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L’influence des lobbies sur la politique internationale
Des actions non démocratiques à l’illégalité
lundi 13 avril 2009, par
Des actions non démocratiques à l’illégalité : les différents types de lobbies ; les différents types de lobbyings ; les réseaux, les lobbies et les associations professionnelles, un des nombreux leviers de la gouvernance ; la proximité des réseaux d’extrême droite et des élites internationales ; la puissance des lobbies industriels à l’ONU.
Au sein de ces différentes organisations, sous couvert d’un discours sur la « bonne gouvernance », les dirigeants libéraux privatisent les instances démocratiques en privilégiant le dialogue avec les entreprises au détriment des peuples, de leurs représentants, des ONG. Ces différents mécanismes sont mis en œuvre notamment par des pratiques de lobbying non démocratique, mais qui restent pour une large part légales. Cependant, il y a un autre champ qui lui est encore moins analysé, il s’agit de la dimension illégale des pratiques des lobbies nationaux et internationaux. Ce sont donc les différentes formes lobbying politique et économique non démocratique, inégale et aussi illégale que nous allons analyser dans cet article. Nous présenterons donc les différents types et formes d’actions des lobbies, certains réseaux les lobbies, la proximité des lobbies d’extrême droite et des élites internationales et enfin la puissance des lobbies industriels à l’ONU.
Les différents types de lobbies
La polysémie de l’expression est encore renforcée par l’utilisation de termes souvent interchangeables, comme « groupes d’intérêt » [1], « lobbies », et groupes de pression [2]. (Grossmann, 2005 : 6) [3]. Certains auteurs tel Grossman, qualifient indifféremment de lobbies, les représentants des entreprises, les syndicats patronaux, les syndicats de salariés, ou les associations. Mais nous écarterons ces dernières ainsi que les syndicats de salariés, de cette définition et nous qualifierons leurs activités de plaidoyer associatif ou syndical, car les intérêts défendus sont d’une autre nature.
Parmi les groupes exerçants une activité de lobbying, il faut y ajouter aussi de nombreux bureaux d’études (CEPS, EPC), de cabinets de conseils, d’agences de relations publiques ou d’affaires publiques, car certains travaillent et sont financés par les transnationales, afin d’exercer une influence sur les décisions des élus politiques.
Le lobbying participatif
Le lobbying participatif consiste à entretenir des contacts étroits avec les personnels politiques, individuellement ou dans le cadre de groupes de travail, au prétexte de les assister dans leur tâche législative ou décisionnelle. Ainsi, ils en viennent souvent à rédiger des lois, qui sont ensuite votées par les élus politiques, ce qui épargne probablement du temps et du travail à ces derniers, mais nuit à l’indépendance des pouvoirs publics. Au plan mondial la BRT – (US Business Round Table-Table ronde des hommes d’affaire américains) est un des plus puissants lobbies. Il a été crée en 1972 et compte les PDG d’environ 200 transnationales, dont 37 des 50 des plus importantes entreprises des Etats-Unis selon le classement de la revue Fortune. Au niveau européen, un des plus puissants est l’ERT (European Round Table), fondé en 1983, il était consitué de 45 « capitaine d’industries », dirigeants de transnationales européennes. Parmi les firmes représentées on comptait dans les années 80, BP, Fiat, Nestlé, Nokia, Philips, Renault, Shell, Solvay, Total, Unilever… Parmi les membres qui sont membres de l’ERT, ou qui y ont appartenu, il y a notamment : Thierry Breton (France Télecom), Antony Burgmans (Unilever), Thierry Desmarest (TotalFinaElf), Bertrand Collomb, (Lafarge et président du Conseil des affaires pour le développement durable (WBCSD), de 2003 à 2005 et il finance l’ONG WWF à hauteur de 1 million d’Euro par an), Louis Schweitzer (Renault), Peter Sutherland (BP et ancien Dirigeant du Gatt, président d’honneur de la commission Trilatérale)… (Balanya, 2005 : 58).
Les chiffres varient mais la Commission Européenne évaluait à 3000 les lobbies en relation avec elle, en 1992, en 2003 Greenwood (2003) [4] en dénombrait autour de 1500 (mais il y intégrait les associations et les syndicats). Leurs nombres dépassent donc très largement celui des députés européens. En 2008, Bruxelles comptait à présent 15 000 lobbyistes [5] selon Siim Kallas, le commissaire européen chargé des affaires administratives, d’audit, et de fraude. Certaines sources estiment qu’il y aurait jusqu’à 20 000 (European Agenda, 04/2008 : 17) 26.Kallas estime par ailleurs que l’activité des lobbies et des 2 600 grands groupes d’intérêt qui disposent de bureaux dans la capitale européenne draine un budget « de 60 à 90 millions d’euros » (Kallas, 2008). Or, selon l’estimation de Roberta Baskin, directrice de l’ONG Centre for Public Integrity, à Washington les groupes de pression disposent de bien plus encore, car ils chaque année, ils reçoivent quelque 2 milliards de dollars (Baskin, 2008) [6].
Le lobbying idéologique
Il s’agit de l’action des groupes de réflexions, des think tanks, telle l’institut Thomas More en France, ou la Société du Mont Pèlerin à l’étranger dont était membre Hayek et qui est a été à l’origine de l’essor du néolibéralisme. Ils ont pour but d’exercer une influence l’idéologie, pour qu’elle devienne hégémonique comme l’explique Gramsci. Fukuyama a ainsi tenté de persuader le monde que le capitalisme était la fin de l’histoire.
Les lobbies mixtes : privés et publics (associations professionnelles » ou de « cercles)
On les qualifie aussi « d’associations professionnelles » ou de « cercles », car elles réunissant des élites économiques et politiques. Au plan international il y a notamment les rencontres de Davos, les Bilderberg, la Trilatérale et au plan national par exemple, club de l’horloge, le club Vauban, le Siècle…. Ce dernier à été créé en 1944. En sein s’y rencontrent les élites médiatiques, politiques et économiques françaises, tel Alain de Pouzilhac (Havas), Serge July (Libération) ou Patrick Poivre d’Arvor (TF1). Du côté des élites économiques on trouve notamment Bébéar (ancien PDG d’AXA), Maurice Lévy (Publicis), Jean-Marie Messier (ancien membre), Louis Schweitzer (président du conseil d’administration de Renault), Ernest-Antoine Seillière (ancien président du MEDEF)· Ce « cercle », compte des élites politiques de gauche (Alain Fabius, Martine Aubry, Lionel Jospin) et de droite (François Bayrou (Modem), Jean François Copé, Rachida Dati) (La république de lettre, 01-2008) qui sont donc amenés à se rencontrer et à partager leurs idées, lors de réunions hebdomadaires à Paris. Il se crée alors une sorte de fraternité des élites, une certaine connivence idéologique et une « pensée unique » en quelque sorte.
Le lobbying co-gestionnaire ou la privatisation de l’intérêt général dans les pouvoirs publics
On peut éventuellement qualifier la délégation de service public comme une forme de lobbying. En effet, c’est une perte de l’intérêt général et collusion d’intérêts, entre le secteur privé et le publique, dans régulation déléguée aux acteurs privés par les pouvoirs publics (secteurs des industries d’armement, aérospatiales, de la gestion de l’eau, de l’électricité…).
