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Au capitalo-patriarcat s’ajoute un racisme constant et multilatéral

Christian Delarue représentant du MRAP

lundi 20 mars 2023

Commençons par exposer ici, en introduction, deux triptyques qui se complètent, ce qui fait six combats à mener pour les acteurs et actrices du peuple-classe, ceux et celles qui, à un titre ou à un autre, se mobilisent en faveur des classes et strates sociales dominées, grosso modo les 99%.

Ces deux triptyques semblent spontanément agir dans un cadre national, mais pour nous, ils s’insèrent dans une dimension continentale et même mondiale.

- Le premier triptyque pour trois grands combats : le DEMOCRATIQUE, le SOCIAL, l’ ECOLOGIQUE

Le coeur de cible du combat populaire et altermondialiste voire éco-socialiste est la classe dominante bicéphale (branche privée et branche publique), laquelle

1) dénature la démocratie par formation d’un kratos, d’une gouvernance élue au-dessus du demos populaire dépossédé et marginalisé,

2) casse l’Etat social (Michel Husson, 2003) avec la Sécurité sociale (non étatisée), le système de retraites par répartition (menacé par la capitalisation), les services publics qui devraient être tournés vers la satisfaction des besoins sociaux du peuple-classe (et non vers la richesse du 1%)

3) renforce l’exploitation de la nature sous au moins trois formes, celles du productivisme, de l’extractivisme, du carnisme.

Voilà donc trois gros combats, démocratique, social, écologique - qui apparaissent fondamentaux ...mais qui sont loin d’être les seuls, d’où trois autres.

 Notre second triptyque : Ni CLASSISME, ni SEXISME, ni RACISME.

A ces trois premiers combats s’ajoutent deux autres intimement liés : contre le capitalo-patriarcat et contre le racisme d’où notre second triptyque : ni classisme, ni sexisme, ni racisme (2). La laïcité est transversale à ces trois champs de lutte.

Contre le classisme mais aussi pour toutes les émancipations, nous posons le fait du peuple-classe à 99%, qui rassemble toutes les classes dominées sous le 1%, sous-bourgoisie comprise, comme cadre et vecteur de convergence des luttes tant de résistance que de construction pratique de l’alternative systémique dite écosocialiste. En ce sens, nous sommes résolument en défense et organisation altermondialiste et éco-socialiste d’un peuple-classe 99% refusant le classisme, le sexisme et le racisme et les autres formes de dominations.

I - Capitalo-patriarcat : classisme et sexisme ensemble

Le capitalisme -sa logique de profit, son système d’exploitation de la force de travail et de la nature , son privilège donné à la propriété privée, etc...- est porté par chaque classe dominante d’une nation et, au-delà, par la caste mondiale oligarchique. Mais ce capitalisme financiarisé et mondialisé accompagne le maintien du patriarcat, qui n’est plus celui de jadis du fait des conquêtes féministes en matière de libertés et d’égalité des droits. Capitalisme et patriarcat forment, "deux systèmes qui se nourrissent l’un l’autre » ainsi que le décrivent les féministes CADTM Belgique Christine Vanden Daelen et Camille Bruneau (1). Ce constat justifie l’usage du couple lexical capitalo-patriarcat.

Pour certains, les conquêtes féministes ne sont pas complètes dans la mesure où il reste de nombreuses violences à l’encontre des femmes (et des homosexuel-les) et des inégalités fortes entre hommes et femmes, mais pour autant le patriarcat en tant que tel n’existerait plus en Europe. Il survivrait juste, « ailleurs » , sous la forme d’un hyper-patriarcat religieux particulièrement réactionnaire sous l’influence des intégristes religieux .

