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Abolir le système prostitutionnel

4 avril 2014, 23:13, par Huayra

Bonjour,
François écrit que « cette activité (comme une soupape de sécurité ) évitera bien des violences ».
Or, justement, on ne peut faire abstraction des violences omniprésentes dans la prostitution : lors des étapes de recrutement, de traite, lors de parcours de dressage d’une extrême violence destinés à casser les personnes recrutées avant de les « mettre sur le marché » de la prostitution, ainsi que dans la pratique de la prostitution face aux agressions et menaces de proxénètes et de clients. Enfin, ces violences pour les personnes qui les subissent s’ajoutent à celles inhérentes à la prostitution : la pratique répétée d’actes sexuels sans désir a des conséquences profondes sur la santé physique et psychique des personnes prostituées, qu’elles soient dépendantes d’un proxénète ou non. « Le taux de mortalité des personnes en situation de prostitution est six fois plus élevé que celui du reste de la population » rappellent plusieurs médecins dont Axel Kahn et Judith Trinquart.

D’autre part, les personnes prostituées ne sont pas des rustines ou les composants d’une « soupape de sécurité », ce sont des êtres humains ! Or, pour la construction d’une société plus égalitaire, on ne peut accepter qu’un groupe d’êtres humains soit dédié à satisfaire les désirs sexuels des autres. La « libido frustrée » dont parle François ne justifie en rien ces violences. Les féministes des années 70 se sont battues pour que la société change de regard sur la sexualité et le désir des femmes -revendiqués notamment en dehors de la seule satisfaction des désirs des hommes. La prise en compte des notions de désir, de plaisir –notamment ceux des femmes- a contribué à faire évoluer le droit en reconnaissant le délit, puis le crime de viol, puis en condamnant le viol conjugal.

Qualifier les violences, les distinguer de la sexualité, mettre à jour les rapports de domination qui sous-tendent la prostitution permettent aujourd’hui que des femmes et des hommes qui subissent les violences de la prostitution puissent trouver des recours, être accompagné-es, que puisse être pensée la sortie de prostitution, mais aussi la prévention d’entrée dans la prostitution.
Lorsque l’esclavage a été aboli, les personnes placées en esclavage n’étaient pas les seules concernées, et le « consentement » de certaines d’entre elles n’était pas suffisant pour justifier l’une des pires exploitations humaines et son organisation. La société a choisi à ce moment de ne plus tolérer qu’un groupe d’êtres humains soit la propriété d’un autre. En ce qui concerne la prostitution, il ne s’agit pas d’évaluer une expérience individuelle, mais de penser le choix de société que nous voulons. Souhaitons nous organiser la prostitution comme en Allemagne où les proxénètes sont devenus d’officiels chefs d’entreprises et où il arrive que la prostitution soit proposée aux chômeuses ? Ou souhaitons-nous construire une société plus égalitaire, qui défende le droit de tous et toutes à ne pas se prostituer ?