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Lettre ouverte à Mr Bur, Préfet du Nord

Association Sang pour Sans, le 21 mars 2014

samedi 29 mars 2014, par Martine Boudet

Monsieur le Préfet,

Nous nous adressons solennellement à vous en tant que haut fonctionnaire de la République.

Nous sommes quant à nous de simples citoyens.

Nous faisons appel à votre conscience et à votre sens de l’éthique liée à votre charge de représentant de l’Etat français, pays historiquement désigné et encore à ce jour – que ce soit mérité ou non – comme le pays des droits de l’homme.

Nous ne doutons pas de votre sens des responsabilités, du dévouement apporté à votre tâche, de votre respect des directives ministérielles qui vous sont édictées.

Nous nous permettons simplement, avec tout le respect que nous vous devons, de faire ici un rappel que nous inspire la lecture de l’histoire de France, et notamment celle de ses sombres années 1940-45, et de vous citer quelques phrases prononcées en d’autres temps par des citoyens français qui ont gagné le respect de tous pour leur apport exceptionnel aux valeurs qui fondent notre République.

Alors qu’une commission parlementaire préparait la mise en place législative de la prévoyance et de l’assistance sociale, lors d’un discours prononcé au sein de l’Assemblée législative le 9 juillet 1849, Victor-Hugo prononçait ces phrases :

« La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. [...et de citer des exemples de familles, d’enfants, n’ayant pour vêtements que des morceaux infects de chiffons en fermentation, ou encore une mère et ses quatre enfants cherchant leur nourriture dans des immondices...] Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière. »

Nos concitoyens européens roumains et roms ont été exclus, de fait, du marché du travail français depuis leur entrée dans l’Europe en 2007 et jusqu’au 1.1.2014, ce qui les a condamnés à survivre dans la plus grande précarité. Ils ont subi en 2013 plus de 21 000 évacuations forcées de leurs lieux de survie, alors qu’ils ne sont que 18 000 environ . Ils occupent aujourd’hui cette place de bouc émissaire si utile par temps de crise, jadis occupée par d’autres. Est-il si urgent, après qu’ils aient gagné un droit à l’hébergement d’urgence, de les frapper en outre d’un acharnement administratif incompréhensible en leur délivrant des OQTF et des assignations à résidence massives et non individuellement justifiées, au lieu de leur permettre de s’insérer tranquillement dans la société française comme d’autres avant eux ? Un tel acharnement ne nous rappelle-t-il pas - toute proportion gardée – d’autres époques de chasse à l’homme que nous avons traversées ?

Dans ces années sombres de notre histoire, enjoints de procéder à des actes injustes, des fonctionnaires de l’Etat français ont désobéi. Ce fut à leur honneur.

Hannah Arendt, rendant hommage à ces désobéissants, a souligné comment ceux qui obéirent ont fait taire leur conscience.

C’est pourquoi nous osons, bien que simples citoyens français de quelque origine et de quelque parcours migratoire que ce soit, de vous demander solennellement d’exercer votre fonction avec tout le respect que nous sommes en droit d’attendre de vous de la dignité humaine, de la liberté de circulation qui nous avait été annoncée au sein de l’Union Européenne, et enfin des droits fondamentaux de l’homme, des droits de l’enfant, tels qu’écrits au fronton de nos institutions.

En vous priant de nous excuser de vous avoir importuné et dans l’espoir que vous nous accorderez une certaine attention, nous vous prions, Monsieur le Préfet, d’agréer l’expression de notre plus haute et humble considération.

Pour Sang pour Sans

Stéphane BRAILLY et Evelyne PERRIN

Association Sang pour Sans
13 rue Edmond Rostand
Champigny sur Marne
Tel : 06 79 72 11 24
sangpoursans@gmail.com