Le plaidoyer associatif : Bingos, Gongos et associations civiques
On devrait peut être plutôt qualifier le lobbying associatif de plaidoyer associatif, pour le distinguer de celui des entreprises. On peut distinguer trois grandes formes d’associations exerçant une activité de plaidoyer :
a) les BINGOS : ce sont les Bizness No Governemental’s Organizations, organisations à vocation économique mais pas lucratif (MEDEF, UNICE…
b) les GONGOS : ce sont les GOvernemental’s No Governemental’s Organizations, organisations vivant en grande partie des subventions publiques. À ce titre, elles sont plus ou moins indépendantes.
c) les associations citoyennes (ou civiques) : elles doivent avoir un intérêt public et général vers les plus défavorisés ; être à but non lucratif ; ne pas représenter des acteurs économiques ou étatiques ; être indépendantes économiquement vis à vis de ceux qu’elle entend réguler, contrôler et surtout. Mais le critère qui leur donne le plus de légitimité pour représenter l’intérêt général et qui est le plus objectif pour les différencier des deux autres types d’associations est le nombre de leurs adhérents.
Certaines associations (ONG) de dimension internationale (OXFAM, le CICR, le WWF, Greenpeace) disposent des capacités financières pour rémunérer des lobbyistes à titre permanent ou à temps partiel pour intervenir dans les instituions internationales afin défendre leurs revendications.
Les différentes formes de lobbying
Les relations de proximité entre les acteurs économiques avec les gouvernements
Les élites économiques rencontrent souvent les élites politiques. Durant ces rencontres, ils parlent autant de politique que d’affaires, c’est donc des moments propices pour communiquer leurs idées politiques. En plus de leur image forte liée à leur puissance économique, ces dirigeants pèsent directement sur les décisions des dirigeants politiques, car en échange de leurs prêts, ou investissement, ils sont en situation de les assortir de conditions politiques (plus de libéralisme : moins d’impôts, de réglementations…). Lorsque le milliardaire Waleed Bin Tatal a rencontré Jacques Chirac en 2005, il a fait un don de 100 millions de $ au musée du Louvre, pour développer les arts islamiques (M6, 2005) [7].
Le pouvoir des propriétaires des grandes banques vis-à-vis des élus politiques
Les banques et les propriétaires des grandes banques (Rockefeller, Rothschild, Morgan…) représentent un des pivots du pouvoir mondial. D’une part parce que ces propriétaires disposent de sommes énormes : Le magazine Forbes décomptait 1125 milliardaires en 2008. (Kroll, 2008) [8]. Ceci leur permet d’acheter potentiellement absolument, tout ce qui peut servir leur objectif de puissance : entreprises, médias, biens divers. Mais de plus, ils ont la capacité de corrompre les dirigeants politiques, qui sont susceptibles de se laissent soudoyer.
Exploiter grâce à la menace des dirigeants politiques
Il existe plusieurs formes de menaces exercées par les dirigeants d’entreprises privés pour obtenir des lois servant leurs intérêts. Il y a notamment la menace de retrait des capitaux investis dans les entreprises ou dans les marchés financiers nationaux. Certains dirigeants d’entreprise influents, expriment parfois, leurs désaccords catastrophés : nous allons tous faire faillite ou perdre des marchés, cela va créer du chômage… Ce qui influe grandement sur les élus craignant de ne pas être réélus par leurs électeurs déçus.
Il y a ensuite les menaces de délocalisation, de lock out (même si on le fait relativement peu dans la pratique). Parfois la menace de délocalisation est utilisée aussi par les dirigeants politiques qui savent que les délocalisations vers les PED ne représentent qu’une danger mineur, proportionnellement à la hausse de la productivité, ou aux importations européennes (Wood, 1998) [9].
Le soutien des Etats aux intérêts des grands capitalistes
L’Etat sert les intérêts des ETN, notamment pour des raisons d’indépendance énergétique nationale. M. Dominique Perreau, directeur des affaires économiques et financières au ministère des Affaires étrangères a déclaré que généralement « le ministre des Affaires étrangères use de son influence pour défendre les projets des compagnies françaises car l’Etat doit veiller à la sécurité des approvisionnements en pétrole et gaz naturel » (Aubert, 1999).
A l’ouverture, le 27 août, de la XVIe conférence des ambassadeurs de France, le président Nicolas Sarkozy a nettement réorienté l’aide au développement « pour soutenir en priorité le secteur privé » affirme-t-il (Glaser, 2008). Comment souvent avec N. Sarkosy, il affirme tout haut et de manière décomplexée ce qui se passait autrefois dans l’ombre. A cette même conférence
Son secrétaire d’Etat à la coopération, Alain Joyandet, (qui est aussi un ancien dirigeant d’une entreprise de presse) lui emboîte le pas, il « n’attend plus que le feu vert du Conseil d’Etat pour devenir le vrai patron de l’Agence française de développement (AFD), la tirelire de la politique africaine. Il a d’entrée de jeu déclaré qu’il n’avait pas peur d’être confondu avec le secrétaire d’Etat au commerce extérieur (…). Alain Joyandet a en outre proposé aux dirigeants d’entreprise de les informer en amont des projets qui seront financés par l’aide française. Ils seront également associés à un nouveau « comité des engagements » et – à condition qu’ils ne viennent pas danser au « bal des pleureuses », selon l’expression du ministre -, ils bénéficieront d’un soutien politique (…) » (Glaser, 2008) [10].
Les présidents de la république jouent aussi le rôle de VIP pour les grandes transnationales de leur pays. Chirac était accompagné de plusieurs PDG, lors de son voyage en Chine, en octobre 2006. Nicolas Sarkozy fit de même et a ramené pour 20 milliards d’euros de contrats pour les entreprises françaises, lors de son voyage en Chine en 2007(Les Echos, 26 :/11/2007) [11].
Une large partie du soutien de la cellule africaine de l’Elysée, vis à vis des dictateurs, des guerres, des déploiements de l’armée française, etc. vise à protéger les intérêts des entreprises françaises.
Les gouvernements et les ministères sont parfois doublés par des officines parallèles. C’est le cas du réseau Foccart, travaillant pour Elf, qui dirigeait en sous main tout la politique africaine de la France. Le soutien de l’Etat aux transnationales renforce leur capacité d’exploitation légale et illégale. La cellule africaine de l’Elysée, le Ministère des Affaires Etrangères, de l’identité nationale et de la coopération… qui devraient normalement fonctionner dans la légalité ne respectent pas toujours l’Etat de droit. Par exemple, les observateurs du ministère de la coopération qui ont cautionné les élections truquées au Tchad en mai 2006 (Survie, 2005) [12].
