Accueil > Commission Migrations > Archives > Condition des Roms > Roms, concitoyens européens ou boucs émissaires ? La responsabilité de la France
Roms, concitoyens européens ou boucs émissaires ? La responsabilité de la France
Evelyne PERRIN
mercredi 26 mars 2014, par
La Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Union Européenne en 2007. Si les groupes industriels se sont empressés de délocaliser des usines françaises dans ces deux pays à très bas salaires, par contre, certains pays membres de l’ UE., dont la France, ont jugé utile de préserver leur marché du travail de l’arrivée de nouveaux travailleurs bulgares et roumains. Sarkozy a donc édicté en 2007 des « mesures spécifiques transitoires », excluant en fait de l’accès à l’emploi salarié les citoyens de ces deux pays... un transitoire qui a perduré sept ans, jusqu’au 1er janvier 2014, où l’Europe y a mis fin.
En effet, Hollande avant son élection avait laissé entendre qu’il reverrait ces mesures ; arrivé au pouvoir, et afin de calmer la Commission Européenne dont la Vice-Présidente, Viviane Reding admonestait la France, il s’est contenté de faire signer par sept ministres le 26 août 2012 une circulaire – sans force obligatoire car ne valant pas loi – sur « l’anticipation et l’accompagnement des évacuations de campements illicites ». Or, même cette circulaire, qui visait à tempérer le côté inhumain des expulsions de Roms en recommandant la mise en œuvre de diagnostics sociaux préalables et de propositions d’hébergement alternatives une fois détruits les campements, n’est pratiquement jamais appliquée, comme le souligne le Défenseur des Droits dans son bilan de la circulaire publié en juin 2013.
1. Une très ancienne stigmatisation
Les Roms représentent la première minorité intra-européenne. Sans Etat ni frontières, ils sont là depuis des siècles, répartis assez inégalement, dont beaucoup en Roumanie, mais aussi dans des pays comme l’Espagne où ils se sont fondus dans la population. Leur diversité interne est grande, selon qu’ils sont de telle ou telle appartenance culturelle, et ceux appelés « gens du voyage » sont en grande majorité français et abandonnent progressivement leur mode de vie itinérant.
N’ayant pas d’Etat, cette minorité a subi des persécutions diverses mais constantes en Europe, a connu l’esclavage en Roumanie jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, et a partagé le sort des juifs dans les camps d’extermination, ce qui est souvent passé sous silence. Or, cette stigmatisation continue aujourd’hui encore, et elle s’aggrave avec la crise économique et sociale qui frappe l’Europe, les Roms devenant ou restant partout des nouveaux ou perpétuels boucs émissaires.
Sarkozy, en prononçant son fameux discours de Grenoble appelant à la chasse aux Roms en août 2010, avait suscité une levée de boucliers de la part des associations de défense des droits de l’homme et de la gauche, et la création de nombre de collectifs de soutien à des roumains et bulgares vivant sur des terrains publics inoccupés. L’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie n’avaient pas suscité l’afflux en France de leurs citoyens, comme il était redouté : depuis 2007, le nombre de ces concitoyens européens appelés Roms est resté à peu près stable et de l’ordre de 15 à 20.000.
Interdits de fait d’accès à l’emploi salarié (sauf à posséder un titre de séjour, ce qui leur était très difficile), les Roumains et Bulgares, Roms ou non, étaient rejetés vers des activités non déclarées comme la récupération et revente de ferraille et de déchets ménagers, ou vers la mendicité, l’absence d’emploi étant leur principal facteur d’exclusion, bien avant l’absence de logement. Privés le plus souvent de domicile ou de domiciliation, et donc de droits sociaux, les Roms ont vécu dans des caravanes ou des abris construits de bric et de broc sur des terrains inoccupés le plus souvent publics. Il était alors facile aux préfets et élus locaux de les en expulser par décision des tribunaux administratifs, plutôt que de leur proposer des baux précaires, le temps de premiers parcours d’insertion.
Ces concitoyens européens – sans les droits des Européens, et subissant donc un apartheid social au sein de l’Union – vécurent donc d’expulsion policière de leur campement en expulsion policière, à 6H du matin, dans le froid y compris en plein hiver, avec destruction de tous leurs biens et saisie non récupérable de leur caravanes, sous les yeux des enfants terrorisés – et durablement traumatisés - , femmes enceintes, malades et personnes âgées se voyant jetés sur les chemins sans ménagement et sans proposition d’hébergement durable, en dehors d’appels au 115 saturé pour quelques nuitées d’hôtel social.
On aurait pu attendre d’un président se disant socialiste et de son gouvernement, en mai 2012, un autre comportement, plus respectueux des droits de l’homme et de l’enfant.
2. Sous Hollande/Valls, la valse sans précédent d’expulsions de campements
Pour avoir assisté le 27 mars 2013, en bordure du Bois de Vincennes près du RER de Joinville-le-Pont, à 6H du matin, à l’expulsion par des cars entiers de police des cinq familles roumaines dont j’avais inscrit à l’école la huitaine d’enfants en les domiciliant administrativement chez moi, et en les voyant dispersés au point de ne plus pouvoir retrouver certains d’entre eux, j’ai pu constater que la politique d’expulsion des Roms se poursuivait sous Hollande avec la même intensité que sous Sarkozy, sinon plus.
Le bilan récemment publié par l’ONG européenne ERRC et par la Ligue des Droits de l’Homme des expulsions de campements illicites par Manuel Valls est accablant :
3. « Vocation au retour » et exclusion du marché du travail
4. La levée des mesures transitoires suffira-t-elle à permettre une insertion normale dans la société ?