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Comment garantir l’indépendance de la Justice ?

lundi 10 février 2014, par Jean-Claude Bauduret

L’indépendance de la Justice est fréquemment mise en cause quel que soit le gouvernement en place. L’affaire Taubira/Falletti, révélée par le Canard Enchainé en est la dernière illustration. François Fallletti, procureur général de Paris est convoqué au Ministère de la Justice. Nommé par Sarkozy, on lui demande, au nom de la ministre, de quitter ses fonctions pour qu’il soit remplacé par quelqu’un « de la même sensibilité politique » que cette dernière. On lui propose, en échange une place de premier avocat général à la Cour de Cassation.

L’indépendance de la justice repose sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, organisme constitutionnel. Il est organisé de la façon suivante :

  • Une formation plénière qui se réunit pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République concernant l’indépendance de l’autorité judiciaire, le statut et la déontologie des Magistrats ainsi que toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la Justice).
  • Une formation compétente à l’égard des magistrats du siège. Ceux-ci sont relativement protégés par leur « inamovibilité » et ne peuvent être sanctionnés que par le CSM.
  • Une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. Ceux-ci sont très vulnérables. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France à de nombreuses reprises du fait du manque d’indépendance du parquet vis-à-vis du pouvoir politique. Ce manque d’indépendance s’illustre dans trois domaines : l’évolution de carrière des magistrats, les sanctions disciplinaires et la maitrise des enquêtes de l’Instruction.

Évolution de carrière des magistrats du parquet.

Elle se fait par nomination-le fait du prince-par le ministre de la Justice. La seule condition est d’être inscrit au tableau d’avancement. Celui-ci est réalisé par la Commission d’avancement, composée exclusivement de magistrats. Le CSM n’a qu’un pouvoir consultatif sur les nominations.

Un magistrat du parquet n’est pas libre : il ne peut agir sans l’accord de son supérieur hiérarchique avec, au sommet de cette hiérarchie, le Ministre de la Justice.

Un magistrat du parquet peut être muté sans son consentement.

La sanction disciplinaire.

Elle est aussi à l’initiative du ministre de la justice. Le CSM ne fait que donner un avis au ministre, qui n’est pas obligé de le suivre. De par sa composition la formation compétente du CSM n’est pas entièrement indépendante du pouvoir politique. Les magistrats y sont minoritaires (7 en comptant le Président), 6 « personnalités qualifiées » sont nommées –le fait du prince- par le Président de la République et les Présidents des deux chambres. S’y ajoute un Conseiller d’Etat et un avocat élus par leurs corps.

La conduite des enquêtes

Elles sont réalisées par la ¨Police Judiciaire qui dépend du Ministère de l’Intérieur qui peut la ralentir, l’accélérer ou la dévoyer si elle porte sur des affaires » sensibles » concernant ses amis ou ses ennemis politique.

Comment garantir l’indépendance des magistrats du parquet ?

Le transfert de la tutelle de la PJ du ministère de l’intérieur au Ministère de la Justice semble une solution simple et judicieuse. En ce qui concerne les sanctions disciplinaires la solution retenue pour les magistrats du siège pourrait être reprise.

Mais le principal reproche de la Cour Européenne de Justice porte sur la nomination des magistrats du parquet. Pourquoi ne pas avoir recours au tirage au sort parmi les inscrits au tableau d’avancement, peut-être avec une condition d’ancienneté dans ce tableau, minimales (pour éviter les « coups de chance insolents) et maximales (pour que les malchanceux ne soient pas privés d’une évolution) ?

Pourquoi ne pas étendre ce mode de désignation à tous les magistrats ?