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À propos de la conférence d’Étienne Chouard annulée et de l’antifascisme

(communiqué)

lundi 29 octobre 2012, par Attac Besançon

À partir d’une situation précise, dont la résolution est laissée volontairement en suspens, une analyse très poussée de pratiques intellectuelles et politiquement inacceptables (pensée par amalgame, etc.) ; l’utilité du débat avec les adversaires politiques (entente partielle, etc.) est également abordée.

Par manque de temps et par prudence, nous avons annulé la venue d’Etienne Chouard.

Attac Besançon a décidé de manière consensuelle, courant octobre, de ne pas inviter Etienne Chouard lors d’une conférence sur la démocratie organisée dans le cadre du Festiv’Attac des 27 et 28 Octobre 2012 à Besançon. En effet, une polémique importante s’était développée au sein du collectif antifasciste de Besançon (CAB) et certains groupes anarchistes, concernant le fait qu’Etienne Chouard défendrait des idées d’extrême droite.

Nous n’avons rien lu actuellement qui permettraient d’affirmer de telles allégations, mais nous ne pouvons non plus affirmer avec certitude le contraire. Le temps s’avère trop court, pour nous permettre à la fois de vérifier, si ces affirmations sont des faits ou des rumeurs avant le Festiv-attac et dans le cas où ces allégations s’avéreraient exactes, d’organiser ensuite la conférence avec un autre intervenant.

C’est pourquoi, afin de ne pas entraîner des divisions inutiles, au sein du mouvement social de la gauche bisontine, nous préférons ne pas inviter Chouard, tant que nous ne serons pas certains de son positionnement politique. Nous décidons donc de prendre le temps d’examiner, plus profondément le positionnement politique global d’Etienne Chouard, au-delà de ses prises de position connues contre le TCE (traité constitutionnel Européen) en 2005, contre les dérives des banques en matière de privatisation de la création monétaire et pour la démocratie par le tirage au sort. Il se déclare par ailleurs libertaire et antifasciste.

Attac Besançon est une association anti-capitaliste et anti-fasciste et dénonce aussi toutes chasses aux sorcières, amalgames et rumeurs. Enfin Attac défend le droit de la liberté d’expression et de manifester, l’opposant à toute culture de la violence par la police, les fascistes, mais aussi lorsqu’elle est le fait de certains mouvements de gauche qui revendiquent l’usage régulier de cette violence. Plusieurs individus et groupes ont menacé de commettre des actions violentes contre la venue d’Etienne Chouard par mails ou sur des sites Internet.

Combattre l’extrême droite et le fascisme des militants de base ou des élites est non seulement honorable, mais nécessaire pour les partisans de la liberté, de l’anticapitalisme et de la démocratie réelle. Cependant, pour être efficace, crédible et juste nos actions doivent être fondées sur une analyse faisant preuve de discernement et utiliser des actions non violentes en adéquation avec nos buts. Sinon nous sombrerons dans ce que nous dénonçons : la fin justifiant les moyens pareils à ces régimes totalitaires fascistes et soviétiques pour qui la fin justifiait les moyens par l’usage institutionnalisé de la violence de la rumeur et de la terreur comme arme politique.

Nous ne voulons pas diviser le mouvement social bisontin et cette situation d’opposition, contre la venue d’un conférencier invité par Attac Besançon est une première, qui survient d’ailleurs suite à la création du collectif antifasciste en juin 2012. Compte tenu que c’est la première fois nous préférons botter en touche. Cependant, compte tenu, que nous n’estimons que les analyses de ses opposants à la venue de Chouard sont excessives et que nous n’apprécions pas non plus les méthodes utilisées, nous précisons que si ce type de situation se reproduisait, nous ne déprogrammerions pas une nouvelle fois un conférencier.

Nous souhaitons à présent utiliser cette situation de tension, afin de tenter d’en tirer quelques leçons. En effet, des attaques contre la réputation de certains leaders et intellectuels de gauche en France et dans le monde sont régulières. C’est pourquoi nous allons à présent développer quelques analyses sur les dangers du manque de discernement, du mode de réflexion par amalgame, des rumeurs et de la culture de la violence.

Etienne Chouard défend la démocratie, mais est-il d’extrême droite ?

Nous n’avons pas pu trouver nous-mêmes, ni personne parmi les membres du CAB (Collectif antifascite Bisontin) qui aient pu nous soumettre des déclarations écrites ou des textes rédigés par Chouard lui même,
permettant d’affirmer qu’il défende des idées d’extrême droite.

