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Les principes de la démocratie
par la commission démocratie d’Attac
jeudi 27 février 2025, par , , , , , , , , , , , , , ,
(pdf du texte dans les documents joints en fin de page)
Depuis quelques années le constat du dépérissement de la démocratie est de plus en plus partagé au sein de la société civile un peu partout dans le monde, ce qui a largement contribué à l’émergence de mouvements de contestation et d’émancipation depuis le début des années 2010 : les révolutions arabes, les mouvements démocratiques en Géorgie et en Ukraine, au Soudan, à Hong Kong, au Chili, les Indignés de la Puerto del Sol, Occupy Wall Street, Nuit debout, ou les Gilets jaunes pour les plus connus d’entre eux.
En France, Emmanuel Macron a été très clair à la veille d’une grande manifestation après le passage en force de la réforme des retraites en mars 2023 : « La foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus […] les meutes ne l’emportent pas sur les représentants du peuple. » Les manifestations contre le recul de l’âge de départ à la retraite s’étant déroulées dans un calme relatif, il est clair que Macron ne visait pas les manifestants, mais tous les citoyens. Pour lui, le véritable peuple, ce sont les députés, et les citoyens ne sont que la foule, entité inconsistante incapable de rationalité, la meute ! Les citoyens peuvent donc dire tout ce qu’ils veulent, ils ne sont pas le peuple, ils ne sont donc pas à écouter, car pas dignes de considération. Comme dans nombre de prétendues démocraties, c’est un peuple dominé, un peuple spolié de sa souveraineté, et dont une grande majorité est dominée socialement.
Les atteintes à la démocratie peuvent se traduire par l’usage de processus constitutionnels antidémocratiques ou le rejet de la volonté du peuple comme ce fut le cas avec la signature du traité de Lisbonne en 2007 empêchant ou annulant les débats parlementaires, la répression policière, judiciaire ou administrative à l’encontre des mouvements sociaux ou écologistes, et la mise sous tutelle de pays comme on l’a vu avec la Grèce, ou une avalanche de lois au motif de la guerre contre le terrorisme, qui remettent en cause les principes fondamentaux de la liberté et des droits humains. De même, il convient d’interroger les organisations intergouvernementales qui ont permis d’éviter nombre de conflits, mais qui ont aussi consacré des rapports de force mondiaux – dominés par des États-Unis. Ainsi, les organisations internationales dans lesquelles les peuples ne peuvent intervenir directement, comme l’Organisation des Nations Unies (ONU), le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Banque mondiale, usent de leur pouvoir pour soumettre des pays à la loi néolibérale
Le capitalisme débridé par le sacro-saint marché libre et non faussé a étendu la concurrence à tous les aspects de la vie. Il ne pourrait être aussi néfaste s’il n’était pas servi par ces démocraties hypocrites au service des oligarchies sans considération pour les peuples réduits à les enrichir ni pour l’État social, écologique et démocratique. Les multinationales ont accumulé désormais de telles richesses qu’elles possèdent des pouvoirs tels qu’elles peuvent imposer leurs volontés à certains pays, ce qui est totalement incompatible avec la démocratie internationale.
Nombre de pays sont encore colonisateurs alors qu’ils revendiquent la démocratie : la France (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française), la Grande-Bretagne (Pitcairn, Anguilla, Bermudes, îles vierges britanniques, Caïma, Malouines, Gibraltar, Montserrat, Sainte-Hélène, Îles Turques-et-Caïques), les États-Unis (Guam, Îles Vierges américaines), la Nouvelle-Zélande (Tokelau), Israël (le territoire palestinien).
Face à une promesse démocratique remise en cause par les gouvernements qui se disent démocratiques, désormais, la montée en puissance de forces réactionnaires xénophobes menace ou fait régresser les avancées démocratiques des sociétés.
