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Droits constitutionnels, lois, contrats
Développer l’intervention publique pour construire une république sociale
jeudi 11 mars 2010, par
La hantise des fanatiques libéraux est d’être confrontés à une hausse des salaires semblable à celle qui a suivi Mai 68 ; ils ne veulent pas de compromis. Leur outil fut la croissance du chômage : ils l’ont obtenue en démantelant les droits acquis et le statut salarial construit au XXème siècle.
L’offensive néolibérale mondiale, conduite depuis le début des années quatre-vingts, a donc abouti à une crise économique mondiale. Sans en tirer les leçons, les fanatiques libéraux continuent dans la même voie. Leur hantise est d’être confrontés à une hausse de la part des salaires semblable à celle qui a suivi Mai 68 et qui, en France par exemple, a culminé à 72 % en 1982, réduisant la part des profits à 28 %.
Leur offensive a fait baisser cette part des salaires à 63 % alors que, de 1949 à 1973, elle oscillait autour de 67 à 68 % (Pierre-Alain Pionnier, Economie et statistique n° 422, page 6 & 7 : www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES422A.pdf).
Ils ne veulent pas de compromis. Au cours des années quatre-vingts, dans tous les grands pays capitalistes, les profits et les très hauts revenus ont pris à la masse des salaires, environ 10 % de la valeur ajoutée par le travail. Ils veulent garder cet avantage.
Leur outil fut la croissance du chômage. Ils l’ont obtenue en démantelant les droits acquis, c’est-à-dire le statut salarial construit au cours du XXe siècle : l’indexation des salaires sur les prix et la garantie de l’emploi dans le secteur public, l’extension du statut de fonctionnaire, le code du travail pour le secteur privé…
Comment ont-ils attaqué les droits acquis ? En privatisant le secteur public … et en permettant au contrat de faire exception à la loi !
Un marché ou un contrat entre deux parties établit un rapport social qui repose sur le consentement des deux. La nécessité d’obtenir le consentement des parties pour aboutir à une décision est certainement un progrès vers l’égalité par rapport à la soumission de tous à une monarchie ou à une bureaucratie.
Mais, dans un rapport de forces inégal, le consentement du plus faible est seulement la soumission à ce rapport de forces, il n’est pas du tout une garantie d’égalité des droits. C’est pourquoi les monopoles industriels et les grandes surfaces commerciales captent des surprofits sur le dos de leurs sous-traitants et de leurs clients. Mais c’est aussi pourquoi les accords d’entreprise et de branche ne doivent pas faire exception à la loi démocratique.
Or, depuis le début des années quatre-vingts, la politique néolibérale s’attaque, avec constance, à tous les monopoles publics pour créer des monopoles privés qui peuvent imposer leur loi, la loi du plus fort, aux travailleurs salariés et indépendants et aux entreprises plus faibles (TPE et PME).
Dans le secteur privé, les droits sont abandonnés aux contrats
Le contrat salarial est un contrat de subordination : les salariés vendent l’usufruit de leur force de travail, ils ne maîtrisent donc pas l’usage de leur force de travail. Par contrat, ils doivent exécuter le travail tel qu’il est commandé par le patron qui a acheté leur force de travail (sauf la nue-propriété) et non tel qu’ils le décideraient démocratiquement.
Question essentielle, le total des salaires directs et mutualisés ne couvre pas la valeur ajoutée par les salariés : une partie du fruit de leur force de travail est prélevée par les patrons. Le principe égalitaire « à chacun selon son travail » n’est pas respecté : les droits dépendent des contrats salariaux, bien que le statut salarial conquis au cours du XXe siècle garantisse une partie des droits.
La loi, qui pourrait étendre le domaine des droits et garantir leur égalité, s’efface donc devant le consentement des parties. Le Code du travail, qui définit le statut salarial, n’intervient que pour limiter la subordination, pour empêcher les abus de pouvoir : par exemple, en réprimant le harcèlement ou en définissant un horaire légal, un horaire maximum, un salaire minimum… Il protège la valeur d’usage de la force de travail car le salarié garde la propriété de sa force de travail qu’il ne fait que louer.
