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Dérive autoritaire, répressions policière, judiciaire, administrative : quelles réponses ?
vendredi 21 juin 2019, par
Une répression d’Etat d’un niveau exceptionnel
Depuis le 17 novembre 2018, début du mouvement des Gilets jaunes, les violences policières, longtemps réservées aux quartiers populaires, puis appliquées aux ZAD, se sont étendues à toute forme de contestation de l’ordre existant, atteignant selon Vanessa Coddaccioni un niveau sans précédent depuis Vichy et la guerre d’Algérie.
3.830 blessés selon le ministère de l’Intérieur, dont plus de 150 blessé-e-s graves (23 éborgnés, 5 ayant perdu la main, 11 mutilé-e-s sur d’autres parties du corps) et une mort. Des armes reconnues comme armes de guerre – LBD 40 et grenades de désencerclement - sont utilisées pour le maintien de l’ordre. A la répression policière s’ajoute la répression judiciaire : on compte en six mois plus de 12.000 interpellations, 11.000 gardes à vue, 1.800 comparutions immédiates, 400 mandats de dépôt, 2.000 convocations en justice.
Les effets durables de l’état d’urgence
-Des Journées sur « La routinisation de l’état d’urgence ? Comparaisons internationales autour des « nouvelles » pratiques du maintien de l’ordre », réunissant des interventions sur la France, la Turquie et la Russie, ont été organisées les 27 et 28 mai 2019 par les sections LDH de l’EHESS et de l’Université de Nanterre et l’ISP de Nanterre.
Concernant la France, les intervenants ont montré qu’il est beaucoup plus difficile de sortir de l’état d’urgence que d’y entrer et comment, une fois mis en place, celui-ci tend à se banaliser et à s’appliquer à toute sorte de cas de figure. Vanessa Coddaccioni a montré comment plus l’exception dure, plus elle touche de simples citoyens, la répression devenant préventive, le préfet acteur central de la répression politique et les services de renseignement prenant de plus en plus de pouvoir.
De même, Nadim Houri, directeur du programme Terrorisme et lutte antiterroriste à Human Rights Watch et membre de la Commission Voltaire, montre que l’on ne sort de l’état d’urgence que par une nouvelle loi antiterroriste sans jamais rétropédaler, mais par une surenchère permanente, le risque zéro n’existant pas.
Serge Slama, Professeur de Droit public à l’Université de Grenoble, CESICE/CREDOF et LDH, rappelle que la loi du 3 avril 1955 instaurant l’état d’urgence en Algérie, modifiée à chaque prolongation de 2015 à 2016, a beaucoup infusé dans le droit commun. La loi de sécurité du 30 octobre 2017 a créé des MICAS (ou mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance), comme l’assignation à résidence pouvant aller jusqu’à 24 mois, et des ZPS (ou zones de protection et de sécurité) sur simple décision du préfet ; des centre villes peuvent ainsi être interdits de manifestation tous les samedis depuis six mois. Puis la loi anti-casseurs (ou anti-manifestants) du 10 avril 2019, adoptée par l’Assemblée malgré l’abstention de 60 députés LREM, a créé les interdictions administratives individuelles de manifester. Le juge civil a été évincé et le juge administratif mis en avant, avec une logique de plus en plus prédictive et préventive.
Laurent Bonelli, maître de conférence à l’Université Paris-Nanterre, ISP, et Stéphanie Hennette-Vauchez, professeur de Droit public à l’Université de Nanterre, CREDOF, ont conclu ces journées en soulignant la montée en puissance d’un droit administratif de la sécurité, recourant à toute une palette de mesures, autant à titre de prévention que de sanction. L’état d’urgence élargit et banalise le recours à toutes sortes de pratiques telles que l’assignation à résidence, la perquisition administrative, et la notion d’association de malfaiteurs dispense d’utiliser le code pénal ou le Code de procédure pénale. Enfin ces journées ont souligné la faiblesse des moyens de recours, les tentatives d’action contentieuse contre les flash-balls ou LBD40 ayant été rejetées par le Conseil d’Etat, le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU n’ayant pas de pouvoir juridique contraignant, à la différence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, difficile à saisir et longue à intervenir.
