celles de la répression sélective [11], des guerres en Irak, en Palestine...) qui révoltent bien au delà de la sphère musulmane sont des ferments de division qui s’ajoutent aux disparités lancinantes de nos villes. Il faudrait accepter de voir l’effet des discours méprisants ou carrément racistes visant musulmans ou descendants d’immigrés maghrébins dans un amalgame bien connu. Il faudrait accepter de reconnaître que trop peu a été fait pour faciliter une intégration équitable de ces immigrés, en particulier au niveau scolaire, alors qu’il était élémentaire de prévoir les multiples handicaps qui les frapperaient. Il faudrait reconnaître le poids du passé colonial dont la page a été insuffisamment et mal tournée [12].
Il ne s’agit évidemment pas de remâcher des culpabilités stériles et hors de propos, mais de reconnaître les faits pour réduire la « fracture de mémoire » (ibid), et de tenter d’en amoindrir les conséquences.
Il s’agit tout simplement de manifester une empathie envers ces compatriotes dont l’histoire familiale et humaine n’est pas celle que notre récit national a construite. Nous devons certes sans faiblesse affirmer notre attachement indéfectible à la vision « républicaine » de la laïcité et des comportements culturels qui lui sont associés ; mais nous devons sans doute accepter qu’elle est un « construit » de longue haleine et de haute lutte, et qu’à ce titre elle devrait être patiemment et obstinément enseignée, expliquée, justifiée, démontrée, légitimée, plutôt qu’imposée comme un dogme culturel et légal.
On ne peut évidemment ignorer que les terroristes incriminés dans les récentes attaques sont majoritairement d’ascendance nord-africaine ou musulmane ou les deux et il faut bien tenter de le comprendre. Mais si l’on refuse le ridicule obscurantiste de mettre ce fait sur le compte d’un gène ou d’une culture spécifique, on doit admettre qu’il exprime assez la perception des injustices qui frappent d’abord ces catégories, et le trouble de l’histoire qui les relie à la France républicaine. Rien ne sert de refuser les révoltes qui en découlent en déclarant « Ils n’ont qu’à »... et ce n’est pas en les stigmatisant, en les désignant, en les mettant en demeure, que l’on réduira les rancoeurs [13].
Dans les mois qui viennent de passer, et de manière croissante tandis que se succédaient les massacres, nombre de commentateurs ont donc dit et répété qu’il importait d’éviter le clivage de la société, et averti que là était peut-être le piège tendu par le djihadisme. Mais tandis qu’ils le répétaient doctement, les mêmes prônaient précisément les solutions qui accentueraient ce clivage, augmentant le risque d’une division civile. Parmi les suggestions récurrentes figure la « fermeture des mosquées salafistes ». Belle formule simple et tentante, même si nombre de voix sont venues rappeler que « salafisme » n’est pas terrorisme. Il est certes bien évident qu’il faut avoir les moyens de contrôler les prêches et sermons tenus dans les lieux de prière, qu’il est indispensable de révoquer sans hésiter les prêcheurs appelant à la sédition ou à la violence, voire de les condamner ou de les expulser. En revanche le projet de fermer le lieu de prière ressemble fortement à une punition collective, rappelle la tentation de « faire disparaître le problème », et ne peut qu’être mal perçu par tous les fidèles concernés.
Or le trouble où l’on jette les plus « intégrés » est déjà perceptible, et à côté des multiples discours de méfiance, trop peu est fait pour cimenter l’unité et réduire « l’exclusion réciproque » [14].
J’ai été personnellement frappé de constater l’intérêt qu’ont porté des amis d’origine maghrébine parmi les plus « intégrés » et les plus laïcs, au discours qu’a consacré le Premier Ministre du Canada M. Trudeau à ses « compatriotes musulmans » à l’occasion de la fête de l’Aïd el Fitr. Certes le Canada n’est pas la France, mais il y avait dans ce discours une reconnaissance de certaines valeurs portées par l’Islam et de ses particularismes des mots qui ont touché ces français d’ascendance maghrébine. Il y avait dans cette mention chaleureuse d’un fête musulmane, une sorte de fraternité qui la rendait l’égale des fêtes célébrées par d’autres religions ayant droit de cité... La légitimation perçue par ces français d’ascendance musulmane qui ont rediffusé le discours sur leurs « réseaux sociaux » disait assez l’exclusion et la marginalisation dans laquelle ils se sentaient cantonnés dans leur propre pays. Quel homme politique français saurait ainsi parler de nos concitoyens d’origine arabe ou de familles musulmanes en de tels termes, les reconnaissant ainsi comme français eux aussi et comme participant à la richesse de la nation au delà de leurs pratiques religieuses ?

