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Quelles solutions pour parvenir à une démocratie réelle et globale ?

lundi 18 février 2013, par Thierry Brugvin

Comment combattre les pouvoirs adémocratiques et parfois illégaux exercés par les élites du local au mondial ? par ordre d’importance :
  Le premier et principal niveau de pouvoir du système actuel est le système capitaliste
  Le second niveau consisterait à démocratiser en profondeur la régulation de la société (principe de subsidiarité, etc…)
  Le troisième niveau consisterait des modes de décision des élus

Comment combattre les pouvoirs adémocratiques et parfois même illégaux, exercés par le pouvoir des élites du local au mondial ? Les indignés, les militants, les élus, voir les anticonspirationnistes, ne prennent que rarement le problème dans sa globalité, se limitant souvent à des détails, des propositions parfois intéressantes, mais réduites à de petites réformes à la marge du système. Il y a en effet, des réformes à entreprendre au niveau de la démocratisation des mécanismes décisionnels, mais ce n’est que le 3e niveau par ordre hiérarchique. Le premier des trois niveaux de transformation radicale de la démocratie, relève du niveau de la démocratisation du mode de production économique (le capitalisme) et le second du niveau de la démocratisation de la régulation sociétale (économique, sociale, écologique…).

Le premier et principal niveau du pouvoir du système actuel est le système capitaliste. Ce dernier « gouverne » grâce à la domination des infrastructures économiques sur les superstructures (publiques et idéologiques…), comme le décrivait Marx. Les élites économiques sont donc les premiers maîtres de la société dans son ensemble et domine les élites politiques, avec qui elles ont des intérêts de classes. Ce n’est donc ni les élites seules qui décident, comme l’imaginent certains anticonspirationnistes, ni un système capitaliste abstrait et désincarné comme l’analyse certains marxistes. C’est pourquoi la transformation des entreprises capitalistes en de petites coopératives privées et publiques serait un premier pas. En effet, dans les coopératives, la propriété est socialisée et le pouvoir décisionnel (pour les décisions importantes) est collectif. Les prêts aux États par des banques publiques autogestionnaires seraient une avancée majeure, car actuellement ce sont les banques privées capitalistes qui représentent le premier pouvoir du capitalisme, notamment grâce à la dette publique. Ainsi, les différents pouvoirs financiers, productifs, répressifs, médiatiques, exercés par les élites économiques qui en détiennent les commandes, seraient démocratisés en profondeur.

Le second niveau consisterait à démocratiser la régulation de la société en profondeur. En effet, la société souffre de deux maux le centralisme (national, continental, mondial) qui impose une dérégulation, puis une régulation néolibérale, c’est-à-dire des lois interdisant d’autres lois ! Telle la loi de la liberté du commerce libre et non faussé. Contre ces excès, il s’agit de relocaliser la production et de réguler l’économie de manière fédéraliste. Le fédéralisme véritable, ne consiste pas à un système centralisé, mais au contraire une décentralisation dominante. Pour cela il faut appliquer une régulation fondée sur le principe de subsidiarité (une décision ne doit être prise au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs économiques et sociaux disposeront de la libre initiative, à l’exception des obligations décidées par les autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et parties prenantes).

Au niveau international, la subsidiarité signifie que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer lui-même ses ressources (renouvelables ou non). Le fait de choisir de manière légitime une régulation au niveau national s’appuie sur le principe de la nécessité de l’autonomie, de l’efficacité (plus les acteurs sont proches du sujet, plus ils connaissent les besoins) et sur le développement d’une culture spécifique.

Au niveau national, le problème est le même, par exemple en France, cela consistera à décider du montant du RMI ou du salaire minimum au niveau national, peut éviter la concurrence vers le bas entre régions ou les entreprises. Par contre, décider du montant du budget pour le transport collectif dans une commune peut légitimement se discuter et se décider à au niveau municipal. Ce système alternatif peut être dénommé relocalisation fédéraliste, il est fondé sur la relocalisation de la production et la régulation fédéraliste de la fiscalité, du social et de l’écologie. Il faut en effet, éviter deux excès, celui du centralisme républicain, internationaliste, ou mondialiste et l’autre excès le régionaliste ou le nationalisme xénophobe, égoïste et guerrier.

Les deux moteurs principaux de l’impérialisme sont les intérêts des élites capitalistes et dans une moindre mesure le nationalisme, qui consiste dans le besoin de dominer les autres nations et cultures. La démocratisation de ces deux niveaux, que sont le gouvernement national et le capitalisme, permettrait de limiter considérablement le néocolonialisme économique et militaire.

