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Congo-Brazzaville : C’est maintenant qu’il faut dire stop aux scrutins mascarades des dictatures « amies de la France »

Communiqué du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique, 24 juillet 2012

mardi 4 septembre 2012, par Groupe Afrique

Les élections législatives des 15 juillet et 29 juillet 2012 au Congo-Brazzaville se déroulent en plein été en France, alors que les élections françaises viennent de provoquer l’alternance. La nouvelle politique africaine française, soumise à des contraintes diplomatiques comme au poids du passé, tarde à se définir. Pourtant, l’arrêt sans ambiguïté du soutien aux dictatures, le soutien à la démocratisation sont attendues en France comme en Afrique : aucun scrutin servant à protéger un régime dictatorial n’est admissible.

Denis Sassou N’Guesso, qui a déjà été au pouvoir 27 ans, n’organise pas des élections pour les perdre. Le parlement sera nommé par le parti-Etat, le Parti Congolais du Travail (PCT), qui ne laissera aucune chance à des forces d’opposition. Les listes électorales ne sont pas fiables, puisqu’il n’y a pas eu de recensement administratif convaincant depuis 1997. La répression, la corruption, le népotisme, la construction par le pouvoir de faux partis, ne permettent pas à une opposition réelle de s’organiser. Le découpage électoral avantage le Nord du pays, dont les circonscriptions regroupent beaucoup moins d’électeurs qu’au Sud.

Le pouvoir dispose de moyens considérables et distribue de l’argent contre le boycott des élections. Comme lors de la dernière élection présidentielle en 2009, la population, qui vit toujours dans la peur depuis la guerre de 1997-1999, n’est pas dupe et évite de se déplacer. Ces législatives, qui se tiennent en présence d’observateurs de l’Union Africaine et de la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) [1] complices et partenaires de la société civile pro-gouvernementale dénommée Fosocel [2], n’apportent aucune avancée démocratique.

Sassou N’Guesso est fort de l’argent du pétrole, dont une grande partie est arrivée en France. Son pays reste stratégique pour l’approvisionnement français en pétrole au travers des sociétés Total ou depuis les années 2000 Pérenco. La société civile congolaise se bat, avec le réseau international ‘Publiez ce que vous payez’, pour la transparence des contrats pétroliers. Leur rapport de février 2011 « rappelle les mécanismes d’évaporation de la rente pétrolière ainsi que la complaisance du FMI et de la France à l’égard des autorités congolaises alors que le Congo peine à obtenir un statut de conformité avec les critères de l’ITIE. » [3]. La population ne profite en effet toujours pas de cette rente.

Ainsi, tandis que la justice française s’active sur les Biens Mal Acquis de la famille gouvernant la Guinée Equatoriale, la poursuite de la procédure contre Sassou N’Guesso est attendue, sans même parler de la fortune déposée dans les paradis fiscaux et judiciaires.

François Hollande hérite d’une relation marquée par des décennies de compromission avec la dictature. Parmi les derniers exemples en date, Nicolas Sarkozy avait laissé, en juillet 2009, Jean-Michel Fourgous et Jean-François Mancel, députés UMP, et Jacques Toubon et Patrick Gaubert, eurodéputés UMP sortants, valider officieusement l’élection présidentielle, et avait confirmé son appui à Sassou N’Guesso en février 2011 en accordant la Légion d’honneur au contre amiral congolais Jean Dominique Okemba, figure de proue du régime, puis en recevant le président congolais à la fin de son mandat.

Comme celle de ces prédécesseurs, la présidence de Nicolas Sarkozy est marquée par un soutien constant à des dictatures africaines, notamment à l’occasion de mascarades électorales qui ont permis à ces régimes de se maintenir et de gérer leur image à l’international. Rompre avec la Françafrique signifierait mettre maintenant en place une politique française prenant en considération la responsabilité de l’Etat français dans la situation de plusieurs pays. La démocratisation est particulièrement bloquée en Afrique centrale, où l’influence française est forte dans au moins 5 pays subissant des régimes dictatoriaux : Tchad, Cameroun, Centrafrique, Gabon et Congo-Brazzaville.

Dans son 58e engagement de campagne présidentielle, François Hollande promettait de « rompre avec la Françafrique, en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité ». A l’occasion de la nouvelle mascarade électorale au Congo-Brazzaville, le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique demande donc au gouvernement français :

de réformer rapidement la politique française en l’axant désormais sur le soutien à la démocratisation

de dénoncer tous les scrutins organisés par des régimes dictatoriaux forts du soutien historique de la France en dehors des normes internationales, sans garantie de transparence et de véritable démocratie

de mettre fin à toute coopération militaire et policière avec les dictatures
de s’engager davantage pour la transparence des industries extractives et la lutte contre les paradis fiscaux et judiciaires.

Contact : Benjamin Moutsila, Fédération des Congolais de la Diaspora, 06 83 12 12 92

Signataires du communiqué participants au Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique : Fédération des Congolais de la Diaspora, Survie, Afriques en luttes, Ca suffit comme çà ! (Gabon), La Plateforme Panafricaine, Union des Populations du Cameroun, Parti de Gauche, Europe Ecologie Les Verts, Gauche Anticapitaliste, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique.

http://survie.org/billets-d-afrique/2012/215-juillet-aout-2012/article/congo-brazzaville-c-est-maintenant

Plus d’informations :

12 juillet 2012, dossier de Survie et de la Fédération des Congolais de la Diaspora : « Elections législatives au Congo–B : l’occasion pour le nouveau gouvernement français de se démarquer du soutien à la dictature »
Le scandale des biens mal acquis, Enquête sur les milliards volés de la Françafrique, Xavier Harel et Thomas Hofnung, La Découverte, décembre 2011

9 juillet 2009, « Elections présidentielles du 12 juillet 2009 en République du Congo : Vigilance à l’approche d’un drame politique annoncé », communiqué de Survie, Fédération des Congolais de la Diaspora, Peuples solidaires, Réseau Foi et Justice, Secours catholique

Juin 2009, rapport CCFD, « Biens Mal Acquis, à qui profite le crime ? »
Congo-B pages 93-98

Afrique, pillage à huis clos - Comment une poignée d’initiés siphonne le pétrole africain, Xavier Harel, Fayard, 2006,

[1] Déclaration préliminaire de la mission internationale d’observation UA et CEEAC sur les élections législatives du 15 juillet 2012 en République du Congo qui conclut « Les élections législatives du 15 juillet 2012 en République du Congo ont été libres, transparentes et crédibles. »

[2] FOSOCEL : Forum de la société civile pour les élections libres et transparentes

[3] 24 février 2011, « Congo Brazzaville : le pétrole ne coule pas pour les pauvres », rapport du Secours Catholique, de ses partenaires d’Église et de “Publiez Ce Que Vous Payez”