S’allier les services d’un élu grâce aux commissions et rétro-commissions
Les commissions sont illégales lorsqu’elles ne sont pas déclarées et que par conséquent elles échappent aux services des impôts des pays concernés. Les commissions et rétro-commissions sont aussi illégales lorsqu’elles rémunèrent un élu ou un administrateur des pouvoirs publics, afin de biaiser un appel d’offre. Cela peut permettre de formuler l’appel d’offre en le l’orientant pour privilégier un candidat, pour obtenir un contrat, au détriment d’autres concurrents ou de l’intérêt des pouvoirs publics de sa nation. A travers ce mécanisme l’acheteur, les intermédiaires et le vendeur s’enrichissent au détriment des pouvoirs publics et des populations, qui paient le coût de la surfacturation.
Loik Le Floch Prigent, affirme lui-même dans un livre intitulé “Affaires Elf, affaires d’Etat” (2001), faisant le bilan de son procès, que “l’activité industrielle classique s’accompagne nécessairement de mécanismes qui permettent le financement d’opérations opaques (…). Au sein du groupe (Elf) qui fait deux cents milliards de francs de chiffre d’affaires par an, le volume de ces opérations (occultes) varie de trois cents à huit cents millions de francs). (…) Elf dépensait notamment ces fonds pour obtenir “des permis de forage” dans les pays ou la société n’était pas encore implantée.
L’ensemble de ces commissions versées aux officiels du pays, via des intermédiaires, était d’un certaine façon le prolongement de la politique étrangère de la France, notamment dans les pays africains et c’est la raison pour laquelle le président d’Elf en informait la présidence de la république (française), ainsi que les ministres des Finances et du Budget” (Prigent, 55-56) [13]. “Disons que le président d’Elf est à la fois le président d’une société pétrolière et ministre bis de la Coopération. Et c’est justement parce ce que cette société avait un objet politique et diplomatique en Afrique qu’elle a de tout temps financé les services secrets (…). Elf a servi au financement du parti gaulliste, et a même été créé pour ça…” (…). Puis ce fut le tour du parti socialiste. Certaines de ces affaires ont défrayé la chronique judiciaire (affaire Dumas, Deviers Joncourt, Sirven, Elf Thomson, avions renifleurs, affaires des frégates, etc.). (Prigent, 2001 : 54-55 et 63-64). “L’ensemble de la classe politique savait qu’Elf faisait du financement politique”. Les rétro-commissions servaient “à mettre sous influence celui qui les percevait. Au cas où… Au cas une affaire comme l’affaire Elf leur péterait à la figure. Si tout le monde se sert du gâteau, plus personne ne plus rien dire.” (Prigent, 2001, 66-67).
Dans le Figaro et le Parisien, les représentants de l’Elysée ont réagi aux déclarations de Loik Le Floch Prigent de mai 2001, en affirmant qu’à présent le système avait changé depuis 1995. Cela confirmait donc le fait ce système avait bel et bien existé et donc que l’Elysée en avait bien eu connaissance, sans y mettre fin. On le voit, les intérêts des Etats, siègant notamment au sein des la Banque Mondiale, sont fortement liés à ceux de leurs grandes entreprises transnationales. Car il en va des intérêts nationaux, tels qu’ils sont envisagés par les gouvernements nationaux et les partis politiques dominants. Il s’agit d’une lutte politico-économique entre Etats via leurs entreprises, pour s’assurer entre autres, une indépendance énergétique et se disputer les parts du marché mondial. C’est pourquoi les pouvoirs publics nationaux et organisations internationales où elles siègent, sont relativement peu regardant sur les pratiques des entreprises qu’elles subventionnent.
S’appuyer sur les transnationales pour contrôler un Etat
Les Etats utilisent aussi leurs entreprises (ou certaines ONG) pour asseoir leur influence. En fait, les transnationales et les Etats s’appuient souvent l’un et l’autre, dans le cadre d’un échange réciproque.
Elf-Total va tenter de contrôler les pays visés. Pour cela ces dirigeants vont entreprendre différentes actions illégales ou anti-démocratiques : corruption des dirigeants politiques, co-organisation de scrutins truqués, financement de polices politiques, de gardes dictatoriales… Dans le cadre la guerre froide, Elf-Total servira au gouvernement, comme instrument pour éviter la propagation du communisme. Ainsi, des firmes françaises, telle Elf-Total chargée d’approvisionner la France en matières stratégiques, sont investies par les services secrets. De plus Elf-Total a aussi largement utilisé les services secrets et le lobby militaire pour aboutir à ses fins (Verschave, 2003) [14].
Lorsque les dirigeants nationaux, tel Reagan, Bush, De Gaulle, Chirac, Mitterrand ou Sarkozy, disent parfois servir la défense de la grandeur nationale, c’est avant tout pour s’assurer à leur nation, un pouvoir d’influence dans les négociations internationales (diplomaties, institutions internationales. La France a ainsi réussi à placer Pascal Lamy à la tête de l’OMC le 1er septembre 2005.
De même la promotion de la langue nationale (la francophonie) est utilisée comme un instrument hégémonique et commercial. En effet, plus une langue est parlée dans le monde, plus l’influence politique et commerciale du pays peut s’accroître. Enfin, un des buts de la néo-colonisation est aussi de conserver un cortège d’États clients (un réservoir de votes) permettant à la France d’occuper une position importante dans les institutions internationales, tel l’ONU.
Les réseaux, les lobbies et les associations professionnelles : un des nombreux leviers de la gouvernance
Les associations professionnelles contribuant à l’élaboration des politiques internationales
Les associations professionnelles (lobbies) exercent une influence parfois plus puissante sur les élus, que les électeurs eux-mêmes. En effet, de par leur position sociale, “ leur capital économique, social, culturel, symbolique « , tels que les définit Bourdieu, certains de ces individus, groupes ou lignées, influencent de façon plus ou moins indirecte, une part des décisions politiques et économiques internationales. Quelques-uns sont des leaders politiques de premier plan. Mais la plupart d’entre eux sont généralement inconnus du grand public, bien qu’ils occupent des postes hauts placés dans le secteur professionnel ou politique. Parmi, ces différentes organisations ont peu citer parmi les plus connus : CFR, Trilatérale, Bilderberg, WBRound Table, Bohemian Grove, Skulls&bones… Or ces réseaux exercent une influence parfois plus puissante sur les élus que les électeurs eux-mêmes.
Gramsci (1975) a souligné le rôle des intellectuels dans l’hégémonie idéologique et la puissance des think thanks. Ces derniers sont des sortes de club de réflexion qui diffusent des idées. Les think thanks les plus influents, actuellement mettent la puissance de leurs idées et leurs meilleurs intellectuels au service de l’idéologie, des politiques des classes dominantes. Le sociologue français, Michel Crozier a ainsi réalisé, avec Samuel Huntington, un rapport en 1975, pour la trilatérale (Crozier) [15] .
Les dirigeants de la CCI, tel Maucher, ceux de l’ERT, et, des ETN telles Nestlé, Shell ou Unilever participent régulièrement aux rencontres de Davos et du groupe Bilderberg (Balanya, 2005). C’est dans ces lieux où se forgent les idées néo-libérales au plan mondial que ces derniers se réunissent tous les ans (Gill, 1990 : 127).
