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Observer les pratiques policières : un contre-pouvoir citoyen

Evelyne Perrin (commission démocratie d’ATTAC et Front social de Paris).

mardi 19 novembre 2019

Débat organisé le 17 novembre 2019 au Lieu-Dit par la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des Avocats de France avec Arié ALIMI, avocat, et des membres de l’Observatoire parisien des libertés publiques.

A l’image de ce qui s’est fait à Toulouse, Montpellier ou Bordeaux, la Ligue des droits de l’Homme en partenariat avec le Syndicat des Avocats de France a créé un Observatoire parisien des libertés publiques se donnant pour mission de rendre compte des stratégies actuelles de maintien de l’ordre par une présence concrète sur le terrain des manifestations.

I. Comment créer un contre-pouvoir citoyen et « réprimer la répression » ? par Arié Alimi, membre du bureau national de la LDH

Alors que la liberté de réunion pacifique et le droit de manifester sont des libertés fondamentales et des droits constitutionnels essentiels en démocratie, les autorités publiques se livrent à des atteintes très graves et réitérées à ces droits, comme l’ont montré entre autres exemples le traitement par ces autorités de la manifestation pour le climat du 21 septembre 2019 et celui de l’anniversaire du mouvement des gilets jaunes le 16 novembre 2019.
Le 16 novembre, la manifestation déclarée qui devait partir à 14H de la Place d’Italie s’est vue nassée par les forces de l’ordre et déclarée interdite par le Préfet Lallement avant de pouvoir démarrer, les personnes présentes ont subi un gazage démesuré et une répression sanglante avec des tirs de LBD et GLI-F4 sans pouvoir quitter la place.
La loi anti-casseurs permet d’interpeller préventivement, le fait de dissimuler partiellement son visage ou de se protéger des gaz lacrymogènes très toxiques est assimilé à l’intention de commettre des violences…Or les LBD et GLI-F4 sont reconnues comme matériel de guerre. Le simple citoyen devient un ennemi intérieur.
On assiste à la conjugaison de trois types de répression, une répression policière, judiciaire et administrative, ainsi qu’à une guerre médiatique.
Jusqu’ici le droit d’expression passait soit par l’écriture, soit par la manifestation, soit par le journalisme. Les journalistes qui viennent encore sur le terrain ont vu plusieurs d’entre eux se faire interpeller ou blesser.
Il faut pourtant observer et montrer à voir ce qui se passe, non seulement les violences mais les pratiques policières, les analyser et en établir et publier des rapports. C’est le rôle des observatoires.
La seconde manière de donner à voir, c’est de poursuivre en justice. Nous ne devons pas penser que nous sommes minoritaires et pris dans une relation verticale. Il nous faut utiliser le pouvoir judiciaire même s’il est inféodé au pouvoir que nous avons mis en place, et malgré l’impunité dont bénéficient systématiquement les auteurs publics de ces violences. Ce n’est pas le résultat qui compte, mais le fait de donner à voir. Nous devons multiplier les plaintes. Les médias sont aguichés quand on porte plainte.
Certes il est très difficile de déposer plainte contre les ministres ou le chef de l’Etat qui sont protégés ; les ministres ne peuvent être jugés que par la Cour de Justice de la République, qui refuse de faire l’enquête le plus souvent ; mais on peut déposer plainte contre les préfets et les procureurs de la République, et cela peut avoir des effets directs (procureur muté après les violences subies par Geneviève Legay), il nous est arrivé de faire condamner des préfets. Et même si l’on n’y parvient pas, cela laisse des traces, exploitables ultérieurement.

II. Présentation de l’Observatoire parisien des libertés publiques

L’Observatoire parisien a pour objectifs de documenter les pratiques policières par l’observation sur le terrain, de relever l’utilisation abusive des procédures, notamment judiciaires, de recueillir des témoignages, et d’informer de leurs droits les personnes concernées par ces pratiques. Des observatrices et des observateurs sont présents là où s’exercent ces pratiques, par groupes de trois, avec une chasuble blanche, un casque et un masque de chantier ; ils ne manifestent pas, ils prennent des notes, filment en vidéos, recueillent des témoignages ; chaque observation donne lieu à un rapport rendu public afin de sensibiliser les citoyens, les acteurs de la justice et les pouvoirs publics, d’alimenter le débat d’intérêt général sur les libertés et d’apporter une réponse collective à ces dérives. Il existe des Observatoires à Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nantes, Lille, Nice, Quimper, et en Seine Saint-Denis. C’est un contre-pouvoir citoyen.
Mais nous avons besoin d’être plus nombreux, rejoignez-nous, et aussi d’être soutenus, par des dons, pour couvrir nos besoins (achat de matériel, etc…).

Pour contacter l’Observatoire parisien :
contact@obs-paris.org
L’Observatoire de Seine Saint-Denis :
contact@obs93.org tel : 07 67 29 36 66

Guide du manifestant :
http://site.ldh-france.org/paris/nos-outils/

Pour un accompagnement dans vos démarches juridiques ou pour alerter sur des violences commises par les forces de l’ordre :
stopviolencepoliciere@ldh-france.org

Annexe


Glossaire
des interventions internationales sur les politiques du maintien de l’ordre dans le cadre des Gilets Jaunes :

  Conseil de l’Europe, Mémorandum sur le maintien de l’ordre et la liberté de réunion dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes » en France, 26 février 2019
CommDH(2019)8 : https://rm.coe.int/memorandum-sur-le-maintien-de-l-ordre-et-la libertede-reunion-dans-le/1680931add

  Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 14 février 2019 sur le droit à manifester pacifiquement et l’usage proportionné de la force (2019/2569(RSP)) : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP// TEXT+TA+P8-TA-2019-0127+0+DOC+XML+V0//FR

  ONU, Communiqué de presse de Seong-Phil Hong, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association : https://news.un.org/fr/story/2019/02/1036341

  Discours de Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU réclamant une enquête sur les violences policières en France, 6 mars 2019 :
https://news.un.org/fr/story/2019/03/1037951