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Stéréotypes sexistes

vendredi 8 novembre 2013, par Claudine Blasco

L’inégalité hommes femmes, la domination masculine restent une constante universelle, présente au Nord comme au Sud, dans toutes les classes et les milieux sociaux qui malgré les luttes, les droits, les lois et les évolutions juridiques, techniques, scientifiques médicales et sociologiques, persistent.

Le dernier bilan d’ONU-femmes sur la situation des femmes dans le monde le démontre. Elles sont la majorité des pauvres, des analphabètes, des victimes de violences, ou de mauvais soins. Elles sont écartées des lieux de pouvoir politique, économique et financier.

Cette inégalité découle de leur statut dans les systèmes d’organisation de notre société monde : le patriarcat et le néolibéralisme qui se complètent l’un l’autre pour maintenir les femmes en état d’infériorité et les transformer en objet ou marchandise. Ces deux systèmes utilisent des vecteurs de propagande et de conditionnement dont les plus efficaces sont les stéréotypes sexistes qui agissent sur les mentalités et les comportements autant des femmes que des hommes. Et nous allons voir qu’ils ont un impact non négligeable sur le corps des femmes.

Qu’est-ce qu’un stéréotype ?

C’est une opinion toute faite, un cliché, une caricature, une généralisation, une reproduction figée.
Les stéréotypes créent des modèles sociaux types imaginaires, des codes sociétaux simplifiés qui tiennent rarement compte de la diversité et de la complexité de la réalité. Ils entrainent presque systématiquement des préjugés et des discriminations.
Les stéréotypes sexistes véhiculent des valeurs de supériorité masculine, de comparaison des sexes au détriment des femmes, de positionnement hiérarchique et non égalitaire qui enferment les êtres humains dans des catégories sociales et dans des interdits.

Le conditionnement sexiste débute dès la naissance à la maternité quand on laisse pleurer plus les filles que les garçons suivant le stéréotype que les filles pleurent sans raison car trop émotives, quelquefois même avant la naissance comme en Inde où la famille préfère avorter lorsque le foetus est identifié comme une fille donc sensé coûter plus cher et être plus inutile .
Puis dans l’enfance par le vêtement (une fille ça aime les robes et un garçon les pantalons), les couleurs (les filles sont en rose, et les garçons en bleu), les jeux (les filles préfèrent les poupées et les garçons des voitures) et surtout par la transmission dans le milieu familial des rôles sociaux genrés, ensuite par l’éducation dans le milieu scolaire par les livres reproduisant les stéréotypes de la maman à la cuisine et le papa au bureau.
Il se poursuit dans les médias (peu de femmes experts, mais plutôt des ménagères de moins de 50 ans).

Les stéréotypes sexistes sont aussi véhiculés par le cinéma, la littérature, le sport et la publicité.

Mais ils sont surtout véhiculés par chacun et chacune d’entre nous, si nous n’y prenons pas garde. Le langage utilisé n’est jamais neutre (par exemple les noms de métiers qui n’existent pas au féminin).
Ils ont un impact sur l’orientation scolaire et le monde du travail (métiers dits féminins, temps partiel, plafond de verre) et des représentations politiques et économiques (peu de femmes parlementaires ou cadres).
Ils ont plus qu’on ne le pense un impact directement sur le corps des femmes (obligation de maternité, soins moins souvent dispensés aux filles qu’aux garçons, prostitution, traite des femmes, violences, viols, progression du VIH, anorexie, excision, dictature de la taille mannequin, de la beauté et de la jeunesse à tout prix).

Les stéréotypes sexistes, s’ils enferment les femmes, empêchent aussi les hommes de sortir des schémas sociaux patriarcaux, car chaque stéréotype sur les femmes entraîne un stéréotype sur les hommes.

Par exemple, le stéréotype de la fée du logis dont la plus grande joie est de bien entretenir sa maison, femme au foyer, épanouie par le ménage, la cuisine et la maternité , douce, docile et soumise, porteuse de la tradition et centrée sur son foyer a pour pendant l’homme désordonné, sportif, travailleur toujours absent, vecteur de modernité , ouvert sur le monde et la vie publique, autoritaire et quelquefois violent, ou celui de l’homme enfant qui appelle son épouse maman.
Il a eu pour conséquence la division sexuelle du travail, l’enferment des femmes dans la sphère privée et leur non accès à la sphère publique, de même qu’ils empêchent les hommes de s’occuper de leur foyer ou de postuler sur des métiers dits féminins. Il entraîne surtout une obligation pour les femmes de s’épanouir par la maternité et le soin aux autres, se sacrifiant, santé comprise, pour le bien de sa famille ou de sa communauté. Il justifie les violences conjugales. Il justifie le mépris et l’incompréhension de certain-e-s pour les femmes qui osent donner leur point de vue sur les affaires du monde et veulent s’engager dans la vie publique. Une des conséquences est que la santé maternelle et reproductive est le parent pauvre de la santé publique mondiale (la femme est faite pour porter des enfants et doit accoucher dans la douleur) et que la contraception et l’avortement sont de plus en plus hors de portée des femmes.