Le groupe Bilderberg, fut créé en 1954, grâce à un cofinancement de Unilever et de la CIA. Selon le politologue Stephen Gill, Il a pour but “d’encourager des discussions ouvertes et confidentielles (…) entre les nations de l’axe atlantique » (Gill, 1990 : 127) [16] en particulier les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest. Selon un ancien délégué du groupe, le consensus élaboré au sein de ce forum sert de base à l’évolution des politiques internationales. Bilderberg “compose la toile de fond des politiques qui sont mises en place par la suite. Ainsi, le Forum économique mondial à Davos en février, les rencontres Bilderberg et du G8 en avril-mai et la conférence annuelle du FMI et de la Banque Mondiale en septembre. Une sorte de consensus international émerge (…). Ce consensus devient la toile de fond des communiqués du G8 ; il inspire le FMI lorsqu’il impose le programme de réajustement à l’Indonésie, et la politique que le Président américain propose au congrès” (Armstrong, 1998) [17].
David Rockefeller fut le fondateur du Bilderberg, puis de la Commission Trilatérale. « Ces deux lobbies sont les véritables architectes de la mondialisation néo-libérale” selon M. R. Jennar (2005) [18]. D. Rockefeller a déclaré à Newsweek international, “quelque chose doit remplacer les gouvernements et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire” (Rockefeller, 1999). “Ce même personnage avait déclaré huit ans plus tôt devant la Commission Trilatérale : la souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers est préférable au principe d’autodétermination des peuples” (Jennar, 2005 : 17). En effet, ces derniers sont considérés par certaines élites, tels les certains experts de la gouvernance européenne comme “ignorants, émotifs et versatiles, comme nous le rapporte Hermet (2003 : 16) [19]. C’est donc, pour leur éviter de commettre des erreurs nuisant à l’intérêt du peuple lui même, que les élites proposent d’ériger la gouvernance, par les seuls experts et les élites économiques et politiques.
La vision de Nietzsche illustre bien celles de certaines élites, tel Rockefeller. Pour Nietzsche, la démocratie est un fléau pour l’humanité, car elle inaugure le pouvoir de la masse, du peuple ignorant (Nietzsche, 1976). Spencer, un contemporain de Darwin, considérait que la loi du plus fort était une loi naturelle, qui devait s’appliquer aux sociétés humaines. Ne favoriser que les élites est préférable pour le développement de l’humanité, car c’est le sens de l’évolution naturelle, la sélection naturelle du plus fort sur le plus faible. Par conséquent, l’aide sociale, les services sociaux, l’école publique, sont nuisibles à l’humanité, car ils viennent gaspiller des ressources nécessaires pour développer les qualités des élites (Spencer, 1889). [20]
Romano Prodi figure notamment parmi ces élites. En 2006, il dirige l’Italie, or il a été auparavant membre du comité de direction du groupe Bilderberg. Avec Pascal Lamy, actuel directeur de l’OMC et autrefois représentant de l’UE à l’OMC, ils ont à participer aux réunions du groupe Bilderberg en 2001 et 2003.
Passage régulier d’un statut de représentant d’un intérêt particulier à celui de défenseur de l’intérêt général
Tous les ans, les représentants de BP, Exxon, Shell, Unilever se rendent à la réunion annuelle du groupe Bilderberg (Balanya : 2005 :292). En 1997, son comité de direction était notamment composé de Peter Sutherland (ex-directeur du Gatt), du PDG de BP, d’Henry Kissinger, de James Wolfensohn (ex-directeur de la Banque Mondiale), d’Etienne Davigon…
Ce dernier illustre l’omniprésence de ces réseaux privés et de ces élites non-élues dans l’élaboration des politiques internationales par les pouvoirs publics. Il présidait le Groupe Bilderberg en 1999 et était membre du comité directeur en 1997 (Balanya, 2005 : 293-292). Il a été membre de l’ERT (European Roundtable) et commissaire européen à l’Industrie de 1977 à 1994 (Balanya, 2005 : 68). Ce passage régulier d’un statut de représentant d’un intérêt particulier à celui de défenseur de l’intérêt général n’est pas véritablement compatible, puisque leurs intérêts sont généralement contradictoires.
Quant à la Commission Trilatérale, elle a été créée en 1973, par les membres du groupe Bilderberg. Selon Stephen Gill, elle a été conçue comme une structure plus formelle et efficace que le groupe Bilderberg visant à propager les mêmes idées néo-libérales, c’est à dire celles du “Consensus de Washington” (Gill, 1990). David Korten ajoute que David Rockfeller fut aussi le principal instigateur de la commission Trilatérale, dont il tient la présidence durant les années 80. A la même époque, il présidait le Conseil pour les relations extérieures (Concil Foreign Relations (CFR)) qui regroupe des dirigeants d’entreprise des Etats Unis qui “contrôle plus de la moitié des richesses du pays” (Korten, 1995) [21].
Parmi les dirigeants les plus connus figurent Jimmy Carter, Bill Clinton, Georges Bush, Alan Greespan, Paolo Fresco (Fiat), Daniel Jansen (Solvay), Bjorn Svedberg (Ericsson), Etienne Davignon [22]. Selon Stephen Gill, les membres de la Commission Trilatérale cherchent aussi à y déterminer les politiques économiques qui seront adoptées aux niveaux nationaux et internationaux par les dirigeants politiques. Or, les entreprises à vocation nationale et les organisations de travailleurs y sont sous représentées (Gill, 1990). Précisons cependant, que le pouvoir des réseaux et des lobbies, n’est pas si important que certains voudraient le penser. S’ils disparaissaient, cela n’aurait qu’un impact relatif, dans la mesure, ou il ne sont qu’un aspect, parmi une bonne dizaine d’autres formes de gouvernance non démocratique.
La puissance des réseaux contre la démocratie ?
Après sa victoire aux élections présidentielles, Nicolas Sarkosy invite au Fouquet’s, un palace parisien, les membres les plus proches de son réseau. On y trouvait notamment : B. Arnault, Bolloré, Dassault, Decaux, Bouygues (Parain d’un de ses fils), Desseigne (Barrière), Bernheim (Generali), Desmarais (Power Corporation), Kron (Alsthom), Frère (Suez), Proglio (Véolia)… (Chemin, 2005) [23]. De même au mariage de la fille de Bernard Arnaud, le 22 septembre 2005j, le magasine Paris Match, rapporte que 6 ministres en exercice étaient présents. Michel et Monique Pinçon, dans leur livre sur les grandes fortunes, montre que la richesse ne repose pas seulement sur l’argent mais sur des réseaux sociaux et un capital de privilèges socioculturels transmis par des dynasties familiales (2006). Cet aspect dynastique n’est pas sans rappeler les pratiques de la noblesse et de la royauté. Les privilèges officiels de l’aristocratie ont disparu pour la plupart (excepté pour certaines familles royales), mais cette pratique dynastique se perpétue, au plan social, économique et souvent même sur le plan du sang (mariage entre nobles).