Référencement, mise en évidence de cette dérive
– Des Observatoires des Pratiques Policières se créent, à Toulouse, Nantes, Bordeaux, en projet en Ile de France… Cf le Rapport de l’Observatoire des pratiques policières de Toulouse, publié le 17 avril 2019, sur deux années d’observation.
« Toulouse : un dispositif de maintien de l’ordre disproportionné et dangereux pour les libertés publiques »
https://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article1680
– L’Assemblée des blessés recense les citoyens blessés par la police et les accompagne dans leurs démarches, plaintes en justice, et pour faire reconnaître les séquelles tant psychologiques que physiques de leurs blessures. Elle informe le public et organise des manifestations. Cf. assemblee-blesses@riseup.net
– Le Collectif contre les violences d’Etat Désarmons-les expose les armes utilisées par les forces de l’ordre et leurs conséquences, et en demande l’interdiction. En collaboration avec l’Assemblée des blessés, il recense les blessés graves, noue des liens avec eux, met en place une cagnotte de soutien. Cf. https://desarmons.net Cagnotte :
https://www.helloasso.com/soutien-aux-personnes-blessees
- Le journal Bastamag a créé en 2014 une base de données sur les décès suite à intervention policière (quelque en soient les circonstances) depuis janvier 1977 en France (ce site a recensé 578 morts sur 42 ans). Il se donne aussi comme objectif un suivi judiciaire des plaintes. Cf. https://bastamag.net/webdocs/police/
– David Dufresne, journaliste, a créé en janvier 2019 un site de recensement des violences policières, « Allo Place Beauvau ». Cf. https://www.davduf.net/alloplacebeauvau
– Le Collectif Auto Media étudiant de Toulouse créé en 2015 lors de la loi Travail recense et analyse les violences policières dans cette agglomération depuis 2005. Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, il a recensé sur Toulouse 40 incarcérations de manifestants et au total 79 ans d’interdictions de séjour ou de manifester prononcées par la justice. Cf came2016.wordpress.com ou @cametoulouse et aussi https://reseaumutu.info/
– Streetpress a réalisé en mai 2019 un documentaire de 56 min. « Gilets jeunes, une répression d’Etat », qui décrypte le tournant opéré dans la stratégie du maintien de l’ordre avec des témoignages de militants, de blessés, de sociologues de journalistes, d’un avocat, d’un policier et d’un ancien ministre de l’Intérieur. Cf. https://youtu.be/3MjuoDpKLfl
– Dans le cadre des réunions unitaires organisées depuis le 20 mars par le Comité pour les libertés publiques et contre la répression a été décidée la rédaction d’un Livre Noir de la dérive autoritaire du gouvernement actuel. Un groupe de travail est constitué. Ce travail de rédaction nécessitera des moyens financiers pour lesquels ATTAC comme d’autres organisations est sollicité. Cf. le compte-rendu plus bas. Contact : lp-livre-noir@googlegroups.com ou livrenoirautoritarisme@riseup.com ou pierre.bonneau7@gmail.com
Liens entre collectifs et initiatives unitaires
On assiste à une multiplication d’initiatives et de propositions de résistance à cette dérive et des liens sont en cours de construction entre les collectifs de familles de victimes de violences policières sur plusieurs champs, des quartiers populaires aux gilets jaunes, des opposants aux grands projets aux soutiens aux migrants, tandis que des milieux professionnels ( journalistes, personnels hospitaliers, enseignants, magistrats et avocats..) ou des militants ( étudiants et lycéens, syndicalistes..) commencent à s’organiser.
