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Les migrations : bien commun de l’humanité ?

par Claude Layalle

jeudi 22 février 2018

Les échanges migratoires à travers les continents sont à l’origine de toutes les civilisations au delà du stade tribal et ceci depuis la plus grande antiquité. Les raisons de la migration sont diverses : soif d’aventure, contraintes climatiques, guerres et invasions, vie et mort des empires... L’une des idées reçues les plus pernicieuses est que ce brassage continu de populations aboutirait à une unification mondiale des cultures et in fine à la fin de l’histoire.
Il n’y a rien de plus faux : Si l’arrivée constante d’immigrants dans un pays n’est pas sans interagir avec la culture locale et la modifie, l’effet est plutôt de faire naître de nouveaux flux culturels et de nouvelles diversités. La France, carrefour de bien des migrations a beaucoup changé depuis l’époque ou italiens et Polonais arrivaient en nombre pour travailler au fond des mines en Alsace ou dans le Nord mais c’est toujours la France.

La libre circulation des individus est beaucoup moins inclusive dans les communautés que les réseaux médiatiques véhiculant la pensée unique.

De nos jours, la migration prend une allure particulière sous la pulsion de circonstances diverses : guerres, misère, aléas climatiques et ces migrations d’origines multiples provoquent des rencontres culturelles porteuses d’exigences par toujours compatibles entre elles et par rapport à la culture locale. Les conditions pour que ce mélange culturel aboutisse à une intégration dans la culture locale sans bousculer les autochtones dépend fortement de l’accueil offert à ces immigrants qui, le plus souvent, ignorent tout des us et coutumes du pays d’accueil après avoir tout abandonné dans leur pays d’origine.
Les anglais paient depuis quelques années le prix du communautarisme assumé pratiqué dans la tradition et la mémoire de leur empire colonial, en contrepartie de la conservation de leurs liens commerciaux dans le Commonwealth : Dans un système ultralibéral dominé par la théorie du libre échange compétitif, le communautarisme ne peut guère déboucher que sur une compétition générant de l’intolérance et la montée des extrêmes droites.
En France au contraire c’est l’absence d’accueil des immigrés, la ghettoïsation dans des quartiers dits « sociaux » de générations y compris nées sur notre sol , auxquels s’ajoute une xénophobie latente mais cachée dans le système qui a conduit à faire naître des territoires communautaristes à la périphérie des grandes villes. Elles sont parfois contrôlés par des mafias ou par des salafistes ou les deux. Ces territoires à la dérive s’éloignent lentement du corps social français : même français depuis deux générations, pour chercher un emploi, il vaut mieux s’appeler Jules que Mohamed. La limitation des migrations par des méthodes coercitives n’a pas de meilleurs effets que la méthode d’ouverture multiraciales pratiquée longtemps par les anglo-saxons.
Il est bien tard pour pleurer sur le lait renversé . Dans l’Union Européenne, chacun cherche une solution permettant d’endiguer le flux migratoire. L’absence totale de solidarité des états qui il n’y a pas si longtemps se réclamaient d’une communauté européenne a de quoi dessiller le regard des naïfs qui pensaient que la disparition des frontières amènerai l’unification et le partage de valeurs communes liées à des droits humains. C’est même le contraire qui s’est produit quand , depuis 2015 , la France a fermé la frontière franco-italienne aux migrants à Vintimille et déployé ses gendarmes comme au temps des contrebandiers.
Il faudra pourtant trouver un plan B pour organiser un flux migratoire entre l’Afrique et l’Europe qui n’a guère de chances de diminuer, même dans le cas improbable ou l’état de guerre cesserai dans toute une partie du continent africain. Aujourd’hui la plus grande partie des mouvements de population s’opère sur le continent d’origine des migrants : les états accueillants donnent déjà des signes de saturation et les dérèglements climatiques qui font déjà leur œuvre ne seront pas très longs à provoquer de grands chambardements dans les surfaces habitables de la planète.
Que nous le voulions ou non, il faudra bien nous partager l’espace vital à moins de devoir ressusciter des affrontements pour les territoires avec non plus des objectifs de conquête mais de survie. Il est plus que temps de réaliser que le capitalisme après avoir occupé et saturé la plus grande partie de la planète et en avoir dilapidé les ressources naturelles au détriment de notre environnement n’a pas pour autant renoncé à la théorie destructive du toujours plus pour quelques uns.