Refonder la démocratie au 21e siècle est donc vital pour que les citoyens puissent reprendre les rênes de leurs destinées, et sauver le monde du vivant auquel nous appartenons. Plus immédiat, la démocratie doit stopper l’avancée des forces plus promptes à désigner des boucs émissaires en présentant l’étranger comme la cause de tous les maux, qu’à résoudre les problèmes sociaux, économiques et écologiques.
Selon les points de vue, la démocratie est soit, un idéal, un projet et un objectif en cours, un modèle de gouvernance, un autogouvernement, un processus permanent de conquête de nouveaux droits correspondant à la démocratisation ou encore, l’intelligence collective du peuple mise au service de l’intérêt général, une auto-organisation spontanée des citoyens ou une cogestion des affaires communes. Elle est à même de prévenir beaucoup de conflits et d’injustices ou de les résoudre dès qu’ils apparaissent, permettant ainsi d’envisager un avenir paisible. Ces conceptions sans être définitives se complètent et permettent d’affirmer que la démocratie est une valeur au même titre que la liberté, l’égalité et la fraternité.
La confusion est entretenue quant au sens de la démocratie, en qualifiant de démocratiques des pays dont les peuples ne sont absolument pas souverains, dont les gouvernements usent de leur autorité pour imposer des politiques de discrimination, d’injustice fiscale, sociale ou écologique, n’hésitant pas, parfois, à mener des actions violentes chez leurs voisins, ou à y implanter des colonies. En France, la démocratie est désormais réduite au respect d’une constitution qui permet de faire taire l’Assemblée nationale ou de nommer un Premier ministre sans tenir compte du résultat des urnes. La démocratie représentative est un oxymore qui a permis aux gouvernements qui y ont recours à spolier le peuple de sa souveraineté, le réduisant à la seule assemblée parlementaire pour participer à la délibération tout en réduisant le rôle du citoyen à élire quelqu’un dont le mandat ne l’oblige pas à respecter ce pour quoi il a été élu. La démocratie est ainsi utilisée à tort et à travers et est désormais réduite à un mot vidé de son sens par les politiciens qui nous gouvernent.
Enfin, on ne peut pas continuer à faire croire au peuple qu’il exerce un pouvoir à travers l’élection de représentants qui se servent des institutions supranationales telles que l’UE, les organisations internationales ou les traités de libre-échange pour affaiblir l’expression des peuples. La démocratie ne peut pas limiter le pouvoir du citoyen à s’enfermer dans un isoloir une fois de temps et temps, et l’inviter à attendre passivement la prochaine élection. La démocratie ne se réduit pas à un bulletin de vote ! On ne peut laisser la politique aux représentants sans que le peuple ne puisse agir de son propre chef.
C’est pourquoi, œuvrant pour des transformations sociales en vue de l’émancipation individuelle et collective, nous nous devons de proposer un socle de principes essentiels permettant d’établir ou de renforcer les constitutions de nos régimes prétendument démocratiques, y compris dans les situations d’urgence, de crise et de conflits armés.
L’objectif étant de contribuer à la démocratisation de la démocratie réellement existante dans les régimes politiques en place pour que la démocratie représentative devienne une démocratie véritablement citoyenne.
Rappelons tout d’abord différents textes adoptés par le passé qui évoquent nombre d’aspects de la démocratie.
Chaque État a le droit souverain de choisir et déterminer librement, conformément à la volonté de sa population, ses propres systèmes politique, social, écologique, économique et culturel, sans ingérence d’autres États dans le strict respect de la Charte des Nations Unies et les textes qui en découlent.i
La détermination des peuples des Nations Unies à préserver les générations futures du fléau de la guerre et des conséquences des dégradations de l’environnement, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, à pratiquer la tolérance et à vivre en bon voisinage et à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples.