Une étape importante de cette coordination collective fut la Rencontre nationale contre la criminalisation des luttes organisée le 11 mai 2019 à l’initiative du Comité Vérité et Justice pour Adama Traoré, Justice et Vérité pour Wissam, Tous Migrants, Front des Mères, Union Syndicale Solidaires, Attac France, Maison du Peuple de St-Nazaire et alentours, Désarmons-les, Assemblée des blessés, Confédération Paysanne, Sortir du Nucléaire, des participants de la lutte de Bure, … et avec le soutien de Libérons-les, Collectif Romain Rolland, Fondation Copernic, Pas Sans Nous 49 et d’autres, et la participation de Reporterre, Basta !, Radio Parleur, Mediapart à l’animation. En outre sont intervenus Laurence Blisson du Syndicat de la Magistrature, Vanessa Coddaccioni, historienne, Muriel Ruef, avocate, une « décrocheuse » de portrait de Macron, une syndicaliste de SUD-Education, des Gilets jaunes de St-Nazaire…
La Rencontre a acté la dérive autoritaire du pouvoir, caractérisée par le fait que l’Etat dit de droit ne garantit plus nos droits et libertés (Ian de Désarmons les), que « toutes les catégories du droit pénal classique sont utilisées par une justice aux ordres pour contrer le mouvement social » (Laurence Blisson), que la répression judiciaire qui suit la répression policière ne se base plus sur des faits mais sur des supposées intentions, que la dimension politique n’est plus reconnue comme telle, avec l’assimilation du militantisme au terrorisme (Vanessa Coddaccioni).
Les réponses sont multiples, communiquer sur ces violences et les visibiliser, créer une legal team et une cagnotte de solidarité avec les victimes et les condamnés, faire connaître ses droits, saisir le TGI pour éviter la collusion entre juges et police au pénal, et créer une jurisprudence ; saisir l’IGPN même si beaucoup de dossiers sont classés sans suite, le Défenseur des droits, l’ONU, la Commissaire européenne des droits de l’homme, sans se faire trop d’illusions sur leur pouvoir… s’appuyer sur les collectifs locaux et les mettre en relation.
Des suites concrètes de cette Rencontre sont préparées par un groupe de travail qui se réunit régulièrement (retrouversouffle@riseup.net) ; il est prévu de créer une plateforme permettant de mutualiser les moyens, de susciter des réponses par milieux professionnels, de créer un Observatoire des violences judiciaires, et de préparer une nouvelle rencontre nationale à l’automne. Il est décidé de faire de la Marche pour Adama Traoré à Beaumont sur Oise le 20 juillet une initiative commune « Marche pour Adama, Ripostons à l’autoritarisme ». Prochaine réunion du groupe de travail le 12 juin à 19H à la Bourse du Travail 3 rue du Château d’Eau à Paris.
Autres initiatives :
– A l’initiative d’une centaine d’intellectuel-le-s et de militant-e-s, notamment d’Attac et de la fondation Copernic, et relayé par des médias nationaux (Libération, L’humanité, Médiapart), un appel à constituer une coordination nationale anti-répression, à destination des organisations du mouvement social et écologique.
« SOS Démocratie en péril » (en date du 15 mars 2019)
https://www.liberation.fr/debats/2019/03/15/sos-democratie-en-peril_1715431
– A l’initiative de la LDH et d’une quarantaine d’organisations dont Attac France, manifestations le 13 avril 2019 dans tout le pays
– Pour la défense de la liberté de manifestation
– Pour le retrait de toutes les mesures liberticides
https://www.ldh-france.org/liberte-de-manifester-abrogation-de-la-loi/
– Le dossier du numéro 20 (printemps 2019) de la revue « Les Possibles » du Conseil scientifique d’Attac France est consacré à la question démocratique, dans son cadre international. Avec la contribution de la commission Démocratie, « La dérive vers un Etat autoritaire : quelles résistances organiser ? »https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-20-printemps-2019/dossier-lien-entre-l-evolution-des-rapports-internationaux-et-la-democratie/article/la-derive-vers-un-etat-autoritaire-quelles-resistances-organiser
– Une soirée « Solidarité contre la répression » a été organisée le 17 mai à l’EHESS Paris à l’initiative du Collectif antifasciste Libérons-les (créé en 2016 suite à l’affaire du Quai de Valmy où une voiture de police avait pris feu).