A l’inverse, sur son site, il affirme être libertaire et antifasciste et déclare : « La vision que j’ai de la société, qui est radicalement démocratique (au sens strict et honnête du terme, et pas au sens "moderne" dévoyé par les élus) est diamétralement opposée à celle de l’extrême droite : JE NE VEUX PAS DE CHEF (c’est d’extrême droite, ça ? », « je défends l’iségoria, droit de parole publique pour tous, à tout moment et à tout propos… « je suis évidemment pour l’égalité politique et sociale entre les hommes et les femmes ; mais je ne considère pas ceux qui pensent le contraire comme des ennemis » [1].

Voila donc, ce que nous savons du positionnement de Chouard par lui-même. Il y a des milliers de ses textes sur différents sites d’extrême droite, jusqu’à l’extrême gauche. Ce qui conduit certains de ses détracteurs à affirmer qu’il est fasciste, car certains de ses textes sont sur des sites d’extrême droite. Or, ils ont été copiés par ces derniers sur le site de Chouard. Mais il est évident, que compte tenu du nombre de ces textes, qui sont répliqués par centaines, ce n’est pas lui qui à demander et donner son accord pour qu’ils soient publiés. De plus, ceux qui écrivent sur Internet, savent bien qu’il ne suffit pas de demander qu’on retire un texte d’un site pour que ce soit fait. D’ailleurs les écrits de Marx, de Proudhon, d’auteurs écologistes de gauche, sont parfois aussi utilisés par l’extrême droite et publié sur le site. Par conséquent, affirmer qu’il est d’extrême droite, à partir de ses écrits se retrouvant sur des sites d’extrême droite, ne suffit pas et relève de la pensée par amalgame.

Etienne Chouard est-il un idéaliste, un naïf ou un manipulateur en politique ?

Chouard prend une posture idéaliste, il estime que la parole, la vérité, doit pouvoir être diffusée partout, sans entrave, que le dialogue doit se faire avec tous, pour parvenir à transformer les consciences, même de ces opposants. Il accepte donc les invitations à débattre faites par des individus et des groupes de toutes les tendances politiques, de gauche comme de droite, voir d’extrême droite et d’extrême gauche. En ce sens on pourrait affirmer qu’il est un démocrate idéaliste.

En ce qui concerne, son mode d’argumentation intellectuelle, il affirme que la vérité suppose d’oser tout lire, afin de connaître les idées de ses adversaires, puis de les trier, d’oser encore reconnaître que certaines sont bonnes. Aussi, ose-t-il, citer un auteur d’un camp opposé au sien, par honnêteté intellectuelle, dont il a tiré une idée qu’il estime bonne, même s’il considère que l’ensemble des autres idées de cet auteur s’oppose à ses propres valeurs. Il estime donc qu’une approche scientifique, doit pouvoir faire preuve de discernement et non refuser des arguments par obscurantisme et esprit de chapelle, d’interdits dogmatiques ou partisans que ce soit au plan idéologique, politique, religieux. Ainsi, lorsqu’Etienne Chouard défend le tirage au sort de la démocratie Athénienne et dénonce l’esclavagisme qui sévissait chez ces derniers. De nombreux auteurs de droite et de gauche, procèdent ainsi, avec certains grands intellectuels, tels Nietzsche, Marx… L’art de la rhétorique, consiste pour ses auteurs, à savoir, si ce droit d’inventaire, sera accepté par leurs auditeurs et leurs lecteurs ou s’il entraînera au contraire leur réprobation.

De ce point de vue, faire preuve de dialogue avec tous, peut être considéré comme la preuve d’un grand idéalisme démocratique, s’appuyant sur les principes de liberté d’expression et le discernement.

La politique doit-elle être fondée sur la vérité ou sur la communication ?

Mais finalement, est-ce une preuve d’ouverture d’esprit, de naïveté politique, ou encore de manipulation, de la part d’Etienne Chouard, lorsque l’on sait que la pensée par amalgame, est la base de la réflexion politique en générale. L’amalgame, prend notamment la forme de : « tu parles avec, donc tu penses comme lui, », « on t’a vu avec lui, donc tu penses comme », ou encore « tu cites untel, donc tu es d’accord avec toutes ces idées ».