Parallèlement aux réseaux politiques, on trouve des réseaux économiques. Par exemple dans les relations entre la France et l’Afrique, les réseaux les plus influents sont ceux d’Elf-Total, Bolloré-Rivaud, Bouygues, Castel… Les réseaux religieux et ésotériques ont aussi leur place. Il y a notamment les groupes catholiques, le Vatican, l’Opus Dei, la Loge P2…
Le réseau francs-maçons, en France et dans le monde, contribue parfois à limiter l’impartialité des juges. Le magistrat, Eric de Montgolfier, a dénoncé certains agissements, puis en janvier 2004, le magistrat Bernard Bacou décide de saisir lui-même le conseil supérieur de la magistrature au sujet de doyen des juges d’instruction du tribunal de Nice, en l’accusant d’impartialité et de solidarité criminelle entre des prévenus et lui-même. En effet, ce juge était membre des francs-maçons et jugeait une affaire dans laquelle l’accusé était lui même membre des francs-maçons. Or un des premiers serments de la franc-maçonnerie est le serment de solidarité (Etchegoin, 2004) [24]
La proximité des réseaux d’extrême droite et des élites internationales
L’idéologie fasciste : un capitalisme totalitaire
Parmi les hauts dirigeants économiques et politiques mondiaux, on relève une proportion importante de personnalités favorables aux idées d’extrême droite (royaliste, fasciste, nazie…). Ces dernières convergent autour de différents points communs. L’idée centrale repose sur une vision naturaliste, d’un darwinisme social, d’un monde naturellement hiérarchisé.
Ce serait donc une erreur de chercher, comme le font les communistes, à égaliser les conditions des hommes. Ainsi, ils estiment que les décisions ne doivent pas être prises par le peuple (suffrage universel, démocratie parlementaire) mais qu’il faut confier le gouvernement aux seules élites politiques et économiques (les grands capitalistes), car disposant seuls des compétences nécessaires (Pannekoek, 1998).
Chez les nazis, il a de plus l’idée d’une hiérarchie entre les races. La race blanche supérieure est élue par Dieu, pour diriger le monde. D’où la nécessité de la recherche de la pureté du sang (droit du sang) pour protéger un groupe (dynastie monarchique, race blanche, race aryenne…), que l’on retrouve dans le noblesse (le sang bleu) et la monarchie… (Hitler, 1925) [25]
L’influence des réseaux d’extrême droite en France et dans le Monde
Des commissions parlementaires, en Italie, en Suisse et en Belgique ont mis en lumière l’existence des réseaux Stay Behind (Gladio en Italie) crées par la CIA après la 2e guerre mondiale, afin d’exfiltrer les anciens nazis, tel Klaus Barbie, dont les compétences pouvaient leur être utiles (Erdman, 1991) [26]. Le service action des services secrets français (le 11e Choc du Sdece) a chapeauté les membres du réseau Stay Behind français. Ce dernier a longtemps été commandé par le général Paul Aussaresses, dépendant en fait de l’OTAN, par le biais du colonel Foccard. Parmi ces membres on retrouve François de Grossouvre (DGSE, puis conseiller de Mitterand) (Verschave, 2003, 34).
La CIA s’est aussi appuyée sur des sectes à l’idéologie d’extrême droite (temple solaire avec Joseph di Mambro, Luc Jouret (Agent secret Belge) (Deloire : 1999) [27]. Le très secret OPC (Bureau pour la coordination politique) des Etats Unis, dirigea différents réseaux dont les Stay Behind, provoqua le prise de pouvoir des juntes latino-américaines (généralement à l’idéologie d’extrême droite), utilisa les hautes instances franc-maçonnes notamment à travers la la Loge P2 (dont fit parti Silvio Berlusconi), la mafia, le Vatican (Ganser, 2007) [28]. Michele Sindona fut le banquier en chef de la Mafia et aussi le fondé de pouvoir du pape Paul VI. Roberto Calvi prit le relais avant d’être pendu. L’exfiltration d’Europe de certains agents fascistes fut réalisée par le Saint Siège, sous la responsabilité de Mgr Giovanni Battista Montini (le futur Paul VI). Depuis sa création la CIA entretient des relations privilégiées avec le Saint siège. Après le dernier Consistoire, ce fut par le biais du Cardinal Avery Dulles, lui même fils de John F. Dulles (Verschave, 2003 : 37).
Les frères Dulles étant eux-mêmes cousins des Rockefeller, puis John F.Dulles fut président la Rockefeller Fondation. Il fut directeur dans les années 30 de la Colidated Slesian Steel Compagny dont l’industriel nazi Friedrich Flick possédait 66%) (Bureau d’Etudes, 2004) [29].
Pour créer son réseau européen, Allen Dulles s’appuya sur la Grande Loge Suisse Alpina. Cette loge franc-maçonne élitiste, dont Jacques Chirac semble être membre (FXV, NC, 36). En France, le représentant en France de l’Opus Dei, fut Geoffroy Chodron de Courcel (l’oncle de Bernadette Chirac) (Verschave, 2003 : 47).
L’idéologie d’extrême droite au sein des réseaux internationaux
Il existe plusieurs associations professionnelles qui réunissent les élites politiques et économiques et contribuent à dresser les grandes orientations mondiales comme le CFR, la trilatérale ou le groupe Bilderberg. Ce dernier a été lancé en 1954 par David Rockefeller et le prince Bernard des Pays Bas, qui est un ancien officier SS et un espion allemand pour le compte du département d’espionnage NW7 opérant au sein de l’entreprise IG Farben qui participait au fonctionnement d’Auschwitz (Sutton, Antony, 1980 : 182) [30].
Allen Dulles, qui n’hésite pas à collaborer avec d’anciens nazis, est membre de la société secrète « Skull and Bones » (le crâne et des os) dont font partie John Kerry (le candidat au présidentielle US de 2003), les Bush grand père Prescott, père et fils (même s’ils n’affichent pas officiellement ce type d’idéologie). Durant l’initiation, explique Robbins, les nouveaux adeptes « découvrent les décors du tombeau constitué d’objets et notamment d’emblèmes nazis gardés comme des reliques » (Robbins, 2005). [31]
Jusqu’en 1936, plus de 100 firmes américaines furent impliquées dans le financement de l’armée allemande fasciste. Il y avait notamment General Motors, Ford, Du Pont. En France, de nombreuses entreprises telles, Schneider en France ont financé le fascisme allemand avant et pendant la guerre, ou encore l’entreprise Renault qui a été nationalisée après la guerre pour avoir collaboré avec les occupants nazis.
Les membres des Skull and Bones sont présents à la CIA et « dominent les institutions financières comme J.P Morgan, Morgan Stanley, BB Harriman, qui comptaient à une époque plus d’un tiers de membres appartenant à Skull & Bones parmi ses associés. C’est à travers ces compagnies que les Skull & Bones ont apporté leur appui financier à Adolf Hitler, car la société suivait à l’époque la doctrine nazie et aujourd’hui néo-nazie (Robbins, 2005 :15).
