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La démocratie économique vers la démocratie complète, l’alterdémocratie
Christian Delarue représentant de la commission Démocratie
mardi 21 septembre 2021
Atelier "Démocratie économique" à l’UEMS Nantes 2021
Module "Démocratie continue, participative, ouverte, populaire"
Dans le cadre de l’Université d’Eté des Mouvements Sociaux et des Solidarités (UEMS) à Nantes de la fin août 2021, la commission Démocratie d’ATTAC participait à une thématique d’ensemble (module) intitulée « Démocratie continue, participative, ouverte, populaire » avec plusieurs ateliers et plusieurs exposés introductifs. Christian Delarue y présentait au nom de la Commission l’exposé portant sur « la démocratie économique » avant d’animer l’atelier d’échanges sur ce thème.
http://amitie-entre-les-peuples.org/UEMS-Nantes-du-24-AOUT-au-28-AOUT-2021
ou
L’économie dominante (1) qui est en emprise sur la société, celle qui fait obstacle à l’intervention citoyenne la plus large, est l’économie capitaliste. Elle est d’abord et surtout tournée vers le profit. Il existe des économies beaucoup plus dégagées de cette logique (de profit) et orientées vers la satisfaction des besoins sociaux, qui sont de ce fait dominées, marginalisées, mise sous pression. Citons les services publics tournés vers l’intérêt général, l’économie sociale et solidaire (ESS), l’économie des coopératives.
Ce qui est proposé comme démarche de démocratisation dans le cadre de l’économie dominante – production, circulation marchande, transports, banques, etc – consiste d’une part à ETENDRE (horizontalement) le champ d’intervention citoyenne (exemple : planification , constitution de services publics nationaux pour certains besoins) et d’autre part APPROFONDIR (verticalement, vers en-bas) le processus de démocratisation jusqu’à la démocratie complète (alterdémocratie). Ces deux modalités se complètent mais cela peut parfois être contradictoire et sujet de débat.
La démocratie complète est un stade qualitatif supérieur atteint quand on peut à priori discuter de tout et décider de tout ; pas que voter pour des personnes mais aussi pour décider de la satisfaction des grands besoins sociaux, des grands choix de production . C’est une alter-démocratie (2) par rapport à la « démocratie réellement existante », bien rabougrie.
En toute hypothèse, il s’agit de faire advenir le « travailleur citoyen » et la « travailleuse citoyenne » issue du peuple-classe (3), celui et celle qui n’évolue pas dans les classes dominantes qui sont – on le comprend – au coeur ou très proches du capitalisme.
Sera ici laissé de côté, bien que ce soit important, ce qui relève des diverses techniques d’expression citoyenne : le référendum d’initiative citoyenne (RIC), le tirage au sort (TAS), la Convention citoyenne (traitée dans un autre groupe de ce module).
Ce qui est objet de cet exposé est double (cf. § « étendre et approfondir » ci-dessus) et cela relève tout à la fois d’une analyse en termes de processus - soit la démocratisation - et aussi d’une analyse de situation stabilisée dans le temps, comme la démocratie complète dite alterdémocratie, laquelle se compose de vastes champs démocratiques ouverts à l’intervention citoyenne, situation opposée à la « démocratie rabougrie » ou aux gouvernances oligarchiques.
Introduire la DOUBLE RUPTURE précitée par rapport au paradigme dominant de la « démocratie réellement existante » ne va pas de soi. Nous devons préciser pour mieux en débattre. Il va s’agir d’une part de soutenir une nette extension HORIZONTALE du champ démocratique ou la société civile intervient via la planification démocratique sur des grands choix de production (il ne s’agit pas que de refuser ou non un aéroport) ou-et sur des « besoins à prioriser » (exemple évoqué en groupe : plus de trains de marchandises et de personnes et non leur suppression) mais aussi, d’autre part, pour l’extension VERTICALE de la démocratie - ou pour mieux dire son approfondissement - avec ce qu’Alexis Cukier appelle la « démocratisation du travail » dans une perspective autogestionnaire certes « entreprise par entreprise » et, autre problématique spécifique, dans les services publics .
L’alterdémocratie est – c’est sa complexité - tout à la fois étendue et approfondie. Il s’agit de promouvoir d’une part une large extension du champ d’intervention citoyenne et d’autre part des approfondissements démocratiques dans la production, dans la circulation marchande, dans les banques, tant nationalement que localement, dans les structures productives (privées et publiques) que hors structures.
