Accueil > Groupe Société-Cultures > Contributions (vie associative) > Projet d’éducation populaire (dans les domaines de l’histoire, de (...)

Projet d’éducation populaire (dans les domaines de l’histoire, de l’interculturel, des médias et de l’économie de la connaissance)

Groupe Société-Cultures

vendredi 7 septembre 2012, par Groupe Société-Cultures

L’éducation populaire, la construction et le partage des savoirs, pour agir en citoyens libres et solidaires et contribuer ce faisant à l’émancipation sociale, constituent l’un des objectifs principaux de l’association. La réaffirmation et l’actualisation de ce principe s’imposent dans un contexte social marqué a contrario par le désengagement, ces dernières années, des pouvoirs publics en matière d’éducation publique. La chute du sarkozysme offre l’opportunité de réhabiliter cette composante de la vie sociale, objectif affirmé par la nouvelle équipe au pouvoir (constitué de nombreux enseignants). Cela dit, la reconstruction citoyenne nécessite des démarches créatives et autonomes, si possible autogestionnaires. Comment Attac peut-il contribuer à cette démarche ? Quels objectifs, contenus et moyens donner à l’éducation populaire dans ce contexte ?

I- Objectifs du projet

Le rôle d’Attac est de contribuer à l’éducation à une citoyenneté altermondialiste. Cette éthique sociale et politique se construit d’abord dans le combat à l’encontre des régressions idéologiques enregistrées sous l’ère néo-libérale en Europe et en France. Ainsi, la montée des extrémismes populistes, xénophobes et autoritaires est symptomatique d’une perte de repères et de valeurs, comme le montre aussi au niveau de la jeunesse une progression des violences et dépendances. Le règne de l’individualisme concurrentiel régnant aussi bien dans le monde du travail (entreprises, administrations) que dans un monde médiatique souvent virtuel contribue à la déperdition des liens entre les générations (dans le temps) comme entre les différentes catégories sociales et entre les peuples (dans l’espace). Enfin, s’agissant plus particulièrement du système éducatif, il est enfermé dans une gestion technocratique sans véritables perspectives alternatives, pour l’instant.

L’émancipation à l’égard de ce cadre national et européen, qui risque de devenir un carcan dans le contexte de la crise néo-libérale, est nécessaire. Des lignes de force progressistes se dessinent pour reconfigurer les évolutions sociétales en gestation. Ainsi, des mobilisations à caractère historique se développent dans le monde arabe depuis deux ans en faveur de la démocratisation des pays. En solidarité, le mouvement des Indignés fédère de nombreux citoyens désireux d’alternatives hors de tout cadre hiérarchique, mais comme il ne dépasse pas une autogestion horizontale des alternatives sociétales, leur efficacité demeure pour l‘instant réduite.

II- Education aux fondamentaux et emblèmes historiques

Pour contribuer à « vertébrer » la reconfiguration anti-libérale, l’humanisme altermondialiste nécessite entre autres de se réenraciner et de renouer avec les fondamentaux de l’histoire des peuples et des mouvements sociaux et citoyens. Ainsi, le renouveau politique de l’Amérique latine est conditionné à sa réappropriation de l’histoire bolivarienne et indépendantiste.

L’histoire française ne manque pas non plus de repères significatifs ; une ou deux dates correspondant à des événements phares du mouvement social pourraient être objets de commémoration : concernant la Commune de Paris (le 28 mai 1871, fin de la semaine sanglante) et/ou le programme de la Résistance édicté le 15 mars 1944, par exemple. Un travail de mémoire, déjà entrepris mais abandonné, à l’occasion de ces anniversaires, contribuerait à se réapproprier des éléments de culture populaire et à transmettre leurs enseignements aux générations qui suivent.

