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L’agriculture tunisienne victime de l’exode des jeunes
jeudi 28 mars 2013, par
L’agriculture tunisienne est très diversifiée, chaque région ayant ses spécificités selon la pluviométrie et la qualité des sols. Au nord, région agricole la plus riche, dominent les céréales, les cultures maraichères et l’élevage ; au sud et au centre, on trouve les grandes plantations d’oliviers ; le sud-ouest, porte du Sahara, est la région des grandes palmeraies dont les dattes, les fameuses « Deglet Nour », sont exportées dans le monde entier ; au sud-est, l’oasis de Gabès est une des rares dans le monde à se trouver à côté de la mer. Cette grande diversité a de tous temps permis à la Tunisie d’être auto-suffisante en productions agricoles ; au moins pour les cultures vivrières.
Le pays exporte essentiellement des dattes, de l’huile d’olive (transformée en majorité dans des moulins privés, l’office national achetant la surproduction pour l’exportation) et du blé dur (une variété panifiable de très bonne qualité). Mais la Tunisie importe tout de même des céréales, des fruits et parfois du lait quand il y a crise de production – c’est le cas depuis que le pays doit en exporter vers la Lybie dont la machine économique s’est quasiment arrêtée. Quant aux exploitations, elles se répartissent en majorité entre petits et moyens agriculteurs, les anciennes grandes fermes d’État du nord étant régies par un système d’affermage.
Crise de la ruralité
La disparition des semences locales, bien adaptées aux sols et aux conditions climatiques du pays, est un des premiers problèmes que soulève par Mohamed Sadok Dababi, secrétaire général de l’association tunisienne pour le développement durable, dans l’entretien qu’il nous a accordé au Forum social mondial. Ces variétés locales sont en effet progressivement remplacées par des variétés industrielles jugées plus productives, donc plus rentables. Mais, celles-ci sont aussi beaucoup plus chères, leur prix augmentant régulièrement, parfois jusqu’à deux ou trois fois par an... L’association de M. Dababi tente donc d’aider les petits agriculteurs à conserver leurs semences locales.
Autre problème de taille, celui de la main d’œuvre. Beaucoup de paysans ont en effet émigré vers les villes, notamment dans les années 65-75, attirés par le développement urbain et les salaires plus élevés que dans l’agriculture traditionnelle. Aujourd’hui, les jeunes fuient massivement les campagnes : bénéficiant souvent d’un niveau d’éducation élevé, ils préfèrent émigrer vers les villes - où ils viennent grossir les rangs des jeunes diplômés chômeurs - ou partir en Europe dont « ils s’imaginent que c’est le paradis », déplore M. Dababi. Ce phénomène de manque récurrent de main d’œuvre dans l’agriculture tunisienne est un véritable problème, alors que les infrastructures qui se sont beaucoup développées à partir des années 80-90 (routes, systèmes d’irrigation, électrification), la diversité des productions et la qualité des sols pourraient permettre à la Tunisie de développer ce secteur d’activité qui reste malgré tout le premier contributeur de la richesse nationale (avant même le tourisme). Resterait aussi, selon M. Dababi, à revoir le code de financement des activités agricoles qui permet d’attribuer des subventions à l’installation des jeunes agriculteurs à hauteur de 15 à 20% de leur projet, mais... de façon totalement indifférenciée, alors que les conditions ne sont évidemment pas les mêmes au nord qu’au sud. Si à la faveur du processus révolutionnaire en cours, la Tunisie pouvait réorienter son développement économique, c’est sur ce secteur primaire qu’elle pourrait compter en priorité.
Isabelle Bourboulon, 28 mars 2013
Crédit photo : Denis Q.