Mais, c’est trop pour les libéraux. Pour faire reculer les droits, ils font reculer la loi : ils révisent à la baisse le Code du travail où 500 articles ont été déclassés du domaine législatif en domaine réglementaire et, en cas de « faisabilité politique risquée », plutôt que d’abolir brutalement la loi, ils renversent la hiérarchie démocratique des normes. Par exemple, ils permettent à des accords d’entreprise de faire exception à la loi des 35 heures.
Dans l’économie solidaire, les droits peuvent être mieux respectés
Pour étendre leurs droits, les salariés doivent notamment rester maîtres de l’usage de leur force de travail. C’est ce que facilite l’instauration de la démocratie sociale dans l’entreprise, comme c’est le cas avec le statut juridique des SCOP et des SCIC. Celui-ci se distingue des autres statuts, très divers, qu’on trouve dans le secteur privé dit « de l’économie sociale et solidaire » et qui restent des statuts capitalistes.
Avec la démocratie sociale, ce sont les employés qui adoptent les orientations de gestion et élisent la direction gestionnaire de leur entreprise selon le principe du suffrage universel : « un employé, une voix ». Ce ne sont pas les actionnaires (il n’y a pas d’actionnaires). Les parts sociales sont des prêts de longue durée qui sont rémunérés mais ne donnent aucun pouvoir.
Le pouvoir dans une entreprise privée soumise à la démocratie sociale appartient à ses employés : ils en sont les propriétaires. Mais le pouvoir sur cette entreprise est exercé (de l’extérieur) par l’Etat au travers de la loi, mais aussi par les autres entreprises dont elle dépend (ses concurrentes en situation de monopole et ses donneuses d’ordre) au travers du marché.
Or, dans le secteur privé, la politique économique des entreprises n’est pas programmée par la loi, comme elle l’est pour le secteur public, mais elle dépend des contraintes qu’établit le marché.
Si, grâce à la démocratie sociale, les employés sont partiellement maîtres de l’usage de leur force de travail, en raison des lois du marché qui pèsent sur leur entreprise, une partie du fruit de leur force de travail alimente les surprofits des autres dont elle dépend. Le bénéfice conjoint du statut salarial et de la démocratie sociale, facilite le respect des droits des employés, mais ne le garantit pas.
Dans le secteur public, les droits peuvent s’imposer aux contrats
Le statut de fonctionnaire assure l’exclusivité de la loi et supprime le contrat. Dans la mesure où la loi ferait respecter les droits universels et égaux, elle les ferait primer sur le contrat et le marché.
Par exemple, le salaire des fonctionnaires n’est pas directement fixé par le marché de la force de travail, mais par la loi… Mais celle-ci aligne généralement les salaires des fonctionnaires sur ceux du secteur privé. Elle pourrait pourtant rapprocher leur salaire de la valeur ajoutée par leur travail. Elle tirerait alors tous les salaires vers le haut, sous la pression des luttes syndicales et du plein emploi, comme au cours des années 70, jusqu’en 1982, où la part des salaires atteignit 72 %.
Pour les libéraux, cette possibilité est un risque qu’ils ne veulent pas courir. C’est pourquoi leur stratégie cherche à dégager la voie pour les contrats.
Pour étendre le domaine des contrats, les libéraux soumettent à la concurrence des services publics payants qui jouissaient d’une situation de monopole : PTT, EDF-GDF, SNCF…
Cette opération, appelée « libéralisation », est une attaque contre les droits des usagers, droits qui constituaient l’objet du service public. C’est une attaque contre les droits des salariés du service, qui étaient protégés par un statut les libérant des contraintes du marché (marché de la force de travail) et de la menace du chômage.
Les services mis en concurrence s’affrontent à de nouveaux opérateurs qui utilisent les infrastructures et les réseaux existants mais qui ne sont, pourtant pas, soumis aux exigences d’une mission de service public : s’ils l’étaient, ils n’auraient pas d’avantage concurrentiel par rapport à l’opérateur public et ne pourraient pas rémunérer leurs actionnaires. N’ayant pas de dividendes à verser, l’opérateur public pourrait, en effet, être moins cher que les opérateurs privés.
C’est pourquoi ce statut public est rapidement remis en cause à l’occasion de nouveaux investissements : puisque le gouvernement a fait le choix du néolibéralisme, au lieu de couvrir les besoins de financement par des fonds publics (qui ne sont pas des capitaux, n’étant pas rémunérés), l’option prise est de faire appel à des fonds privés, donc à des capitaux… que, par définition, il faudra rémunérer.