III- Education à l’interculturel

Comme le préconisent des membres de la commission Migrations (dont la contribution est en annexe), la composante (inter)culturelle est également à renforcer dans le mouvement altermondialiste : le combat légitime à l’encontre des dominations socio-économiques ne peut se réduire à ce secteur et à ses secteurs proches, l’écologie par exemple. La mondialisation-médiatisation néo-libérale instrumentalise, via le monde des médias, le secteur culturel et les questions psycho-sociales, anthropologiques et géo-politiques afférentes. Dans le contexte de la crise, l’extrême-droite nationaliste et ethniste (voir l’émergence de blocs identitaires dans certaines régions historiques) récupère à cette occasion la problématique de l’identité, nationale ou régionale selon le cas. La domination atlantiste entraine de son côté une forte déculturation, la dérive en étant la médiatisation d’une sous-culture dite people.

Pour la troisième fois, un forum social mondial va se tenir dans un pays d’Afrique francophone (Nairobi en 2006, Dakar en 2011, Tunis en 2013), signe de la vitalité de ce continent, de son apport à l’altermondialisme. Le dialogue avec ses cultures marquées par leur différence et leur caractère alternatif est à faire fructifier dans le cadre d’une francophonie des peuples et de progrès, opposée à une gestion néo-coloniale et paternaliste de cette communauté de destin. Dans le cadre d’un « Tunis étendu », un partenariat entre des Attac d’Afrique et des comités locaux volontaires serait précieux ; des représentants de l’immigration peuvent jouer un rôle de médiation. Il importe aussi de renforcer notre participation aux coordinations de la diaspora : réseau Anti-colonial, Inter-collectifs du monde arabe, Afrique, du monde des migrations… Une commémoration des mobilisations populaires dans le monde arabe et en Afrique pourrait être effectuée, par exemple le 17 décembre date-anniversaire du début de la révolution de jasmin en Tunisie.

D’une manière générale, l’application en interne du principe de diversité correspond aux aspirations d’une majorité de la société et de sa jeunesse, multiculturelles de fait. Associé au principe de parité, il peut contribuer à dynamiser la vie associative.

IV- Education aux médias

La gestion néo-libérale des enjeux interculturels bénéficie de l’outil médiatique. Comment se réapproprier cet outil à des fins d’éducation populaire et altermondialiste ? Un travail sur les stéréotypes sexistes, racistes et xénophobes, sur la culture de la violence à l’écran et les représentations décadentes de la culture people (star system, politique spectacle…) serait intéressant.

Par ailleurs, l’absence de traitement de l’actualité dans les Dom-Tom et en Afrique sub-saharienne est-il acceptable après la chute du sarkozysme ? Un silence pesant a règné récemment sur la grève générale en Guadeloupe, sur les mobilisations populaires au Togo et au Gabon, sur la destabilisation de la Côte d’Ivoire et du Mali, pays victimes des rapports de force inter-impérialistes et des reflux géo-politiques (voir les communiqués de Survie )… Prendre le contrepied de ces archaïsmes républicains, instrumentalisés par l’extrémisme droitier, faire évoluer les mentalités nécessite de pratiquer une politique médiatique inverse, de mise en exergue des événements des Suds.

V- Economie de la connaissance/capitalisme cognitif

A ces volets d’éducation citoyenne à caractère éthique, pourrait être rajouté un travail spécifique concernant l’économie de la connaissance : quelle instrumentalisation est faite par le système néo-libéral des sciences et techniques, de l’économie ? Quelle promotion faire des secteurs minorisés, tel celui des sciences humaines et sociales ? Une telle problématisation permettrait de rallier des universitaires acquis au combat anti-libéral (LRU…) à la cause altermondialiste, à partir de leur champ socio-professionnel et des questions programmatiques que la crise génère : quels rééquilibrages opérer en matière de recherche et d’enseignement, pour quels modes de développement... ?

VI- Moyens d’action

Sur la base de ces objectifs, il y a matière à constituer une commission Education populaire. Serait intéressante une collaboration entre représentants du CS (groupe Société-Cultures), de la commission enseignement-recherche, de membres fondateurs spécialisés dans le secteur de l’éducation et du réseau jeunes en construction. Un investissement fédérateur sur ces questions, cultivé en complément des problématiques économico–écologiques et suite à la promotion de l’ESS, contribuerait à à éviter l’écueil d’un objectivisme desséchant.
et à équilibrer les ressources associatives.

