Articuler mobilisations à l’échelle de l’UE et ruptures nationales

jeudi 16 janvier 2014, par Marc Brunet, Michel Christian, Robert Joumard.

Aujourd’hui, face aux politiques de l’Union européenne (UE), c’est pour l’essentiel au niveau national que les mouvements sociaux et politiques continuent leurs mobilisations, sans réussir jusqu’ici à remettre en cause ces politiques de manière probante. Les tentatives de mobilisation ou de coordination des mobilisations à l’échelle de l’UE restent limitées, comme en témoigne le résultat de l’Altersommet d’Athènes en juin 2013.

Or, si le patronat européen a compris que l’échelle de l’UE était pour lui l’espace géographique idéal pour imposer ses idées et qu’il a gagné toutes les batailles sans rencontrer de résistance sérieuse, c’est notamment parce que les forces organisées – syndicats, mouvements, associations – ne sont guère coordonnées pour s’opposer aux politiques néolibérales. La difficulté de coordination contre un adversaire commun est l’une des raisons de l’échec de la plupart des mobilisations à l’échelle de l’UE.

Il nous faut donc continuer à construire patiemment des coordinations européennes, prioritairement au niveau de l’UE car c’est l’espace politique qui nous concerne en tant que citoyens, et secondairement avec les peuples qui ont des liens géographiques, économiques ou politiques avec l’UE, en se gardant de créer tout rapport de domination et sans exclusive a priori sur les peuples concernés. Il peut s’agir de coordinations de luttes sur les mêmes questions dans différents pays (politiques d’austérité, logement etc.), mais aussi de mobilisations sur des questions qui dépassent les frontières nationales (climat, migrations, libre-échange avec aujourd’hui le projet d’accord transatlantique). Il existe des cadres particulièrement actifs, aujourd’hui celui de Blockupy à Francfort dénonçant la BCE, ou celui d’Agora 99 en Italie, qui devraient déboucher sur des initiatives en 2014. Ce combat peut aussi utiliser les institutions européennes comme instruments pour diffuser notre message, notamment le Parlement européen où siègent des parlementaires en accord avec notre démarche. Nous continuerons donc à participer aux dynamiques que nous avons construites avec d’autres ces dernières années, en travaillant à élargir les cadres d’alliances pour y inclure de nouvelles thématiques, mais aussi à dépasser les différences de tradition organisationnelle et de pratiques.

Si le patronat européen a pu si facilement imposer ses idées au niveau de l’UE, c’est aussi par ce que n’existe guère d’espace public à l’échelle de l’Union européenne : il n’y a pratiquement aucun espace qui permettent à tous les citoyens de l’UE de discuter entre eux des projets politiques, de les appuyer ou de les contrer, de faire des propositions à l’échelle de l’UE. Les moyens donnés aux citoyens de l’UE sont donc essentiels. Nous tenterons de construire cet espace public de l’UE, qui donnera la possibilité de débats directs entre tous les citoyens de l’UE.
Cependant, les communautés politiques et sociales continuent à agir très largement au niveau des États. L’UE ne pourra donc pour l’essentiel évoluer qu’à partir des actuelles et futures mobilisations nationales. Pour cela, nous devons, dans tous les pays de l’UE où cela sera possible, proposer des points de rupture issus et soutenus par des mouvements sociaux et que porteraient des gouvernements progressistes. Pour être victorieuse, une telle rupture, démarrée à l’échelon national, devra pouvoir s’appuyer en outre sur des forces sociales et politiques puissantes dans les autres États membres de l’UE.

Un tel projet s’inscrit dans la perspective de construire une coopération et une réelle solidarité entre peuples de l’UE. Cette idée implique que les rapports de force existant dans un pays puissent amener des forces progressistes au gouvernement et proposer de nouveaux cadres d’alliance qui dessineraient une alternative à l’UE existante. Ce serait donc une rupture démarrée à l’échelon national et s’inscrivant tout de suite à l’échelle de l’UE, sans pour autant inclure d’emblée l’ensemble des pays actuellement membres de l’UE. Les ruptures doivent s’inscrire dans les résistances concrètes aux traités d’austérité mis en place.

C’est dans l’articulation de mouvements s’affirmant à l’échelle nationale, plurinationale et de l’UE que des solutions pourront se dessiner. Elles seront porteuses d’espoir et ouvertes à l’ensemble des peuples qui pourront se reconnaître dans de telles démarches. Il s’agira donc pour nous de construire, avec d’autres, des mobilisations s’appuyant sur les méfaits des politiques néolibérales imposées par les institutions de l’UE et appuyant les choix de rupture introduits par un ou des gouvernements progressistes ailleurs au sein de l’UE.

Les Attac de l’Union européenne s’inscrivent dans une telle démarche et œuvrent avec leurs partenaires de l’UE à un partage des analyses et à une meilleure coordination des luttes et initiatives de solidarité. L’université européenne de 2014 sera une occasion de débattre en ce sens, de contribuer à construire cette démarche d’ensemble.

Par ailleurs, nous pensons qu’un travail est nécessaire pour distinguer l’Europe comme réalité géographique de l’Union européenne comme ensemble d’institutions et de politiques. Le terme « européen », appliqué aussi bien à la géographie qu’aux institutions européennes, laisse penser que ces dernières ont vocation à incarner l’Europe en tant que réalité historique et géographique : l’amalgame n’est pas acceptable. Le terme adéquat pour parler de l’Union européenne reste à trouver : certains ont proposé « europunien », « eurunien » ou « européen-uni ». La bataille politique est aussi une bataille sémantique.

Cette résolution est proposée par Robert Joumard, Michel Christian et Marc Brunet avec le soutien d’Attac Rhône

P.-S.

* Pour un débat clair et sans ambiguïté, il n’est plus possible de confondre ce qui a trait à l’espace géographique de l’Europe – ce qui est européen – et ce qui a trait à l’espace politique de l’Union européenne – ce qui est appelé ici europunien, même si un autre terme peut être choisi. L’adjectif européen est cependant toujours utilisé dans des expressions communes ou légalement reconnues sous cette appellation, comme le Parlement européen par exemple.

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