Sont intervenus Arié Alimi, l’un des avocats spécialisés dans la défense des victimes de violences policières et défenseur d’Antonin Bernanos, récemment ré-incarcéré ; Vanessa Coddaccioni, David Dufresne, le Collectif de Gilets jaunes de Rungis, une cheminote, des mères et des jeunes du Collectif de défense des Jeunes du Mantois témoignant du comportement odieux de la police avec les lycéens de Mantes-la-Jolie et de ses effets (« C’est comme si on nous interdisait d’avoir des projets, un avenir, de vivre en paix ; mais non, on n’aura pas de paix, on se battra pour que plus jamais aucun citoyen, aucun enfant ne soit mis à genoux ») et qui ont déposé plainte ; Geneviève Bernanos, du Front des Mères Solidaires contre la répression. Les lycéens de Mantes-la-Jolie ont lancé dans Le Monde du 22 mai un Appel à la convergence des luttes. Le collectif Libérons-les élabore une stratégie judiciaire pour le procès et mènera une bataille politique de mise en accusation de l’Etat, sans exclusive.
– Les mêmes – sans V. Coddaccioni - ont pris la parole le 22 mai 2019 au Banquet anniversaire de la répression des lycéens d’Arago mis des heures en garde à vue le 22 mai 2018. Ils ont exposé différentes expériences de criminalisation, avec en outre Ludivine Bantigny, les Collectif des 34 de la Pitié Salpétrière, le Collectif « Nous accusons » créé par les Gilets jaunes enseignement et recherche, le Collectif « Nous ne sommes pas dupes » créé par des artistes, des enseignants et syndicalistes CGT, FO et SUD. Cette soirée était organisée par des jeunes du Lycée Arago avec le soutien du Comité Arago 22 mai.
– Le 2 juin 2019 une Marche des Mutilés pour l’exemple a été organisée entre Bastille et Nation et a rassemblé plus de 2000 personnes. Cf. annonce ci-dessous.
– Les 1er et 2 juin, la Coordination contre la répression et les violences policières de Paris/Ile de France a organisé un week-end de rencontre et de formation. Elle édite un guide « Sortez couvert-e-s » et a une ligne téléphonique pour contacter des avocats au 07 52 95 71 11 (nouveau numéro). Elle assiste aux procès des manifestants au TGI de Paris et leur apporte un soutien, et elle tient des réunions tous les mardis à 18H à la Bourse du Travail 3 rue du Château d’Eau à Paris . Cf. stoprepression@riseup.net.
Evelyne Perrin, 11 juin 2019
Référence de lecture :
Vanessa Codeccioni, Répression – L’Etat contre les contestations politiques (Textuel, 2019) https://criminocorpus.hypotheses.org/92181
ANNEXES
I - Le livre noir de la dérive autoritaire
NOTE D’INTENTION – LIVRE NOIR DE LA DÉRIVE AUTORITAIRE 10 mai 2019
Dans le cadre des réunions unitaires organisées depuis le 20 mars à l’Assemblée Nationale pour la défense des libertés publiques et du droit de manifester, la rédaction d’un « Livre Noir » sur la dérive autoritaire du gouvernement a été actée. Cette note d’intention, issue des réflexions menées en groupe de travail lundi 6 mai, propose des grands axes du projet.
1. OBJECTIFS DU LIVRE NOIR DE LA DÉRIVE AUTORITAIRE
– Faire l’inventaire des graves atteintes aux libertés publiques depuis l’arrivée de Macron au pouvoir, en compilant données à jour et témoignages
– Visibiliser le caractère systématique du tournant autoritaire et la généalogie de cet ordre liberticide
– Contribuer à la construction d’un front commun contre la dérive autoritaire
– Donner des pistes concrètes de riposte politique et des conseils pratiques pour se défendre face aux exactions policières et l’asphyxie judiciaire
2. CALENDRIER
L’échéance retenue pour la publication :
– rentrée 2019, octobre/novembre, à l’échéance du mi-mandat de Macron.
Facteurs déterminants dans le choix :
– temps nécessaire pour parvenir à un portage politique large garantissant un impact réel
– temps de travail pour la collecte des données, les entretiens et l’écriture (cf « MÉTHODE PROPOSÉE »)
Au regard de ces facteurs, l’échéance de novembre 2019 paraît plus pertinente.
3. PROPOSITION DE MÉTHODE DE TRAVAIL
1. Constitution d’un groupe de travail/comité de pilotage pour définir les grands axes de travail et affiner au fur et à mesure de l’avancée du projet.
