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Pistes programmatiques relatives aux relations Nord-Sud et aux relations intercommunautaires
Groupe Nord-Sud (Conseil scientifique)
dimanche 14 mars 2021, par
La crise sanitaire accentue depuis un an la crise démocratique que traverse le pays, résultante des crises géo-politique, sociale, écologique... générées par le système néolibéral. L’échec des gouvernements successifs depuis une décennie, à répondre aux aspirations et aux inquiétudes des citoyen.nes, des travailleurs/ses (voir le mouvement des Gilets jaunes), des jeunes (voir la dépression que vit le monde estudiantin) trouve un exutoire dans "la guerre contre le terrorisme".
Sans que, pour autant, les causes de ce fléau ne soient véritablement élucidées sur un plan géo-stratégique, notamment au regard des responsabilités de la politique extérieure de l’Etat français.
Après le vote de la loi sur les "séparatismes" dite de respect des principes républicains, la campagne fustigeant "l’islamo-gauchisme" et les études postcoloniales à l’Université traduit la radicalisation du gouvernement, confronté qu’il est médiatiquement parlant, à l’extrême droite pour l’élection présidentielle de 2022. Le programme sécuritaire qui est porté par ces deux courants masque dans les faits la politique de violence voire de guerre assumée par les pouvoirs publics et qui constitue une dangereuse fuite en avant :
-guerre menée depuis 2013 dans l’arc sahélien et spécialement au Mali ayant causé des dizaines de milliers de morts, pour le maintien du pré-carré néocolonial et sans réduction notable de la mouvance djihadiste
-vente exponentielle d’armes à des dictatures responsables de la répression féroce de printemps arabes (en Egypte) ou de guerres fratricides (voir la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen), notamment
-harcèlement des quartiers populaires français par les forces de l’ordre entrainant de nombreuses morts et sans effet significatif sur les économies parallèles engendrées par la ghettoïsation et la précarité
- répression policière, judiciaire et administrative de militant.es et d’autres représentant.es des mouvements social, écologique et citoyen. Violation des droits humains : nombreuses mutilations et condamnations abusives.
Au regard de cette triple stratégie dominante (économie de guerre parasite, désignation de boucs-émissaires et répression de son propre peuple), au regard de cette dérive pour le moins autoritaire qui tend à confisquer l’espace politique et l’exercice des pouvoirs, il est de l’intérêt pour le camp progressiste de ne pas en rester à un programme anti-libéral sur les plans socio-économique et écologique. Il est de l’intérêt général de présenter, en complément, un programme à base géo-politique, qui promeuve l’altermondialisme comme une alternative idéologique et multilatérale à ceux des droites et des extrêmes droites xénophobes et nationalistes ainsi que des radicalismes religieux. Il s’agit de faire vivre un "altermondialisme de l’intérieur" du pays, sur la base des relations Nord-Sud -incluant les pays ex colonisés, les territoires d’Outre-mer et les quartiers populaires multi-ethniques- aussi bien qu’européennes et régionales. Un tel programme contribuera à sortir de l’isolement et d’un certain informel les différentes problématiques qui sont élaborées actuellement par les organisations spécialisées.
Dans les pays du Sud, le rassemblement des forces populaires est difficile mais se réalise ici ou là en résistance à l’impérialisme des puissances mondiales dominantes - les Etats, leurs armées et leurs entreprises multinationales -, qui sont en concurrence pour la prédation multiforme, mais aussi face aux "élites" et classes dominantes compradores.
En Afrique francophone, à défaut d’Etat social, s’est souvent opérée une démocratisation de façade de l’Etat et des structures nationales, dont le but est d’occulter la réalité de dictatures inféodées. Au Sahel et dans le monde arabo-musulman, les intégrismes religieux ou culturels sont instrumentalisés pour un maintien du patriarcat et de l’interventionnisme armé.
L’émancipation de chaque peuple, en lien avec les forces altermondialistes de la planète, reste d’actualité malgré les obstacles et les revers. Les forces clairement opposées aux diverses dominations en cours doivent être soutenues. Le rejet grandissant du franc CFA, des opérations militaires françaises et des 3e mandats présidentiels anticonstitutionnels constitue un axe de mobilisation porteur et fédérateur en Afrique subsaharienne.
La liste d’éléments de programme qui est ci-après n’est pas exhaustive, mais indicative de mobilisations actuelles des peuples et citoyen.nes.
