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Samir Amin, « national-populaire » et peuple-classe

Christian Delarue

dimanche 21 octobre 2018, par Groupe Afrique

Il me faut dire auparavant qu’il fut, outre ses ouvrages théoriques-critiques, un brillant marxiste ex-maoïste devenu altermondialiste (pour un autre monde possible) . Qu’il est le créateur (avec d’autres – 2) du Forum mondial des alternatives -FMA). Qu’il a participé à plusieurs Forums Sociaux mondiaux (FSM).

Samir Amin est devenu, du fait de sa puissance critique dans plusieurs domaines théoriques et pratiques, en quelque sorte l’Ernest Mandel – grande figure de la IVe Internationale décédé le 20 juillet 1995 – d’une future Ve Internationale des peuples-classes (composition sociale) et d’une Internationale porteuses d’alternatives allant vers le socialisme (double contenu donc) ! (3)

– NATIONAL – POPULAIRE

Venons-en à une formule parfois employée par lui : le « national-populaire » (notamment dans une vidéo de Mémoire des luttes mais ailleurs aussi).

Le national n’est ici que le CADRE – celui des Etats-nations – du développement d’une double lutte qu’on peine à rapprocher : d’une part les luttes de classe via divers syndicats et d’autre part les luttes de démocratisation des institutions qui doivent sortir de l’emprise oligarchique et bureaucratique qui sert le capital d’abord, notamment sa branche financière. Les luttes de démocratisation font peu appel à des citoyens non situés. Il semble bien que la démocratisation soit un processus d’émancipation qui vienne d’en-bas soit un empowerment .

Il n’y a pas chez Samir Amin de fétichisme culturel de la Nation, même si les variations culturelles existent . Il voit surtout en la matière des moyens de division ou des éléments de régression en terme d’accès à la liberté et à l’égalité de tous et toutes.

Le « national populaire », qui porte la marque évidente de sa composition sociale – paysanne (surtout au Sud) et salariale (nationaux ou résidents, public ou privé, actifs ou chômeurs et retraités), – est OUVERT à l’international via une Ve Internationale à construire. Une Internationale organisation et non une Internationale mouvement, ce qui est à débattre . En tout cas, nous sommes bien loin d’un esprit étroitement national. Il sait que le capital est un cosmopolitisme des riches et des grands possédants. Il répète qu’il faut adjectiver la mondialisation.

Cette formule de « national populaire » diffère encore tout à la fois du nationalisme d’extrême-droite en exclusion des migrants mais aussi d’un national droitier d’en-haut et par en haut, c’est à dire construit sur la base d’un bloc social autour du 1% (classe dominante) et des classes moyennes aisées.

Il y aurait ici à distinguer, pour les formations sociales de la périphérie, au sein des classes dominantes, la « bourgeoisie compradore » (tournée vers les marchés mondiaux) et la « bourgeoisie nationale » (ayant opéré une déconnexion). Mais son propos ne semble pas (ou plus) être de devoir choisir une alliance économico-sociale entre un peuple-classe et une éventuelle « bourgeoisie nationale ».

C’est cette conception du « national-populaire » qui m’autorise à dire que la Vème Internationale qu’il souhaitait construire était bien celle des peuples-classes allant vers le socialisme. Mais au sein des peuples-classes, c’est aux classes sociales, paysanne ou ouvrière, qu’il pensait le plus. Les classes moyennes – terminologie ambiguë qu’il n’emploie pas – sont en soutien des classes sociales modestes et pauvres et pas des riches et des puissants.

– La question du socialisme et d’une souveraineté doublement progressiste

L’indépendance ne suffit pas. Toute souveraineté étatique n’est pas en soi progressiste. Il ne suffit pas de repousser l’impérialisme, il faut aussi repousser sa propre classe dominante, surtout sa fraction proprement capitaliste (au Nord) et sa fraction « compradore » au Sud. Mais en restant combattif pour l’autre fraction plus susceptible d’alliance. Toute élite n’est pas un Sankara !

La notion de « national-populaire » de Samir Amin – telle que je l’interprète ici en rapprochement de la notion de peuple-classe – a un potentiel supérieur d’émancipation – en cas de mise en oeuvre concrète évidemment – à la simple évocation d’une souveraineté en soi progressiste face à l’impérialisme ou à l’OTAN .

Christian DELARUE

1) Plusieurs textes en hommage
– Celui de Jean-Marie Harribey sur son blog et sur ATTAC.

https://france.attac.org/actus-et-medias/le-flux/article/samir-amin-hommage

– Celui de Bernard Dréano du CEDETIM

https://fraternafrique.wordpress.com/2018/08/15/hommage-a-samir-amin-cedetim/

– d’Hakim Ben Hammouda

http://hakimbenhammouda.typepad.com/hakim_ben_hammouda/page/37/

– « Un baobab est tombé » : Samir Amin, le théoricien du développement inégal, est mort | L’Humanité (sur Le Grand Soir aussi)Retour ligne automatique

https://www.humanite.fr/un-baobab-est-tombe-samir-amin-le-theoricien-d…

2) En 1996 avec François Houtard (décédé le 7 juin 2017, à l’âge de 92 ans) et d’autres intellectuels militants : "Le forum mondial des alternatives"
https://www.pressenza.com/fr/2017/02/samir-amin-extraits-memoires-foru…

3) Pour une internationale des peuples- Samir Amin – aout 2017 [http://samiramin1931.blogspot.com/2017/08/samir-amin-pour-une-internat…>http://samiramin1931.blogspot.com/2017/08/samir-amin-pour-une-internat…]

Lire aussi de SAMIR AMIN : Automne du capitalisme, printemps des peuples ?

http://samiramin1931.blogspot.com/2016/08/samir-amin-automne-du-capitalisme.html