En effet, la politique et la démocratie, ne sont pas seulement une affaire de vérité, de dialogue socratique, mais aussi une capacité de communication. Or, la pensée, par amalgame, est une pratique encore majoritaire chez les humains. Par, conséquent, c’est être très audacieux et idéaliste, ou alors très naïf, de penser que d’oser débattre avec n’importe qui, n’aura pas de conséquence sur la réception des ses messages et de ses idées. Pendant, les élections présidentielles de 2012, Ségolène Royale et Pierre Moscovici du parti socialiste, se sont empressés, de fuir, lorsqu’ils ont su, que l’ex-directeur du FMI, Dominique Strauss Khan inculpé par la justice pour des affaires d’agression sexuels et décrédibilisé dans l’opinion publique, arrivait à l’anniversaire de leur collègue du PS, Julien Dray. On voit bien à travers cet exemple, que les vieux briscards de la politique, connaissent les principes de la communication politique et de la pensée par amalgame. Ce qu’Etienne Chouard semble vouloir ignorer. En effet, non seulement, il semble qu’il accepte les invitations à débattre des organisations, des radios ou des journalistes de tous les bords politiques pour débattre et défendre ses idées, mais sur son site, il n’hésite pas à rapporter qu’il a rencontré, discuté ou débattus avec, certaines personnalités connues et controversés, comme Jacques Cheminade, ou Thierry Meyssan. Mais comme il ne les attaque pas directement, ses détracteurs en concluent abusivement qu’Etienne Chouard adopte toutes leurs idées.

L’autre hypothèse, moins probable selon nous, mais possible consiste à penser qu’il est un grand manipulateur, qu’en fait il joue du droit de la liberté d’expression et qu’il défend le principe du dialogue, pour cacher ses véritables idées d’extrême-droite. C’est possible, c’est d’ailleurs un peu l’opinion des sites qui luttent contre les théoriciens du complot et de certains membres du CAB, mais du coup, ils adoptent ainsi, l’attitude conspirationniste qu’ils dénoncent. D’ailleurs il y a certains sites qui luttent contre les théoriciens du complot qui sont instrumentalisés par les élites, pour se protéger des attaques des théoriciens du complot [2].

Dans la lutte contre le fascisme, le discernement et la rigueur intellectuelle sont indispensables à une action militante efficace et juste

Il y a la définition du fascisme qui relève du cliché, du sens commun de la prénotion et une définition plus scientifique qui s’appuie notamment sur l’observation du fascisme nazi, en Allemagne durant la 2e guerre mondiale et qui peut être caractérisé par 5 caractéristiques simultanées :

  • Un régime dictatorial totalitaire. (Mais plus généralement le fait de prôner l’ordre par l’autorité et d’avoir mis en œuvre un régime autoritaire de nature dictatoriale et totalitaire. Le totalitarisme, peut être défini comme un dictature, et ce dernier est une des formes des régime autoritaire. Une dictature devient totalitaire, lorsqu’elle recouvre l’idéologie collective et l’intimité privée, donc la dictature n’est plus seulement répressive par la force policière ou militaire).
  • La violence
  • Le capitalisme (et non le socialisme comme c’était déclaré dans sa propagande)
  • La revendication identitaire (nationaliste, régionaliste, ethnique (indo-européenne), raciale (arienne))
  • Le racisme (le nazisme a pour caractéristique distinctive qu’il est particulièrement antisémite (anti-juif) mais pas seulement, alors que les autres fascismes expriment un racisme qui n’est pas centré principalement sur les juifs).

Cette définition concerne donc le fascisme au plan historique, mais il convient de la différencier de l’extrême droite contemporaine, qui ne recoupe généralement qu’un partie de la définition du fascisme historique. Sans cette précaution, cette rigueur dans la méthode, le risque consiste ensuite à dénoncer des fascistes qui n’en sont pas vraiment et de qualifier comme étant d’extrêmes droites, des groupes qui n’ont en fait rien a voir avec eux, tel certains indépendantistes, ou régionalistes par exemple. De même, on qualifie très souvent certains individus et les marginaux politiques de fasciste, alors qu’ils ne sont que nationalistes, ou racistes, ou encore violents.