2. Collecte des contributions de l’ensemble des structures porteuses du projet & réalisation d’entretiens individuels.
3. Réalisation d’entretiens (texte / vidéo / son) avec des experts des libertés publiques (juristes, magistrats du siège, avocats, organisations de défense des droits humains).
4. Réalisation d’entretiens (texte / vidéo / son) avec des personnes criminalisées (violences policières, judiciaires, intimidations institutionnelles, etc) dans tous les foyers de contestation et les secteurs sociaux. (Mouvement social et syndicat, quartiers populaires, luttes migratoires, luttes écologistes et territoriales, luttes des lycéens et étudiants, luttes dans l’enseignement primaire et secondaire, lanceurs d’alerte, luttes paysannes, gilets Jaunes, luttes féministes, antiracistes, etc, militantisme politique, lanceurs d’alerte, médias et journalistes indépendants, etc…
5. Compilation des données existantes sur la dérive autoritaire
• Violences policières : données de David Dufresne, Bastamag, collectif « Désarmons-les », Assemblées des blessées et autres collectifs de lutte contre les violences policières
• Violences judiciaires : données du gouvernement, compte-rendu de garde-à-vue, procès, comparutions immédiates dans presse nationale/locale/sites indépendants et militantes, etc.
• Observatoire de la répression et de la discrimination syndicale
• etc
6. Sollicitation des institutions (Préfectures, Ministère de la Justice, tribunaux, administrations hospitalières, etc) pour l’obtention de chiffres actualisés
7. Constitution d’une base de données à jour là où les informations sont lacunaires
• « Violences judiciaires » : nature des condamnations, proportion des délits utilisés, faits reprochés, origines socioprofessionnelles et géographiques des condamnés, etc.
• Intimidations et pression : nombre des conseils de discipline convoqués, procédures de licenciement sur des militants syndicaux, etc.
5. LES GRANDS AXES POSSIBLES
Ce « Livre Noir » pourrait comprendre plusieurs axes :
Introduction
– Qui contextualise le projet du « livre noir » dans le moment politique de la dérive autoritaire macronienne et la nécessité de créer un front commun.
Partie 1 : Une dérive autoritaire systémique
A. Un volet quantitatif de « base documentaire »
⇒ Compiler les données à notre disposition sur :
• les violences policières (travaux de David Dufresne, Bastamag, collectif Désarmons-les, etc)
• les violences judiciaires et l’instrumentalisation de la procédure pénale (projet d’observatoire)
• les différentes formes d’atteinte aux libertés publiques (entretien avec organisations spécialisées)
• les formes plus diffuses d’intimidations et de pressions (envers les syndicalistes, les lanceurs d’alertes, les lycéens et étudiants convoqués en conseil de discipline pour avoir participé à un mouvement, etc)
B. Un volet de témoignages sensibles
Nous avons tendance à traiter les données sur la répression de manière distante, à travers des chiffres – nombre d’arrestations, de comparutions, lourdeur des peines. La procédure judiciaire enferme les inculpés dans le langage froid des procédures, de la culpabilité ou de l’innocence. Elle ne veut entendre parler que de « faits » et « d’infractions », sans entendre les raisons, le contexte. Pour être vraiment audible, la parole des personnes criminalisées doit résonner bien au-delà des box.
Cette violence judiciaire est destructrice. Elle traumatise et rend mutique. Transmettre des récits qui redonnent de la voix, de la chair et du corps, nous semble donc crucial. Selon nous, il faudrait :
⇒ Aborder la dérive autoritaire par ce qu’elle fait aux corps et aux esprits. Donner la parole aux personnes criminalisées pour qu’elles parlent de ce qu’elles vivent, des raisons de leurs combats.
Partie 2. Comment en est-on arrivé là ? Histoire d’une régression des libertés.
⇒ Montrer la généalogie de la répression policière et judiciaire : depuis les quartiers populaires et zones « périphériques » jusqu’aux syndicalistes et à l’ensemble des formes de contestation politique.