Le monde des financiers et des multinationales peut encore faire des plans jusqu’en 2050 mais leurs enfants et petits enfants auront déjà quelques idées de l’héritage que leur prépare l’oligarchie d’aujourd’hui. Que cette oligarchie le veuille un non, nous n’avons qu’une seule planète et bon gré malgré nous devrons la partager : La vie humaine et au delà la vie tout court est un bien commun à notre connaissance unique dans cette partie de l’univers. C’est un bien que nous devons protéger à tous prix si nous ne voulons pas laisser à nos descendants un monde inhabitable les rendant témoins de leurs propre disparition.
Certes, le danger n’est pas immédiat, mais songeons au temps qu’il nous a fallu, depuis la dernière guerre mondiale, pour en effacer les destructions puis détruire à nouveau les ressources extractibles et dégrader notre environnement : en gros l’espace de 3 générations. Il ne faudra sûrement pas autant de temps pour que les problèmes sérieux ne se posent et déjà nous pouvons constater les dérèglements climatiques. Avec le réchauffement climatique, des apports culturels et peut-être même génétiques des pays actuels du soleil pourraient bien être utile dans les pays du nord. Des spéculateurs prévoyants plantent des vignes au nord de l’Angleterre, c’est sans doute anecdotique mais pourrait bien être symptomatique d’une transformation sévère de nos sociétés.
A plus court terme, car c’est au présent que les migrations posent problème, faute de les avoir anticipé en temps suffisant , il faudra improviser intelligemment pour lutter contre les communautarismes déstabilisants et intégrer mieux les arrivants dans les structures locales.
Nous sommes depuis si longtemps dans un univers libéral qu’il a imprégné notre fond culturel et les solutions que nous mettrons en œuvre, quelle que soient nos intentions humanitaires et notre volonté démocratique pour être acceptées par notre propre société devront s’inscrire dans ce contexte : Il faudra accepter un certain contrôle aux frontières pour réguler les flux migratoires au moins le temps de prendre des mesures de fond aptes à apporter des solutions pérennes :
favoriser le développement des pays en « panne » économique en les protégeant de la prédation des multinationales, en remettant en cause certaines règles de l’OMC et en favorisant de véritables accords de coopération en lieu et place des si mal nommée « accords de libre échange »
Augmenter significativement l’aide au développement, dans le cadre d’une coopération authentique.
Pacifier les zones de guerre, si nécessaire avec intervention de l’ONU et à partir d’un moratoire total sur les livraisons d’armes aux belligérants.
Accompagner le retour aux équilibres politiques dans les zones d’après guerre en utilisant l’outil ciblé de la coopération économique pour une reconstruction intelligente d’économies minées par la guerre et une corruption endémique.
C’est une responsabilité qui incombe aux pays du Nord qui ont si longtemps utilisé ceux du Sud pour leur propre développement. Pour autant, cela ne fera pas cesser toutes les migrations, ne serait-ce qu’en raison du gap économique entre Nord et Sud mais aussi et peut-être surtout sous la poussée des déséquilibres climatiques. Il faudra accueillir de nouveaux arrivants tout en portant remède aux multiples couacs d’une intégration ratée pour permettre à ceux déjà arrivés de trouver dans le pays d’accueil leur place légitime.
là encore il faudra bien admettre une politique de fermeté pour la répression et la disparition des mafias et des influences sources de contestation permanente de l’ordre public. Il faudra une véritable politique d’intégration sociale qui ait pour résultat de restaurer la confiance dans la république et l’état de droit :
Cet effort doit commencer en priorité par une lutte contre l’isolement des quartiers en y réinstallant des entreprises, génératrices d’emploi, des services médicaux à la mesure des besoins , des services publics et sociaux, générateurs de mieux vivre. Il faudra mener longtemps – et financer –des actions spécifiques mais suivies dans l’éducation, l’apprentissage public du français, le désenclavement des femmes des structures traditionnelles souvent patriarcales, avec un objectif général de relèvement du niveau de vie permettant une meilleure intégration.
Oui, tout cela a bien l’allure d’un effort commun nécessaire pour que les migrations deviennent un élément déterminant d’une civilisation apaisée bien commun de toute une humanité.

Claude Layalle

à lire, une analyse du passé qui éclaire le présent
« Le rasoir d’Ockham », éditions edilivre .