En effet, il existe des nationalistes de gauche (le parti de gauche) qui ne sont pas fascistes, il y a existé des dictatures socialistes (URSS) qui n’étaient pas fasciste, qui ne sont pas fasciste. Il existe des antisionistes comme l’AFPS (Association française Palestine Solidarité), qui ne sont pas anti-sémites et qui ne sont pas fascistes. Il existe aussi des personnes politiquement à gauche qui sont antisémites, mais qui ne sont pas non plus fascistes.

Or, la rumeur s’alimente de la pensée par amalgame. Donc prenons garde dans notre lutte contre le fascisme, de ne pas sombrer dans les mêmes dérives que nous dénonçons et de nous mettre ainsi à condamner abusivement, toutes les personnes qui ne sont pas dans la droite ligne de ce qui nous apparaît comme juste. En effet, comme nous l’avons vu, si la pensée fasciste a un centre unifié (mais difficile à définir scientifiquement sans polémique), l’extrême droite a de multiples ramifications, qui recoupent certaines valeurs partagées par certains mouvements de gauche, tel que l’écologie, la nation, le local, le régionalisme, la relocalisation et les luttes contre le mondialisme, le socialisme, le capitalisme, la spéculation financière… Or, ce n’est pas parce qu’il existe des écologistes d’extrême droite, que tous les écologistes sont des fascistes. Or, c’est trop souvent ce mécanisme de raisonnement qui est d’usage dans la mouvance antifascistes. Ce n’est pas parce qu’il y a des groupes qui se revendiquent du national socialisme, que les socialistes libertaires, tel Proudhon ou Chomsky, sont des fascistes. Ce n’est pas parce que le FN national défend le protectionnisme, la lutte contre les délocalisations, donc la relocalisation, que les partis de gauche (Verts, PS, Parti de gauche, Décroissants…) qui défendent ces idées, de même que les circuits courts, les AMAP, la démondialisation sont d’extrêmes droites. Il existe des complots, même si tout le système capitaliste n’est pas dirigé par des complots. Ceux qui les dénoncent peuvent être aux extrêmes de droite ou de gauche. Mais ce n’est pas parce que certains complots sont dénoncés par l’extrême droite que tous les théoriciens du complot sont d’extrême droite.

La pensée par amalgame permet d’attaquer la réputation d’un opposant

La réflexion fondée sur le discernement sépare au llieu d’amalgamer, dans une confusion irrationnelle. Ainsi, un lecteur sachant faire preuve de discernement, lorsqu’il lit de la littérature dite communiste, sait différencier l’analyse marxiste qui critique scientifiquement le système capitaliste, avec les propositions idéalistes de Marx pour une société communiste future et les pratiques de Lénine, mais surtout de Staline, qui ont aboutit à une dictature totalitaire sanguinaire. Il serait préférable d’un point de vue de la connaissance, de ne pas s’attaquer à la réputation par la méthode de l’amalgame et de se limiter à des critiques sur le texte lui même.

La réflexion par amalgame prend plusieurs formes qui conduisent à fausser la dimension rationnelle de l’analyse, le bon sens et la capacité de discernement. Il existe différentes formes de pensée par amalgame. Celle-ci débute lorsqu’une personne de réputation correcte est mise en relation plus ou moins distante avec une autre de mauvaise réputation, de manière consciente et volontaire, mais même de manière inconsciente ou involontaire. Ainsi, si cette personne :

  • A été vu au côté de cet autre de mauvaise réputation,
  • A parlé avec cet autre,
  • A participé à un groupe, un repas, un colloque, un journal, un livre, un site, auquel a participé un jour, même dans une temps très lointain, cet autre,
  • Lorsque cette personne a vu un de ses écrits repris par cet autre repris malgré lui, sans son accord.
  • Lorsque qu’une part des idées ou de la personnalité, d’un individu, ne plait pas à certains, ils considèrent que l’ensemble des idées de cet individu sont erronées, ou à rejeter.
  • Lorsqu’une personne cite une phrase d’un auteur de mauvaise réputation, alors, il peut être assimilé à souscrire à toutes ces autres idées, aux idées des amis de ses amis, etc.).

D’amalgame en amalgame on peut accuser quelqu’un aussi bien d’être pro-nazie, comme pro-stalinien, d’être sectaire comme anti-cléricale, d’être antisémite juif comme antisémite, comme islamiste. Voici, quelques exemples de ce mode de raisonnement, qui aboutissent, à des conclusions complètement aberrantes.

