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FSM TUNIS : Paroles de chauffeurs de taxi
Fragments de la vie mobile* ,
lundi 8 avril 2013, par
Des militantes d’ATTAC rapportent les conversations qu’elles ont eu avec chauffeurs de taxi durant le FSM à Tunis
Moi, je veux aller à la mosquée si c’est mon choix et pas parce qu’on me dit que je dois le faire. Je ne veux pas qu’on me dise de devenir barbu si j’ai pas envie.
On s’est fait piéger, on avait subi une telle dictature, on en avait tant souffert et Ennahda sous la dictature avait aussi tant souffert qu’on s’est dit « eux au pouvoir, ils ne voleront pas, ils ne mentiront pas, ils seront avec et pour nous ». Mais ils sont pareils que l’autre, le pouvoir ils ne veulent plus le lâcher. Ils avaient été élus pour un an et maintenant ils restent. Le 23 octobre, lors des élections, ça va être truqué. Ils ont placé des gens dans les administrations. Il faut un équilibre. Là ils ont 90 sièges et les autres à peine 20. C’est pas possible, il faut un équilibre 50 pour eux, 50 pour les autres ; s’ils perdent aux élections, ils seront furieux : on va vers le chaos. Il faudra leur donner la moitié des sièges.
La vie ici est devenue économiquement impossible : l’essence augmente tous les mois de 100 millidinars. Avant on pouvait vivre avec 20 dinars par jour pour une famille, maintenant il en faut 30. Comment on fait ? La caissière, elle gagne 300 dinars par mois (150 euros). Comment elle fait pour vivre ?
La Tunisie avant était un des pays les plus modernes : on avait même une caisse spéciale pour les femmes divorcées dont les maris ne payaient pas les pensions : on était les seuls au monde à avoir cela !
Moi je dois travailler 12 h par jour : 30 000 taxis à Tunis, autant que dans l’Égypte entière. Tout le monde pense que c’est facile d’être taxiste. Aujourd’hui je dois mettre 20 dinars/j d’essence (il y a 2 ans, 10 dinars) et toutes les semaines une pièce de voiture à changer. Retour ligne automatique
Avant sous Ben Ali, pour devenir chauffeur de taxi, il fallait avoir un copain dans l’entourage de Ben Ali, sinon impossible
Ennahda se tourne vers les États Unis et veut rompre avec la France. Mais nous, la France on veut travailler avec elle : Renault, Peugeot, le tourisme...
Le loyer, la où vous logez (quartier populaire de la marsa) c’est 400 dinars /mois. Ici (quartier plus chic prés du campus) c’est 1 000 dinars. Dans une banque au guichet, le salaire c’est 400 dinars
On n’avait aucune culture politique sous la dictature Ben Ali : ça prend du temps de la construire. Il y a le vieil homme, 86 ans, lui, il est le seul à pouvoir nous rassembler.
C’est dur économiquement, ca va mal, très mal, mais la liberté qu’on a gagné, on ne les laissera plus nous la reprendre. Elle est là ( le chauffeur désigne son cœur).Il y a 2 ans, je n’avais même pas le droit de vous parler. On s’est réveillé, ca sera long mais on est devenu vivant.
* (Titre emprunté à Michel Butel dans le dernier N° 11 de son journal L’IMPOSSIBLE)