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ESU 2014 . Atelier Les droits des Roms en Europe 21 août 2014

co-organisé par Stéphane BRAILLY (Sang pour Sans), Evelyne PERRIN (ATTAC France, Sang pour Sans), Claude CALAME (ATTAC France et Suisse) avec Viorel COSTACHE (Prades), Matyas BENYIK (ATTAC Hongrie), et Michal KRAVCIK (ATTAC Slovaquie)

samedi 6 septembre 2014, par Martine Boudet

L’atelier a réuni 40 personnes, en majorité de France, mais aussi de Hongrie, Slovénie, GB, USA, et a été heureux d’accueillir Viorel Costache, porte-parole des Roms de Provence venu d’Antibes. Nos autres invités roms n’ont pu venir et nous le regrettons vivement.
Le but de cet atelier était certes de dénoncer la situation dramatique faite en France et dans d’autres pays d’Europe à nos concitoyens roms, mais sans en rester à la déplorer. Car il s’agissait surtout de rappeler qu’ils ont des droits fondamentaux, et de partager des outils et expériences de lutte en vue de leur insertion sociale rapide par la connaissance et la mise en œuvre de leurs droits. Ceci en vue d’interpeller ensuite les autorités publiques concernées.

Viorel COSTACHE, de l’association PRADES, a introduit le débat, rappelant que ce peuple est venu en Europe au 12è siècle, mais que la chasse aux Roms dure depuis. Il a fait état de son expérience de lutte pour la défense des familles ou communautés roms vivant en Provence-Alpes-Côte d’Azur, et des victoires obtenues. Il a rappelé que partout en Europe à des degrés divers, mais en particulier en France et en Roumanie, les Roms font office de boucs émissaires et se voient refuser les droits fondamentaux de tout être humain, en pleine illégalité, de par la volonté des autorités publiques. Partout, c’est bien la classe politique la responsable de l’exclusion des roms, et non ces derniers.
Pour lui, la clé de la civilisation est l’éducation, et les Roms en sont privés largement par leur vie d’errance et de précarité due aux évacuations et expulsions incessantes de leurs lieux de survie, ou par des ségrégations scolaires (classes-ghettos). C’est une priorité de la lutte : faire accéder les enfants à l’école car ce sont eux qui demain vont défendre leur peuple et l’aider à trouver sa place. C’est un gros travail à mener, auprès d’eux mais surtout contre cette chasse qui leur est faite. C’est le moyen de les aider à connaître leurs droits et à les exercer.
La situation d’exclusion et de ségrégation des roms est très grave en Roumanie, en Slovaquie, en Hongrie où on érige des murs autour de leurs lieux de refuge ou de résidence, et où ils sont même victimes de meurtres. En Roumanie, s’ils travaillaient et avaient des maisons sous le régime de Cauecescu, ils en ont été chassés avec la chute du régime, et leurs quartiers ont été démolis et vidés. Ils vivent désormais en partie de l’aide envoyée par ceux partis de Roumanie. On voit encore des stérilisations forcées de femmes en Roumanie.
Viorel évoque ensuite la situation réelle des Roms en France, bien éloignée des engagements officiels, et ses combats avec les roms de la région de Nice : ainsi lors d’une expulsion, il leur conseille, une fois les médias convoqués, d’installer des tentes abritant leurs enfants – la plupart scolarisés - sur la route et obtient in fine du préfet leur installation sur un terrain. Car là comme ailleurs en France, les expulsions de campements ou de squats se font « sèches », c’est-à-dire sans aucune proposition de relogement ou hébergement d’urgence même provisoire, ce qui est totalement illégal. Et la police a pour tâche de passer avant l’expulsion terroriser les gens afin qu’ils soient partis lors de l’évacuation. Alors que si les roms connaissaient leurs droits, ils pourraient refuser de partir ainsi et appeler les médias. Or les associations se cantonnent souvent à déplorer les évacuations sans résister, ou vont parfois jusqu’à cacher ce que fait l’Etat (ainsi des enfants roms sont abrités pour quelques nuits et couchent à même le sol dans des refuges loin des médias).
Cette méconnaissance du français et de leurs droits amène des roms arrêtés pour de petits larcins à accepter les conseils de traducteurs roumains de mèche avec la police, ce qui les conduit en prison pour des mois, même avec casier judiciaire vierge.

