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FSM Tunis Jour J : Femmes, marche et rencontres
mercredi 27 mars 2013, par ,
Acte 1 du 1er jour du FSM : 10 heures, Forum des femmes
De faux bruits ont circulé sur le lieu du Forum. Il ne se tiendrait pas au campus, comme il était indiqué sur le programme. Les hommes y seraient interdits de cité. Il s’agirait d’une espèce d’assemblée off, en dehors du FSM officiel.
Tout est faux dans cette rumeur.
Dans l’amphi 1, plein à craquer, l’ambiance est animée. Impossible pour les organisatrices de faire taire une foule qui scande des slogans, agite ses drapeaux, tape dans ses mains, chante à tue-tête, etc. Du coup, on prend une bonne heure de retard. Mais l’attente est belle. On se sent réunis par une même envie, un même objectif : que le monde change en ce qui concerne la situation des femmes, qu’il n’y ait plus de révolution sans que le droit des femmes et l’égalité soient gravés dans le marbre, que la moitié de l’humanité ne soit plus sous le joug d’une autre moitié. C’est le sens du discours d’Ahlem Belahdj, la présidente de l’association tunisienne des femmes démocrates. « L’ouverture du FSM par un Forum des Femmes est un signal fort : le FSM est confié et remis à la femme. » D’autres femmes lui succèdent, égyptienne, sénégalaise, polonaise, espagnole, française, brésilienne… Partout la même conviction : la lutte pour l’égalité passe par la lutte des femmes pour l’obtenir. Et aussi par la solidarité entre les peuples. Et de chanter tous en chœur, avant de se séparer : « solidarité pour l’égalité et solidarité pour les femmes du monde entier. »
Acte 2 du 1er jour du FSM : la manifestation.
Crédit : Solidaires 22
15h30. Les Attac se rassemblent sur l’avenue Bourguiba. Les drapeaux claquent au vent. La manifestation sera belle. Le bon génie des alters veille sur eux. Après la pluie du jour précédent, il fait un soleil magnifique. A 16 heures, on s’élance… à vitesse d’escargot. Peu de forces de police dans les rues. Pour nous qui avons connu le contre G 20 à Nice, où on comptait un policier pour un manifestant (on exagère un peu), c’est une surprise. Comme d’habitude, les Attac manifestent à leur manière… indépendante. Il y a ceux qui sont derrière, ceux qui sont devant, ceux qui sont ailleurs. Difficile pour eux de marcher tous ensemble, de scander des slogans. Il faut faire avec. Les Attac n’ont aucune discipline. Au fil de la manifestation, cela s’arrangera un peu et ils finissent par crier à l’unisson : les peuples, pas la finance. Solidarité avec les peuples, les jeunes, les vieux, les chômeurs, les femmes… du monde entier.
Nous décidons de remonter le cortège jusqu’au début. Premier arrêt auprès des femmes tunisiennes qui brandissent des photos de jeunes gens. Ce sont les mères des « naufragés » de la révolution du jasmin qui ont disparu en mer. Nous avons les larmes aux yeux.
Deuxième arrêt : les peuples du Sahara, en tenue traditionnelle qui revendiquent le droit à l’autodétermination, la fin du saccage par les compagnies minières.
Troisième arrêt : le cortège de la marche mondiale des femmes emmené par la veuve du leader tunisien assassiné.
Il est temps pour nous de rentrer au bercail et de retrouver les camarades. La route sera longue jusqu’au stade : plus de trois heures de marche. Heureusement, nous sommes accompagnés par le CADTM ou la représentante béninoise met une ambiance de folie.
Il fait nuit quand nous touchons au but. Trop fatiguées pour écouter les discours et le concert de Gilberto Gil. Nous quittons le navire.
Deux rencontres marqueront la fin de la journée. D’abord, celle d’une femme qui nous questionne « vous aimez la Tunisie ? Moi, pas. Je voudrais venir en France. »
Nous lui demandons pourquoi. « J’ai 62 ans et je touche une retraite de 300 dinars (150 €). Je suis divorcée et je ne m’en sors pas. Je voudrais travailler en France, dans une famille où je ferai le ménage, le repassage, etc. Vous connaitriez quelqu’un qui pourrait m’employer ? Ici, la vie est trop dure pour les femmes seules. »
Deuxième rencontre : une jeune femme de 25 ans environ, diplômée bac+6, qui nous offre de partager son taxi avec générosité. « Je me sens mal depuis la révolution. Il y a trop d’instabilité politique et économique. Et puis, même si je porte le voile, ce n’est pas facile d’être une femme. Il y a un tel manque de respect de la part des hommes. Je ne me sens pas en sécurité… C’était mieux avant. J’ai peur de ce qui nous attend. »
Deux paroles qui se libèrent pour que nous connaissions la réalité tunisienne, pas celle que les médias véhiculent.
Et si l’un des versants du FSM était dans la rue, au contact des Tunisiens qui nous offrent dignement leur vérité ?
Dominique Fonsèque avec Marie-Noëlle Soulié
Attac Pays d’Aix