Par exemple, l’association Attac, de nombreux intellectuels et partis de gauche et même Bakounine, se revendiquaient parfois des idées de Marx, même si ils se sont aussi beaucoup combattus. Or, Marx a été lié un temps à Trotski, lié un temps à Lénine, lié un temps à Staline.... Donc avec la réflexion par amalgame, Attac et les anarchistes (dont nombreux se revendiquent des idées de Bakounine), seraient des Staliniens, pour les néolibéraux pratiquant l’amalgame. Aberrant…

Mais avec ce mode de pensée, on peut aboutir, à des idées strictement inverse en fonction de ses besoins stratégiques. Compte tenu qu’une majorité d’anarchistes se revendiquent de Proudhon, et que certaines des idées de Proudhon, sur la propriété privée, ont été reprises par les fascistes, par conséquent, avec la pensée par amalgame, les anarchistes sont des fascistes ! Nouvelle aberration.

De même à gauche de nombreux auteurs de gauche, ou des anarchistes, citent Nietzsche, pour certaines de ses idées libertaires. Mais l’amalgame consisteraient à leur rétorquer qu’ils sont fascistes, car certains éléments des théories de Nietzsche, tel que on été utilisées pour fonder la doctrine nazie. Il faut donc savoir faire la part des choses.

Le mécanisme de la rumeur, de la pensée par amalgame et le transfert de réputation, se renforcent mutuellement. Le fait de lancer une rumeur, sur une personne, va renforcer les éléments nourrissant la pensée par amalgame, et le transfert négatif de notoriété. Ainsi, Monsanto, à fait courir la rumeur qu’un scientifique qui l’attaquait était un mauvais scientifique. Elle est parvenu à le discréditer peu à peu et à ainsi, sauvée sa propre réputation et ruinée celle de son détracteur.

Le transfert de réputation transforme la notoriété d’un individu ou d’un groupe en sa faveur ou sa défaveur

Lorsqu’un individu ou une organisation (une ONG, par exemple) rencontre, dialogue, collabore avec une autre organisation (une ETN), il s’effectue un transfert de réputation. Celle qui dispose de la moins bonne notoriété se voit tirée vers le haut, tandis que la notoriété de l’autre tend à baisser. C’est le cas de Max Havelaar qui a labellisé certains produits de grandes entreprises transnationales tels Nestlé, Dagris, ou qui vend du café équitable, dans les Mac Donald Suisse, chez Accor, ou Starbucks. Les ETN rémunèrent des experts en communication et en relations publiques d’entreprise, qui connaissent parfaitement ce type de techniques de transfert de réputation, ce qui n’est pas toujours le cas des associations.

La culture de la violence est elle compatible avec la liberté d’expression et la démocratie ?

Les mouvements et les violences fascistes s’accroissent chaque fois qu’il y a des situations de crise économique (comme dans les années 30) et que la pauvreté s’accroît. La Grèce n’échappe pas à la règle avec la montée du mouvement de l’aube dorée, les violences et les meurtres perpétrés par ses néonazis.

La violence est une des composantes du fascisme et elle représente une arme pour les militants fascistes, mais aussi pour les détenteurs, « du monopole de la violence légitime », que sont les représentants de l’Etat qui dirigent l’armée et la police, comme l’expliquait le sociologue Weber.

La violence ne peut se justifier qu’en situation de légitime défense, pour sauver son intégrité physique, dans le cas d’une attaque armée contre un groupe ou un pays, ou encore dans des périodes contre révolutionnaire…

Mais il ne s’agit la que de situations extrêmes, en dehors de ces situations, la violence contre l’intégrité physique n’est pas autorisée légalement et ne devrait pas l’être éthiquement. Cependant, chaque fois que ce type de situation violente perdure, comme ce fut le cas durant les mois qui ont suivi la révolution française (la terreur), ou la révolution russe, cela à générer une culture de la violence. Ainsi, ceux qui étaient les alliés d’avant, se trucidaient entre eux, suite à des procès ou la vérité n’avait plus aucun intérêt, mais seul commandait, l’impératif de défense de la cause révolutionnaire. Parfois aussi, les procès n’étaient même pas considérés comme nécessaires, pour assassiner l’allié d’hier. Ainsi, il suffisait d’une rumeur lancée envers une personne, pour que quelques jours plus tard, celle-ci soit emprisonnée, déportée dans les camps d’extermination, au goulag, ou exécutée.