Si l’autorité des pouvoirs publics ne peut être fondée que sur la volonté du peuple exprimée à la faveur d’élections sincères, libres et régulières, le peuple est souverain et peut intervenir en contre-pouvoir de ces mêmes pouvoirs publics qui restent comptables devant lui. Ainsi, il peut révoquer les délégués qu’il a élus, il peut avoir l’initiative de la loi. Le système de l’information est parfaitement indépendant des puissances politiques exécutives et économiques, ne dépendant que des citoyens eux-mêmes. Toutes les structures qu’elles soient professionnelles ou associatives intègrent la logique démocratique dans leur fonctionnement.
La souveraineté du peuple implique que le débat public en toutes choses relève de sa compétence et que la décision lui revient en direct ou à travers ses délégués dans un cadre constitutionnel.
La démocratie repose sur l’intelligence collective qui consiste à faire d’une pluralité des opinions une décision consensuelle et non sur les décisions d’experts ou de personnes défendant des intérêts privés ou commerciaux.
LES VALEURS ET LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DÉMOCRATIE
1. La démocratie (de dêmos, le peuple et kratos, le pouvoir) est depuis longtemps un idéal, un état d’esprit et un objectif fondé sur des valeurs communes à un grand nombre de peuples comme l’égalité, la solidarité, la fraternité, la liberté, la responsabilité, la justice, l’honnêteté, indépendamment des différences culturelles, politiques, sociales et économiques. Elle est aussi une valeur parce qu’elle dépend de toutes ces valeurs.
Le peuple est une communauté politique de citoyens libres et égaux en droits capables de prendre ensemble leur destin en main. Toutefois, un peuple de citoyens ne se définit ni par une langue commune ni par une culture ou une histoire commune, ni par le sang – même si ces caractéristiques favorisent l’existence d’un peuple – mais par la volonté de l’ensemble des citoyens de prendre leur destin commun en main, de faire peuple.
Est démocratique un régime qui possède les instruments juridiques et politiques garantissant au peuple la souveraineté et son plein exercice. Ainsi, la démocratie est capable de répondre à l’intérêt général d’une société qui s’y réfère et, à ce titre, devient un droit fondamental de ses citoyens. De ce fait, elle doit pouvoir s’affirmer et se défendre, car elle doit constamment faire face aux tentatives d’appropriation du pouvoir par quelques-uns, ou un seul.
La citoyenneté est un statut défini par des critères variables selon le pays et la culture dans laquelle elle s’inscrit, mais toujours légalement institués. Toutefois le citoyen d’une démocratie détient des droits politiques et sociaux qui respectent l’égalité des droits. En démocratie, le citoyen est attaché à une communauté de destin, le peuple, au sein duquel il exerce sa part de souveraineté, ses libertés, ses droits civils et politiques et remplit ses devoirs civiques. Ainsi, il contribue pleinement à la puissance souveraine, bien inaliénable du peuple auquel il appartient. Rien n’est au-dessus du peuple.
L’action principale du citoyen est celle de s’informer, et informer, de débattre et de délibérer. Tous les citoyens sont égaux dans la recherche de l’information, dans les droits à l’information, à la construction du débat et à la décision.
La démocratie se réfère à un ensemble de citoyens et non forcément à un territoire géographique. Même si la notion de démocratie est le plus souvent attachée aux citoyens d’un territoire, un peuple de citoyens peut être familial, associatif, entrepreneurial, communal, régional, national, supranational, ou mondial. L’important est que le peuple concerné soit souverain pour ce qui le concerne.
2. L’égalité entre les humains fait qu’il ne saurait y avoir de démocratie sans rejet des discriminations de toutes sortes et sans un véritable partenariat entre hommes et femmes dans la conduite des affaires publiques où les uns et les autres, dans l’égalité et la complémentarité, s’enrichissent mutuellement de leurs différences.
Est démocratique un régime qui s’appuie sur toutes ses composantes culturelles, religieuses, philosophiques ou politiques dans le respect et l’esprit de conciliation par lequel l’intérêt général peut être trouvé et défendu.
L’expression des opinions plurielles doit être respectée.
