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Rapport d’orientation 2013-2015
mercredi 17 avril 2013, par
version finale après intégration des amendements 3 et 4 suite à l’Assemblée générale 2012
En cette fin d’année 2012, la crise globale s’aggrave du fait de l’inadéquation totale des réponses apportées par les puissants. Elle est l’occasion de mettre en œuvre une régression sociale d’ampleur historique. Les dévastations imposées par la finance et ceux qui en profitent montrent malheureusement l’exactitude du diagnostic d’Attac depuis sa fondation. La taxation des transactions financières est désormais incontournable quoique toujours pas concrétisée. Cela prouve que nos idées avancent, mais sa mise en œuvre viendra trop tard : des transformations d’une tout autre ampleur sont désormais nécessaires pour éviter les pires catastrophes sociales, écologiques et démocratiques.
Un monde en chamboulement
Le basculement géostratégique
La crise financière a accéléré le déclin des vieilles puissances impériales, les États-Unis et l’Union européenne même si elles continuent, entre autre via l’OTAN, à défendre agressivement leurs intérêts à l’étranger. Elles ont toutefois été fragilisées par leur système financier hypertrophié et explosif. La croissance des pays émergents a peu ralenti, du moins dans un premier temps, et leurs excédents commerciaux maintenus leur ont permis d’accroître leur poids dans les économies des pays centraux. Malgré la hausse des salaires, leur compétitivité se maintient, voire s’accroît, du fait de leur montée en qualité et en innovation dans la production.
Mais leur mode de développement est insoutenable à moyen et long terme. De même Les déséquilibres colossaux de l’économie chinoise risquent d’aboutir à une crise économique majeure. Surtout, la généralisation du modèle consumériste occidental, désirée par les populations, se heurte déjà aux limites écologiques de la planète. Pollutions multiples, épuisement des ressources, flambée des prix des matières premières, dégradation des sols, sécheresses, « accidents » climatiques ou nucléaires... vont de plus en plus entraver, voire anéantir les améliorations espérées du niveau de consommation. La crise systémique ouverte en 2007-2008 pourrait rebondir cette fois-ci sans épargner les pays émergents. Ils devraient eux aussi rechercher la voie d’une transition juste.
Les soulèvements populaires dans les pays du Maghreb et du Machrek, qui ont débuté en janvier 2011, ont démenti la fiction selon laquelle cette aire était étrangère à la démocratie et condamnée à des régimes autoritaires. Ils ont battu en brèche la thèse de la « résilience » des économies arabes à la crise financière internationale. Ces évènements conjugués d’un pays à l’autre ont ouvert le champ des alternatives politiques et économiques, non seulement au Maghreb et au Machrek, mais aussi réouvert dans l’Union européenne et au-delà. Ainsi, ils portent une contestation du néolibéralisme, sous ses différentes formes impérialiste et néo-coloniale.
En France nous pouvons nous réjouir de la défaite de Nicolas Sarkozy, pour autant la politique menée par la sociale démocratie désormais aux rênes de la France ne prend pas la voie de la rupture avec les orientations néo-libérales des ces trente dernières années : pas de volonté de définir une autre répartition des richesses, acceptation des traités européens (Maastricht, Lisbonne, TSCG), mise en place des plans d’austérité pour rembourser une dette en partie illégitime, pas de réformes fiscales afin de ménager la finance...
Il est donc urgent que le mouvement social, à l’échelle de la nation, de l’Union européenne, du monde construise ensemble des contre-pouvoirs, des rapports de force pour s’opposer et refuser la poursuite des politiques néolibérales, dont les peuples sont les victimes.
L’Union européenne à la dérive
L’Union européenne, dans les trois dernières décennies, a participé activement à la mise en œuvre d’une guerre économique à l’échelle planétaire. Par des privatisations, dérégulations, déréglementations, elle a appliqué des règles du consensus de Washington, dans la définition même des règles de vie communautaire, comme dans ses relations avec les pays tiers. Par une longue série de traités, directives, arrêts de la cour de justice ou politiques nationales encouragées par la commission européenne (Blair, Schröder par exemple), l’Union Européenne est devenue un espace économique compatible et conforme au mouvement global de la mondialisation. Loin de s’opposer à ce mouvement, ou essayer de le « réguler » comme certains européistes voudraient le faire croire, l’Union Européenne a participé activement à sa réalisation.
