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Réflexions à propos de "Bulles cognitives et problèmes démocratiques" (Jeanne Parreau)

Membre de la commission Démocratie

mardi 10 janvier 2017, par Groupe Société-Cultures

Samy Johsua nous a présenté son texte comme "pas très optimiste". Ce n’est pas mon avis, et de fait le sien non plus puisqu’il le conclut par « Eh bien, au travail ! »

Son texte m’a beaucoup plu : il correspond tout à fait à ma façon de percevoir ce qui se passe en ce moment mais que je ne n’avais pas mise en mots, je n’avais pas même pensé à le faire et n’aurais pas su le faire aussi bien.

Voici pourquoi son constat me donne à espérer. Cet espoir je le place dans la recherche des convergences parmi les idées brassées dans les bulles dont il parle, la recherche de leurs communes bases. Je suis sûre que ces bases existent car l’effervescence en ce premier quart du 21ème siècle tient à la situation politique actuelle de la France (dépérissement du fonctionnement de ses institutions et de ses vieux partis) conjuguée à des phénomènes à caractère mondial. Et je suis sûre qu’un jour certains réussiront à formaliser ces convergences ; le renouvellement des idéologies en passe toujours par là et par la formulation conséquente d’utopies créatrices.

1 - L’état de crise auquel la déréglementation des années 80 nous a conduit en ouvrant le champ mondial à toutes les spéculations financières imaginables.  

En quelque sorte la bulle financière créée par les grands organismes financiers internationaux fonctionne comme celles que décrit Samy Johsua : ils échangent entre eux de l’argent constitué de chiffres dans des tableaux en appliquant des règles qu’ils définissent eux-mêmes, sans s’occuper des raisons pour lesquelles cet argent réussit à leur procurer la possibilité de vivre plus à l’aise que tous les autres, ni par quel miracle leur activité vaine, qui ne produit rien de tangible, est aussi lucrative. Ils vivent entre eux, théorisent entre eux : simplement rien dans l’activité du monde ne doit gêner le fonctionnement des mécanismes financiers. Cela ne peut exister qu’autant que le reste de l’humanité ne voit pas qu’il peut aussi s’affranchir des règles : ne pas accepter celles que la finance lui impose, en définir et imposer d’autres qui renvoient toute cette bulle financière à ce qu’elle est : un groupe d’êtres humains qui, coincés sur une île même luxuriante, resterait longtemps incapable d’organiser sa survie. Ils ne sont réellement puissants que par l’acceptation de leur suprématie par tous les autres. Le début de la prise de conscience par certains de nos concitoyens de cette servitude acceptée est une explication de l’apparition des "bulles" dont parle Samy Joshua.

2 - Le bouleversement en cours, loin d’être terminé il me semble, provoqué par les développements de l’informatique, toutes applications comprises.  

Bouleversement du monde industriel, accélération de tous les échanges, qui ont conduit le capitalisme à mondialiser de production et à se concentrer au sein de multinationales en cherchant à maximiser les profits dans une politique à très courte vue. Les dégâts en sont graves avec un risque de pertes énormes de connaissances accumulées au cours des siècles dans tous les domaines de l’industrie humaine révolutionnée par une automatisation réduisant les processus à leur parties s’y prêtant le mieux, ne s’intéressant qu’au profit immédiat, négligeant la globalité de l’œuvre qu’est la transformation de matériaux en un produit consommable par l’homme, accentuant ainsi les nuisances écologiques de ces activités.

Bouleversement de la société humaine par une rapidité extrême de la diffusion d’informations sur des faits de tous les genres, sociaux ou naturels, des débats qui ont lieu n’importe où sur la terre. L’abondance de ces informations pour qui a la capacité (temps disponible, minimum de moyens d’accès) d’en prendre connaissance ne serait-ce qu’en partie, porte à réfléchir, à relativiser ce qui nous est asséné comme évidence dans notre petit coin. L’homme étant un animal social recherche la compagnie de ceux qui se posent les mêmes questions que lui. Autre explication de ces bulles.

3 - Pour la France, le délabrement de tout l’édifice qui sous-tend l’Etat sous la 5ème république.  

Une démocratie qui ne fonctionne plus réellement, réduite à une alternance gauche-droite qui ne réussit plus à masquer l’impuissance de tous les partis qui en profitent, à remettre en cause quoi que ce soit des fondements de notre société, à réussir à résoudre les problèmes qui s’y posent. Ce que est appelé couramment "la vie politique" consiste à gérer au jour le jour, en refusant de voir que la situation s’aggrave inexorablement, éloignant de plus en plus les très riches de tout le reste de la population, augmentant le nombre des très pauvres. Nos vieux partis ne semblent pas se rendre compte à quel point ils sont sous influence de l’organisation sociale telle qu’elle est, incapables d’une pensée véritablement autonome, de proposer quelque utopie que ce soit. Ne semblent pas non plus comprendre que leur impuissance saute aux yeux de beaucoup de leurs concitoyens. Encore une bulle : celle des professionnels de la politique. Parmi nos concitoyens certains commencent à le dire et commencent à mettre en cause la bulle en question

Je suis donc optimiste face à cette situation. La floraison des "bulles" de Samy Joshua vient pour moi du début de l’éveil politique de nos concitoyens autour de la quarantaine qui s’en étaient pour beaucoup désintéressés, de l’accès à la politique des moins de 30 ans et du réveil politique de ceux qui s’étaient endormis après l’ère Mitterrand, la chute du mur de Berlin et la libéralisation financière à tout va.

Car tout cela fournira le terreau d’où germeront des pensées vraiment nouvelles pour une société vraiment nouvelle.

Le 15/01/17 (envoyé sur les listes Démocratie et Démocratie-reelle-discriminations)