3. L’état de démocratie garantit que les processus démocratiques, et toutes les fonctions politiques sont accessibles à tous les citoyens.
La démocratie s’appuie sur des collectifs et non sur un dirigeant. Les citoyens peuvent contribuer à toutes les structures de délibération.
4. La démocratie est fondée sur la primauté de l’exercice des droits humains. Par exemple, dans un État démocratique, nul n’est au-dessus de la loi et tous les citoyens sont égaux devant elle.
5. Le bien-être économique, social et culturel du peuple dépend du respect de la nature et des droits humains. La condition pour qu’il advienne et soit maintenu est d’élever les citoyens à exercer pleinement leur part de souveraineté en s’investissant dans l’exercice civique.
6. La liberté de pensée, de conscience, d’opinion, de religion et d’option philosophique est un gage de la démocratie. Toutefois, cette liberté ne saurait être prétexte à la remise en question des principes qui fondent la démocratie. C’est pourquoi la laïcité est le principe qui encadre la liberté de religion.
7. La démocratie est un type de relation sociale qui considère l’autre comme son égal avec lequel coopération et empathie peuvent ouvrir à l’intelligence collective et au bien commun. La démocratie suppose que les citoyens s’approprient ces valeurs pour les véhiculer dans un savoir-être et un savoir-faire.
8. Une société démocratique doit subvenir aux besoins de l’ensemble de la population sans laisser les intérêts particuliers s’emparer de ce qui relève du bien commun et du bien public qui ont été définis par le peuple. Elle protège ces biens et garantit leur libre accès en les préservant de la propriété privée, celle-ci étant contrôlée dans ses excès.
9. L’être humain fait partie des organismes vivants sur la Terre, et sa vie en dépend. Depuis plus d’un siècle, l’espèce humaine a développé l’utilisation sans frein de toutes les possibilités disponibles sur la Terre - organismes vivants et autres composantes, ce que l’on résume par « la nature » - et commence à mesurer pour elle-même l’effet néfaste de cette absence de frein.
La démocratie ne saurait se priver de la majeure partie du monde vivant qui garantit l’existence de toute l’humanité. La nature est un objet de droit permettant aux citoyens et aux organisations de faire valoir ses droits. La défense des droits de la nature est une responsabilité qui incombe à chaque citoyen, ainsi qu’à toutes les organisations ou institutions démocratiques, qu’elles soient locales, nationales, internationales ou supranationales.
L’ORGANISATION ET L’EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE
10. Le peuple organise collectivement la démocratie par l’intermédiaire de dispositifs qui garantissent l’information fiable, le débat équilibré et la délibération juste. Pour qu’elle soit juste et bonne, cette organisation nécessite et respecte les valeurs d’égalité, de solidarité et de liberté en toutes choses.
Il revient aux citoyens de rédiger la Constitution qui confère au peuple les pouvoirs d’exercer sa souveraineté comme il le souhaite.
11. Il exerce directement sa souveraineté : il légifère, gouverne, rend la justice, informe autant qu’il s’informe, contrôle l’économie et toutes les institutions. En prenant l’initiative d’exercer sa souveraineté, il peut déléguer ses pouvoirs législatifs, exécutifs, judiciaires et médiatiques tout en les contrôlant et en se réservant les moyens d’intervenir à tout moment. C’est pourquoi les puissances d’argent doivent être écartées des processus démocratiques.
Tous les mécanismes de pouvoir sont institués, définis de manière compréhensible par tous et publics. Ces institutions sont séparées et leurs liens sont strictement réglementés et contrôlés par le peuple, de façon que d’une institution n’émerge aucune concentration excessive du pouvoir. Elles fonctionnent en toute transparence.