La déstabilisation des pays européens, y compris de la France, avec des déficits extérieurs abyssaux, est la contrepartie des excédents allemands. Après vingt ans de politiques néolibérales, notamment fiscal, la récession a fait exploser les déficits et les dettes publiques. L’emploi, les salaires, les droits sociaux sont partout remis en cause. Le château de cartes de l’euro, monnaie unique construite par des États en guerre économique les uns contre les autres, menace de s’effondrer. Sa dislocation aggravera dramatiquement la crise sociale, qui déjà frappe en particulier les salariés précaires, les femmes particulièrement menacées dans leur place sur le marché du travail et dans leurs droits, les migrants... Elle favorisera la montée des extrêmes droites européennes, qui surfent déjà sur le rejet populaire des dégâts de la mondialisation.
Dans ce contexte, les politiques d’austérité sans fin symbolisées par le Pacte budgétaire ne sont pas principalement des erreurs fondées sur un mauvais diagnostic. Elles mettent en œuvre un projet capitaliste porté par une large fraction de l’oligarchie, celui de l’ajustement structurel européen et de la recherche permanente de toujours plus de compétitivité. Erigée en véritable dogme, celle-ci est un facteur de violence dont témoignent chaque jour un peu plus la dégradation des relations de travail et les relations entre voisins Européens. Les institutions de l’Union européenne mise en place par cette oligarchie sont, dès leur origine, tout à la fois le résultat, le support et le vecteur de ce projet. Elles sont profondément anti-démocratiques et affaiblissent la souveraineté des peuples. C’est une véritable et irresponsable « stratégie du choc » qui vise à sabrer les coûts salariaux et sociaux de la zone euro pour préserver la rentabilité des capitaux et assurer que les riches seront encore plus riches. Fût-ce au prix de l’exclusion des pays « laxistes » de la zone euro, de l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir dans nombre de pays, voire de l’effondrement de la construction européenne. Au bout de la guerre économique, la guerre tout court ? La crise, les déséquilibres économiques et la paupérisation qu’ils engendrent contribuent à accentuer les risques de violences, voir de guerres. Attac dénoncera ces apprentis sorciers néolibéraux qui encouragent des dépenses militaires démesurées, un renforcement de l’armement nucléaire qui favorise la dissémination, les ventes d’armes.
Premier axe de travail : refonder le projet européen
Cette Union européenne n’est pas la nôtre. Elle est celle des oligarchies, construite par et pour elles. L’Union et les États, qui la composent, méprisent les choix démocratiques, et veulent mettre les populations d’Europe et d’ailleurs à genoux devant les marchés financiers. Cela doit cesser. Toute politique émancipatrice, solidaire et démocratique, répondant aux besoins sociaux et aux défis environnementaux, ne peut être menée qu’en rupture radicale avec les règles régissant l’Union européenne. Cela suppose, tant au niveau national que local, que les pouvoirs politiques soient conduits à s’affranchir de toutes les contraintes juridiques qui imposent des politiques libérales, et que toutes les convergences possibles soient recherchées pour que ces contraintes soient aussi abolies au niveau européen.
Contre les politiques d’austérité et le piège de la dette publique
Le libre-échange et la libre circulation des capitaux ont commencé à défaire les conquêtes salariales et sociales de l’après-guerre. Aujourd’hui, la dette publique est instrumentalisée pour porter le coup de grâce à l’État social dans les pays de l’ Union européenne. Comme nous le disions déjà lors de la lutte contre le Traité constitutionnel européen, et cela devient aujourd’hui criant, cette construction européenne, relais et vecteur de la mondialisation, sera de plus en plus clairement rejetée par les peuples et s’effondrera si elle ne s’engage pas très vite dans une refondation radicale. Il ne suffira pas, comme le préconisent certains fédéralistes européens, de mutualiser les dettes publiques et d’accroître les ressources propres du budget européen tout en maintenant l’austérité au niveau national.
Il faut bien plus profondément rompre la dépendance des États vis-à-vis des marchés financiers en redonnant son rôle à la banque centrale, renoncer au libre-échange et redistribuer les richesses par une réforme fiscale ambitieuse, réagir vis-à-vis des États européens qui organisent ou qui protègent les dérives des marchés financiers. Il s’agit de financer un plan européen de transition écologique et de modifier profondément les modes de production et de consommation, de réduire l’empreinte écologique européenne tout en créant des millions d’emplois.
