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Pillage des ressources et conflits en Afrique : Quelle réparation ? (Esmathe Gandi)

Président d’Attac Togo

mercredi 9 septembre 2015, par Groupe Afrique

« L’Afrique au sud du Sahara est frappée depuis un demi-siècle par la malédiction de la guerre, plus qu’aucun autre continent (...) Les deux dernières décennies du XXe siècle ont vu la guerre s’installer au quotidien, avec son économie de pillage, ses atrocités... »1 Cette phrase tirée de l’ouvrage Géopolitique de l’Afrique et du Moyen-Orient, illustre parfaitement notre thème.
« Pillage des ressources et conflits en Afrique : Quelle réparation ? » Cette question à première vue très simple, soulève néanmoins quelques difficultés.

Tout d’abord, il importe de savoir ce que l’on entend par ressources. S’agit-il de toutes les ressources, y compris les êtres humains ; sachant que l’on parle souvent de ressources humaines. Il est vrai qu’en qu’en Afrique, l’esclavage a entrainé un flux migratoire important d’africains vers les plantations en Amérique ; mais nous n’allons pas aborder cet aspect dans notre travail. Nous allons nous appesantir sur les ressources naturelles qui, depuis toujours, ont fait l’objet d’un grand intérêt de la part des grandes puissances et ont été aussi au centre des conflits en Afrique. « Pour le Groupe d’Expert des Nations unies sur les ressources naturelles et les conflits en Afrique, les ressources naturelles « incluent des ressources renouvelables et non renouvelables telles que les minéraux, le pétrole et le gaz, la terre, la foresterie, les ressources marines, l’eau et d’autres » (2) Comme exemple de minéraux on peut citer : le diamant, l’or, le cuivre, l’uranium, le cobalt, le fer, le platine... Pour la foresterie nous avons le bois et en ce qui concerne les ressources marines, nous avons principalement les produits de la pêche (3) . en usant de violence » (4) ou encore le fait « de détourner à son profit l’argent de quelqu’un, de l’État » (5).
Sur le plan économique, on parle de pillage « à partir du moment où une ressource quitte un territoire sans contrepartie en importations, déduction faite de la valeur ajoutée qui reste sur place. Quand il s’agit de ressources naturelles non reproductibles, la contrepartie doit compenser sa perte par une augmentation de capital productif, que ça soit par le contrôle et la perception de taxes de l’Etat responsable soit par des investissements d’entrepreneurs privés oeuvrant (pas forcément des nationaux) dans le territoire  » (6). Sur le plan juridique, il y a pillage lorsqu’il y a exploitation illégale de ressources minérales ou forestières d’un pays (7). Cette forme de pillage est la plus courante lors des conflits armés.
Le conflit quant à lui est polysémique. Il peut désigner une opposition de sentiment, d’intérêt ou d’opinion. Mais dans notre cas, il désigne une lutte armée opposant deux parties qui revendiquent une chose. En Afrique, la plupart des conflits sont nationaux, même si certains conflits font intervenir plusieurs acteurs étatiques comme ce fut le cas en République Démocratique du Congo (RDC) (8).
Il nous revient alors de voir comment est faite l’exploitation illégale de ressources naturelles, lors des guerres en Afrique puis d’aborder la question des réparations qui peuvent être exigées de la part des pillards.
Depuis la conquête de l’Afrique celle-ci a toujours servi de réservoir pour les grandes puissances occidentales. Durant la colonisation, beaucoup de richesses ont quitté le territoire africain sans aucune compensation. Le continent a participé énormément à l’effort de guerre lors des deux guerres mondiales en fournissant des ressources aux belligérants (vivres, ressources minières...). Il s’agit bien d’un pillage des ressources africaines, mais notre étude ne couvrira pas cette période pour plusieurs raisons. D’une part parce qu’à cette époque, les Etats africains étaient encore des colonies et il était presque normal que les mères patries se servent comme elles le voulaient des ressources de celles-ci ; et d’autre part parce que ces pillages ne se sont pas faits forcément lors de conflits. Nous ne nous intéresserons donc qu’à la période qui va des indépendances des pays africains à nos jours où le pillage était plutôt ‘’illégale’’ selon la définition juridique du terme et surtout suivi de violence. En effet, avec les indépendances, « les métropoles coloniales ont perdu leurs positions de monopoles, les acteurs économiques se sont diversifiés  » (9). Les « chasses gardées » ont cédé du terrain devant la concurrence internationale ; mais sans véritablement servir les intérêts de l’Afrique. Bien au contraire, le continent est depuis lors une nouvelle fois disputé par les grandes puissances en raison de ses ressources. Cette nouvelle donne a donc favorisé l’émergence des conflits sur le sol africain avec comme corollaire, le pillage des ressources.
Du moment où un tel constat est fait, n’est-il pas possible d’exiger une réparation de la part des pillards ? Et si réparation il doit y avoir, quelle serait sa nature ?
L’intérêt de cette étude réside dans le fait qu’elle permet non seulement de comprendre les enjeux autours des conflits qui sévissent sur le territoire africain, mais aussi de se rendre compte de l’ampleur des dégâts causés à l’Afrique par ces années de pillage de ressources et de conflit.
Pour se rendre compte de cette réalité, nous adopterons une démarche en deux phases. Dans un premier temps, nous verrons comment se manifeste l’implication des puissances étrangères dans les conflits et les pillages en Afrique (I) et dans un second temps, nous parlerons des réparations que l’on pourra exiger de celles-ci, eu égard aux préjudices causés aux peuples africains (II).

