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Un autre monde est possible

Serigne SARR (ASSOCIATION POUR LA DÉFENSE DES DROITS DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT-SÉNÉGAL)

lundi 20 septembre 2021, par Groupe Afrique

Les démocraties « pyramidales » fondées sur des principes hiérarchiques et les révolutions successives ont-elles apporté aux peuples et aux individus le respect des droits fondamentaux, la liberté et la dignité ?

Au-delà de l’indignation et de l’engagement, quel sens de la vie partager pour survivre et vivre décemment ?
Comment la jeunesse actuelle peut-elle sans violence porter ses rêves de changement et d’évolution, les faire aboutir ? Pour cette génération, la tache est immense. Il s’agit d’évoluer, soit de passer de sociétés de corruption et de profits cyniques, de pouvoirs avides et cupides soumis aux lois de la productivité et de la rentabilité demandant « toujours plus », productrices de nouveaux esclavages ( dettes, crédits, pillages des ressources, oppression des populations les plus fragiles ), des sociétés pour lesquelles la perte d’une vie humaine est un dommage collatéral... à une humanité privilégiant la cohérence et la justesse des choix pour chacun, la justice et la dignité pour tous.

La « révolution utile » commence en soi grâce à l’éducation et la réflexion. C’est une quête, une recherche pour adapter les besoins aux ressources disponibles, mettre ses espérances en mouvement et fonder ses aspirations sur les valeurs que peuvent partager les femmes et les hommes de notre époque.
Car nous devons avancer ensemble, non pas les uns contre les autres pour maintenir le pouvoir entre des mains cupides, en éliminant des adversaires ou en bâtissant des obstacles qui perpétuent les discriminations et les inégalités, durcissent les rapports de force. Nous ne pouvons plus vivre à crédit, c’est la faillite des états. Nous ne pouvons plus accumuler aveuglément déficits et dettes. Nous devons réduire les factures et les fractures.

Si les sociétés sont des univers de contradictions, d’héritages culturels multiples et de conditionnements sociaux différents, elles sont composées d’individus qui portent en eux ces mêmes univers contradictoires.
J’invite chacun à progresser volontairement, personnellement, pour affirmer ses droits, les faire respecter, faire le point pour poser les problèmes, trouver les solutions les plus simples, la gestion la mieux adaptée au plan local, aux réalités du terrain, mettant en adéquation les solutions avec les ressources pour une meilleure autonomie, sans pour autant ignorer l’ensemble, la globalité, la diversité. Agir avec justesse, réagir sans passion, résoudre les conflits avec justice, est donc une tache considérable mais indispensable à accomplir.


L’écologie
replace les projets des femmes et des hommes au coeur des réalités sociales et économiques, au coeur de l’humanité. Elle invite à considérer les choix que nous faisons avec relativité, à les assumer avec fermeté pour la bonne santé et le mieux-vivre de tous. Par exemple, la question de l’eau est une question primordiale. Ici elle coule à flots, là-bas, elle ruisselle dans des caniveaux insalubres, ailleurs elle stagne dans des mares ou des puits, beaucoup n’y ont même pas un accès facile... Nous la polluons partout sur la planète. Plus une société est industrialisée, plus son agriculture est intensive, plus les sols et les nappes phréatiques s’imprègnent de produits chimiques, des déchets et des résidus d’une production et d’une consommation effrénées. Or chacun a le droit de disposer d’une eau saine en qualité préservée ou restaurée, et en quantité suffisante pour vivre dignement, sainement et pour assurer son développement dans la cohérence et le respect de la ressource.

Des choix que nous faisons, dépendent notre liberté ou notre emprisonnement, notre empoisonnement... dépendent notre amour de la vie ou l’accumulation des angoisses, des peurs, des haines... dépendent la régénération des milieux vivants ou leur destruction par les armes et les poisons. De ces choix, dépendent les valeurs de justice, de dignité, d’égalité, de solidarité, d’éducation, de créativité, de bonne santé, de partage. Nous récoltons les fruits que nous semons, faisons donc attention aux graines que nous plantons !
La récolte appartiendra aux générations en gestation. Si nous semons la division, elles récolteront les injustices.
Voilà où se situe la responsabilité de chacun et de tous, dans une attitude active et consciente pour définir par le dialogue l’utilité et la pérennité des projets que nous engendrons et réalisons.
L’humanité a un potentiel d’énergie considérable et des ressources d’intelligence créative ignorées.
Reconnaissant l’autre comme l’égal de soi même, nous nous sentons solidaires de sa détresse et de sa réussite, Reconnaissant la femme comme l’égale et la partenaire de l’homme, nous savons que nous avons les mêmes devoirs et les mêmes droits.
Les richesses de la planète ne sont pas inépuisables. Elles appartiennent à la terre. L’humanité en est gardienne et utilisatrice. De nos attitudes créatives ou destructrices, de notre capacité d’ouvrir nos esprits pour être avec et non à côté ou contre, dépendent le choix des options de développement.
Seuls, isolés, nous avons des idées, mais les idéologies qui se veulent dominantes et les doctrines personnifiées mènent aux désillusions. Rien n’est pire que la solitude, quelle soit celle de la misère ou celle des dictateurs tout-puissants qui sèment la mort, le meurtre, le crime, assassinent.
Ensemble, nous avons la mission d’établir le dialogue, l’échange et le partage des expériences. De ce terreau fertile, peuvent émerger les réponses utiles à tous et à chacun. Celles-ci doivent toujours servir la dignité de la femme et de l’homme, faire reculer la détresse et le désespoir.
Comment accepter que des jeunes gens s’immolent par le feu pour crier au monde leur désespoir et leur désespérance ! Quel échec, quelle douleur pour tous !

