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La clinique social d’Hellinikon près d’Athènes

interview de Katerina Papagika

lundi 17 juin 2013, par Christian Lefaure

Katerina Papagika est médecin cancérologue ; elle a longtemps vécu en Amérique Latine et y a vu l’impact, sur la santé des populations, des plans d’ajustement structurels imposés dans ces pays par le FMI ; aussi lorsqu’elle a appris que la troïka imposait à la Grèce son « mémorandum pour la réduction de la dette », elle a décidé, à la grande surprise de ses collègues de prendre sa retraite pour préparer ce qui allait advenir en Grèce. Aujourd’hui plus personne n’est surpris et ce qu’elle annonçait est malheureusement devenu réalité : près du tiers de la population Grecque est exclue du système d’accès aux soins, les hôpitaux ferment, les malades non solvables ne sont plus soignés.

Alors ils sont nombreux maintenant à se mobiliser pour créer des structures « de solidarité ». Katarina, avec un certain nombre d’autres volontaires a mis en place la « clinique sociale » à Hellinikon près d’Athènes : c’est l’une des 33 ou 34 cliniques solidaires récemment créées en Grèce.

Katarina Papagika :
« La clinique a été créée il y a un an et demi ; elle s’est ouverte le 15 décembre 2011 ; depuis elle a effectué plus de 10000 consultations de personnes qui n’ont pas la sécurité sociale, pas de travail, pas d’argent et qui sont rejetées par le système social ; elles ne peuvent pas aller à l’hôpital. Ici perdre son travail, c’est perdre la sécurité sociale. Or il y a aujourd’hui en Grèce 1,5 Million de chômeurs, soit 29% de la population active. Nous avons donc décidé de créer cette clinique pour procurer des soins à toutes ces personnes ; donner des antibiotiques aux malades, vacciner les enfants… »

Comment vous y prenez vous pour avoir les moyens dont la clinique a besoin ?
K.P
« Nous avons décidé de n’avoir aucune relation avec l’argent ; tous ceux qui travaillent ici sont volontaires et bénévoles : les médecins, les infirmiers, ceux qui assurent le secrétariat ; certains sont à la retraite, d’autres sont chômeurs. Bien sûr, nous avons besoin de médicaments, nous ne les achetons pas. Nous, nous y refusons (NDLR : j’ai perçu auprès de KP mais aussi de ses collègues un très fort rejet de l’argent représenté par l’euro, le symbole de cette crise).
Nous lançons des appels : si quelqu’un a eu une prescription et n’a pas tout utilisé ou parfois si un proche est décédé, on nous apporte ce qui reste comme médicaments. Mais cela ne suffit pas toujours, par exemple nous avons besoin de vaccins pour les enfants et personne ne garde dans sa maison des vaccins inutilisés ; dans ce cas nous utilisons les réseaux sociaux et notre blog pour faire des appels aux dons : certaines personnes achètent alors ces produits en pharmacie et nous les apportent. Oui les techniques modernes de communication sont utiles et efficaces. »

Vous contentez vous de soignez ceux qui viennent ?

KP : « Non, nous nous sommes donné une autre mission : notre objectif est que ce type de structure disparaisse le plus vite possible lorsqu’un système de santé publique social sera remis en place, alors nous cherchons aussi à faire en sorte que les « patients » restent debout, qu’ils gardent leur dignité et qu’ils se mobilisent pour un autre monde, où ils auront droit aux soins. Il y a 33 ou 34 cliniques solidaires, toutes les cliniques que ce soit celle de Thessalonique ou celle du Pirée par exemple font la même chose ; nous luttons avec les patients pour le droit à la santé. »

Mais est ce que vous arrivez à couvrir tous les types de soins ?
KP :
« Non et il reste un gros problème qu’aucune structure de solidarité ne peut couvrir aujourd’hui : si quelqu’un a quelque chose de grave comme un cancer nous ne pouvons ni lui procurer ce qu’il faut pour faire une chimiothérapie, ni effectuer une opération si celle ci est nécessaire et s’il n’a pas de ressources ni de couverture sociale, même les hôpitaux publics ne s’en chargeront pas. Certaines maladies ne sont donc plus du tout soignées dans cette partie de la population. »

Que voudriez vous dire aux autres européens aujourd’hui ?
K.P.
« Je veux dire une chose : la situation de la Grèce aujourd’hui c’est la situation du futur pour les autres pays. Alors si nous attendons votre solidarité aujourd’hui ce n’est pas uniquement pour nous aider ; c’est aussi pour agir ensemble au niveau de l’Europe pour faire changer les causes de cette situation qui est notre et qui sera votre si nous n’agissons pas ensemble »

L’expérience de cette clinique est une des nombreuses initiatives de solidarité qui vise tous les aspects de la vie sociale (santé, nourriture, logement…) en Grèce : réseaux de médecins, pharmacies solidaires, réseaux de voisinage, réseaux de distribution directe par tout type de producteur aux personnes dans le besoin. Une plaquette a été imprimée à l’occasion de l’alter sommet d’Athènes les 7 et 8 juin 2013 ; on peut aussi trouver la liste des cliniques, dispensaires, pharmacies solidaires sur
http://solidaritefrancogrecque.wordpress.com/liste-des-dispensaires-sociaux-2/
pour connaître les besoins de la clinique sociale d’Hellenikon
écrire à mkiellinikou@gmail.com
ou aller sur leur blog