Les mouvements sociaux dénoncent régulièrement la répression policière, bras armée du capitalisme d’Etat, lorsqu’elle refuse le droit de manifester (pourtant une des règles fondée sur la valeur de la liberté d’expression), lorsqu’elle réprime violemment à coup de matraque les manifestants, lorsqu’elle s’introduit dans la vie privée des citoyens, de manière secrète avec les RG, ou avec les tests génétiques.

De la même manière, cette culture de la violence dans un esprit d’autodéfense, transforme et limite peu à peu le dialogue entre les forces de gauche à des menaces, plutôt qu’à un véritable dialogue. Dans la période de préparation de la venue d’Etienne Chouard, les membres d’Attac-Besançon ont ainsi entendu des propos de cette nature, « nous empêcherons par la force », « cela ne nous pose pas de problème car nous revendiquons le droit à la violence », « c’est un nuisible, donc on ne discute pas ». On le voit, les pratiques violentes au service de la bonne cause, se transforme peu à peu contre les mouvements sociaux de gauche. Si nous avions persisté dans notre choix de faire venir Chouard, nous avons été averti que cela aurait entraîné une division du mouvement social bisontin.C’est-à-dire sans doute, des contre-manifestations, des actions de blocages, des violences verbales, des dégradations de matériels, mais peut-être même des actions violentes contre des personnes [3]…

C’est pourquoi, nous affirmons, qu’il existe des situations rares et extrêmes, qui supposent d’user de la violence physique pour défendre sa liberté et son intégrité. Cependant, elles restent rares en France. Adopter dès à présent des méthodes violentes de manière trop systématiques, risque de nous entraîner dans une culture de la violence nuisible à notre cause. C’est pourquoi, la lutte pour la liberté et l’égalité, ne doit pas s’appuyer sur des méthodes et violentes, pour être cohérente, car la fin ne justifie pas les moyens. Les méthodes militantes, consistant à s’opposer à des manifestations ou des conférences, la recherche d’informations sur la vie privée, sont des méthodes que nous considérerons comme liberticides et qui ne favorisent pas le développement d’une démocratie réelle.

Selon nous, il ne devrait y avoir que deux limites à la liberté d’expression, les propos racistes et les incitations à la violence. Les partis politiques ne devraient jamais être interdits, sauf ceux qui affirment qu’ils supprimeront la démocratie (mais en fait ils le disent rarement, cependant, ils le font une fois au pouvoir) et ceux qui incitent au racisme et à la violence.

Conclusion

Afin, de ne pas diviser inutilement et d’apaiser cette situation de tension au sein du mouvement social de la gauche bisontine, générée par la venue d’Etienne Chouard, Attac Besançon a donc décidé de ne pas l’inviter à venir s’exprimer sur la démocratie. Cette situation est une première et reste exceptionnel, cependant, nous ne serons pas aussi conciliant si cela se reproduisait à l’avenir.

Néanmoins, nous devons nous interroger sur nos pratiques afin de faire preuve de plus de discernement, de prudence intellectuelle, en particulier sur la définition de l’extrême droite et sur ses limites. Mais aussi sur les idées de la gauche qui ont été reprises par l’extrême droite et qui ne transforment pas pour autant en fascistes les militants de gauche, tels que le socialisme, les AMAP, les circuits courts, le local, la nation...

Il convient donc de débattre entre nous de nos méthodes d’actions autour de la violence et de la nonviolence, afin que mettre en cohérence nos idées et nos actions. Avec la crise économique qui se développe en Europe, la montée de l’extrême droite va s’accroître, donc ce type de problèmes risquent de se reproduire, aussi soyons tous vigilants.

Le CA d’Attac Besançon

Notes

[1] Le positionnement politique de Chouard, par lui-même : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/09/12/141-qui-est-d-extreme-droite

[2] A ce sujet, lire l’article de Frédéric Lordon http://blog.mondediplo.net/2012-08-24-Conspirationnisme-la-paille-etla-poutre

[3] « Les antifascistes radicaux qui m’entourent sont prêts à s’opposer physiquement s’il le faut à la tenue de la conférence de rentrée organisée par Attac ayant invité Chouard pour parler “d’alternatives démocratiques”. (…) Nous ne fermons pas la porte aux militants d’Attac Besançon, ceci est une mise en garde. Posted on 9 septembre 2012 by juralib sur http://juralib.noblogs.org/2012/09/09/besancon-antifascisme/