Claude CALAME rappelle ensuite que la chasse aux roms en France, lancée par Sarkozy dans son discours de Grenoble en juillet 2010, n’a fait que s’intensifier avec l’arrivée des socialistes au pouvoir : 97 camps évacués soit 9500 personnes en 2012, 165 camps et 19 380 personnes en 2013. Et la circulaire interministérielle du 26 août 2012 signée par sept ministres n’est quasi jamais appliquée. Il fait ensuite un parallèle entre la situation dramatique faite aux roms – des concitoyens pourtant européens – en France et celle des migrants non européens, en prenant l’exemple de Calais, où ces derniers sont chassés de leurs camps provisoires, mis en centres de rétention, les repas offerts par les associations interdits. S’il s’agit du même déni des droits de l’homme, il faut réfléchir aux raisons de ces politiques sécuritaires et identitaires qui alimentent la montée de la xénophobie et de l’extrême droite, en faisant appel à des catégories purement imaginaires.

Matyas BENYIK, d’ATTAC Hongrie, confirme que la « question rom » est la même partout, mais que la situation des Roms est sans doute en Hongrie l’une des pires. En effet, avec le passage au capitalisme, 4 à 5 millions de Hongrois ont perdu leur travail, en premier lieu les plus pauvres et les roms, et la moitié de la population du pays a sombré dans la pauvreté. Si des Roms sont au Parlement hongrois et même au Parlement européen, cela n’empêche pas des atrocités commises contre eux. Il faut donc être là à leurs côtés et les défendre, montrer notre solidarité, nous battre pour les droits de l’homme avec eux et aussi avec les autres populations discriminées, et interpeller nos parlements nationaux et européen.Il cite les Rapports 2008 et 2012 de Social Watch (Cf. www.socialwatch.org)

Michal KRAVCIK expose qu’en Slovaquie ; comme en Roumanie, la situation faite aux roms est très mauvaise ; il participe à des projets de préservation de l’eau et de lutte contre les inondations associant des salariés roms (Cf. Michal Kravcik a Kolektiv : « Po nàs pùst a potopa ? (After us, the desert and the deluge ? »). [ toutes nos excuses, nous attendons son compte-rendu car nous avons été empêchés de suivre l’exposé]

Evelyne PERRIN de Sang pour Sans expose la façon dont chacun peut contribuer à l’accès aux droits des Roms, par une domiciliation administrative, qui leur permet de s’inscrire à Pôle emploi, de demander l’aide médicale d’Etat (de plus en plus difficile et longue à obtenir pour un an renouvelable) et une aide alimentaire exceptionnelle en attente d’un emploi, mais aussi de voter aux élections municipales et européennes, d’ouvrir un compte en banque. Elle souligne que sur une vingtaine de roms roumains inscrits à Pôle emploi dès qu’ils en ont eu enfin le droit en janvier 2014, aucun, aucune n’a encore trouvé du travail, qu’ils parlent mal ou bien français... Elle recommande de les aider, en cas d’expulsion de leurs camps sans relogement, de demander l’aide juridictionnelle et de faire un référé liberté-hébergement, afin d’avoir une proposition d’hébergement du 115 - hélas saturé. Une solution serait de leur accorder des baux précaires pour rester provisoirement sur les terrains publics inutilisés qu’ils occupent ; de faciliter l’auto-construction collective de maisons. Une importante documentation est apportée et sera mise en annexe, dont un Guide des droits des Roms que nous diffusons largement.