L’idéologie d’extrême droite au sein des réseaux des élites françaises
En France, par exemple on observe une convergence idéologique autour des idées d’extrême droite dans plusieurs organisations françaises. La proportion des partisans de l’extrême droite est plus importante au sein de l’armée, des services secrets (la DRM (Direction des renseignements militaires), la RDPS, la DGSE). De même une large partie des mercenaires français défend des idées d’extrême droite. Cette proximité idéologique facilite le passage entre les groupuscules fascistes et ces instances. Par exemple, François de Courcelles a été un haut gradé dans l’armée, au sein de la DGSE, puis il a travaillé pour François Mitterrand, comme garde du corps pour Madame Pinjeot (la seconde femme de François Mitterrand), puis comme responsable du DPS (le service de sécurité du Front National) et enfin comme conseiller d’un président africain (Verschave, 2000) [32]. La proximité des deux acronymes DPS et RDPS n’est pas le fruit du hasard. Les membres du DPS souhaitant ainsi montrer leur filiation au RDPS. Ainsi, on observe une continuité idéologique autour des idées de d’extrême droite au sein de l’armée, en particulier les hautes instances de l’Etat Major militaire.
De même le SAC (le service d’action Civique) a été créé en 1959 par Foccart et Pasqua (dont il devient le vice président en 1967) avec Etienne Léandri (Verschave, 2000, 418) et au service des intérêts de De Gaulle. Il a regroupé un large partie d’anciens collaborateurs de l’Allemagne Nazie tel Paul Touvier (Verschave, 2003 : 34). Lorsque Charles Pasqua est devenu ministre de l’intérieur en 1992, L’influence des réseaux d’extrême droite s’est renforcée.
Jean Charles Marchiani était au bureau du RPF (présidé par Pasqua), et a conduit un temps liste du FN à Toulon (Nice Matin, 4 janvier 2000). Il est pro-algérie française, catholique de droite. Il a été aussi membre de la DGSE jusqu’en 1969, préfet, conseiller de Charles Pasqua lorsqu’il était ministre de l’intérieure (Verschave, 2000 : 429). En 2008, il demande l’amnistie présidentielle pour échapper aux sanctions pénales qu’ils doit assumer (il est notamment accusé d’avoir reçu des commissions illégales dans les ventes d’armes (Thomson, Falcone).
La puissance des lobbies industriels à l’ONU
La dépendance financière de l’OMS et de l’UNICEF vis à vis de entreprises privées
Nous allons voir que l’ONU et l’OMS subissent parfois de graves dérives. Or, l’Etat français dispose d’une part non négligeable de responsabilité dans la mesure où il est représenté au sein du conseil d’administration de l’OMS et qu’il dispose du droit de veto au conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier s’avère l’organe le plus puissant de l’ONU, mais aussi le moins démocratique.
Malgré ses faiblesses, l’ONU est parvenue à de grandes réussites au service des plus pauvres. Pourtant, l’ONU, du fait de son influence, est l’objet de tentative de contrôle de la part des Etats dominants et de leurs transnationales, au sein du conseil de sécurité et de chacune de ses agences.
Christian Joly rappelle les positions des organisations de solidarité internationale vis-à-vis de l’OMS : celles ci « continuent à voir la main des multinationales dans divers programmes de l’organisation. La collaboration de l’OMS, avec les firmes multinationales, est considérée comme une soumission aux lois du marché, au détriment de la satisfaction des besoins des populations » (Joly,:244-245) [33] Or, à la différence du financement par l’impôt, le partenariat et le mécénat des organisations internationales publiques par des intérêts privés, tel Rockefeller, portent le risque de fausser les décisions, au détriment de l’intérêt général, de l’indépendance des pouvoirs publics. Le 19 juillet 2002, l’UNICEF et la multinationale MacDonald’s ont annoncé leur collaboration, dans la création de la première Journée mondiale des enfants de Mac Donald’s (Balanya, 2005 : 363).
Le lobby nucléaire aux commandes de l’AIEA et de l’OMS
« Depuis la signature, le 28 mai 1959, de l’Accord OMS-AIEA (WHA 12-40), l’OMS paraît soumise à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), pour ce qui concerne les risques liés à la radioactivité artificielle, notamment dans l’étude des conséquences sanitaires de l’explosion de Tchernobyl. Professionnels de la santé » (www.Independentwho, 2/12/ 2007).
Cet accord du 28 mai 1959 contraint l’OMS, avant toute déclaration publique portant sur les problèmes de santé liés au nucléaire, à consulter auparavant l’AIEA, afin de « régler la question d’un commun accord ». L’article III « prévoit de prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de certains documents ». L’AIEA est elle même sous l’influence de l’industrie nucléaire civile (Areva) et militaire (www.Independentwho, 22/03/2007).
« Pour les projets de recherche, « régler la question d’un commun accord » avec l’AIEA, conduit à censurer l’expression de l’OMS, dans le domaine des accidents nucléaires (…).
Ceci explique qu’en 1995, l’AIEA contestait les morts et les cancers de la thyroïde chez les enfants vivant à proximité de Tchernobyl. Sous la pression des chercheurs et des associations, à partir de 1996, les chiffres officiels commencent à évoluer. Or, « Le Médecin chef de la Fédération de Russie signalait, en 2001, que 10% des 184.000 liquidateurs russes étaient décédés et qu’un tiers était invalide. L’Ukraine a fourni 260.000 liquidateurs. Selon le communiqué de presse de l’ambassade d’Ukraine à Paris, publié le 25 avril 2005, 94,2% d’entre eux étaient malades en 2004. « Lors des Conférences de Kiev en 2001, on apprenait que 10% de ces travailleurs sélectionnés étaient décédés (la moitié étant de jeunes militaires) et qu’un tiers était gravement invalide, leur situation se détériorant rapidement » (www.Independantwho,2007). Enfin, selon Alla Yarochinskaga il y a eu « 70 000 mineurs dont la plupart sont morts en plaçant des tuyaux de refroidissement sous la dalle du réacteur pour éviter une explosion thermonucléaire » (Yarochinskaga, 2004).
Les lobbies du tabac et de l’amiante mettent l’OMS sous pression
Parallèlement aux lobbies nucléaires, les lobbies du tabac et de l’amiante ont exercé une influence considérable sur l’OMS. Une série de procès contre les industriels du tabac s’est tenue aux Etats-Unis. Par exemple, Entre 1996 et 2003 sur 40 procès jugés, 12 procès ont été perdus par l’industrie du tabac, pour un montant de 377 millions $ d’amende, contre Philip Morris (groupe Altria) et Brown & Williamson. « Ces procès lancés aux États-Unis contre des fabricants de tabac, dans les années 1990, ont permis de découvrir des millions de documents internes et confidentiels révélant les comportements délinquants de l’industrie du tabac. Ces documents ont dévoilé les stratégies des industriels du tabac pour contrer les politiques de santé publique. Ils ont, en effet, délibérément caché qu’ils savaient depuis les années 1960 que la cigarette était nocive, que la nicotine engendrait une dépendance physique importante et qu’ils jouaient sur la teneur en nicotine des cigarettes pour en augmenter les effets » (Toxic-corp, 2007).
