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Pour une police de la confiance
Propositions de réforme des forces de maintien de l’ordre
mercredi 16 décembre 2020, par
Un contexte en évolution
C’est peu de dire que les Français, ou du moins une large partie d’entre eux, ont perdu confiance dans la police, police qu’il est aujourd’hui difficile de qualifier de leur police. Beaucoup en ont peur, non pas parce qu’ils sont des délinquants, mais parce qu’ils habitent des quartiers défavorisés, qu’ils sont issus de l’immigration, même s’ils sont français depuis plusieurs générations, qu’ils n’ont pas rempli correctement leur Ausweis de sortie, parce qu’ils peuvent se faire tuer lors d’un simple contrôle routier, ou parce qu’ils manifestent dans la rue leur opposition au gouvernement. Il est clair aussi que les gouvernements français depuis une vingtaine d’années se sont engagés dans la spirale d’une police de plus en plus violente.
En parallèle, les membres des forces de l’ordre, policiers et gendarmes, vivent mal voire très mal leur métier. Les démissions, les suicides extrêmement nombreux en sont des témoignages criants. L’impossibilité de toute critique interne dans la police, les conditions matérielles déplorables, indignes même, les ordres illégaux qu’on n’ose pas refuser, la mise à disposition quasiment permanente, le spectacle des traumatismes, des drames sociaux ou familiaux, la vie familiale détruite participent tous à ce mal-être. Ainsi que la perte de confiance de la population, la police se sentant en conflit avec la société, avec la presse, avec les citoyens.
Les citoyens et la société ne sont plus ce qu’ils étaient il y a quelques décennies. L’élévation du niveau scolaire, l’information qui n’est plus seulement descendante mais plus largement partagée, la généralisation des téléphones portables qui permettent à tous de témoigner par l’image, tout cela fait que les professions basées en grande partie sur l’autorité doivent évoluer. Il en est ainsi des médecins qui ont dû s’adapter à des malades qui ne les regardent plus comme les Grands Prêtres de la Science. Il leur a fallu introduire plus d’explications, de justifications. Il en va de même pour le policier, qui ne doit pas renoncer à son autorité légitime, mais la rendre plus acceptable, moins arbitraire. « La police qui se pensait comme une autorité d’essence supérieure doit désormais savoir se justifier. La police moderne doit apprendre à rendre des comptes autant au citoyen qu’à sa hiérarchie. » (De la police en démocratie, de Sébastian Roché).
Plus globalement, les conditions d’existence vont se dégrader. L’abondance d’énergie est derrière nous. Les crises, c’est à craindre, vont se succéder. Comment réagir à ce sombre futur ? L’histoire nous apprend que les crises, les conditions très difficiles, se surmontent par l’entraide, par la coopération, alors que la guerre de tous contre tous les précipite et les aggrave. Deux chemins s’ouvrent alors à nous : la guerre de tous contre tous, la lutte pour la survie, la concurrence à tout-va, la méfiance généralisée. Ou à l’inverse, la confiance, l’entraide, la solidarité. Pour que notre destin commun bascule du bon côté, la police a sa place, avec l’éducation, les médias et le politique. En temps de crise, la place de la police est centrale pour assurer nos libertés et notre sécurité.
Car « la mission éminente des polices est de produire de la confiance en défendant des normes et des valeurs supérieures, et ainsi de contribuer à la cohésion sociale. » Voilà le rôle qu’entrevoit, dans ses recherches, le sociologue Sébastian Roché pour les policiers : « produire de la confiance ». Et de poursuivre : « Les sociétés ne vivent harmonieusement que lorsque les institutions publiques jouent leur rôle dans la production de la confiance nécessaire à la vie collective. Comment la police peut-elle pratiquement contribuer à la cohésion ? D’abord en ne la fragilisant pas au travers de politiques stigmatisantes ou de pratiques discriminatoires, susceptibles de favoriser la formation d’un sentiment de rejet. Telle est leur obligation négative : ne rien faire contre l’harmonie sociale, ne pas porter atteinte au sentiment d’appartenir à la collectivité nationale. Leur obligation positive est de ne pas construire une police séparatiste, mais universaliste, c’est-à-dire à la fois impartiale et égalitaire. »
Ces constats nous amènent à faire dix-sept propositions pour une police de la confiance (1). Sont concernées toutes les forces de police qui exercent leurs fonctions au nom de la violence physique légitime de l’État. Leur autorité ne vient que de leur inscription dans la légalité. Telle est la responsabilité de l’État, à l’égard de toutes les forces de police, qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou des polices municipales, qui doivent toutes répondre aux mêmes exigences.