Après discussion interne et avec les compléments nécessaires, ce texte est proposé pour une mise en débat avec nos homologues et avec les candidat.es aux prochaines élections, sur la situation géo-socio-politique et sur les axes à construire conjointement.
I- Relations internationales
-Bilan parlementaire et arrêt des opérations extérieures en Afrique, spécialement dans le pré-carré postcolonial : opérations Licorne en Côte d’Ivoire, Serval au Mali, Barkhane dans l’arc sahélien (Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad ...)
- Bilan, contrôle par le Parlement et arrêt des ventes d’armes françaises à des régimes autoritaires et des dictatures qui les utilisent pour réprimer les populations, commettre des crimes de guerre et contre l’humanité, ainsi que de la coopération politique et militaire avec ces régimes (Russie, Chine, Israël, Inde, Egypte, Arabie saoudite, Emirats, Qatar etc ...)
- Promotion de politiques économiques et industrielles de reconversion de la production d’armes vers des productions civiles, éco et socio-responsables et délocalisées -celles-ci étant parfois insuffisamment développées depuis des décennies- : matériels et équipements médicaux et scientifiques, machines-outils, équipements et matériels de transports civils et véhicules individuels civils éco-responsables, énergies renouvelables, etc.
-Promotion de la lutte contre le terrorisme dans un cadre démocratique et transparent (au plan des enjeux et intérêts géostratégiques), au Parlement et à l’ONU notamment
-Bilan parlementaire et arrêt de la coopération politique et en particulier électorale avec les dictateurs françafricains, notamment pour la poursuite de mandats anticonstitutionnels (3e à 6e mandats selon les pays, en Guinée, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Cameroun, au Tchad....)
-Attribution d’une compétence universelle aux tribunaux français, pour le jugement de crimes d’Etat qui échappent à la CPI (cf les procès de criminels Syriens en Allemagne)
- Sanction pénale des entreprises corruptrices, comme celle de M Bouygues et de V Bolloré :
https://www.lepoint.fr/societe/corruption-au-togo-le-milliardaire-francais-vincent-bollore-menace-de-proces-27-02-2021-2415645_23.php#
-Mise en application de la loi actuellement en projet en France, de restitution aux peuples des biens volés par les dictateurs
https://transparency-france.org/wp-content/uploads/2021/02/Les-d%C3%A9put%C3%A9s-s%E2%80%99emparent-de-la-restitution-des-biens-mal-acquis-aux-populations-spoli%C3%A9es.pdf
-Collaboration avec les instances africaines pour le remplacement de la monnaie néocoloniale, le franc CFA.
-Négociation avec les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, UE...) pour l’annulation des dettes publiques africaines et du Maghreb, déjà payées plusieurs fois
-Dénonciation des APE et ALE comme accords économiques spoliant les intérêts des pays du Sud au profit de l’UE
- Paiement effectif de la dette écologique contractée par les pays du Nord envers ceux du Sud (Accord de Paris...)
- Large médiatisation de ces différents domaines des relations internationales. Contrôles parlementaire et judiciaire à renforcer également.
II- Territoires d’Outremer
-Non à l’impunité de l’Etat, responsable de la contamination par le chlordécone des sols et des personnes en Martinique et en Guadeloupe. Jugement et indemnisation à la hauteur des préjudices
https://www.france24.com/fr/france/20210227-martinique-manifestation-contre-l-impunit%C3%A9-dans-le-dossier-du-chlord%C3%A9cone
-Indemnisation des Polynésien.nes impacté.es par les essais nucléaires
- Soutien du mouvement social anti-pwofitazion et de ses suites (Guadeloupe...)
- Réouverture de la chaîne France O (Outremers) et large médiatisation en métropole de l’actualité ultramarine
III- Immigration postcoloniale
-Abrogation des lois (ou articles de loi) discriminatoires à l’égard des citoyen.nes appartenant à des minorités ethniques, spécialement issues de l’histoire post-coloniale (cf loi sur les séparatismes dite de respect des principes républicains)
-Interdiction des contrôles policiers au faciés et sanction des violences policières perpétrées dans les quartiers populaires et à l’égard des ressortissant.es de minorités ethniques et des migrant.es. Indemnisation des victimes ou des familles de victimes (en cas de mort)
-Droit de vote des étrangers non communautaires (hors UE) aux élections locales
-Politique de la ville et sociale inclusive (en termes de mixité sociale) en matière de logement, d’accès aux études supérieures et au travail (CV d’embauche anonymes...)