Le 3e niveau de la démocratisation consistera dans les réformes plus classiques, du mode de décision par les élus. Les propositions que l’on entend habituellement qui sont nécessaires, mais non pas suffisantes pour une démocratie véritable. Elle consiste dans l’amélioration de la démocratie représentative (le non cumul des mandats, dans le temps et dans l’espace, le renforcement du pouvoir législatif sur l’exécutif (le parlement sur le gouvernement), l’élection à la proportionnelle pondérée, l’accroissement des mandats impératifs…), le développement de la démocratie participative (budget participatif, participation citoyenne, création d’une chambre des associations citoyennes au parlement…), de la démocratie directe (avec les référendums en particulier), de la démocratie par tirage à sort fondée de citoyen volontaire (par exemple pour élire les députés ou les conseils municipaux, mais pas le maire…). Certaines de ses réformes supposeraient c’est-à-dire de créer une nouvelle constitution, avec des citoyens. D’autres réformes sont encore nécessaires, telles que le respect de l’État de droit (par un renforcement de l’indépendance de la justice, grâce à une meilleure séparation des pouvoirs et un accroissement des moyens financiers), une plus grande transparence financière des entreprises, des biens des élites économiques et politiques, l’abolition des paradis fiscaux... Faute de pouvoir, interdire le lobbying, il s’agirait au moins de le réglementer, car le fait que deux personnes qui se rencontrent pour discuter autour d’un verre peuvent déjà être considéré comme une forme de lobbying[1], dès qu’il s’agit d’un élu. Or, il est impossible de l’interdire en « démocratie réelle ».

Étant donné que le pouvoir des élites ne se limite pas à celui des élus, nous pouvons en conclure que le changement sociétal et démocratique ne pourra passer par les seules élections représentatives, ou un seul axe, tel que l’interdiction des lobbies. Si les citoyens parvenaient à faire interdire tous les lobbies, le système oligarchique capitaliste actuel pourrait continuer à fonctionner, en s’appuyant sur les autres piliers du pouvoir. Le changement pour être effectif, suppose donc de prendre en compte chacun des grands axes du pouvoir des élites que nous avons analysé, c’est-à-dire que la transformation touche tous les niveaux : le pouvoir financier (banques, dette et paradis fiscaux), les organisations internationales publiques, le pouvoir de la production et du commerce, la concurrence des pouvoirs nationalistes et le pouvoir adémocratique de l’État, le pouvoir répressif illégal (policiers, milices, militaires…), le pouvoir relationnel et idéologique, communicationnel et la dimension psychosociologique.

Cependant, de nombreuses autres solutions sont à proposer ou plus simplement à collecter, à rassembler. Une série de propositions avaient été formulées par l’association Attac[2]. Une fois que le fait adémocratique est établi, les solutions sont parfois simples, car elles découlent souvent du constat d’une dérive. Il suffit souvent de proposer simplement une loi contraire. Par exemple, contre l’opacité des comptes des entreprises et des États, il s’agit alors de réclamer la transparence complète.

Actuellement, les partisans d’une démocratisation de la société, commencent par proposer des réformes secondaires, portant sur le mode de décision, plutôt que de s’attaquer au mode de régulation trop centralisé et trop dérégulé, mais surtout à son cœur, le pouvoir du capitalisme exercé par ses élites.

Notes

[1] Matthieu BOISSAVY propose différentes mesures pour réglementer le lobbying : - Obligation des lobbyistes de déclarer leurs actions entreprises pour le compte de leurs clients - Obligation d’en faire la publicité : (mettre ces informations a disposition du public) - Interdiction aux lobbyistes de transmettre aux pouvoirs publics des informations qu’ils savent fausses - Créer une autorité indépendante de contrôle du lobbying, soumise au pouvoir politique. Elle aura le pouvoir d’enquête et de poursuite disciplinaire ou pénale en coordination avec le ministère public aura été relevé. - Prévoir des sanctions disciplinaires et pénales applicables en cas de violation de la réglementation.- Création d’une liste publique des lobbies et l’obligation d’y être enregistré. (BOISSAVY Matthieu, “Le droit et le lobbying : de la nécessité d’une réglementation du lobbying en France et auprès de l’Union Européenne”, in DELACROIX X. (Dir), Influencer la démocratie, démocratiser l’influence, Paris, AFCAP, 2004).

[2] ATTAC, Manifeste Altermondialiste, http://www.manifeste.attac.org/index.php Manifeste, 2007.
ATTAC, Volet démocratique du Manifeste, 2006.
http://thierrybrugvin.voila.net/Pages/Democratie_et_gouv_neo_lib/Democratie_et_gouv_neo_lib.html,