Entre autres modalités d’action, il s’agirait de repenser la méthodologie pédagogique en fonction des participants et d’instituer des animations, notamment avec les jeunes, qui partent de ce qu’ils savent et pensent eux-mêmes pour les guider vers des réflexions et des pratiques plus complexes. Ce type de formation implique leur institution dans la durée.

Adda Bekkouche- Martine Boudet- Thierry Brugvin- Christian Delarue- Olivier Labouret- Sophia Mappa- Evelyne Perrin- Juan Roy

-------------------------------------------------------

Documentation de référence

1. Commune de Paris (1871) - Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Commune_de_Paris_(1871)

2. Le programme du CNR - [Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui]
www.citoyens-resistants.fr/spip.php?article113

3. http://www.rfi.fr/afrique/20111019-tunisie-depuis-chute-ben-ali
Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi s’immole par le feu. Il proteste contre la saisie de sa marchandise par la police. Un mouvement contre le chômage et la vie chère se déclenche alors. La « Révolution du Jasmin » est née.

4. VERS UNE SOCIETE INTERCULTURELLE
(contribution de membres de la commission Migrations)

I – INTRODUCTION (Serge Seninsky)
d’après les textes suivants du Conseil de l’Europe :

Livre blanc sur le dialogue interculturel (mars 2010)

Cités interculturelles (avril 2010)

Migrants et lutte contre les discriminations en Europe (juillet 2010)

Le Livre blanc présente ainsi le dialogue interculturel :
« La gestion démocratique d’une diversité culturelle grandissante en Europe – ancrée dans l’histoire de notre continent et amplifiée par la mondialisation – est devenue une priorité depuis quelques années. Comment répondre à la diversité ?…Le dialogue interculturel a un rôle important à jouer à cet égard. Il nous sert d’une part, à prévenir les clivages ethniques, religieux, linguistiques et culturels. Il nous permet, d’autre part, d’avancer ensemble et de reconnaître nos différentes identités de manière constructive et démocratique, sur la base de valeurs universelles partagées. »

Parmi les différentes politiques vis-à-vis des immigrés, deux modèles de société, l’une fondée sur l’assimilationnisme et l’autre sur le communautarisme sont aujourd’hui en difficulté.

L’un, l’assimilationnisme prône l’intégration complète et dénie l’existence d’une diversité culturelle. Il se caractérise par le rejet de la culture de l’autre et la sacralisation de la sienne propre. Il attribue à la culture nationale un aspect figé à laquelle les populations d’origine étrangère devraient adhérer.
Cette politique, qui veut ignorer l’attachement des populations migrantes à leurs pays et à leurs cultures, est en échec.

L’autre, le communautarisme, encourage les différences culturelles en acceptant le risque que cela conduise à un développement distinct, voire séparé dans certaines circonstances.
Le communautarisme adopte la conception schématique figée d’une opposition entre majorité et minorité, entretient la contradiction entre règles communautaires et lois des pays, et freine l’évolution des valeurs. Il est aujourd’hui critiqué y compris dans les pays (essentiellement anglo-saxons) qui l’avaient mis en pratique.

Une politique interculturelle ne se résume pas au rejet de ces deux politiques ; elle vise non seulement le respect de l’autre dans sa culture, mais cherche aussi à enrichir la culture propre de la société d’accueil, pour aboutir à une « intégration réciproque », ou « adaptation réciproque » selon l’expression de Françoise Héritier.
Elle est une avancée, en ce que, à chaque domaine d’application, répond un ensemble de mesures particulières appropriées.
Elle implique des concessions de part et d’autre, qui ne peuvent pas concerner certaines valeurs considérées comme inaliénables : il faut donc définir un socle de valeurs non négociables.
Il y a beaucoup d’obstacles au dialogue interculturel. Certains sont dus à la difficulté de communiquer dans plusieurs langues. Mais ceux liés au pouvoir et à la politique viennent en tête : le durcissement des réglementations concernant les étrangers, l’inhospitalité des pays européens à l’égard des réfugiés, le traitement des migrants irréguliers l’illustrent quotidiennement. La discrimination, la pauvreté et l’exploitation qui touchent particulièrement les personnes appartenant aux groupes défavorisés et marginalisés : autant d’obstacles structurels au dialogue interculturel.