Pour Christine Vanden Daelen et Camille Bruneau (même texte) le capitalo-patriarcat est toujours actif et puissant : «  A travers les transformations économiques et sociales, capitalisme et patriarcat finissent par se renforcer mutuellement. S’il n’est pas l’unique facteur, le capitalisme, en mettant en place des rapports sociaux inégalitaires (comme conséquence mais aussi condition à son existence), sert explicitement le patriarcat en facilitant l’oppression des femmes. Le patriarcat quant à lui, est utile au capitalisme en lui fournissant une population dévalorisée dont il va pouvoir tirer un profit maximum et ainsi se développer.  » Malgré l’importance des réflexions de Christine Delphy développées dans l’ouvrage L’ennemi principal - Économie politique du patriarcat et qui démontrent que toutes les femmes, peu importe leur statut, sont victimes d’oppressions, cette analyse minimise l’importance d’autres dynamiques et se fonde insuffisamment sur une analyse plus économique des dominations. Selon cette logique, on pourrait affirmer que l’épouse au foyer d’un travailleur immigré appartiendrait à la même classe que l’ex-femme de S. Berlusconi, Veronica Lario. Les tenantes de cette hypothèse considèrent la lutte anti-patriarcale comme prédominante : il doit y avoir une solidarité plus forte entre toutes les femmes qu’entre hommes et femmes de la classe ouvrière. Comme le défend C. Arruzza, nous pensons qu’il est nécessaire d’ajouter le capitalisme dans l’équation. Toutes les membres d’une même “classe patriarcale” ne vivent pas les mêmes réalités et oppressions et ne sont donc pas d’emblée solidaires entre elles. On ne peut comparer le vécu de la femme (d’un ouvrier) immigréE à celui de femmes aisées, ces dernières pouvant exploiter la première. Ne penser qu’à la classe de sexe (même si elle existe bel et bien) en ignorant les aspects socio-économiques inhérents au capitalisme brouille la compréhension du patriarcat tel qu’il est et se reproduit aujourd’hui. »

II - Au capitalo-patriarcat s’ajoute un racisme constant et multilatéral

Comme militant du MRAP, je ne peux que constater que, malgré l’existence de lois antiracistes et d’institutions chargées d’appliquer la législation anti-raciste, le racisme perdure et pas qu’au sein de la police (qui est très infestée par l’extrême-droite). Ce racisme perdure en changeant périodiquement de forme et en visant tantôt les Juifs, tantôt les Noirs, tantôt les Musulmans, tantôt les Asiatiques. Le plus souvent, il fonctionne au cumul.

L’extrême-droite reste toujours antisémite mais de nos jours, elle est surtout xénophobe à l’encontre des migrant-es africain-es et ce sont là, trois types de population qui sont visées : les Arabes, les Noirs, les Musulmans. Pour ces derniers, elle amalgame Musulmans et intégristes musulmans sexo-séparatistes et sexyphobes.

Evoquant l’extrême-droite, on ne saurait oublier la fascisation, soit le processus de création de formes de fascisme au sein d’institutions dites républicaines qui ne s’en réclament pas, bien au contraire. Nous défendons une République ouverte pour les humains, pas nécessairement pour les marchandises et la finance . Notre République se place résolument sous le signe de l’égalité et de la fraternité en lien avec la laïcité et une double liberté : la liberté de circulation et d’installation.

Or, il importe de voir que de nombreux textes juridiques visent depuis des décennies les migrant-es pour les discriminer (pas de droit d’asile attribué, travail clandestin esclavagisé, pas de droit de vote pour les résident-es de plus de 5ans), voire pour les éliminer (l’ampleur des noyades en mer entre Afrique et Europe).

Christian Delarue

1) "Capitalisme et patriarcat : Deux systèmes qui se nourrissent l’un de l’autre" par Christine Vanden Daelen , Camille Bruneau (CADTM - 2020)
http://www.cadtm.org/Capitalisme-et-patriarcat-Deux-systemes-qui-se-nourrissent-l-un-de-l-autre

2) "Les deux niveaux des domination au sein de « classisme, sexisme, racisme »" par Christian Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/Les-deux-niveaux-des-dominations-globales-