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Pour la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la politique militaire de la France au Mali et en Afrique

jeudi 7 mars 2013, par Groupe Afrique

L’intervention de la France au Mali, suite à celles qui ont été conduites en Côte d’Ivoire et en Libye dans la dernière période, souligne la continuité de l’impérialisme français en Afrique. Les médias français, souvent inféodés au lobby militaro-industriel, ont eu beau jeu de saluer la légitimité de cette dernière intervention, qui s’inscrit dans l’objectif du maintien de l’ordre néo-colonial, désormais sous la forme militaire. Sa légalité est par ailleurs très loin d’être acquise comme le montre cette analyse.

Cette démonstration de force multilatérale était destinée à intimider d’éventuels concurrents, en l’occurrence le terrorisme islamiste renforcé suite à la chute du régime Kadhafi et armé en sous-main par le Qatar et d’autres forces agissantes du golfe persique. Il était sans doute urgent et nécessaire de stopper l’avancée en direction de Bamako des bandes armées islamistes et liées au narco-traffic (Aqmi, Ansar Eddine, Mujao…) qui imposaient un régime obscurantiste et attentatoire aux libertés, aux droits humains ainsi qu’aux patrimoines culturels.

Le terrorisme est la résultante, dans un pays multiconfessionnel et tolérant comme le Mali, de décennies de pseudo aide publique au développement, de soutien à des gouvernements illégitimes et plus largement de l’échec de la démocratisation des relations franco-africaines. La perte d’intégrité territoriale du Mali et d’autres pays déstabilisés (tel le Congo Kinshasa…-) résulte de combats trop inégaux entre les peuples et la Françafrique, soutenue par les puissances occidentales. Combats menés sur le terrain de la politique, de l’économie, des medias et désormais de la stratégie militaire.

Le peuple malien est en situation d’otage, mis devant le fait accompli de jeux stratégiques entre grandes puissances, comme le montre l’opacité des relations diplomatiques entre les pays occidentaux et certains Etats du monde arabe riches en pétrole, qui jouent à attiser les haines en favorisant un islamisme étranger à ces pays.

En dépit du discours de la Baule (1990), le peu, voire l’absence de soutien accordé aux mobilisations unitaires, menées dans les années 90 notamment dans le cadre de conférences nationales et singulièrement au Mali où fut évincée la dictature de Moussa Traoré, explique en grande partie le reflux actuel. A cela s’ajoute le maintien comme au Mali, de cadres étatiques inadaptés (copiés sur le modèle métropolitain d’avant la décentralisation en France), qui entravent l‘expression des forces vives territoriales, comme le montre la résistance historique des communautés touarègues, organisées pour certaines dans le MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad).

Au plan économique, cette période se traduit par une paupérisation intense des peuples du fait d’une prédation internationale ininterrompue et des effets de la crise systémique : les dernières manifestations francophones ont été en 2008 les émeutes de la faim, réprimées par la police françafricaine au Cameroun, au Burkina-faso, au Sénégal, en Côte d’Ivoire…

Quant à la partie militaire, la France a fait désarmer les pays de la CEDEAO, au profit d’une gestion centralisée qui lui laisse dans les faits la direction de la protection de ces pays, en cas d’attaque extérieure. Ainsi, le 11 janvier 2013, c’est à partir de ses bases arrières au Tchad, au Burkina-Faso, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Niger… que les troupes militaires sont intervenues conjointement au Mali et en Somalie.

C’est cette même armée qui, sous l’égide de la force Licorne et avec la complicité de l’ONU, a depuis 2002, favorisé en Côte d’Ivoire la victoire de chefs de guerre inféodés à l’ordre occidental, dont la base arrière est située au Burkina-Faso. La France est de facto co-responsable de la violation ininterrompue des droits de l’homme et de l’opposition depuis la prise de pouvoir d’A Ouattara en 2012. C’est cette même armée qui a obtenu récemment de la justice un non-lieu dans l’affaire Mahé.

Le bellicisme français, tant de droite sous N. Sarkozy que de gauche avec F. Hollande, qui a pourtant fait de la démocratisation des relations Afrique-France une promesse de campagne, est au service des intérêts des multinationales et des dictatures françafricaines, leurs alliées. Tout comme la Côte d’Ivoire et la Libye, le Mali est un pays riche, en or, en pierres précieuses, en uranium (non encore exploité par la France), en pétrole, et détient des terres susceptibles d’être achetées, notamment pour implanter des agrocarburants. Il faut rappeler qu’au Niger, pays voisin connu pour ses famines endémiques, Areva exploite déjà les richesses minières, au mépris également des droits écologiques des populations.

Enfin, la guerre de l’information reste aussi à gagner pour des peuples dont les médias occidentaux s’obstinent à filmer les réactions de la rue, en l’absence d’expression des responsables politiques et des progressistes maliens et africains.

Le moment est donc venu d’un débat public transparent sur les enjeux de la politique militaire française, en collaboration avec les gouvernements et forces progressistes africains. Ce doit être l’objet d’une commission d’enquête parlementaire, demandée depuis 2011 par des députés et qui intègre aussi les travaux des associations spécialisées, concernant le bilan d’activités :
 des bases militaires, des forces spéciales, de la DGSE, des GIGN, des lobbies économico-politiques et réseaux maffieux
 de la force Licorne et de ses implications dans le conflit ivoirien (de 2002 à 2012)
 de l’intervention en Libye, concernant entre autres l’exécution de Kadhafi, témoin gênant de la complaisance des gouvernements successifs français envers son régime et de l’affairisme sarkozyen.

A l’heure où le gouvernement installe la rigueur budgétaire, poursuivre la course aux armements et développer des actions extérieures pour la défense d’intérêts qui ne sont pas ceux des peuples n’est pas admissible. Que ces budgets soient reconvertis pour une authentique politique de coopération et de développement, mutuellement profitable.

Enfin, s’impose un débat sur la démocratisation des instances de l’ONU, -en particulier du Conseil de sécurité, contrôlé par les grandes puissances-, devenue trop souvent la courroie de transmission des intérêts occidentaux dans les pays du Sud. La paix est une condition première de survie et d’épanouissement de l’humanité. Une tâche prioritaire à laquelle doit s’atteler la présidence Hollande : la conception d’une ONU vraiment multipolaire, à la tête d’un autre monde.

Documents de référence

ATTAC

 http://www.france.attac.org/articles/attac-dit-non-au-budget-de-la-defense-pour-2013
 Jour J+2 de la guerre au Mali : rejeter les guerres préventives, punitives ou de prestige au XXIè siècle ! (Djilali Benamrane)

Autres organisations

 Fondation Mendés-France
 Qu’y a t-il sous les bruits de bottes qui commencent à se faire entendre au Mali ? (Mireille Fanon Mendès France -16 novembre 2012)
 Survie, dossier Mali http://survie.org/francafrique/mali/?lang=frRetour ligne manuel
 MRAP, http://www.mrap.fr/international/afrique/afrique-subsaharienne/mali-le-mrap-demande-un-moratoire-immediat
 http://www.mrap.fr/international/afrique/afrique-subsaharienne/il-y-a-urgence-a-ce-que-le-mali-retrouve-les-conditions-de-sa-souverainete
 CADTM, www.cadtm.org/Le-Reseau-CADTM-Afrique-condamne-l
 http://www.avaaz.org/fr/petition/moratoire_sur_lexpulsion_des_maliens_sans_papiers_en_france_et_suppression_des_vis