12. Les institutions démocratiques ont pour rôle d’arbitrer les tensions et de maintenir l’équilibre entre ces aspirations concurrentes que sont la diversité et l’uniformité, l’individuel et le collectif, dans le but de renforcer la cohésion et la solidarité sociales. Cette cohésion est favorisée par :
• la participation citoyenne au débat et aux décisions politiques ;
• la présence de commissions (ou comités), d’organismes de consultation pour une démocratie en continu ;
• une justice dont les juges sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions, et ne devant subir aucune ingérence extérieure. Le peuple doit participer à la justice avec les juges, dans la mesure du possible ;
• la lutte implacable contre la corruption par des actions de prévention et organisation du contrôle régulier de l’exécution des décisions prises ;
• l’éducation, adaptée dès le jeune âge, aux valeurs de la démocratie, puis rapidement à leur pratique sociale.
13. Fondée sur le droit de chacun de participer à la gestion des affaires publiques, la démocratie implique l’existence de processus de démocratie directe et d’institutions représentatives dans toutes les réalités de la société.
L’élément clé de l’exercice de la démocratie est l’expression de la volonté populaire. Celle-ci nécessite l’implication de chacun des citoyens dans les décisions locales, départementales, régionales, nationales et supranationales de l’état. Cette implication doit aussi se manifester dans toutes les activités collectives d’une société démocratique telles que les entreprises et les associations diverses.
Les modes d’expression et de décision possibles sont nombreux, diversifiés et adaptés aux situations : référendums, délibération au sein des assemblées ou des jurys judiciaires, conventions citoyennes, entreprises ou associations démocratiques, etc. À chacune de ces activités citoyennes peut correspondre un système électif, soit par le suffrage universel, soit par le tirage au sort, soit par le volontariat ou le mixage des trois.
L’implication des citoyens et la qualité de leurs délibérations et de leurs décisions ne sont possibles que s’ils sont bien informés sur les sujets à traiter collectivement. Le développement des moyens de diffusion d’informations est tel que, en elle-même, l’information puisse être prise en compte par tous les citoyens : les citoyens eux-mêmes participant à des discussions et prises de décisions doivent partager les sujets dont ils traitent avec les autres citoyens. L’information du peuple doit être organisée par le peuple.
Ces actions doivent suivre des processus qui garantissent leur transparence et prévenir toute ingérence d’intérêts perfides de telle sorte que tous les citoyens aient la garantie d’être respectés dans leur expression. C’est pourquoi les droits civils et politiques sont essentiels, et plus particulièrement, le droit de s’exprimer à travers le débat ou le vote, le droit d’être élu ou tiré au sort, le droit à la liberté d’expression et de réunion, l’accès à l’information, le droit de constituer des partis politiques et de mener des activités politiques. Afin de garantir la régularité des processus démocratiques, l’organisation, les activités, la gestion financière, le financement et l’éthique des partis politiques doivent être dûment réglementés de façon impartiale.
Les étrangers résidant depuis un certain temps sur le sol national et en situation régulière doivent pouvoir participer à la vie démocratique du pays.
14. L’une des fonctions essentielles d’un système démocratique est de garantir à ses citoyens la jouissance des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. La démocratie va dès lors de pair avec des pouvoirs exécutifs efficaces, intègres, transparents, librement choisis et comptables de leur gestion. Ces conditions ne sauraient suffire, au risque d’un système dit démocratique, mais omnipotent et incontrôlé, sans une gestion démocratique qui prévoit le dialogue constant avec les citoyens concernés, tels les représentants syndicaux, et associatifs ou autres, de la population.
Tous les éventuels sous-systèmes–comme les divisions territoriales d’un État –s’organisent de telle manière que les institutions soient proches de la population par une subsidiarité ascendante de telle manière que ce soit l’échelon local qui détermine lui-même ses compétences et qu’ainsi soient créés les échelons supérieurs capables de compétences territoriales plus larges, lesquels s’organisent par décentralisation afin que la prise de décision publique reste proche de ceux qui devront la respecter.