Cette capitalisation, même partielle, impose sa loi, celle du marché : lors d’une prochaine augmentation de capital, les investisseurs regarderont le taux de profit et le cours de la bourse. Sans attendre que la capitalisation soit majoritaire, le service est géré comme une entreprise privée : les actionnaires, notamment les fonds privés d’investissement, demandent le profit immédiat maximum…
Quant à la représentation de l’Etat dans les conseils d’administration, elle devrait défendre les droits dont le service public garantissait le respect. Mais non : désignée pour représenter une politique néolibérale, ses membres défendent la « capitalisation » du service public, l’extorsion privée de profits et de surprofits, et non la mission de service public.
Pour organiser la privatisation des services publics gratuits, les néolibéraux agissent par la dégradation volontaire de la mission de service public.
C’est conforme aux consignes que donne un certain Christian Morrison, auteur de « La faisabilité politique de l’ajustement », dans le Cahier de politique économique n° 13, publié par l’OCDE en 1996 (www.oecd.org/dataoecd/24/23/1919068.pdf).
Les services publics gratuits ou partiellement gratuits ont un coût, qui est financé par les dépenses publiques : cotisations sociales ou impôts. C’est le cas du système de Protection sociale, de la Santé publique, de l’Education nationale, des Administrations publiques et de leurs services parfois sous-traités au secteur privé…
Ce cahier de l’OCDE conseille donc aux gouvernements de réduire les subventions publiques, de réduire l’emploi, de réduire la qualité des services rendus, de fermer un service ici ou là, mais pas partout pour éviter une riposte coordonnée, bref d’assurer la « faisabilité politique de l’ajustement » au point que des usagers puissent accepter ou souhaiter la privatisation.
C’est à ces manœuvres que sont confrontés l’Ecole publique, l’Hôpital public, les retraites par répartition, l’assurance maladie…
Pour faire reculer les droits, les néolibéraux ont privatisé les entreprises publiques où le syndicalisme avait obtenu des acquis importants et qui servaient de modèle social : Renault, Elf, Thomson, Dassault, Snecma, les banques nationalisées, etc.
La motivation avancée était une conception restrictive du secteur public, rompant avec le programme du Conseil national de la Résistance et s’appuyant sur le contre-exemple du stalinisme pour dire qu’« une économie administrée » n’est pas efficace, sans se rendre compte que toute économie est administrée et notamment les multinationales capitalistes qui se sont dotées d’administrations mondiales particulièrement efficaces pour défendre les intérêts de leurs actionnaires.
Que les droits constitutionnels soient garantis !
Dans une économie mixte, où cohabitent secteur public et secteur privé, les droits constitutionnels et les contrats ont leur place. Mais, si la loi, qui s’impose aux contrats, se limitait à ne pas contredire les droits constitutionnels, ceux-ci n’en seraient pas garantis pour autant : sans les contredire, le vide législatif priverait les ayants droit des moyens publics de leur exercice. C’est pourquoi, dans une économie mixte, les droits constitutionnels doivent être constitués en un « ordre constitutionnel », qui exige de combler les vides législatifs par des lois correspondantes pour garantir l’effectivité de ces droits.
A cette fin, il est nécessaire de construire cet ordre constitutionnel pour que la loi garantisse les droits constitutionnels et pour que les contrats restent source de droits mais ne soient plus la porte d’entrée des inégalités :
– en instaurant une VIe République sociale, parlementaire et laïque,
– en développant un secteur public qui tire la part des salaires vers le haut,
– en instaurant la démocratie sociale dans le secteur public pour en faire un modèle social,
– en étendant la démocratie sociale dans le secteur privé.
Instaurer une VIe République sociale
Les lois seront d’autant mieux respectueuses des droits universalisables, donc égaux, qu’elles seront adoptées par des procédures démocratiques. Cette exigence condamne la Ve République. La VIe République doit être parlementaire et non bonapartiste. Elle doit reposer sur une constitution démocratiquement adoptée, qui érige les droits universels en ordre constitutionnel, établissant ainsi une hiérarchie démocratique des normes (les droits constitutionnels s’imposent aux lois et celles-ci aux contrats) fondatrice de la démocratie sociale et économique.