Stéphane BRAILLY, association Sang pour Sans, spécialiste de l’accès à l’emploi et à l’activité, illustre les défaillances des structures d’insertion par la lecture du parcours dans ces structures d’un père de famille roumain, convoqué trois fois en trois mois par Emmaüs et rejeté pour mauvaise maîtrise du français, déjà signalée par Pôle emploi... Il conclut sur la nécessité des combats à mener, car nous ne sommes pas là pour pleurer.

DEBAT

- Brigitte CERF, enseignante et membre du Collectif pour le Droit à l’éducation des enfants roms (CDERE) précise que si en Grande Bretagne, pour aller à l’école, il faut posséder un titre de séjour, en France tout enfant a le droit d’être inscrit à l’école sans avoir à justifier de son domicile ( dire que les démarches d’inscription sont en cours) ; si un maire refuse, il faut saisir un syndicat enseignant, ou l’Inspection académique qui donne une école en attente de l’inscription. Les enfants déjà scolarisés doivent aussi être re-scolarisés sans problème, sinon écrire au Ministère.
- Une dame rappelle que les Tsiganes ont été exterminés dans les camps et chambres à gaz nazis comme les Juifs, et ce dès 1938 à titre « expérimental », qu’ils sont restés en camps jusqu’en 1946, mais que l’on n’en parle pas. Viorel ajoute que l’histoire hélas peut se répéter. Cette dame nous appelle tous à la vigilance, même si l’on ne peut pas s’engager dans toutes les luttes. Elle cite le tract anti-Rom du maire UMP du 15è arrondissement Philippe Goujon. On peut aussi évoquer Rachida Dati voulant nettoyer le 5è, ou le maire de Cholet, Bourdouleix, regrettant qu’ « Hitler n’ait pas fini le travail », (et toujours en poste)...
Autre question : pourquoi les Roms choisissent-ils la France comme pays d’accueil ? Viorel répond que la France est l’un des pays européens à compter le moins de roms ; 17 à 18 000, contre 60 à 70 000 en Espagne (l’un des pays qui les a le mieux intégrés) et en Italie, 100 000 en Allemagne et en Grande Bretagne. Ils y ont l’accès à l’école.
Des questions sont posées sur les distinctions et appellations entre Roms selon leurs parcours et pays d’implantation : Gitans, Roms, Manouches, gens du voyage, etc... Pour Evelyne PERRIN, comme pour Matyas BENIYK, ces questions sont secondaires car l’urgence est l’accès aux droits de tous. Ou encore sur la question du nomadisme ? Or, si on a créé en France pour les Gitans français mobiles une catégorie administrative et un fichage comme « gens du voyage » (même s’ils se sédentarisent de plus en plus), les Roms migrants veulent se sédentariser et s’insérer et étaient sédentaires en Roumanie.
Une dame d’Emmaüs souligne que cette association, présente dans 37 pays, participe à Saint-Etienne à un projet de culture potagère intégrant des roms, et qu’à Marseille elle gère une caserne réquisitionnée pour eux.
Est soulevée la question des fonds européens destinés à l’insertion des Roms. En Roumanie ces fonds ( 2,3 milliards) ont disparu... La France en utilise seulement une infime proportion, par manque de volonté politique.

CONCLUSIONS

Viorel Costache souligne la priorité à donner à l’apprentissage du français et à la scolarisation, et la nécessité d’interpeller l’Europe sur l’apartheid subi par ces concitoyens européens. Il conclut en rappelant que le peuple rom représente environ 23 à 24 millions de personnes, et que s’il ne s’est pas illustré par ses guerres et victoires militaires, s’il n’a pas de pays , il possède un drapeau, et une belle culture, et ne veut pas la perdre. Sa langue a déjà disparu en Espagne, en Roumanie... or, il faut la conserver.

N.B. Ce compte-rendu rédigé en urgence est provisoire. Merci de tout complément ou correction, à adresser à evelyne.perrin6@wanadoo.fr tel 06 79 72 11 24