Faire advenir par en-bas un « travailleur citoyen » ou une « travailleuse citoyenne » participe d’un projet altermondialiste d’approfondissement de la démocratie dans une perspective autogestionnaire (de gauche), quoiqu’il s’agisse d’une pratique entreprise par entreprise (ou, autre modalité, « localité par localité »), qui risque – je le signale pour le débat - une fragmentation des situations au plan territorial et des inégalités de développement (et donc une balkanisation territoriale). En tout cas, il y a bien un aspect territorial à intégrer dans la démocratisation face au capitalisme et son mal développement.
Enfin, comme altermondialiste, il va s’agir de penser aussi à l’exercice de la citoyenneté au-delà des frontières par des mécanismes d’appui à des solidarités entre les peuples-classe confrontés à des situations certes différentes mais avec des points communs : logique d’emprise du capitalisme sur la société et volonté de privatiser, de marchandiser, de financiariser au lieu de promouvoir l’appropriation publique, sociale ou commune selon les situations.
Il est apparu difficile de débattre à Nantes du long texte d’Alexis Cukier « Démocratiser le travail dans un processus de révolution écologique et sociale » (4), texte qui a l’avantage de débattre longuement d’autres problématiques et d’autres auteurs .
Je me contente de citer ici, pour favoriser lecture et débats, ce qui est développé dans son article publié dans "Les Possibles" n°24 (5) sans donner les références de chacun : Pettifor et Naomi Klein à propos du Green New Deal mais aussi, à propos de la planification démocratique Durand et Keucheyan. Comment « choisir les besoins » ? Comment hybrider mouvement ouvrier et mouvement écologiste ? Comment hybrider syndicalisme dans la production et intervention dans la consommation ? Là, je précise que cela existe mais faiblement (exemple : Indecosa-CGT est une organisation syndicale pour les consommateurs en lien avec la CGT organisation syndicale des travailleurs du public et du privé dans la sphère de la production publique et privée, marchande et non marchande).
Le texte développe aussi le lien entre planification et indispensable RTT en citant Mikael Lowy. Renvoi au texte de Cukier. Comment ensuite « réhabiliter le travail » (lorsqu’il est pénible il faudrait mieux le payer, et travailler encore moins longtemps que les autres) ? Comment aussi « libérer le travail » ? (cf ici Thomas Coutrot et le délibéralisme - 5).
Il faudra dégager du temps et des lieux pour débattre de ces problématiques.
Christian Delarue
Commission Démocratie d’ATTAC
1) Le capitalisme implique réduction de la démocratie et constitution de gouvernances soit des modalités élitistes de gouvernement, à l’opposé d’une démocratie complète, d’une alterdémocratie.
Le capitalisme n’a pas attendu la mondialisation pour avoir une emprise forte sur la société au sens global, société civile et Etat, mais la mondialisation financière et marchande a bien accru cette emprise et cette domination via les classes dominantes et les élites oligarchiques lesquelles sont agissantes partout tant au plan national qu’au-delà de ce cadre .
2) L’alterdémocratie c’est, au sens large et global, l’autre démocratie, autre que la « démocratie réellement existante » (formule personnelle adoptée par ATTAC en 2016) . Elle est, terme à terme, autre chose que la démocratie représentative, telle qu’enseignée en fac de droit, donc le paradigme dominant du terme de "démocratie", celle qui est comprise par des millions de personnes.
La démocratie représentative est la démocratie non économique et exclusivement politique (au sens étroit du terme), et qu’un camarade d’ATTAC (Claude Bauduret) appelait démocratie délégataire.
La démocratie complète est l’autre nom de alterdémocratie mais le mot s’oppose plus terme à terme à démocratie réduite, rabougrie.
La démocratie économique : c’est la démocratie à la place de la main invisible du marché. Il y a intervention
3) Pour le dire ici de façon synthétique, le peuple-classe se définit comme la très large fraction de peuple située sous la (ou les) classe(s) dominante(s). On évoque souvent depuis longtemps les 99% sous le 1% mais c’est moins les chiffres qui importent que le rapport de domination économique et social mais aussi politique. Il importe de comprendre que c’est la classe sociale dominante qui existe en soi et pour soi, pas le peuple-classe qui est, lui, un objet hétérogène. Le peuple-classe est la large fraction de peuple communautaire ou de population (terme très mystificateur) qui est en quelque sorte la cible des politiques des classes dominantes.
4) Texte lisible dans la revue Les Possibles n° 24 : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-24-ete-2020/dossier-la-transformation-du-systeme-productif/article/democratiser-le-travail-dans-un-processus-de-revolution-ecologique-et-sociale)
5) Thomas Coutrot, Libérer le travail. Pourquoi la gauche s’en moque et pourquoi cela devrait changer, Paris, Seuil, 2018.