Quelle stratégie pour la police ?
Proposition n°1 : Modèle d’autorité : une police de la confiance et du dialogue
La police peut faire respecter le droit par la force, par la pédagogie, par l’exemple, par la prévention. Or, à chacun de ces moyens correspond une politique. Celui de la force, correspond à un régime autoritaire, voire dictatorial et à une police qui protège le pouvoir plutôt que le peuple. C’est une police répressive qui dépend du pouvoir en place. Ceux de la pédagogie, de l’exemple et de la prévention correspondent à un régime démocratique et à une police qui reconnaît la souveraineté du peuple. C’est une police de proximité qui dépend des représentants du peuple et respecte les Droits humains.
Au Danemark, la pierre de touche du système policier est l’obtention de la confiance des citoyens. La formation porte principalement sur trois éléments : l’analyse, l’évaluation et la réflexion sur le métier de policier ; la construction du dialogue avec les citoyens ; la responsabilité personnelle. Quel contraste avec la formation française où l’accent est mis sur la connaissance des textes et le principe suivant lequel "Force doit rester à la loi" (c’est-à-dire à l’agent de police qui commande la situation) ! C’est toute la différence entre un système de formation qui met l’accent sur la force dans la relation au citoyen – avec les conséquences déplorables que l’on connaît, et une formation qui enseigne les fondements consentis de l’autorité.
Comme dans de nombreux autres pays qui ont modernisé leur police, Allemagne, Royaume-Uni, Danemark en premier lieu, les forces de police françaises doivent favoriser par leur action la cohésion sociale. D’abord en évitant tout ce qui peut fragiliser cette cohésion, puis en construisant une relation de confiance avec les citoyens.
Proposition n°2 : Contrôles d’identité exceptionnels et contrôlés
Selon des sociologues qui ont accompagné des patrouilles en France et en Allemagne, pendant des centaines d’heures, « La police française est presque unique en Europe : on y contrôle très souvent les ressortissants, et beaucoup plus encore les minorités. », « Si l’on compare la France et l’Allemagne, on constate beaucoup plus de réticences de la part des policiers allemands à utiliser le contrôle et à se focaliser sur les populations d’origine étrangère. », « Les agents qui se servent fréquemment du contrôle en France l’utilisent plus comme un outil de soumission que pour verbaliser. » Or c’est une évidence pour qui a été contrôlé, et c’est un constat des enquêtes : « Le contact à l’initiative de la police érode la sympathie pour les policiers et augmente l’idée qu’on pourrait participer à une émeute : les contrôles favorisent le ressentiment et la colère. » Ces contrôles, réguliers, ciblés, produisent des effets sociaux délétères, rongent la confiance. Alors qu’ils sont considérés comme banals, normaux, par les policiers français, et qu’ils ne font eux-mêmes l’objet d’aucun contrôle, les contrôles d’identité doivent être abandonnés, sauf en cas de suspicion motivée d’infraction suffisamment lourde. Ils doivent être régulés, notamment par le biais d’un récépissé donné à la personne contrôlée.
Proposition n°3 : Police de proximité plutôt que commandos
Les brigades anti-criminalité, les BAC, ont été dévolues en 2003 à des interventions "à risques" en zones urbaines, particulièrement contre la délinquance dans les cités ou quartiers HLM. Les habitants de ces quartiers, et notamment ceux issus de l’immigration ou qui sont racialisés, les associations de victimes dénoncent depuis des années leur acharnement sans raison, leurs propos et leurs actes racistes, méprisants, offensants, leurs violences, les nombreux morts, avant que les manifestants contre la loi travail puis les Gilets jaunes subissent le même sort, bien que les agents aient été paraît-il formés à la déontologie de l’interpellation. Ces brigades doivent être dissoutes.
Elles doivent être remplacées essentiellement par une police de proximité, formée à l’antiracisme et au rejet des discriminations, qui connaît la population du quartier, les situations familiales difficiles, sait à quel parent ou proche s’adresser pour éviter qu’un jeune passe à la délinquance, etc. En complément des unités pourraient faire, en civil, du flagrant délit pour les délits graves.