La saisine des juridictions constitutionnelles ou administratives doit permettre de rappeler le législateur à l’ordre constitutionnel. Le référendum d’initiative populaire peut permettre de compléter le système législatif quand celui-ci ne garantit pas un droit constitutionnel et que, par exemple, le législateur institutionnel tarde à respecter cet ordre constitutionnel.
La VIe République doit être une république sociale. Elle permettra alors de mettre en œuvre une politique économique qui soit tournée vers la satisfaction des besoins sociaux par le secteur public et qui traite en biens publics, pour les économiser ou les protéger, les biens communs de l’humanité (l’air, l’eau, la mer, la biodiversité, la diversité linguistique et culturelle, les connaissances scientifiques, les ressources minières, le patrimoine artistique historique, la monnaie, les droits, la citoyenneté, la force de travail humaine…).
Elle pourra et devra assurer la redistribution des richesses pour en finir avec des inégalités de revenu insupportables, notamment en fixant un revenu maximum pour faire obstacle à la recherche du profit immédiat maximum. Elle devra restaurer et renforcer le Code du travail, notamment en complétant la loi des 35 heures pour orienter les gains de productivité au profit des salariés.
La VIe République devra réhabiliter les dépenses publiques qui, ainsi appelées (au lieu de « prélèvements obligatoires »), sont affirmées comme nécessaires à la démocratie. La réhabilitation des « contributions » fiscales (qui sont des revenus mutualisés du travail ou de placement) accompagnera la restauration d’une très forte progressivité de l’impôt sur le revenu qui devra remplacer les taxes locales injustes, en même temps que les taux de TVA devront être divisés par 2. La réhabilitation des « cotisations » sociales devra être accompagnée du rétablissement des élections à la Sécurité sociale.
Elle devra aussi rétablir les collectivités territoriales dans une fonction démocratique étendue en instaurant partout le scrutin à la proportionnelle, en supprimant les préfets et en garantissant l’égalité territoriale.
Développer le secteur public
La finalité des services publics est de garantir l’accès aux droits universels légalement reconnus. Ils sont les moyens que la république doit fournir à tous pour assurer la réalité de ces droits. La laïcité de ces services est la condition qui en permet le libre accès pour qu’aucune identification de l’institution ne vienne la rendre hostile à quelque usager que ce soit. En priorité, ils doivent faciliter l’usage des biens communs de l’humanité.
Puisque dans les marchés, les rapports de forces inégaux faussent la concurrence, il faut renouer avec la position du Conseil national de la Résistance selon laquelle une entreprise qui acquiert une situation de monopole doit être socialisée, c’est-à-dire intégrée au secteur public. Les banques de dépôts doivent, de nouveau, être séparées des banques d’affaires pour constituer un pôle bancaire public.
Le caractère public d’une entreprise soustrait partiellement au marché de la force de travail celle qu’elle emploie. Il faut aller plus loin dans cette voie en unifiant progressivement le secteur public autour d’une grille publique des salaires.
La politique néolibérale conduite à l’échelle européenne a permis aux capitalistes de s’ouvrir de nouveaux marchés grâce aux privatisations. Le démantèlement des services publics des Etats-membres ne s’est évidemment pas accompagné de la constitution de services publics équivalents à l’échelle européenne. C’est la tâche qui concerne, à moyen terme (?), la gauche européenne : réaliser en Europe ce qui avait été réalisé dans chaque Etat européen au cours du XXe siècle. Mais, sans attendre, c’est à la restauration des services publics des Etats-membres que doivent s’attacher ensemble tous les partis de gauche.
Instaurer la démocratie sociale dans le secteur public
La socialisation de l’entreprise et l’instauration de la démocratie sociale en son sein sont, chacune, des procédures qui réduisent le caractère marchand de la force de travail. La première permet de soumettre la force de travail à la loi (son usage et sa rémunération) et de la détacher du marché. La seconde permet aux employés qui vont en faire l’expérience, de contrôler les lois qui concernent l’activité de l’entreprise, pour s’assurer du respect de leur caractère démocratique et de leur application ou pour y résister si, à l’application, ces lois se révèlent porter atteinte aux droits qu’elles devraient servir.