L’approfondissement de la démocratie s’effectue par le renforcement des droits qu’il convient de distinguer :
• Les "droits-libertés" issus, pour la plupart, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) consacrent des libertés individuelles ou collectives (liberté d’expression, d’opinion, de réunion, d’association, etc.). Ils offrent aux citoyens la possibilité d’agir sans être soumis à un pouvoir arbitraire (qu’il vienne du pouvoir politique ou d’autres citoyens). Parmi eux, les droits politiques (droit de délibérer, droit de vote et d’éligibilité) permettent de participer aux décisions de la vie publique.
• Les "droits-créances" correspondent à ceux qui nécessitent l’intervention de l’État dans leur mise en œuvre et leur protection. Il s’agit de droits économiques et sociaux, tels que le droit à l’instruction, le droit à la santé, le droit au travail, le droit d’accès aux services publics et aux biens communs ou le droit d’appartenance à une association ou un syndicat, le droit à une justice impartiale, le droit d’informer et à l’information.
• Les droits de troisième génération s’étendent à l’ensemble de la communauté internationale afin, notamment, de garantir une vie décente aux générations futures. Ils concernent non seulement les citoyens d’un même État, mais impliquent plus largement l’ensemble de la communauté internationale (droit à un environnement sain, droit des générations futures, droit d’ingérence humanitaire).
Toutefois, il convient de maintenir un équilibre entre ces deux exigences que sont le collectif et les droits de l’individu qui peuvent soit créer un effet de dictature de l’intérêt général, en ne laissant aucune marge d’initiative privée, soit développer à outrance l’individualisme pouvant conduire à des divisions au sein de la société.
14.1. Être comptable devant les citoyens, élément essentiel de la démocratie, s’applique à tous les délégués du peuple et à toutes les institutions sans exception. Cela se traduit par le droit du peuple d’être informé des activités des institutions, de leur adresser des requêtes et de demander réparation par le biais de mécanismes administratifs et judiciaires impartiaux. Un délégué peut aussi être démis par un processus citoyen.
La vie publique, dans son ensemble, doit être marquée du sceau de la morale civique et de la transparence, raison pour laquelle il faut élaborer et appliquer des normes et règles propres à les assurer.
14.2. La participation individuelle aux processus démocratiques et à la vie publique à tous les niveaux doit être réglementée de manière équitable et impartiale et doit prévenir toute discrimination et tout risque d’intimidation de la part des acteurs étatiques, économiques ou médiatiques.
Les institutions et les processus démocratiques doivent favoriser la participation citoyenne pour sauvegarder la diversité, le pluralisme, en respectant le principe de laïcité et de droit à la différence.
14.3. Des institutions judiciaires et des mécanismes de contrôle indépendants, impartiaux et efficaces sont les garants de l’État de droit, fondement de la démocratie. Pour que ces institutions et mécanismes puissent pleinement veiller au respect des règles, améliorer la régularité des procédures et réparer les injustices, il faut que soit assuré l’accès de tous, sur une base de stricte égalité, aux recours administratifs et judiciaires ainsi que le respect des décisions administratives et judiciaires, tant par les organes de l’État et les représentants de la puissance publique que par chacun des citoyens.
15. L’existence d’une société active est un élément crucial de la démocratie, mais la participation des individus aux processus démocratiques n’est pas acquise. Il est donc essentiel de créer les conditions favorables à l’exercice effectif des droits participatifs et délibératifs (information, transparence, tirage au sort, travailleurs majoritaires...), aux mécanismes démocratiques (assemblées et conventions citoyennes, jury, référendums, syndicats…), d’éliminer les freins qui les entravent.
D’où l’importance de prendre des mesures visant à corriger les déséquilibres et discriminations sociales, culturelles, religieuses, raciales ou basées sur le genre, de promouvoir en permanence des valeurs telles que l’égalité, la solidarité, la transparence et l’éducation, tout en levant ainsi les obstacles tels que l’ignorance, l’intolérance, l’apathie, le manque de véritables choix et alternatives.