⇒ Retracer la mise en place d’un arsenal législatif liberticide au cours des dernières années : État d’urgence et loi renseignement en 2015, loi sur la criminalité en juin 2016, état d’urgence dans le droit commun en 2017, loi « anti-casseur » en 2019, mais aussi loi LOPPSI 1 et 2, etc. Le documenter par des entretiens avec des experts, magistrats, juristes, avocats, organisations de défense des libertés publiques.
Partie 3. Une boîte à outils pour résister
Conseils pratiques pour faire face aux exactions policières et aux violences judiciaires
Partie 4. Riposter pour défendre nos libertés.
⇒ Ce Livre Noir pourrait affirmer des revendications unitaires pour lutter contre la dérive autoritaire (travaillées en groupe de travail et dans le cadre des plénières, pour prolonger l’appel de fin mars 2019).
⇒ Il devrait également donner des pistes pour mener des actions concrètes :
• Organisation de rassemblements et de manifestations pour la défense des libertés publiques
• Interpellations et saisies d’institutions européennes et internationales (ONU, CEDH, Commissariat aux droits de l’homme)
• Diffusion de vidéos pédagogiques
• Constitution de collectifs de personnes criminalisées
6. VISIBILITÉ ET INTERACTIVITÉ
⇒ Pour ne pas se cantonner à un texte et se diffuser largement, ce « Livre Noir » pourrait s’accompagner de supports multimédias :
• Site internet dédié hébergeant les entretiens, les données, et renvoyant vers les outils déjà existant (travail de Bastamag, de Reporterre, de David Dufresne, observatoire de la discrimination syndicale, etc).
o Cela pourrait se faire en partenariat avec un média indépendant et/ou avec les différentes organisations
• Campagne vidéo de témoignages et d’appel à la riposte contre la dérive autoritaire ?
• Outils réseaux sociaux dédiés
⇒ Sa publication pourrait être conjointe sur plusieurs médias indépendants avec qui un travail devrait être fait en amont.
⇒ Sa publication devrait d’accompagner d’une conférence de presse large, réunissant un maximum d’organisations, associations & collectifs (novembre 2019) et d’un éventuel meeting commun.
II – Anniversaire de la répression du lycée Arago
Anniversaire d’Arago : Soutenons l’anti-répression !
Le 22 mai 2018, le mouvement lycéen et étudiant apprenait les premiers résultats de ParcourSup et participait massivement à la journée de grève et de manifestation pour la défense de la fonction publique. En fin de journée, des étudiants et des lycéens décidaient d’occuper le lycée Arago - comme des enseignants l’avaient fait auparavant dans les lycées Voltaire et Paul Valéry.
Il s’agissait de poursuivre la dénonciation de Parcoursup et de débattre dans l’objectif d’organiser la suite de la lutte.
La répression s’est immédiatement abattue sur les 102 jeunes occupant.e.s, envoyant tout le monde en garde à vue, fichant la plupart d’entre eux (on a découvert en janvier que certain.e.s seraient même fiché.e.s « S »), condamnant certain.e.s et mettant d’autres en examen.
Un an après, rappelons nous et dénonçons ensemble cet épisode répressif subi par les mouvements lycéens et étudiants, mais aussi tous les épisodes qui l’ont suivi : depuis la répression contre les militants écologistes à Bure comme à Notre-Dame des Landes, des militants associatifs faucheurs de chaise ou d’effigie du président de la République, des syndicalistes cheminots ou enseignants jusqu’aux 152 jeunes du Mantois humiliés et insultés lors d’une interpellation qui a heurté l’opinion publique.
Témoigner, raconter, permettre qu’on se souvienne et que l’on n’oublie pas !
Mercredi 22 Mai à partir de 19H - nouveau Banquet des libertés 4 place de la Nation, devant le lycée Arago
La Banquet des libertés n’oubliera pas non plus les Gilets jaunes si durement et arbitrairement frappés par la police et la justice de notre pays.
L’objectif de la soirée n’est pas seulement de témoigner et de se souvenir.