Gro Harlem Bruntland, lorsqu’elle dirigeait l’OMS en 2000, a demandé un rapport sur le rôle de l’industrie du tabac. Ce rapport, publié le 2 août 2000, accuse l’industrie du tabac d’être « active, organisée et calculatrice » de « saper son action pour la santé », de « subversion » de l’OMS. En effet, la liste des stratégies adoptées est longue. « L’industrie du tabac aurait donc tenté d’influencer les membres de l’OMS, en leur offrant des emplois et ainsi tirer avantage de leurs contacts avec l’Organisation pour influencer le contrôle du tabac par celle-ci, faire pression sur les budgets de l’OMS consacrés à ce contrôle, infiltration, espionnage, propagande, falsification, campagnes de dénigrement, financements philanthropiques pour gagner les faveurs de l’OMS, (ex : campagnes de vaccination), utilisation d’autres agences de l’ONU ou de la Banque mondiale pour obtenir des informations ou faire pression sur l’OMS » (Zeltner, 2000).
Le contrôle des naissances au FNUAP et à l’OMS, sous l’influence des lobbies
Selon Malthus, compte tenu du fait que « la population augmente plus vite que les subsistances, il ne faut surtout pas courir le risque d’un accroissement de la population en aidant les pauvres » (Malthus, 1798). Galton, cousin de Charles Darwin, applique cette théorie aux hommes. Il crée, en 1883, le mot eugénique (art de bien engendrer). Selon Galton il faut intervenir pour favoriser la procréation des plus doués, c’est-à-dire de ceux qui réussissent – et, parallèlement, freiner la procréation des pauvres, c’est-à-dire de ceux qui échouent, qui ne devraient pas survivre (Galton, 1989).
Dès la fin du XIXème siècle, des voix s’élèvent en Angleterre pour demander la stérilisation des sujets porteurs de défauts. A cette époque, l’américaine Margaret Sanger (1879-1966) recommande la stérilisation des faibles d’esprit, des gens atteints de maladies héréditaires, sinon aux Etats-Unis et au plan international, les races autres que la race blanche, occidentale, anglo-saxonne risquent d’envahir le monde. Sanger a forgé l’expression Birth Control (contrôle des naissances) et en a largement propagé l’idée, dans un perspective féminisme, néo-malthusianiste et eugéniste. Cependant, comme Malthus et Galton, Margaret Sanger ne remet pas en question les inégalités sociales. Leur conception s’oppose donc à une politique sociale de stabilisation démographique fondée sur une répartition des richesses, permettant l’accès à l’éducation, à l’emploi pour tous et à l’émancipation des femmes.
Dès 1913, Rockefeller finance des recherches sur le contrôle des naissances et crée également la plus grosse organisation privée qui va s’occuper entre autres de contrôle de la population : la Rockefeller Foundation (Rockefeller, 2008). John D. Rockefeller III fondera « le Population Council en 1952 (Population Concil, 2008) qui influencera jusqu’à aujourd’hui les programmes démographiques de l’ONU, tel le FNUAP. Enfin l’Assemblée générale des Nations Unies a également accepté les 8,5 millions de dollars qu’offrait John D. Rockefeller Jr. à l’organisation pour qu’elle puisse acheter le terrain où elle se trouve actuellement » (ONU, 2008) : ainsi cette organisation sera installée de manière permanente aux États-Unis.
Sir Julian S. Huxley (1887-1975), a été vice-président de l’Eugenics Society de 1937 à 1944, puis Premier Secrétaire Général de l’UNESCO, de 1946 à 1948 et à nouveau président de l’Eugenics Society de 1959 à 1962. Il fut d’autre part le fondateur du World Wildlife Fund (WWF) (Cavanaugh-O’keefe, 1995). Ce dernier déclara au sujet des populations les plus pauvres que « bien trop fréquemment, ils doivent être assistés par des fonds publics, et deviennent un fardeau, pour la communauté (…), des tests d’intelligence et autres ont révélé qu’ils ont un Q.I. très bas ; (…) Ici encore, la stérilisation volontaire pourrait être utile » (Huxley, 1946).
Le Rapport Kissinger de 1974 expose la politique des Etats Unis de l’époque. Il affirme que les pays du Nord sont menacés par les pays du Sud, pauvres, mais beaucoup plus peuplés. D’où, la nécessité impérieuse de contenir, c’est-à-dire brider la croissance démographique du Sud. On observe ainsi, des similarités entre les rapports actuels du FNUAP et le rapport Kissinger, établi en 1974. Y-aurait-t-il des parentés idéologiques ou non ?
L’influence des lobbies industriels, à l’ONU, ne se limite pas à l’OMS ou au FNUAP. L’affaire « du programme pétrole contre nourriture » de l’ONU a éclaté, en janvier 2004. Dans son dernier rapport, le 7 septembre, la Commission d’enquête indépendante mise en place, en avril 2004, par Kofi Annan, a dénoncé une conduite « illicite, non éthique et corrompue » au sein de l’ONU et blâmé le secrétaire général Kofi Annan, lui-même, pour ses négligences et ses erreurs. « Notre mission était de chercher des fautes de gestion, dans le programme « pétrole contre nourriture » et des preuves de corruption au sein de l’ONU et par des entreprises sous contrat. « Malheureusement, nous avons trouvé les deux », a déploré son président, Paul Volcker (Rosett, 2005). « Dans un précédent rapport, en août, la Commission avait établi que le Chypriote Benon Sevan, lorsqu’il était responsable du programme « pétrole contre nourriture », avait empoché près de 150 000 dollars en pots-de-vin » (Mauriac, 2005).
Le global compact de l’ONU : une privatisation de la régulation des normes sociales
Le Global Compact est un instrument qui contribue au développement de la bonne gouvernance néolibérale. Au cours du Forum Mondial de l’Economie de Davos, le 31 Janvier 1999, Kofi Annan, le Secrétaire Général des Nations Unies, a proposé au monde des affaires, de mettre en oeuvre le Global Compact (le pacte global). Plus de 3 700 entreprises venant de 120 pays différents, adhéraient en 2007 au Global Compact. Parmi les dix principes du Global Compact, deux concernent les droits de l’homme, quatre sont destinés aux droits des travailleurs, trois concernent l’environnement et le dixième porte sur la lutte contre la corruption. Le Global Compact étant une forme de code de conduite élaboré par les pouvoirs publics internationaux. Les transnationales, telle Nike, Nestlé, ou Total qui l’ont adopté s’engage volontairement à le respecter, mais il n’est prévu de dispositif de vérification, ni de sanction.
Cette politique de nature néo-libérale se décline sous de multiples formes. Par exemple, le “partenariat” avec les ETN se développe aussi dans le secteur de l’environnement, comme on a pu l’observer au sommet de Johannesburg, sur le développement durable, en 2002. Le choix consiste à déléguer, aux acteurs économiques privés, certaines des fonctions traditionnellement dévolues au service public (service des eaux, retraitement des déchets, production énergétique..). D’une part, cela représente une orientation de politique économique très spécifique. Mais d’autre part, cela transforme la nature même des organisations internationales publiques qui deviennent des partenaires des entreprises privées, plutôt que des autorités de régulation au service du peuple et de l’intérêt général.