PROPOSITIONS (François Mareschal et Serge Seninsky)

Organisation des groupes minoritaires

Ils sont soutenus par les pouvoirs publics (à tous les niveaux) comme facteurs d’intégration. Les communautés de migrants et les communautés religieuses sont parties prenantes du dialogue interculturel.

Emploi

  Politique de recrutement antidiscriminatoire et favoriser les entreprises qui adoptent une stratégie de diversité dans le recrutement ;

  Supprimer les emplois réservés (comme pour les ressortissants de l’Union européenne) ;

  Faciliter la validation des compétences et qualifications obtenues à l’étranger.

Urbanisme ; logement

  Politique de location antidiscriminatoire ;

  Solidarité entre régions et entre communes pour éviter les ghettos et les ilots de pauvreté ;

  Urbanistes et architectes doivent avoir une formation à la diversité culturelle ;

  Politique d’intégration souple : par exemple, réalisation de maisons de retraite pour personnes de même origine, quand celles-ci le souhaitent.
Education

  Favoriser la mixité ethnique et sociale par le rétablissement d’une carte scolaire adaptée ;

  Incitations et facilités pour acquérir la connaissance de la langue du pays d’accueil ; valoriser les filières du FLE-FLS (français langue étrangère-français langue seconde) et les statuts d’enseignants correspondants

 possibilité donnée d’apprendre à l’école les langues les plus importantes de l’immigration non européenne (arabe, berbère…)

  Fournir une formation interculturelle aux enseignants (en termes de méthodologie anthropologique et comparatiste)

  Dès le plus jeune âge, notions sur les différentes civilisations du monde, incluant sagesses, mythologies et religions comme faits de culture ; approfondissement de ces connaissances au fur et à mesure de la progression des études ;

  Introduire dans l’enseignement de la géographie et des sciences économiques et sociales l’étude critique des effets de la mondialisation libérale au Nord comme au Sud ;

  Promouvoir dans l’enseignement du français la littérature francophone et comparatiste ainsi que l’enseignement à la citoyenneté interculturelle

  Jumelage entre établissements si une polarisation de l’origine des élèves se constate dans certains quartiers, avec des établissements moins concernés.

Medias

-renforcer la médiatisation de la diversité culturelle à l’écran (dans les métiers du journalisme, de l’animation culturelle télévisuelle et radiophonique…)

- faire accéder les chaînes France O, France 24, LCI… au grand public

Ordre public

  Renforcement des législations antiracistes ;

  Recrutement pluriethnique de la police, en fonction de la répartition de la population ;

  Police de proximité pour une bonne connaissance des quartiers ;

  Si l’utilité s’en présente, médiateurs de quartier et de rue.

Perception et sensibilisation

  Campagnes en faveur de la convivialité interculturelle ; organisation de fêtes interculturelles ; promotion du métier de médiateur interculturel (création d’emplois jeunes ou autres)

  Campagnes d’explication autour de la laïcité et des valeurs républicaines ;

  Formation des syndicalistes à l’interculturalisme.

Gouvernance et citoyenneté

  Droit de vote des étrangers ;

  L’embauche des employés des services publics doit refléter la diversité de la population ;

  Formation à la diversité de ce personnel en contact avec le public, et développement des compétences linguistiques et culturelles ;

  Toutes les disciplines professionnelles au sein des municipalités sont concernées par l’interculturel ;

  Les équipements collectifs locaux doivent encourager le brassage interculturel.