IV- Migrations
- Abrogation du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), code par nature discriminatoire à l’égard des migrants et migrantes.
- Abrogation des lois ou articles de loi limitant ou sanctionnant le devoir d’assistance aux migrant.es et réfugié.es politiques.
- Régularisation des Sans-Papiers
- Fermeture des CRA/ Centres de rétention administrative
-Prise en charge spécifique des mineur.es non accompagné.es
- Rejet des dettes odieuses de migrations
- Liberté de circulation et d’installation, d’allers-retours au pays pour une coopération égalitaire
- Promotion dans le cadre de l’UE d’une politique d’accueil, d’inclusion ou de co-développement (avec les pays d’origine). Visant l’autonomie avec avantages réciproques.
-Expérimentation, dans les établissements scolaires, d’interventions sur le thème des migrations, avec le concours d’associations spécialisées et de migrant.es, par exemple des mineur.es isolé.es allophones.
V-Dans l’Education nationale, à l’Université, dans les médias publics
-Enseignement de l’arabe à la hauteur des demandes et besoins
- - des domaines minorés en histoire : empires africains pré-coloniaux, esclavages, colonialisme, néocolonialisme...
- des penseurs des Suds en philosophie
- - des littératures francophone et ultramarine (française)
-Education à une laïcité ouverte, inclusive et interculturelle (autre recours pour réduire la radicalisation religieuse)
- Promotion de l’éducation prioritaire dans les quartiers défavorisés, et d’une politique de moyens à la hauteur des besoins et en faveur de la mixité scolaire
- Dans une perspective d’éducation citoyenne, large médiatisation de l’actualité ultramarine, francophone et des Suds de manière générale
VI- Dans le mouvement social, écologique et citoyen
-Collaboration large et médiatisée (campagnes communes) avec les représentant.es des oppositions démocratiques et des sociétés civiles des pays du Sud : Maghreb, Afrique subsaharienne...Dans le cas d’Attac France, aide au développement des Attac d’Afrique et du Maghreb, et constitution d’un pot commun, si nécessaire à l’échelle de Globattac ou en accord avec Attac Allemagne
-Démarche d’inclusion de militant.es issu.es de l’immigration ou de réfugié.es politiques (mixité organisationnelle). Collaboration tant théorique/analytique que prospective et sur le terrain
-Promotion de l’altermondialisme comme alternative idéologique aux extrêmes droites xénophobes et nationalistes ainsi qu’aux radicalismes religieux. A l’échelle des relations Nord-Sud, européennes, et en particulier à l’Université et dans l’Education nationale, en tant qu’instances éducatives...
Membres du Conseil scientifique et adhérent.es d’Attac signataires : Adda Bekkouche- Jacques Berthelot- Martine Boudet- Claude Calame-Françoise Clément- Pierre Cours Saliés- Christian Delarue- Alain Fabart- Georges Menahem- Evelyne Perrin- Catherine Samary- Serge Seninsky- Claude Serfati- Christiane Vollaire- Béatrice Whitaker
Références :
– Urgence antiraciste –Pour une démocratie inclusive-, Martine Boudet coord, Ed du Croquant, 2017
https://editions-croquant.org/hors-collection/384-urgence-antiraciste.html
– Résistances africaines à la domination néocoloniale, Martine Boudet coord, Ed du Croquant, 2021 (souscription)
https://editions-croquant.org/actualite-politique-et-sociale/710-resistances-africaines.html
– Migrations forcées, discriminations et exclusions, Claude Calame et Alain Fabart coord., Ed du Croquant, 2020
https://editions-croquant.org/hors-collection/613-migrations-forcees-discriminations-et-exclusions.html
– La politique migratoire, une question au coeur du projet de société altermondialiste, Commission Migrations
-La Colère des peuples ou la mondialisation du ras-le-bol, Adda Bekkouche et Robert Charvin, Investig’Action, 2021
https://boutique.investigaction.net/fr/home/127-la-colere-des-peuples-ou-la-mondialisation-du-ras-le-bol-adda-bekkouche-et-robert-charvin-9782930827810.html
– Vous avez dit libre échange ? L’Accord de "partenariat" économique Union européenne-Afrique de l’Ouest, Jacques Berthelot, L’harmattan 2018.
https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=60043