Pour cela, il faudra en particulier réduire le temps de travail, développer et rénover les services publics et enclencher une convergence vers le haut dans l’Union européenne, des droits sociaux parmi lesquels les droits des femmes (clause européenne la plus favorable) et de la fiscalité sur les bénéfices des sociétés, les revenus du capital et les plus hauts revenus.
Notre responsabilité spécifique est de continuer à déconstruire les discours mensongers justifiant l’austérité, d’informer et d’éclairer les citoyens sur la nature des intérêts privilégiés par les politiques actuelles. Attac va renforcer sa démarche d’éducation populaire et de construction de convergences contre l’austérité, en particulier par l’audit citoyen de la dette publique à l’échelle européenne. L’audit devrait déboucher sur des propositions des mouvements sociaux pour reconstruire un système de financement solidaire des urgences sociales et écologiques en Europe et dans le monde.
À court terme, il faut s’affranchir des règles anti-démocratiques et anti-sociales de l’Union européenne, illustré par la ratification du pacte budgétaire, en œuvrant pour instaurer la souveraineté des peuples, Attac fait tout pour contribuer à construire la résistance européenne aux traités néolibéraux et exiger que les peuples décident directement de leur destin. Nous voulons faire émerger partout un vrai débat public sur les objectifs et les moyens d’une autre construction européenne, Nous visons à terme l’élaboration démocratique d’un nouveau traité de refondation de la construction européenne. Celle-ci ne doit plus servir à saper la démocratie, mais au contraire à bâtir à travers les luttes populaires une souveraineté démocratique européenne.
Faire converger les forces, en France, en Europe et dans le monde
Les résistances qui montent à travers les initiatives syndicales et citoyennes, la polarisation des forces politiques avec la montée d’une gauche de résistance mais aussi d’une extrême droite agressive, montrent les potentialités mais aussi les graves dangers de la situation. Les classes possédantes utilisent cyniquement l’insécurité sociale et la peur pour légitimer leur domination. Les dérives liberticides, sécuritaires et racistes menacent les droits civils. Le respect des droits des migrants et l’égalité des droits entre les migrants, étrangers ou non, et les autres, dans chaque société, est une nécessité pour tous.
La vocation spécifique d’Attac, en lien avec ses organisations fondatrices, est de favoriser, en France, dans l’Union européenne et dans le monde, la convergence des forces qui veulent que la responsabilité écologique, la justice sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes et la démocratie l’emportent sur la compétitivité, le productivisme et la loi du profit.
En France, nous saluons bien sûr la défaite de Nicolas Sarkozy, président cynique et brutal, mais l’arrivée d’un gouvernement d’orientation social-libérale ne change aucunement notre rapport au politique. François Hollande et son gouvernement prétendent atténuer au niveau européen l’austérité qu’ils acceptent sur le plan national, sans remettre en cause la domination des marchés financiers. Cela n’est pas cohérent. Nous sommes conscients que, dans l’histoire, les avancées démocratiques et sociales majeures ont toujours résulté de mouvements sociaux puissants et autonomes. Tout en préservant notre autonomie, nous continuerons à interpeller les pouvoirs publics et les institutions, à faire pression sur eux, à favoriser la convergence dans les luttes des forces associatives, syndicales et politiques, en valorisant l’action fédératrice et médiatrice d’Attac dans les réseaux locaux.
La meilleure façon de contrer les discours nationalistes et xénophobes est de s’appuyer sur les solidarités internationales, sur les luttes communes entre les peuples contre l’hégémonie de la finance. C’est particulièrement vrai dans l’ Union européenne : la crise ne se résoudra pas par l’exclusion des Grecs ou des Allemands, mais par la refondation de l’Union européenne grâce à la montée de résistances populaires se renforçant mutuellement dans les différents pays. La gauche alternative grecque s’est renforcée précisément en s’appuyant sur les luttes sociales et en visant non pas une sortie mais une refondation de l’euro, avec les autres peuples européens.
Attac France continuera à relier ses réflexions et ses actions à celles des Attac d’Europe, dans la perspective de campagnes européennes et d’une prochaine université d’été commune. Les Attac d’Europe continueront à travailler à la construction d’espaces de convergences à l’échelle européenne (initiatives d’audit citoyen, Joint Social Conférence, alter-sommet européen...), qui visent à revivifier et élargir la dynamique du Forum social européen.