Inconséquence des sphères dirigeantes
Après plus d’un an de discours, de réactions émotionnelles, de lieux communs, de faux-fuyants et de déclarations opportunistes, on se retrouve donc dans une grande détresse et un très grand malaise, car on a le sentiment que les élites n’ont agi en cette affaire que par effet d’aubaine, (de la pseudo majorité Hollandienne à la surréaliste opposition Sarkozeuse) comme si au fond elles pensaient que de tels événements étaient les facteurs conjoncturels essentiels de la dynamique électorale, comme si là était leur chance de remporter les scrutins qui s’annoncent [15]. Comme si elles avaient aussi saisi là l’occasion de renforcer leur arsenal anti social [16]. Tout à ces affaires, elles n’auront fait au fond, que « réagir » en cherchant des parades répressives, et n’auront rien entrepris qui soit susceptible de traiter les failles qui minent la société française post-coloniale.
Au lieu de ça, le gouvernement, non content de nous habituer à l’état d’urgence, cherche à nous entraîner dans une logique de guerre, puis de guerre civile qui ne peut que dégénérer [17]. Aujourd’hui réserve opérationnelle, puis garde nationale, à quand des milices dont on devine aisément qui y participera et en quoi cela apaisera la nation et les terroristes en devenir.. 
Toutes ces postures et ces pseudo-décisions inutiles ou néfastes n’auront en rien résolu le problème du « terrorisme », ne l’auront pas même posé lucidement et clairement ; les ténors de la scène politique et médiatique n’auront que perdu davantage de crédit, renforcé la confusion des esprits, accentué les clivages, et libéré les mauvais instincts.

Gérard COLLET
Militant associatif


[1] On sait pourtant bien la duplicité de ce terme dont l’usage est réservé aux pouvoirs en place. Durant les événements d’Algérie, tout combattant de l’indépendance était un terroriste.
[2] Voir l’édito de Politis : « Daech n’explique pas tout », 27 juillet 2016.
[3] « C’est toute la France qui est sous la menace du terrorisme islamiste ../.. nous allons encore renforcer nos actions en Syrie comme en Irak. » François Hollande, 15 juillet 2016, 4 h 34.
[4] Pour le conducteur de l’attentat de Nice, on est allé jusqu’à évoquer les « époux des sœurs de l’ex épouse »...
[5] Voir : Von Orlando bis München : Amok oder Terror ? [Un « attentat terroriste » sous entendu « islamiste » perpétré par un homme qui n’a jamais mis les pieds à la mosquée, comme à Nice, ou carrément commis par un islamophobe, comme à Munich, n’y a-t-il pas là de quoi s’interroger sur la valeur du modèle explicatif que l’on nous propose en boucle ? Tous terroristes ? ]
[6] Ce qui a conduit au concept innovant de « radicalisation rapide » pour ne pas abandonner la ligne officielle.
[7] Catégorie notoirement grossière j’en conviens.
[8] On commence à deviner que la causalité est à l’inverse de celle admise par les autorités. Il n’a pas tué parce qu’il s’est rallié au jihad, il s’est rallié au jihad parce qu’il voulait tuer, parce qu’il ne pouvait plus se supporter dans sa peau. L’homme s’est « radicalisé » pour donner un « sens » à une vengeance nourrie de longue date. (G. Eisenberg, Amok ou terrorisme ?).
[9] Problématique au demeurant mondiale, comme le souligne Paul Rogers dans Irregular wars : « Le monde économique produit plus d’inégalités et engendre de la marginalisation de masse, du ressentiment et de l’amertume. Ces souffrances combinées à l’apparition des limites environnementales mondiales persistantes, en particulier la perturbation climatique, sont le vrai cocktail explosif ».
[10] Voir Yuval Noah Harari : « Théâtre de la terreur ».
[11] Comme le note Eric Fassin au sujet de la mort d’Adama Traoré : « Sous prétexte de combattre le terrorisme, ce gouvernement prétend préserver les forces de l’ordre de toute critique. En réalité, cela revient à aggraver l’hostilité d’une partie de la population à leur égard. »
[12] Voir : Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, La Découverte, 2005 : « Un passé colonial qui ne passe pas ». http://www.scienceshumaines.com/un-passe-colonial-qui-ne-passe-pas_fr_5311.html
[13] Au sujet de la « sensibilisation du grand public » : « On touche là à quelque chose de beaucoup plus complexe qui a un rapport étroit avec la propagande et le conditionnement de la population. Et, pourquoi ne pas le dire, avec un racisme massif, qui fait de tout Arabe un suspect ». Denis Sieffert, Politis, 21/07/2016.
[14] Voir ouvrage mentionné en note 12.
[15] « La prochaine élection présidentielle se jouera sur la façon de protéger les Français, et sur la capacité à être un chef de guerre. Cette question sera essentielle, bien avant celle du chômage. » Éric Ciotti, Le Monde, 18/07/2016
[16] On se souvient de l’utilisation de l’état d’urgence, dès décembre 2015, pour interdire les manifestations autour de la COP 21, et plus tard pour juguler les mouvements contre la Loi Travail.