16. Pour que l’état de démocratie soit durable, il faut un climat et une culture démocratiques constamment nourris et enrichis par l’éducation et d’autres moyens culturels et d’information. Une société démocratique doit dès lors s’attacher à promouvoir l’éducation, au sens le plus large du terme, incluant, en particulier, les connaissances fondamentales et techniques et l’esprit critique, mais aussi une formation à la responsabilité citoyenne.
Enfin, la vie culturelle doit participer à l’émancipation des individus par la valorisation de la créativité de chacun, la rencontre des différentes cultures, et l’accès aux œuvres. Elle doit être accessible et présente en continu.
17. L’exercice de la démocratie demande du temps. Il convient que le monde du travail intègre cette donnée pour aménager les horaires de travail afin que nul ne puisse être empêché de participer à ses devoirs citoyens à cause de sa vie professionnelle.
18. L’état de démocratie suppose la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, la liberté académique et la liberté artistique, ce qui implique le droit de n’être pas inquiété pour ses opinions et celui de chercher, recevoir et répandre les informations et les idées, sans considération de frontières, par quelque moyen d’expression que ce soit. C’est pourquoi les médias d’information politique doivent être libres et indépendants des pouvoirs en place et des puissances de l’argent.
La désinformation ou les informations fausses constituent une menace pour la démocratie et la paix ; elles doivent être combattues.
19. Une démocratie a besoin d’une police. Celle-ci est du peuple et non hors du peuple, son autorité ne vient pas « d’en haut », mais du peuple lui-même. Les forces de police doivent favoriser par leur action la cohésion sociale. La société doit être associée aux actions de la police que ce soit dans les quartiers, ou dans les manifestations et dans une certaine mesure dans les enquêtes.
Un organe de contrôle indépendant doit pouvoir enquêter sur les affaires policières.
La formation des policiers doit prioritairement faire appel à la psychologie, à la communication, à la pédagogie. La police doit être aussi formée à la violence légale, mais la communication non violente doit être sa priorité. Seules des forces compétentes grâce à leur formation en maintien de l’ordre peuvent assurer celui-ci.
Des psychologues et des sociologues doivent intégrer la police pour : écouter les agents, accueillir les victimes ; réfléchir sur les pratiques, et les rapports entretenus avec la population.
Un Observatoire des pratiques policières, composé de citoyens tirés au sort, de professionnels du droit, et de policiers de terrain, doit contrôler les conditions d’application des lois.
20. Sans justice, pas de paix, pas d’égalité, pas de liberté, pas de fraternité, pas de cohésion sociale, pas de garantie d’un État de droit. C’est pourquoi la justice doit être dotée de moyens importants pour qu’elle puisse travailler efficacement et sans retard.
Si la justice démocratique est rétributive, elle est avant tout restauratrice pour traiter non seulement des conséquences des crimes et délits, mais encore des répercussions qu’il provoque pour toutes les personnes impactées. Il s’agit donc de punir les coupables dans l’objectif, non seulement, d’éviter la récidive, mais aussi de permettre leur réinsertion par des mesures restauratives. La justice est indépendante des autres institutions afin de garantir une égale justice pour tous.
Si les magistrats doivent être professionnels, et si tous les accusés ont le droit de se défendre sans que l’argent permette d’être mieux défendu, c’est le peuple qui juge à travers les magistrats et des jurys de citoyens tirés au sort. Aucune peine ne peut être automatique.
La prison doit garantir toutes les conditions d’humanité en dehors de la condamnation à la privation de liberté.
21. En cas de guerre ou de situations d’urgence, un gouvernement d’une société démocratique peut prendre des dispositions qui vont à l’encontre de certains droits, mais seulement dans les strictes limites nécessaires explicitées quant aux méthodes et à la durée. Même dans ce cas, un gouvernement n’a pas le droit, par exemple, de torturer ou de tuer arbitrairement. La prorogation d’une restriction des droits des citoyens doit faire l’objet d’un vote parlementaire ou populaire.