Les « Indignés », « Occupy » et autres mouvements étudiants et citoyens expriment quant à eux le début d’une insurrection démocratique mondiale d’une dimension qu’on peut espérer au moins aussi importante que celle de 1968. Ces mouvements indiquent qu’émerge dans la jeunesse une critique radicale de ce système inégalitaire et prédateur. Ils posent la question d’une nouvelle organisation de la société fondée sur la démocratie à tous les niveaux. Un système social alternatif au capitalisme, qui apparaît désormais incapable d’honorer les promesses sociales et démocratiques faites aux peuples et de traiter la question écologique. Ces mouvements se retrouveront avec ceux des révolutions dans les pays arabes et les mouvements sociaux du monde entier lors du Forum social mondial en Tunisie, en mars 2013 : ce forum constitue une étape essentielle pour Attac France, qui s’y impliquera avec les autres Attac, notamment le réseau des Attac d’Afrique. Les luttes pour la liberté de circulation, l’accès aux droits et à la citoyenneté, et le droit d’installation, participent à la construction d’un mouvement social solidaire au Nord et au Sud.
Contre les politiques de démantèlement des systèmes sociaux
Le capitalisme mène des attaques frontales contre les travailleurs. Il cherche à affaiblir les institutions salariales que sont les cotisations sociales. Celles-ci sont pourtant des conquêtes du monde du travail. La mise en place du programme du Conseil national de la Résistance au lendemain de la seconde guerre mondiale fut une victoire des mouvements des travailleurs.
Très rapidement, le capital s’attaqua à ces conquêtes. Le mur de l’argent, toujours, cherche à détruire non seulement les institutions salariales, mais aussi les institutions d’État qui pourraient contester son hégémonie.
C’est ainsi que le MEDEF réclame à cor et à cri la baisse des cotisations sociales. C’est ainsi que le circuit du Trésor mis en place à la fin de la seconde guerre mondiale, après nationalisation de la Banque de France et des principales banques françaises, a été remplacé par des mécanismes de financement sur les marchés, par « la mise en marché de l’Etat ».
Toutes ces institutions d’État, au sens large, ou salariales constituent l’État social. Son affaiblissement doit être combattu par le renforcement des institutions salariales et le réarmement de l’État, des collectivités territoriales, des caisses de protection sociale, des services publics et des secteurs stratégiques (agriculture, santé, énergie, éducation, culture, citoyenneté et politique… ) en matière monétaire et budgétaire. Les salaires et les cotisations des travailleurs privés d’emploi doivent être sécurisés de manière structurelle par de nouvelles institutions du travail en rupture avec la dictature du marché de l’emploi. L’émancipation est un vain mot quand les travailleurs doivent accepter n’importe quel emploi parce qu’ils n’ont aucune sécurité financière. Cet objectif nécessite un travail commun avec les acteurs déjà impliqués sur ce terrain, parmi lesquels les syndicats, le Réseau Salariat et l’Institut européen du salariat.
Deuxième axe de travail :
œuvrer pour la transition écologique et sociale, ici et maintenant
L’urgence de la transition écologique
La précarité sociale et la crise écologique ne cessent de s’aggraver, menaçant à court et moyen terme les conditions d’existence de centaines de millions de personnes, et à terme de toute la biosphère. La dépendance aux carburants fossiles importés grève les budgets des familles populaires, creuse les dettes européennes et menace le climat mondial. Le choix du nucléaire pèse sur l’existence même de la planète. La défense et le maintien d’une industrie nucléaire civile et militaire s’effectue aux dépens et au mépris des populations qui en sont les victimes directes.
Les réponses néolibérales, « croissance verte » et pseudo-« économie verte », veulent approfondir la marchandisation et la financiarisation des ressources naturelles, l’exploitation du gaz et du pétrole de schistes serait censée rendre les pays occidentaux moins dépendants des pays exportateurs de pétrole, ce qui est faux et absolument pas à la hauteur du problème écologique à résoudre.
Face à cette pure folie, il est décisif que les mouvements écologistes approfondissent leur critique du productivisme et la lient à celle du capitalisme financier. Faute de quoi les mirages de la finance « écologique » et les délires techno-scientistes nous entraîneront tous dans une impasse dramatique. Il faut aussi que l’ensemble du mouvement syndical rejette clairement le productivisme et la croissance à tout prix, en s’engageant dans la perspective d’une prospérité économe et partagée, créatrice d’emplois et de richesses utiles, et respectueuse des limites de la planète.
