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Au Nord comme au Sud, la critique sociale altermondialiste porte contre les dominations (Christian Delarue)

samedi 23 juin 2012, par Groupe Société-Cultures

Contribution faite à l’AG de Rennes (2011), dans le cadre de l’atelier "Crise de société et alternatives".

La critique sociale matérialiste et altermondialiste (1) s’en prend aux multiples dominations agissantes au sein des divers rapports sociaux.

Classiquement, les rapports sociaux se distinguent des relations interpersonnelles occasionnelles ou choisies. Les rapports capital/travail sont nécessaires en système capitaliste puisqu’il faut travailler pour vivre. Les rapports propriétaire/locataire le sont aussi. Il y en a bien d’autres. Les rapports hommes/femmes sont un autre type de rapport où la domination s’exerce. Mais la notion de "générations futures" telle que posée par les écologistes tend à relativiser la notion de rapport social au profit de celle d’écosystème au sein duquel agit le système capitaliste et son mode de production, de distribution et de consommation.

Dans son entreprise, la critique sociale essaie de montrer des cohérences théoriques mais ce n’est pas toujours aisé. De plus, aucune doxa altermondialiste ne pousse à une synthèse intégrative de compréhension de toutes les dominations. La critique avance et s’enrichit par le libre débat dans un cadre collectif ouvert et horizontal. Ce mode d’articulation de la théorie et de la pratique n’empêche pas la promotion d’alternatives différenciées. Cela n’empêche pas non plus d’œuvrer à des convergences pratiques entre les différentes luttes de résistance ou le cas échéant de libération.

Introduire ainsi la question sous la forme de la pluralité des dominations incite à une sorte d’énumération des formes de domination. De ce fait, la critique sociale altermondialiste peut apparaître comme relevant d’une "scientificité molle" qui serait le pendant de son ouverture et de son pluralisme. Pour diminuer cette relative faiblesse, soulignons qu’il est largement admis que la domination proprement capitaliste est venue accroître les autres dominations préexistantes (sexisme, racisme, guerres et emprise de vieux empires sur des territoires, patriarcat, etc.). Elle en a rajouté : au-delà de la technologie le technologisme superfétatoire, au-delà de la production pour les besoins le productivisme capitaliste, au-delà du travail nécessaire à la production marchande simple le sur-travail intense et sous-payé pour le capital et aujourd’hui pour sa fraction finance ; etc.

Pour le social et l’écologique, approfondir les solidarités et la démocratisation.

* Globalement, on peut distinguer deux ordres de domination globale, celles exercées contre la nature et contre les humains. En fait, les deux sont reliées de façon systémique. Mais chacun en fonction de son type de critique ajustera à sa façon la synthèse. Certains évoquent la perspective éco-socialiste. Mais de façon générale, la critique sociale altermondialiste est ouverte et à l’écoute des différentes expertises. An sein d’un même paradigme critique d’ensemble, comme le marxisme, on trouve d’ailleurs des synthèses critiques fort différentes. En pratique, l’altermondialisme lutte de façon démocratique contre les deux formes de domination citées et ce pour un monde écologique et solidaire (ou social en interne).

* Concernant les dominations contre les humains on peut pointer le "classisme", le sexisme, le racisme qui en sont les plus importantes mais pas les seules. On pourrait ajouter le nationalisme, la xénophobie, l’impérialisme, le néocolonialisme, l’emprise du religieux sur l’Etat, etc.

Dans ce cadre, pointer la domination de classe de la bourgeoisie, de toutes les bourgeoisies contre tous les peuples-classe du Sud ou du Nord est chose essentielle et même très importante mais jamais suffisante. Notons quand même que tous les peuples-classe du monde cela constitue une sorte de très vaste humanité-classe opposée aux différentes classes dominantes. Mais les dynamiques sont beaucoup plus complexes du fait de l’existence des Etats-nations et des zones continentales de relative intégration économico-politique comme l’Union européenne.

La notion de peuple-classe est ouverte et non dogmatique. Elle laisse ouverte la question de l’agencement interne en terme de groupes, de classes, de couches sociales et même de communautés (Ferdinand Tönnies), etc. Sa seule charge critique est de montrer une classe dominante.

A propos du 1% d’en-haut ou l’hyperclasse (2).

L’idée toute récente de montrer dans chaque pays une classe dominante évaluée à 1 % de la population d’un pays est trompeuse. Il convient de se montrer prudent sur cette vulgarisation qui apparaît fausse. Elle semble s’appuyer sur une distinction entre mauvais capitalisme (la finance) et bon capitalisme (l’industrie) comme si l’on pouvait distinguer nettement les deux en pratique. De ce fait, elle contient une alliance de classe non dite entre le peuple-classe et une fraction de la classe dominante. C’est une conception sociale-démocrate que les altermondialistes doivent refuser, y compris celles et ceux qui ne refusent pas une alliance de classe avec une fraction des propriétaires du capital. La chose n’est pas nécessairement honteuse mais elle doit être dite.

Altermondialisme, austérité, et conception des classes au sein du peuple-classe.

La critique sociale altermondialiste est plus encline à modifier la conception des classes pour y intégrer les nouvelles problématiques comme celle par exemple de l’austérité, et donc de la sous-consommation des uns (les prolétaires salariés ou paysans) et de la surconsommation des autres (3) et de façon générale le rapport au marché . Le rapport au marché s’exerce via la solvabilité (pouvoir patrimonial) et sa prise en compte débouche sur la distinction prolétaires/non prolétaires, selon une définition différente de celle qui s’en tient aux rapports sociaux dans la production. Ces derniers ne sont pas à négliger. Ils sont déterminants pour dire qui est exploité et qui est l’exploiteur , ou pour le dire autrement, "qui vend sa force de travail au propriétaire du capital pour vivre (le salariat).

Mais on ne saurait s’en tenir là. Certains travailleurs salariés quoique dominés du fait du salariat disposent de deux ordres d’avantage social de type "petit-bourgeois" (sans connotation péjorative) : d’une part des revenus mensuels conséquents qui font qu’ils n’ont pas ordinairement des fins de mois à zéro et d’autre part un rapport de pouvoir lié au travail d’encadrement intermédiaire contre le prolétariat d’exécution.

Le volet production incite à distinguer la production marchande orientée vers le profit de la production non marchande orientée vers la distribution de valeur d’usage. L’altermondialisme défend cette option dans le cadre d’un alterdéveloppement démocratique des sociétés à la fois plus écologique et plus social.

Christian DELARUE

ATTAC France

1) Comme arrière-plan théorique, on signalera sans autre développement que Paul-Laurent Assoun et Gérard Raulet, défendent (in Marxisme et théorie critique) que "c’est avec Feuerbach que se fixent l’usage et le contenu du concept de critique" (p33) Il s’agit d’une critique de la philosophie de Hegel.

2) Lutte de classe : La classe dominante se réduit-elle à 1% ?

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1959

3) VIE CHERE : Sous-consommation, surconsommation et classes sociales.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1858

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1962