Un autre stéréotype décrivant les femmes comme douillettes et plaintives empêche certaines femmes de consulter un médecin dès les premiers symptômes.

Le stéréotype de la femme-objet, femme-corps sans tête, superficielle, séductrice, légère, infidèle, dépensière et sotte (blagues sur les blondes), (repos du guerrier) entraîne le stéréotype de l’homme fort doué de raison, de pondération et d’intelligence, mais aussi irrésistiblement attiré par les attributs sexuels des femmes, seul habilité à exercer le pouvoir et à être le chef de famille.
Ce stéréotype a entraîné la prostitution (tout homme a droit au corps d’une femme), la traite des femmes et le mariage forcé (puisqu’elles sont des objets elles peuvent être vendues) , l’excision (ces séductrices ne doivent pas avoir de plaisir sexuel pour rester « d’honnêtes femmes »), le viol en temps de guerre comme en Serbie ou RDC ( le corps des femmes doit appartenir au vainqueur), mais aussi le viol en temps de paix (les femmes aiment ça, quand elles disent non, elles pensent oui) et encore le marquage vestimentaire des femmes par les religions (voile, vêtements longs) (il faut cacher tout attribut physique de ces séductrices) .
Par suite les homosexuels sont rejetés et stigmatisés dans une société bâtie sur ces stéréotypes.

Le corps des femmes est utilisé systématiquement dans la publicité pour inciter à l’achat ou à la consommation, mais au-delà de l’effet économique cette utilisation a un impact politique et social qui pérennise les rôles sociaux sexués et crée une identité symbolique. Ce corps est mis en avant pour cacher l’esprit des femmes et leurs capacités intellectuelles (Sois belle et tais-toi).

Dans les magazines féminins, le corps des femmes est standardisé au seul goût des hommes, véhiculant le stéréotype qu’une belle femme séduisante ne doit pas dépasser la taille 38 et répondre aux critères de jeunesse et de beauté des mannequins photographiés dans ces mêmes magazines.
Cette manipulation mentale pousse beaucoup de jeunes femmes et de moins jeunes vers la chirurgie esthétique, des régimes désastreux pour leur santé, l’anorexie ou la dépression.

En fait ces stéréotypes découlent de deux fausses hypothèses sur lesquelles est basé le patriarcat : la soi-disant infériorité biologique et intellectuelle des femmes et la passivité des femmes.
Rien n’est moins vrai, les progrès dans les sciences médicales et biologiques nous ont prouvé l’inanité de la première affirmation et les femmes se sont organisées, révoltées, et se révoltent encore contre leur statut, mais le système monde patriarco-néolinéral veut faire croire qu’elles sont isolées et leur lutte sans fondement. L’histoire du féminisme manque de biographes et pousse les féministes les plus récentes à se penser les premières à se révolter.
Comme l’a démontré Pierre Bourdieu, la domination masculine et l’infériorité des femmes ont été historiquement construits et ne sont nullement naturelles.
Les stratégies de domination patriarcale passent par la division du travail, des responsabilités et des espaces, l’isolement et le dénigrement des femmes, les femmes étant presque toujours réduites à leurs corps ; par la manipulation mentale de tous mais aussi par des interdits pour les hommes et la perpétuation de schémas sociaux de genre.

Les stéréotypes sexistes traversent les siècles et se perpétuent de génération en génération, ils sont le vecteur le plus puissant du patriarcat, le néolibéralisme l’a compris et s’en sert aussi pour marchandiser le corps des femmes. C’est pourquoi non seulement nous devons lutter collectivement pour garder ou acquérir de nouveaux droits et lois, mais il est aussi important qu’hommes et femmes individuellement nous prenions conscience de ces stéréotypes, les décodions et les combattions afin d’obtenir ce changement de mentalité nécessaire pour mettre fin aux discriminations et inégalités hommes-femmes.

Messages

  • Tout simplement vous dire que j ai enormement apprécié cet article sur les stereotypes, je savais tout cela, mais prise dans l engrenage de cette société, je commençais à banaliser.suis pourtant pas une jeunette:60 ans !! Merci, je vais suivre tous vos ecrits.

  • Bonjour à toutes et à tous,

    Je suis doctorante et je fais justement des recherches sur les stéréotypes, notamment sur ce qu’on attend des femmes et des hommes dans notre société,

    Si vous voulez bien m’aider, car j’ai besoin d’avoir votre opinion, et si vous avez quelques minutes (10 pour être précise), pour répondre à un de ces deux questionnaires :

    stéréotypes femmes :https://toulousepsychology.eu.qualtr...8jcKi0ddVaI2lT
    stéréotypes hommes :https://toulousepsychology.eu.qualtr...akMifdW6Bk8O6p

    Cela ferait beaucoup avancer mon travail !
    Le questionnaire va vous poser 9 fois la même question environ, ne vous découragez pas ! (je dis ça car plusieurs personnes quittent le questionnaire alors qu’ils sont presque à la fin)
    Merci à ceux qui prendront le temps,

    Et si vous avez des remarques, je serai ravie d’en discuter !
    Charlène.

  • très bien, me renforce dans mes convictions et fait chaud au coeur !