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Peuple, peuple, peuple

Christian Delarue

dimanche 9 novembre 2014, par Groupe Société-Cultures

Peuple, peuple, peuple. Cela sonne parfois comme « Europe, Europe, Europe » !

1 - Le peuple c’est tous et personne dit-on souvent.

Ce n’est pas faux. La notion embrasse de trop ! Il suffirait de partager un territoire commun pour que s’effacent les clivages les plus violents et les plus durables. Les grands écarts géographiques (développement inégal des territoires) redoublent de très profondes inégalités sociales. Tous les résidents d’un territoire ne sont donc pas « frères » - loin de là - et ils ne le sont pas parce qu’il existe ces inégalités sociales, et des politiques d’austérité qui approfondissent le tout sur fond d’exploitation, d’oppression et de dominations diverses. Ces dernières sont multiples et internes à chaque nation (ou communauté pluri-nationale). Le fossé entre les puissants et riches et le reste de la population est insoutenable socialement et moralement. Il y a aussi le sexisme, le racisme et avec le retour du religieux, les formes diverses d’intégrisme religieux.

La critique vise donc à dire que l’on trouve dans le peuple plusieurs amalgames selon les points de vue : soit entre les nationaux et les non nationaux, soit entre les citoyens et les non citoyens, soit entre les riches et les non riches, entre les élites et les autres (mais les élites font bien partie du peuple). Elites, bourgeoisies, classe(s) dominante(s), oligarchie, voilà les termes en usage par les divers analystes de la domination économico-sociale et politique. Les altermondialistes et les indignés évoquent à travers la planète le « 1% » d’en-haut - qui est aussi en usage chez des intellectuels (1) - face au peuple-classe (99%) et plus encore le peuple social (90%) d’en-bas.

On entend aussi parler du peuple des couches modestes comme si les couches sociales moyennes étaient hors du peuple. Le peuple défini comme bas-peuple se nommait peuple-classe jadis, au XIX ème siècle. Mais depuis, la composition du peuple social a évolué et il convient d’en tenir compte. Il ne s’agit pas d’oublier les ouvriers et employés de base de la société. Il importe de faciliter une alliance de couches entre les pauvres, les « modestes » et les « moyens » (pour évoquer ici une logique stratificationniste). Mais on peut aussi parler d’alliance de classe au sein du peuple social (90%) et même plus largement du peuple-classe (99%).

2 - Pointons des problématiques et quelques distinctions :

 Peuple objectif ou théorisé d’une part, peuple subjectif ou agissant d’autre part. S’adresser à l’un, le nommer, l’interpeler pour stimuler une alliance des classes et couches sociales formant un peuple subjectif et acteur.

- Peuple englobant (tout entier) ou peuple fraction.

- Peuple ethnique, peuple national, peuple démocratico-citoyen, peuple-monde, peuple autochtone, peuple colonisé, etc… Humanité-classe aussi.

3 - Quid d’une fraction très large du peuple d’en-bas ?

Ne pas réduire le peuple à sa forme statistique certes, ce qui ne signifie pas s’abstenir de son usage à des fins démonstratives, mais ne pas non plus laisser dire "Peuple, Peuple, Peuple" comme on a pu répéter jadis "Europe, Europe, Europe". Le manque de précision nuit au bon usage des mots. Le caractère flou et très englobant de certaines notions prête aussi à manipulation. Autrement dit, il faut développer les différents sens du mot "peuple" comme il convient de dire de quelle Europe on parle. Sans ce travail, on ne dit pas grand chose.

Mon propos critique n’est pas un mépris contre les ignorants. Je ne prétends pas être un spécialiste pointu de l’historique et des définitions du mot "peuple". Ma critique vise les intellectuels parfaitement en capacité de déployer les différentes conceptions du mot "peuple" et qui ne le font pas. Ils participent à la construction de l’ignorance des moins instruits.

4 - Critique : voir les dispositifs abstraits et aller derrière.

Exemple : Les firmes multinationales contre les peuples ou les marchés financiers contre les peuples. Cela revient à dire que des dispositifs abstraits, des structures non humaines et en surplomb des humains se dressent contre les peuples, contre les humains (et contre la nature aussi bien souvent). Le discours dominant abuse de ces références abstraites ou englobantes : l’entreprise ou la société. Là encore, c’est tous et personne. Les clivages sociaux sont masqués. L’injustice sociale aussi. Du coup, on ne se donne pas les moyens de riposter contre les politiques anti-sociales, les politiques d’austérité généralisée.

Mais c’est oublier qu’au sein de ces structures, de ces dispositifs il y a bien des humains et pas n’importe lesquels puisque ce sont ceux, inscrits dans des rapports sociaux, qui sont les plus puissants et les plus riches qui renforcent la puissance de prédation contre le (ou les) peuple-classe (99%) et surtout contre le peuple social (90%) qui représente en somme les couches sociales populaires pauvres, modestes et moyennes.

Christian DELARUE

1) Thomas Piketty parle de la « stratosphère » des riches. Mais il ne s’agit pas seulement de richesse économique, il s’agit surtout de pouvoirs, de prédation sur les autres humains et sur la planète.

http://amitie-entre-les-peuples.org/Peuple-peuple-peuple

« Peuple-classe - 99% »
https://www.facebook.com/peupleclasse.peuplesocial