Nous voulons par ce Banquet des libertés participer aux efforts entrepris par d’autres, avant Arago comme après (des collectifs ou des comités mais aussi des journalistes et des avocats), et illustrés par des initiatives comme celles du Mantois ou des collectifs dénonçant ensemble toutes les formes de la criminalisation de la jeunesse, en particulier de la jeunesse des quartiers populaires depuis trop longtemps objet de déni.
Contrôle au faciès, violences physiques et mortelles, criminalisation de l’action sociale, syndicale ou politique : il est désormais un combat commun, celui de rendre visible la répression qui s’abat sur les mouvements sociaux, syndicaux ou politiques comme dans les quartiers populaires.
Esquisser, comme les avocats du collectif antirep, des pistes et réflexes de résistance ; demander aux organisations syndicales et politiques de proposer des dispositifs concrets à mettre en place ... pour que les combats spécifiques.e.s des un.e.s et des autres, comme nos combats communs, puissent être menés sereinement ... et victorieusement !
Soyons nombreux.euses au Banquet (participatif) des libertés devant le lieu de cette première interpellation de masse (qui n’est plus désormais unique), 4 place de la Nation, afin de venir écouter les victimes, qui sont également des combattant.e.s, rencontrer et soutenir les différents collectifs subissant une forte répression !
Une initiative de jeunes concernés, soutenue par le Comité Arago 22Mai
Ont déjà annoncé leur participation :
• Collectif de Défense des Jeunes du Mantois
• Libérons les !
• Collectif des 34 de la Pitié
• Mères Solidaires
• Front des Mères
• Les syndicats enseignants CGT, FO, SUD,
• Le collectif Nous accusons
• Le collectif Nous ne sommes pas dupes ....
• Liste à compléter.
Les jeunes qui organiseront la modération des prises de paroles souhaitent donner à entendre en priorité les différentes expériences de cette « criminalisation », de ces violences policières et judiciaires.
III- Mutilés pour l’exemple
Manifestation nationale à Paris des blessés le 2 juin 2019 : Marche des mutilés. Parcours : 11h Place de la Bastille en direction de Nation
Voici tous les Blessés et Mutilés (27) sûrs d’être présents à la marche du 2 juin :
• Dylan, 18 ans, éborgné par une grenade "désencerclement" le 27 avril à Montpellier
• Axel, victime d’un tir de LBD en pleine tête, perte de l’odorat
• Alain, victime d’un tir de LBD dans la carotide
• Laurence, victime d’un tir de LBD dans la mâchoire
• Xavier, victime d’un tir de LBD en pleine face
• Kaina, victime d’un tir de LBD sur le crâne
• David, victime d’un tir de LBD dans le nez
• Sabrina, blessé par éclats de Gli-F4
• Robin, intérieur du pied déchiqueté par Gli-F4 en 2017
• Vanessa, éborgnée par un tir de LBD
• David, éborgné par un tir de LBD
• Patrice, éborgné par un tir de LBD
• Jean-Marc, éborgné par un tir de LBD
• Patrick, éborgné par une grenade de "désencerclement"
• Antoine, dont la main a été arrachée par l’explosion d’une Gli-F4
• Franck Didron, 20 ans, éborgné par LBD
• Jérôme Rodrigues, éborgné
• Gwendal Leroy, éborgné
• Alexandre Frey, éborgné par LBD
• Xavier, tir de LBD dans l’oeil (vue menacée)
• Christian, père de Geoffrey, éborgné en 2010 par LBD
• Casti, éborgné en 2012 par LBD
• Sébastien, victime d’un tir de LBD dans les dents
• Franck O, victime d’un tir de LBD dans la tête
• Martin, victime d’un tir de LBD dans le front
• Caroline, victime d’un tir de LBD dans la tête
• Léo, victime d’une explosion de Gli-F4 à 50cm de la main
Venez en masse !!! N’attendons pas les prochaines mutilations pour mettre un terme à tout ça !!!
Est-il normal de perdre une partie de son corps quand on part manifester ?
Est-il normal qu’un pays comme la France qui se déclare partout pays des Droits de l’Homme utilise des armes de guerre contre des civils ?
Des grenades avec TNT qui arrachent nos membres, des balles de LBD à 324km/h qui éclatent nos os et éteignent nos yeux à jamais ?