Leur conjonction permet de renforcer le primat de la loi sur le marché et des droits constitutionnels sur les contrats marchands, mais aussi d’étendre l’ordre constitutionnel pour que soient garantis les droits constitutionnels.
Nous tirons ainsi les leçons des expériences dévoyées et dégénérées qui ont tenté de dépasser le capitalisme ou prétendu le faire et qui ont prouvé que, si la propriété publique était nécessaire pour instaurer la démocratie sociale, elle ne suffisait pas à l’instaurer.
Nous tirons aussi ainsi les leçons de la dégradation du service rendu qui a préparé les privatisations réalisées depuis les années quatre-vingts. Nous avons pu mesurer les difficultés à les combattre : il n’y a que les employés des entreprises concernées qui se sont mobilisés parce qu’ils étaient aux premières loges. Croit-on que les directions gestionnaires des PTT auraient si aisément accompagné et même impulsé la dégradation du service et les restructurations préparatoires à la privatisation, si elles avaient été élues, à tous les niveaux, et savaient que leur réélection dépendait de leur gestion, au lieu de devoir leur poste à la direction politique de tutelle ?
La démocratie sociale créera un meilleur rapport de forces pour le combat mené par le mouvement syndical pour le respect des droits des employés mais aussi des droits des usagers, que sont les citoyens, qui sont détenteurs de la souveraineté politique mais qui, à la différence des employés de l’entreprise, ne peuvent pas mesurer toutes les conséquences de la politique choisie.
Etendre la démocratie sociale au secteur privé
L’instauration de la démocratie sociale dans une entreprise privée donne à ses employés la maîtrise de l’usage de leur force de travail. Mais l’entreprise reste soumise aux rapports de forces qui se construisent dans les marchés où elle est insérée, tant qu’il n’existe pas de démocratie économique qui impose à ces marchés le respect des droits des consommateurs et des salariés des entreprises qui y interviennent.
Néanmoins, en l’absence de monopoles privés qui viendraient fausser la concurrence dans la branche, l’existence d’un fort secteur public soumis à la démocratie sociale et à une politique économique respectueuse des sous-traitants impose à ces entreprises un modèle social et économique dans lequel les droits peuvent l’emporter sur les marchés nationaux, tant en ce qui concerne la qualité de la production, les conditions de travail et les revenus des employés et des porteurs de parts sociales.
Prendre les moyens nécessaires pour atteindre les fins
Une telle économie mixte opère une première rupture avec le capitalisme parce que, à l’échelle étatique, l’ordre constitutionnel doit avoir une traduction dans la loi, elle-même respectée par le marché et le contrat. La force de travail y reste partiellement une marchandise, dans la mesure où il n’existe d’ordre constitutionnel ni à l’échelle du marché mondial et ni à celle du marché européen.
Rompre complètement avec le capitalisme, c’est instaurer un ordre constitutionnel à l’échelle mondiale ou au moins européenne et donc supprimer le caractère marchand des biens communs de l’humanité, notamment la force de travail, la monnaie et notre environnement vital.
D’ailleurs, ce développement de la démocratie politique, de la démocratie sociale et de la démocratie économique ne pourra pas échapper à une crise politique de l’Europe libérale car les libéraux refusent, en toute connaissance de cause, de faire le moindre pas vers une construction fédérale démocratique qui permettrait d’imposer au marché unique la loi et tout ordre constitutionnel.
Ce développement territorial de la démocratie, d’une part, et le marché unique européen affranchi de tout pouvoir démocratique, d’autre part, sont deux logiques qui s’affrontent. L’incompatibilité entre l’indépendance de la banque centrale européenne et le choix de la démocratie en rupture avec un pacte de stabilité déjà bombardé par la crise, créera une crise politique dont l’issue devra être démocratique : l’élection d’une Constituante européenne pour adopter une vraie constitution démocratique pour l’Europe fédérale.
Cette issue ne sera probablement pas ouverte à court terme. Mais la crise mondiale du capitalisme peut précipiter la crise politique de l’Europe libérale. Les gauches européennes doivent s’y préparer car avancer dans la voie du primat du droit en France c’est montrer la voie de la solution démocratique dont le peuple européen a besoin.