22. La prévention des risques est le meilleur moyen de garantir la stabilité d’un État. C’est pourquoi celui-ci s’appliquera à mettre en place les principes de prévention à tous les niveaux.
Quel que soit le système économique d’un pays, celui-ci doit être en capacité d’être autosuffisant à tout moment, en tous lieux, pour subvenir aux besoins strictement essentiels : eau, nourriture, logement, santé, énergie, communication.
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE LA DÉMOCRATIE
23. La démocratie doit être un principe international applicable aux organisations internationales et aux États. Ce principe ne signifie pas seulement représentation égale ou équitable des États ; il s’étend aussi à leurs droits et devoirs économiques. Cela implique l’engagement à respecter des principes communs.
Il est incompatible avec l’impérialisme, et tout absolutisme économique qui favorise la financiarisation du monde à outrance.
24. Une démocratie doit défendre les principes démocratiques dans les relations internationales. À cet égard, une démocratie doit exprimer sa solidarité avec les gouvernements similaires, mais aussi avec les acteurs non étatiques comme les ONG qui œuvrent pour la démocratie et les droits de l’homme tout en étant solidaires des peuples qui sont victimes de leurs violations perpétrées par des régimes non démocratiques.
Les organisations intergouvernementales et internationales doivent permettre une meilleure solidarité entre États, prévenir les guerres, et contrecarrer les rapports de force internationaux. Elles doivent pouvoir garantir la paix par le droit d’ingérence et la levée d’une force d’interposition si elle est indispensable.
Elles doivent aussi
• prévenir les multiples crises économiques et humanitaires
• favoriser la coopération écologique planétaire
• favoriser l’autodétermination des peuples
• promouvoir la démocratie et favoriser la démocratisation dans les autres régimes
25. Tout traité international doit faire l’objet d’un référendum national avant d’être adopté, les citoyens devant être partie prenante de la construction de tels accords. De même, tout référendum national est au-dessus de tout traité international et aucune procédure ne peut condamner un peuple de vouloir s’en retirer. Seuls les traités fondés sur la Déclaration universelle des droits de l’homme peuvent être en haut de la hiérarchie des normes.
Un accord international ne peut affaiblir un droit garanti au sein d’un État signataire sauf si celui-ci constitue un danger pour la paix ou l’écologie planétaire. Un tel accord ne pourrait être adopté par un État démocratique.
De même, le droit des Nations à l’autodétermination ne saurait permettre qu’elles soient assujetties à des puissances financières. Ainsi les entreprises d’ampleur mondiale devraient être soumises à des commissions de l’ONU et si nécessaire à l’autorité de l’Assemblée générale de l’ONU.
26. Dans l’intérêt de la démocratie internationale, les États doivent veiller à ce que leur conduite soit conforme au droit international, s’abstenir de recourir à la menace, l’emploi de la force, ou la colonisation et de toute conduite qui met en péril ou viole la souveraineté et l’intégrité politiques et territoriales d’autres États, Peuples ou Nations, et s’employer à régler leurs différends par des moyens pacifiques.
Toutefois, l’histoire nous a appris que tout État doit savoir se défendre. C’est ainsi que la démocratie peut intégrer une armée de défense. La communauté internationale doit mettre en place des mécanismes de contrôle afin que les forces ne soient pas excessives. Ainsi, les armes nucléaires et de longue portée devraient être interdites et détruites. Tous les États devraient adhérer au Traité de diminution et de destruction des armes nucléaires.
27. Afin de renforcer la justice pénale internationale, les démocraties doivent rejeter l’impunité pour les crimes internationaux et les violations graves des droits fondamentaux, soutenir le rôle de la Cour Internationale de Justice, et appuyer la création d’une Cour criminelle internationale permanente. C’est dans cette solidarité intergouvernementale que la démocratisation du monde progressera.