Face au modèle productiviste, nous nous engageons pour un développement des activités qui réponde à l’amélioration et à la satisfaction des besoins sociaux et écologiques : services publics de l’éducation, de la santé, de la culture, du logement, de l’eau, protection sociale, investissement dans les énergies renouvelables... Ce développement des activités au service de l’Homme, de son émancipation, respectant les équilibres de la biosphère, sous tend un modèle de développement en rupture avec le capitalisme. La réflexion autour de la thématique de la croissance, de la décroissance, d’un autre modèle de développement doit se poursuivre au sein d’Attac, conjointement au soutien apporté aux initiatives de transition.
Le rôle spécifique d’Attac est d’y contribuer en rappelant que toute alternative soutenable à l’austérité sociale doit inscrire en son cœur la dimension écologique. Il nous faut mettre à nu les mensonges de leur « économie verte » et favoriser les convergences entre mouvements sociaux et écologistes, notamment grâce aux forums sociaux et aux sommets des peuples. Nous œuvrons à articuler les luttes locales, comme celles contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, contre les gaz de schistes et l’extractivisme, l’accaparement des terres ou la défense de l’eau comme bien commun, et les luttes globales, dans la lignée des mobilisations de Copenhague ou de Rio+20.
Nous travaillons à construire un agenda commun aux mouvements sociaux et écologiques, avec en perspective la sortie du nucléaire et des énergies fossiles, la domestication de la finance et la maîtrise démocratique de la production et de l’économie, en créant de nouveaux instruments de régulation et de contrôle, au plan national, européen et international notamment.
Relocaliser pour vivre et décider autrement
Le refus de la mise en concurrence des travailleurs dans la guerre économique mondiale a alimenté de nombreux débats ces dernières années, notamment autour du thème de la démondialisation et du protectionnisme. Le G20 et l’Union européenne n’ont de cesse de poursuivre leurs politiques de libéralisation commerciale, en multipliant les accords bilatéraux pour contourner la paralysie de l’OMC.
Le besoin de protections face au libre-échange qui s’étend et aux pouvoirs de la finance mondialisée est une préoccupation réelle des citoyens. Ce besoin de protection a aussi été instrumentalisé par l’extrême droite dans des termes mensongers et nationalistes. Loin d’opposer les peuples entre eux, la relocalisation est un moyen de définir de nouveaux modes coopératifs de production et de consommation partout respectueux de la démocratie, des besoins sociaux et des limites de la planète. Le rôle d’Attac est de développer la réflexion sur les façons concrètes d’y parvenir, dans un esprit de solidarités internationales et d’ouverture à la diversité des peuples de la terre, de leurs savoirs ancestraux, de leur dignité et de leur désir de diriger et maitriser eux-mêmes leur propre développement. Il s’agit également de rompre avec les logiques promues par les institutions supranationales de la mondialisation libérale.
La transition a déjà commencé
Déjà, des milliers d’initiatives émergent sur le plan local pour engager la transition écologique et sociale. Villes lentes ou en transition, agriculture paysanne biologique, circuits courts, systèmes d’échanges locaux coopératives de production ou d’habitat, finance solidaire, monnaies complémentaires, mouvements du logiciel libre préfigurent des formes de production durable fondées sur la solidarité et la démocratie. Ces innovations montrent que d’autres logiques productives, financières et commerciales sont possibles, plus efficaces car plus humaines que la logique du profit. Elles doivent inspirer les démarches de démocratisation et de socialisation des banques et des entreprises qui seront nécessaires pour replacer le développement économique dans une trajectoire soutenable. Le rôle spécifique d’Attac est de populariser ces initiatives locales, de favoriser leur appropriation par les citoyens, de montrer leur pouvoir transformateur de la société, de les relier aux démarches de transformation globale de la société et de soutenir et participer à leur développement.
Troisième axe de travail : mettre la démocratie au poste de commande
La démocratie comme moyen et comme finalité
Nous sommes convaincus que la démocratie, c’est-à-dire la capacité des citoyens à délibérer et trancher sur les choix qui les concernent, est au cœur de toute démarche de transformation sociale et de préservation de la nature. C’est la confiscation des décisions par l’oligarchie qui lui permet de saccager les droits sociaux et les écosystèmes ou de déclencher des guerres. Le personnel politique et les hauts responsables de l’État sont très majoritairement, par intérêt ou par conviction, prisonniers de l’idéologie néolibérale.
C’est pourquoi la transition écologique et sociale ne sera durablement possible que si elle résulte de l’irruption des citoyens et citoyennes dans la gestion de leurs propres affaires au plan local, national, européen et mondial. Cela suppose une rénovation fondamentale des mécanismes de participation à la vie économique et politique, une préoccupation politique pour la parité femmes-hommes une véritable démocratisation de l’économie et de la politique.
