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Accords post Cotonou

Attac Togo et alii

mardi 12 juin 2018, par Martine Boudet

Déclaration de la société civile togolaise

Message à la Présidence togolaise du Groupe Central de Négociation des ACP

ACP-UE-Lomé session

Au terme de la 107ème session du conseil des ministres des pays du Groupe Afrique – Caraïbes – Pacifique (ACP), tenue à Lomé les 29 et 30 mai 2018, le Togo a été désigné pour assurer la présidence du Groupe Central de Négociation des ACP. Ce groupe a pour mandat de définir les modalités et de mener les négociations avec l’Union Européenne (UE) sur le futur accord ACP-UE devant remplacer l’Accord de Cotonou qui expire en 2020. Au moment où le Togo retrouve la place qui était la sienne auparavant, au plus fort des négociations qui ont vu l’adoption des quatre (4) Conventions de Lomé, la société civile togolaise, en phase avec ses homologues des pays ACP, désire interpeller les autorités togolaises sur les attentes citoyennes par rapport à ce nouvel accord de coopération ACP – UE.

A l’heure du bilan sur l’Accord de Cotonou, la société civile togolaise tire les leçons des manquements constatés dans la mise en œuvre de cette convention depuis bientôt 20 ans. Les espoirs suscités par l’Accord de Cotonou, signé au début des années 2000 et qui laissait espérer un partenariat plus équitable entre l’Union Européenne et les pays ACP au début du nouveau millénaire, ont vite donné lieu au désenchantement. Le manque de cohérence entre les politiques déployées par les pays de l’Union Européenne et leurs engagements en rapport à l’aide au développement dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) a conduit à une exacerbation des inégalités au sein et entre les pays ACP. Le dialogue politique inclusif, le partenariat égalitaire, le respect des droits humains, de l’Etat de droit et de la démocratie présentés comme les plus values fondamentales de l’Accord de Cotonou n’ont guère permis un changement des relations de dépendance entre les pays ACP et leurs anciennes puissances colonisatrices.

La société civile togolaise voudrait souligner les épisodes difficiles qu’ont été l’imposition des Accords de Partenariat Economiques (APE) aux 6 régions du groupe ACP en fragilisant leur intégration et au détriment de la survie de leurs producteurs agricoles, de leurs éleveurs et de leurs pêcheurs. En outre, le chantage de l’aide au développement de l’UE sur les pays ACP pour la signature des Accords de Réadmission des migrants « Sans Papiers » ou de façon plus générale d’Accords pour le contrôle de la mobilité et des migrations des citoyens des pays ACP vers l’Union Européenne, a marqué la société civile ces dernières années. L’impact négatif au niveau économique ainsi que social de ces accords a été dénoncé par la société civile des pays ACP et d’Europe via de nombreuses mobilisations citoyennes sans que leurs voix ne soient entendues. L’illusion démocratique vendue par l’Accord de Cotonou a cédé la place à la volonté des Etats européens de défendre leurs intérêts géopolitiques et les profits de leurs entreprises transnationales.

En conséquence du libéralisme débridé et du système commercial inégalitaire promus par l’Accord de Cotonou, les pays ACP ont vu s’accentuer la pauvreté dans les milieux ruraux et urbains ces dernières années. La misère généralisée qui s’en est suivie dans les sociétés des pays ACP a favorisé de nombreux mouvements de revendications sociales, des émeutes de la faim, le déclenchement de rebellions sécessionnistes voir de conflits armés, le renforcement des pouvoirs autoritaires et répressifs, les pratiques de corruption, ou encore le départ en migration de bon nombre de leurs citoyens. Malgré les points d’ombres que présentent plus de quarante années de coopération ACP – UE avec des politiques d’aide au développement inefficaces ; les engagements non tenus des conventions de Lomé et de l’Accord de Cotonou, la société civile togolaise se refuse à tout désespoir. Elle reste optimiste sur l’avènement d’un nouveau cadre de partenariat équitable entre le groupe des pays ACP et l’UE.

Tout en reconnaissant la tentation légitime de retrait du groupe ACP formulé par certains pays, la société civile togolaise exhorte à une démarche unitaire des ACP lors des négociations pour éviter la division entretenue au sein du groupe au nom de la spécificité de chaque ensemble régional. La société civile du Togo invite la présidence togolaise du groupe des négociateurs à se faire la voix des citoyens des pays ACP dans la défense de leur droit à un emploi décent et au développement durable de leur société, de leur souveraineté alimentaire et de leurs ressources naturelles, de leur droit à la mobilité et à s’installer dans un autre pays lorsque leur vie est menacée. La société civile togolaise en appelle à la solidarité des citoyens européens, fort de leurs expériences de résistance contre le Transantlatic Free Trade Agreement (TAFTA), Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), la Comprehensive Economic and Trade Agreements (CETA), les politiques anti-immigrations et anti-réfugiés, à interpeller les gouvernements de leur pays et la Commission Européenne pour un partenariat d’équité et de justice entre les pays ACP et l’UE.

Fait à Lomé le 1er juin 2018

Les organisations signataires :

Visions Solidaires (VS) ; Les Amis de la Terre-Togo (AdT-Togo), Association Togolaise des Expulsés (ATE), Association pour l’Autopromotion des Communautés de Base (ACOMB), Association pour la Taxation des Transactions Financières et l’Action Citoyenne – Togo (ATTAC – Togo), Groupe d’Action et de Réflexion sur l’Environnement et le Développement (GARED), Association Global Humaniste (AGH)

Contact Presse  : Samir ABI, Visions Solidaires, Tél :(+228) 90 79 44 12 email : visionssolidaires@gmail.com

Source :
https://visionssolidaires.com/2018/06/03/accord-post-cotonou/