En effet, même si elles n’appliquent pas le Global Compact, les entreprises disposent du droit de placer le logo de l’ONU, sur leurs documents publicitaires. D’après Joshua Karliner et Kenny Bruno (2000) qui travaillent pour le Transnational Ressource & Action Center, à lobbying Francisco : “Le Global Compact permet en fait à des sociétés connues pour leurs violations des droits humains et de l’environnement, de “bleuir” leur image, en se drapant dans la bannière des Nations Unies. C’est un “blue Wash” à peu de frais, car rien ne les empêchera de continuer à produire sans améliorer leur pratique, dans la mesure où il n’existe pas de système de contrôle. C’est pourquoi ces ONG estiment que soutenir ainsi certaines ETN, peut se révéler nuisible pour l’image, la crédibilité et même la légitimité de l’ONU. Les Nations Unies ont autorisé les ETN Nike et Shell notamment, à adhérer au Global Compact, alors qu’elles enfreignent régulièrement leurs propres codes de conduite et les normes sociales et environnementales.
Si le capitalisme économique et politique peut expliquer la situation mondiale actuelle d’inégalité extrême, le libéralisme (avec sa dérégulation) ne vient que le renforcer, en accentuant encore les tendances vers le non respect des règles de certains des élites (la corruption). Ainsi, si le capitalisme libéral n’est pas la cause première des inégalités, il vient largement renforcer les faiblesses humaines (le besoin compulsif de pouvoir), le manque de démocratie et la tentation de la corruption et de l’illégalité à travers ses lobbies. Ces derniers agissant souvent de manière non démocratique et parfois même de manière illégale.
[1] Le « terme groupe d’intérêt » renvoie plus largement à une entité qui cherche à représenter et à promouvoir les intérêts d’un secteur spécifique de la société » (…) Un lobby est une groupe de pression, mais se différencie des autres, par le fait que généralement il réalise « deux activités complémentaires : le démarchage politique et la veille informationnelle »
[2] De manière générale un groupe de pression est défini comme une entité organisée qui cherche à influencer les pouvoirs publics et les processus politiques dans un sens favorable à ses intérêts, sans pour autant participer à la compétition électoral, ce qui le distingue d’un parti.
[3] GROSSMAN Emilio, novembre 2005, Lobbying et vie politique, Problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, n°918.
[4] GREENWOOD, J. (2003), Interest representation in the European Union, Basingstoke, Palgrave, Macmillan.
[5] KALLAS Sim, (A6-0105/2008), Résolution du Parlement européen du 8 mai 2008 sur le développement du cadre régissant les activités des représentants d’intérêts (lobbyistes) auprès des institutions de l’Union européenne.
[6]BASKIN Roberta, 27 janvier 2008, Colloque d’Alter EU Alliance pour la transparence du lobbying et l’éthique.
[7] M6, La vie de Waleed Bin Tatal, Zone Interdite, 4 septembre 2005.
[8] KROLL Luisa, 3/05/2008, The world’s billonaires, Forbes, USA.
[9] Wood Alan., 1998, « Les délocalisations et l’emploi », Alternatives économiques, Paris.
[10] GLASER Antoine, 28/08/2008, France/Afrique la nouvelle « diplomatie business » !, La lettre du continent.
[11] LES ECHOS, 26/11/2007, Plus de 20 milliards d’euros de contrats entre la France et la Chine.
[12] SURVIE, 2005, Avril 2005 – Le choix volé des Togolais – Rapport sur un coup d’Etat électoral perpétré avec la complicité de la France et de la communauté internationale, L’harmattan, Paris, 110 p.
[13] LE FLOCH PRIGENT, Affaire Elf, Affaire d’Etat, Le cherche midi, 2001.
[14] VERSCHAVE François-Xavier, 2003, Noir Chirac, Les arènes.
[15] CROZIER Michel, HUNTINGTON Samuel, WATANUKI M., The Crisis of Democratie, Report on the governability of Democracies to the Trilateral Commission, New York, University Press, 1975
[16] GILL Stephen, American Hegemony and the Trilateral Commission, Cambridge University, Press, 1990.
[17] ARMSTRONG Alan, MCCONNACHIE Alistair, “The 1998 Bilderberg Meeting”, The Social Creation, Official Journal of the Social Secretariat, juillet-août, 1998.
[18] JENNAR Marc Raoul, « Le gouvernement des lobbies : la gouvernance contre la démocratie », in BALANYA, 2005.
[19] HERMET Guy, « Un régime àa pluralisme limité ? A propos de la gouvernance démocratique », Séminaire du 12/13 juin 2003 sur la Gouvernance organisé par l’UNESCO, le Colegio de Mexico et le CERI à Mexico
et http://www.ceri-sciences-po.org.
[20] SPENCER Herbert, (1889), 1907 (Trad.), Autobiographie. Naissance de l’évolutionisme libéral, Paris, PUF.
[21] Korten David, When Corporations Rule the World Kumarian Press, 1995.
[22] Pour une actualisation de le liste de membres consulter le site officiel de la trilatérale www.trilateral.org/memb.htm
[23]CHEMIN Ariane, PERRIGNON Judith, 2007, La nuit du Fouquet’s, Fayard, Paris.
[24] ETCHEGOIN Marie-France, Olivier TOSCER, 28 Octobre 2004, Les francs-maçons et la justice, Nº2086, Le nouvel observateur.
[25] HITLER Adolf, 1934 (1925), Mein Kampf, Mon Combat, Nouvelles éditions Latines, Paris,
[26] ERDMAN M., HASQUIN M., 1990-1991, Commission d’enquête parlementaire sur l’existence d’un réseau de renseignement clandestin international, (référence : 1117-4).
[27] DELOIRE Christophe, 9/1/1999, « Enquête sur la France Templière », Le Point.
[28] GANSER Danièle, 2007, Les armées secrètes de l’OTAN ; Réseaux Stay Behind, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, éditions Demi-Lune.
[29] BUREAU D’ETUDES, 2004, Le gouvernement mondial, http://homnispheres.info/imprimer.php3?id_article=36..
[30] SUTTON Antony C. 1980, Trilateralism, the Trilateral Commission and the Elite Planning for World Management, sous la dir. Holly Skar, South End Press, Boston, 1982.
[31] ROBBINS Alexandra Skull and Bones, La vérité sur l’élite secrète qui dirige les Etats Unis, Ed. Milo, 2005.
[32] Verschave François-Xavier, 2000, Noir Silence, Les Arènes.
[33] JOLY Christian, 1987, in DESTEXHE Alain, Santé, médicaments et développement, Les soins primaires à l’épreuve des faits, Fondation liberté sans frontière.
Thierry Brugvin est docteur en sociologie politique et il est l’auteur du livre « les mouvements sociaux face au commerce éthique », Hermès, 2007.
Thierry.brugvin@free.fr[
http://thierry.brugvin.over-blog.com/
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