Proposition n°4 : Interdire les armes dites à létalité réduite et les gaz lacrymogènes
La France est l’un des rares pays en Europe à utiliser couramment les armes dites non létales ou plutôt à létalité réduite (grenade GM2L, grenade de désencerclement, lanceurs de balles de défense LBD) et les grenades de gaz lacrymogène. Leur dangerosité s’est avérée intrinsèque : risques directs de mort, d’invalidités diverses, de blessure grave, ou pour l’état de santé (y compris des risques mortels à long terme des gaz CS lacrymogènes). En atteignant de simples manifestants, elles augmentent la méfiance vis-à-vis de la police et le rejet de l’État et sont donc facteurs de violence future. De nombreux pays maintiennent l’ordre sans ces armes, pourquoi les forces de polices françaises en seraient-elles incapables ? Ces armes dangereuses pourraient être remplacées par des canons à eau, comme en Allemagne, et des interventions strictement ciblées sur des crimes ou délits graves.
Proposition n°5 : Apaiser, dialoguer avec les manifestants
En 1985, la Cour constitutionnelle allemande a inscrit dans le droit l’obligation faite à la police de rechercher le dialogue avec les organisateurs des défilés, marginalisant le recours à la force : l’utilisation de la parole plutôt que des grenades de désencerclement, dont l’usage est proscrit ou exceptionnel comme celui des LBD.
La construction d’une relation de confiance doit donc être la norme, y compris lorsque des citoyens contestent la politique du gouvernement : lors des manifestations, l’action des forces de l’ordre doit viser à apaiser les manifestants, à permettre leur expression en dialoguant avec les organisateurs entre autres, non en narguant les manifestants, en les provoquant, en montrant sa force, voire en faisant (sa) justice comme on le voit trop souvent en France.
Proposition n°6 : Rôle des préfectures
La Préfecture de police de Paris ne relève pas organiquement et hiérarchiquement de la direction générale de la Police nationale. C’est une institution à part entière, rattachée directement au ministère de l’Intérieur, avec des compétences multiples. Elle a trop de pouvoirs pour être sous un contrôle démocratique. Cela doit cesser. Elle doit s’inscrire dans les règles communes de la Police nationale.
Plus généralement, les préfets en charge du maintien de l’ordre doivent faire l’objet d’un contrôle externe à la police comme on le souligne plus loin.
Une police apte à faire son travail
Proposition n°7 : Des moyens matériels
Qui pénètre dans un commissariat est fréquemment étonné par la vétusté du matériel, informatique notamment, par la saleté des lieux de contention. Les syndicats de police n’arrêtent pas de dénoncer le manque de moyens matériels, les véhicules quasiment hors service. Comme tout salarié, les fonctionnaires de police ont droit à des conditions de travail décentes, du matériel correct qui leur permet de mener efficacement leurs tâches. Cela passe par une augmentation des moyens budgétaires en matériel courant, de base, et non pas en armement, la police française étant déjà surarmée.
Proposition n°8 : Une police bien formée
C’est la base de la confiance : avoir, face à soi, un professionnel formé. C’est vrai pour les médecins, c’est vrai pour les enseignants, c’est vrai pour les plombiers, mais cela vaut également pour les policiers, qui sont armés, qui représentent la puissance publique, qui détiennent un pouvoir. On attend qu’ils soient exercés, notamment, aux moyens de coercition, entraînés aux techniques d’immobilisation, qu’ils gardent à l’esprit les exigences de « nécessité » et de « proportionnalité », qu’on leur enseigne, qu’on leur rappelle, la toujours difficile maîtrise de soi. Or le gouvernement a réduit la formation initiale des gardiens de la paix, passée d’un an à neuf mois, alors qu’en Allemagne la durée de formation est de 24 mois.
Le niveau de recrutement et la formation spécifique des policiers (nationaux comme municipaux) et des gendarmes doivent correspondre à la stratégie de la police que nous détaillons plus bas. Le contenu de cette formation est essentiel. Elle doit prioritairement faire appel à la psychologie, à la communication, à la pédagogie. La police doit être aussi formée à la violence légale, mais la communication non violente doit être sa priorité. C’est une formation relativement longue. La formation initiale doit être de 18 mois, en visant rapidement 24 mois, et complétée par une formation permanente sérieuse.
De la même manière qu’on ne demande pas à un dermatologue de réaliser une opération en chirurgie orthopédique, ni à un enseignant de faire de la plomberie, les fonctions de chaque policier doivent correspondre à la formation qu’il a reçue. Par exemple, seules des forces compétentes grâce à leur formation en maintien de l’ordre peuvent assurer celui-ci.