Ces questions, pour nous, n’en sont plus. Nous sommes les Mutilés pour l’Exemple. L’enfer de nos vies est tel que nous réclamons urgemment Justice et la fin de l’utilisation des armes sublétales.
Rejoignez-nous Dimanche 2 juin pour qu’enfin ces scandales d’État cessent ! STOP !!! Ne laissons pas l’ultra-violence de l’État infuser dans notre société.
Nous appelons toutes celles et ceux qui le peuvent à nous rejoindre à 11h place de la Bastille à Paris, dimanche 2 juin.
Les mutilés pour l’exemple
Nous sommes les Mutilés pour l’Exemple
Nous avons perdu définitivement un oeil, un testicule ou une main, nous avons pris un tir de flashball dans la tête ou reçu une grenade sur le pied, nous avons perdu des dents ou l’odorat… À chaque seconde de notre vie, nous subissons, à même notre corps, l’ultra-violence de la Répression. Handicaps, séquelles, cicatrices, douleurs, traumatisme et nuits blanches ne nous ferons pas taire. Nous nous serrons les coudes et nous nous battrons ensemble pour :
• la vérité sur la Répression,
• la Justice pour les blessés
• et la fin de l’utilisation de ces armes de guerres.
Nous appelons tous les blessés à nous rejoindre. Ils peuvent prendre contact par mail à l’adresse : lesmutilespourlexemple@gmail.com. Nous remercions toutes les personnes qui de mille et une manières nous ont apporté réconfort et solidarité.
Nous avons bien sûr une forte pensée pour Zineb Redouane et Rémi Fraisse, leurs familles, ainsi que tout les personnes tués et mutilés par la Répression dans le silence et l’impunité la plus totale. Pour rappel, depuis le 17 novembre :
• 23 personnes ont été éborgnées,
• 5 ont perdu leur main,
• 1 a été amputé d’un testicule,
• 1 a perdu l’odorat
• Une dizaine d’autres ont été mutilé-e-s (pied, gencive...)
Collectif de 38 membres :
• Antoine (main arrachée par grenade)
• David (LBD, perte de dents et d’une partie de la gencive)
• Gwendal (éborgné)
• Vanessa (trauma cranien + oeil gravement endommagé par LBD)
• David (éborgné)
• Robin (intérieur du pied déchiqueté par grenade en 2017)
• Yann (perte de 11 dents par matraque)
• Patrice (éborgné)
• Geoffrey (éborgné en 2010 à l’âge de 17 ans)
• Xavier (LBD, perte de dents)
• Kaina (Tir de LBD tête)
• Jérôme (éborgné)
• Sébastien (LBD, perte de dents)
• Sabrina (blessé aux jambes par Gli-f4)
• Patrick (éborgné)
• Caroline (Tir de LBD dans la tête)
• Jean-Marc (perte de l’oeil, LBD, graves fractures)
• Léo (main blessée par Gli-F4)
• Franck D (éborgné et multiples fractures au crâne)
• Alexandre (perte de l’oeil, LBD, graves fractures)
• Sébastien (main arrachée par Gli-F4)
• Casti (éborgné en 2012)
• Axelle (Tir de LBD dans la joue, fractures et brulures)
• Christophe (Nombreux éclats de Gli-F4 dans les jambes)
• Yvan (tir de LBD dans la tête)
• Laurence (tir de LBD dans la joue)
• Thomas (tir de LBD dans le visage, plaie ouverte)
• Laurent (tir de LBD dans la tête)
• Sergio (Grenade de désencerclement derrière la tête, brulure, tympan crevé, perte partielle d’audition)
• Martin (tir de LBD dans la tête)
• Jérôme R (éborgné)
• Floriane (tir de LBD dans le mollet, nécrose, greffe)
• Lola (Tir de LBD dans le visage, plaie ouverte)
• Fabien (Plot de désencerclement à la tête, point de suture)
• Michèle (Fractures très importantes de la cheville, suite à charge violente des CRS)
• Alain (Tir de LBD dans la gorge, séquelles)
• Axel (Tir de LBD dans le visage, perte de l’odorat)
• Grégory (tir de LBD dans les testicules, séquelles à vie)