Le rôle d’Attac est de contribuer à l’élaboration et à l’expérimentation de formes de contrôle social et démocratique, de socialisation des entreprises et des institutions. Dans le champ de l’action politique démocratique, nous promouvons les mécanismes qui permettent une participation directe des citoyens aux décisions les concernant et un véritable contrôle des représentants. Cela passe par l’élaboration de nouvelles matrices démocratiques non exclusivement délégataires et conjuguant à cette fin l’élection avec d’autres modes de désignation des responsables : démocratie directe, tirage au sort, volontariat etc…
Faire d’Attac un laboratoire démocratique
Les organisations qui, comme Attac, recherchent la transformation sociale, ont devant elles une tâche décisive qui ne dépend que d’elles : être elles-mêmes le théâtre de ce processus de démocratisation. Nous y contribuerons en expérimentant des modes innovants de participation des adhérents dans le fonctionnement interne de notre association et en incluant davantage les militants et l’ensemble des élus dans l’élaboration et la mise en œuvre des campagnes.
Nous devons également mieux adapter nos modes de communication aux attentes diversifiées des citoyens de tous milieux. Pour cela il nous faut articuler une conception de l’éducation populaire, souvent pratiquée comme une éducation du peuple par les sachants, avec des processus d’auto-éducation collective dans lesquels les citoyens construisent ensemble des « savoirs collectifs ». Il est aussi important qu’Attac agisse pour une représentation de toutes les composantes de la société française afin de promouvoir une société égalitaire. Afin de dynamiser la mise en pratique de l’éducation populaire, nous pourrions nous inspirer, créer des passerelles avec les mouvements de l’éducation populaire qui ont une pratique et expérience depuis longtemps.
Après plusieurs dizaines d’années d’hégémonie néolibérale, des alternatives ne se construiront que sur un nouveau socle idéologique et culturel, alimenté par une pluralité de pensées. Notre rôle est d’être un espace de débat entre personnes et mouvements de différents horizons, sur des questions essentielles pour l’ensemble du mouvement social. À cet égard, nous devons élargir et diversifier le Conseil scientifique, affermir nos liens avec les organisations fondatrices d’Attac, et donner une impulsion nouvelle au Collège des fondateurs. Beaucoup de débats ne sont pas tranchés et sont à poursuivre, comme la prospérité avec ou sans croissance, les moyens de la relocalisation, la place des biens communs, les modalités de la transition énergétique, les outils d’une démocratie réelle, les modalités de la rupture avec les politiques libérales,... Les mouvements citoyens qui émergent, comme les Indignés ou Occupy, renouvellent les formes de résistance et interrogent nos propres façons d’agir. Nous travaillerons à construire des formes de mobilisation diversifiées et attractives, qui permettent la participation du plus grand nombre et favorisent la popularisation de nos idées. Nous pourrons notamment investir les réseaux sociaux et médias alternatifs. Nous développerons des actions politiques en lien avec nos revendications (occupation de lieux de pouvoir de la finance, cyber-actions...), avec une mutualisation des expériences déjà existantes et des formations à ces actions.
Les mouvements sociaux qui sont apparus ces deux dernières années ont ainsi profondément renouvelé le paysage des forces sociales en action et les formes de l’action et de l’engagement militants. Ce contexte est une chance pour le mouvement altermondialiste qui cherche avec la tenue d’un forum social en Tunisie, forum largement ouvert aux mouvements Indignés/Occupy à être en prise avec ces nouvelles générations. Cette échéance, comme celle du sommet des peuples de Rio, tenu à l’occasion du sommet Rio + 20, sont des moments essentiels pour le renouveau et la transformation de ce mouvement alter dont Attac continue à être un acteur engagé.
Pour mener à bien ces projets, nous avons besoin d’une grande diversité de milieux sociaux et de générations. Attac reste marquée, comme bien d’autres organisations du mouvement social en France, par un déséquilibre flagrant entre générations. Ce n’est pourtant pas le cas des autres Attac dans le monde. En lien avec Attac Campus et le réseau jeunes qui s’est constitué récemment, nous mènerons un travail spécifique pour que bien plus de jeunes trouvent dans Attac un outil qui donne sens à leurs révoltes.
Plus que jamais, il est urgent d’agir et de penser localement et globalement, pour nous réapproprier ensemble l’avenir de notre monde !