Proposition n°9 : Droit du travail en interne, droit commun en externe
Le droit commun du travail doit être réaffirmé pour les membres des forces de l’ordre, notamment le droit syndical, le droit aux congés, etc. Comme pour tout citoyen, en dehors de leurs heures de service, les membres des forces de l’ordre relèvent du droit commun : droit d’expression, y compris de critiquer l’action publique de leur organisation de tutelle, droit de manifestation, etc. Les policiers ne peuvent porter une arme en dehors de leur service, comme tout citoyen.
Proposition n°10 : Ouvrir les métiers
Remise en cause, profondément en crise, la police se replie comme une tortue dans sa carapace, à l’écart de la société, voire contre elle. Le malaise des agents, leurs difficultés à communiquer avec les citoyens, et, en miroir, la méfiance des citoyens vis-à-vis des gardiens de la paix pourraient trouver une solution dans l’ouverture de la police à d’autres professions, à commencer par des psychologues. Ils existent, certes, mais à la marge, non pas dans chaque commissariat, non pas au contact de chaque policier et de chaque unité. Des psychologues seraient très utiles, à la fois pour écouter les agents, pour les soulager, et également pour accueillir les victimes qui sont trop souvent médiocrement accueillies, voire les personnes interpellées. Les sociologues, également, seraient les bienvenus : pour un retour sur les pratiques, pour une réflexion sur les rapports entretenus avec la population, avec les jeunes, avec les quartiers.
Proposition n°11 : Police reconnue, policiers fiers de leur métier
La confiance entre policiers et population entraîne la reconnaissance de la police par les citoyens. Nul besoin alors de se cacher pour exercer son métier. Chaque policier doit être identifiable par un numéro d’immatriculation (RIO pour la police nationale), de face et dans le dos, visibles au-dessus ou au-dessous du bandeau "Police".
Une police redevable aux citoyens
Proposition n°12 : Réaffirmer les droits humains
Les droits humains, tels que définis dans plusieurs textes internationaux ratifiés par la France et par la Constitution, comportent entre autres pour chacun le droit à l’intimité et le droit à l’expression, y compris par des manifestations publiques. Les techniques actuelles permettent la reconnaissance automatique et à distance de l’identité de toute personne, ce qui introduit un frein disproportionné au droit de manifester comme l’ont noté les Nations Unies et d’autres instances officielles internationales. Pour ne pas se retrouver demain dans un État autoritaire, policier, supprimant les libertés individuelles, il faut donc interdire toute reconnaissance automatique de l’identité par des moyens techniques, et limiter l’exploitation des images automatiques et en continu de personnes prises par la puissance publique au cas où un évènement particulier s’est déroulé nécessitant une enquête judiciaire.
Les citoyens, du moins dans un régime démocratique, ont par ailleurs le droit, voire le devoir, de contrôler l’action des pouvoirs publics, y compris l’action du ministère de l’Intérieur ou des municipalités. Les agents de ce ministère et plus généralement tous les agents des forces de l’ordre ne peuvent donc agir cachés au regard des citoyens : tout un chacun peut les filmer ou les photographier, et ils doivent être identifiables par leurs numéros d’immatriculation. Bien évidemment, comme l’énonce la loi sur la presse de 1881, la diffusion de l’identité personnelle de membres des forces de l’ordre dans le but de porter atteinte à leur intégrité physique ou psychique personnelle est pénalisée.
Proposition n°13 : Contrôle externe
La police française et la gendarmerie ont cette caractéristique particulière de ne jamais se sentir redevables devant les citoyens. Le ministre de l’Intérieur contrôle à la fois la chaîne de commandement et la chaîne de contrôle. Il n’y a donc pas de contrôle externe, contrairement à l’Angleterre dont la police bénéficie d’une grande confiance de la part de la population. Il n’y a aucun conseil d’analyse des politiques policières, où il y aurait des non policiers avec des droits. Il n’y a pas non plus de redevabilité institutionnalisée – c’est-à-dire une obligation de rendre des comptes sur les actions engagées – vis-à-vis des citoyens. La redevabilité de la police vis-à-vis du Parlement est très faible, contrairement à la Belgique.
« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. » nous dit Montesquieu. Pour les sociologues spécialistes de la police, pour David Dufresne, pour des associations comme l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) ou Amnesty International, rendre des comptes sur les actions engagées est la clé pour que la police évolue, s’engage dans un dialogue avec la société. Des instances d’évaluation des actions des forces de police doivent être institutionnalisées au niveau national et au niveau de chaque département. Un véritable Observatoire des pratiques policières, comptant des citoyens tirés au sort, des représentants de la société civile organisée et des policiers de terrain, devrait être créé avec des droits et des moyens et attaché à ces instances afin de contrôler les conditions d’application des lois.
Proposition n°14 : La police des polices
La confiance dans la police s’est affaiblie, mais celle dans la police des polices s’est franchement effondrée. L’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) apparaît comme une « fabrique de l’impunité ». Avec des méthodes récurrentes pour auto-saboter ses enquêtes : « l’identification laborieuse des policiers auteurs de violences », « l’exploitation tardive des preuves au risque de leur disparition », « un recours disproportionné à la force souvent légitimé », etc.
La situation est bien différente à l’étranger. Ainsi la nomination du patron de l’IGPN anglaise est validée par le Parlement. Quant aux affaires les plus graves, elles sont confiées à un organe indépendant, l’IOPC, Independent Office for Police Conduct. La Belgique dispose aussi d’un organe de contrôle indépendant, le comité P, dirigé par un magistrat, et dont les membres sont nommés par la Chambre des représentants. Au Danemark, une entité rattachée au ministère de la Justice associe enquêteurs, magistrats et profils de la société civile. Au total une vingtaine de pays ont mis en place ces institutions indépendantes des polices qu’elles contrôlent.
Il faut remplacer l’IGPN et l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN) par un organisme indépendant du gouvernement, chargé de contrôler toutes les forces de police. Il pourrait être issu du Parlement, avec la participation de membres d’associations de défense des libertés ; ou cette mission peut être confiée au Défenseur des droits.
Proposition n°15 : Une justice indépendante
Les liens de dépendance fonctionnelle entre la justice et la police, dont la justice dépend pour toutes ses enquêtes, font que les juges ont tendance à être très accommodants avec les policiers mis en cause. Dans ces affaires, dès qu’un policier est incriminé, la justice apparaît comme tout sauf juste, autant dans son instruction que dans ses jugements, tant, localement, des liens, et des liens de dépendance très forts, existent entre le parquet et les services locaux de police ou de gendarmerie.
Pour remédier à cette situation intolérable dans un État de droit, un dépaysement systématique est la mesure à prendre d’urgence. Dès qu’un policier ou un gendarme est mis en cause, ou lorsqu’il porte plainte lui-même, il faut sortir l’affaire de sa juridiction.
Au-delà, il nous faut une chambre spécialisée dans les relations « police - population ». Toutes les plaintes portant sur la police ou la gendarmerie devraient être traitées par cette chambre, qui s’adresserait pour ses enquêtes à l’organisme indépendant remplaçant les IGPN et IGGN.
Proposition n°16 : Sanctions à la hauteur
La police a des droits extraordinaires – la violence légale. Elle doit avoir parallèlement un devoir extraordinaire d’exemplarité et de respect des règles. Un policier qui ne respecte pas le droit ou les règles de la police doit être licencié, y compris sa hiérarchie si elle l’a couvert, car ne pas le faire, c’est faire entrer l’impunité dans la police.
Proposition n°17 : Un pilote politique
Le ministre de l’Intérieur ne doit pas être derrière les forces de l’ordre. Il est là pour être devant et les diriger. Il revient au politique de déterminer, avec l’accord des citoyens, le rôle et l’organisation des services publics, y compris du service public de la police et de la gendarmerie.
Pour installer la confiance entre la population et la police, il est difficile de compter sur les hommes et femmes politiques au pouvoir depuis une vingtaine d’années, eux qui n’ont su que systématiser l’usage de la force et détruire la confiance. Mais compter sur les citoyens, si. Nous proposons de confier à une convention de citoyens le soin de faire des propositions en ce sens. Une telle convention doit respecter des règles strictes, énoncées par ailleurs , pour assurer la pluralité des intervenants et donc l’indépendance de ses analyses et de ses choix. Elle doit surtout être assurée que ses propositions seront soit soumises directement à référendum pour les plus importantes, soit traduites sans modification en règles ou en propositions de loi. Les interventions des intervenants extérieurs comme les questions qui leur sont posées par les membres de la convention pourraient être diffusées par la presse afin de nourrir le nécessaire débat public sur le rôle et l’organisation du service public des forces de l’ordre.
(1) Ce texte s’est inspiré pour partie de l’ouvrage de F. Ruffin “Que faire de la police ?.