Nous engageons notre responsabilité en permettant à toutes les intelligences de s’épanouir, pas seulement l’intellectualisme, avec des idées, des pensées et de l’esprit, des expériences d’apprentis sorciers, mais d’abord l’intelligence du coeur où s’abrite le courage d’être soi avec les autres, le courage qui rassemble pour éviter les dérives fondées sur des rapports de force. Inventer la paix n’est pas utopie, c’est un choix en toute conscience pour établir et nourrir des relations de reconnaissance et de renaissance mutuelles.
Dans le coeur, dans le courage, résident les sentiments humains de cordialité, de solidarité, d’amitié que les individus et les peuples ont besoin d’exprimer pour appartenir à la grande famille humaine toute entière.
Chacun peut s’engager pour prendre la parole, donner son point de vue, écouter le point de vue des autres, évaluer ses besoins avec justesse, chercher des solutions renouvelables et cohérentes qui enrichissent la collectivité sans augmenter la dette, avoir la foi en soi et partager la confiance en l’avenir pour agir, rechercher toujours l’harmonie et non la confusion, l’élimination, la discrimination, l’expression des attitudes extrêmes, éviter d’inventer des catastrophes, éviter de plonger dans les désastres et de les consommer, tendre vers l’harmonisation des exigences de la vie avec la satisfaction des besoins essentiels, ceux qui garantissent la dignité, manger et boire sainement, avoir un toit, faire partie d’une famille humaine, partager les taches et les fruits du travail accompli, ouvrir les esprits et ses pensées à toutes les réalités sans ignorer les plus cyniques. La lucidité est essentielle pour avancer sur le bon chemin, établir une échelle de valeurs humaines qui assurera le respect de chaque personne, la paix de tous les peuples, la dignité des enfants que nous mettons au monde.

La terre mère et l’âme des peuples
possèdent des trésors de relations nouvelles inexplorées en leurs seins.
Quand l’analyse disperse, divise et sépare, la synthèse rassemble et simplifie.
Orienter avec justesse son analyse, son regard au plan local est une responsabilité. Mais celle-ci ne peut faire l’économie d’une intégration adaptée, d’une vision plus large, plus vaste, synthétique et globale.
Un vaste mouvement est né non pas pour couper les têtes couronnées par l’abus des pouvoirs, l’argent, la guerre, la corruption, le profit à court terme et autocentré, mais pour les empêcher de nuire à la majorité trop silencieuse car mal, peu ou non éduquée.

Plus que la voie de la complexité et de la compétitivité, la recherche de la voie de la simplicité et de l’équilibre, celle de l’harmonie avec patience, persévérance, conviction et pondération, le retour à l’autonomie au plus proche de la terre et de la personne humaine, garantira l’élaboration des relations pacifiques et une coopération pour que cessent les dérives capitalistes des banques et des lobbies industriels. Les techniques et les sciences ne peuvent plus être au service de la performance et de la compétition, elles doivent être au service de la dignité, de la justice pour le respect du droit.
Chaque individu doit apprendre à ne pas vivre à crédit en laissant les dettes, les déficits, les miettes à ses enfants. Il doit comprendre que la vie repose dans l’instant présent sur l’intelligence des équilibres, sur la quête de l’harmonie.

Oui un autre monde est possible. Un autre monde est en mouvement. Chacun y revendique sa citoyenneté planétaire et son individualité locale. La notion de justice prend racine dans le droit, dans la déclaration universelle des droits de la personne humaine, et sur l’éducation à une conscience individuelle lucide, active et responsable.

Serigne Sarr