I- Pillage des ressources et conflits en Afrique : un duo infernal
La responsabilité des Puissances étrangères dans les conflits en Afrique est plus qu’évidente. Cela s’explique par le fait qu’elles sont les principales destinataires des ressources pillées, mais aussi les principales fournisseuses d’armes aux belligérants. Si elles ne participent pas elles même à ce commerce, ce sont des groupes qui jouissent de leur protection qui se livrent à de tels pillages. Parfois, sous couvert d’accord de coopération militaire et de défense, puissances étrangères volent au secours d’un dirigeant africain faisant face à une rébellion, et de ce fait, en profitent pour signer des contrats d’exploitation de ressources à des prix très bas pour ‘’faire payer la facture de leur intervention’’.
Deux périodes peuvent être distinguées en ce qui concerne le pillage des ressources en lien avec les conflits en Afrique. Nous avons la période qui s’étend des indépendances à la chute du mur de Berlin (A) et celle qui a commencé à la fin de la guerre froide et s’étend jusqu’à nos jours (B).

A- De la période post coloniale à la fin de la guerre froide
La fin de la colonisation a marqué un tournant historique dans la vie des Etats africains. Il s’agissait pour ces derniers de prendre enfin en main leur destiné. En effet l’indépendance signifie autonomie et donc l’autodétermination des peuples africains. Les grandes puissances venaient donc d’être sevrées et ceci dans la douleur pour certaines d’entre elles qui voyaient là leur échapper « leurs poules aux oeufs d’or ».
En effet, rares sont les mères patries qui ont accepté sans y être obligé, l’indépendance de leur colonies et certains Etats africains ont même dû traverser des guerres d’indépendances assez violentes ; comme ce fut le cas des colonies portugaise où l’indépendance a été accordée tardivement (10).
Quelques jours seulement après son accession à l’indépendance, le Congo belge dut faire face à la sécession de la riche province minière du Katanga11. « Derrière les manifestations du « tribalisme », monté en épingle par les nostalgiques de l’ordre colonial pour qui la « congolisation  » (12) préludait mal des indépendances africaines, se trouvaient les intérêts de la Belgique et surtout de la puissante Union minière du Haut-Katanga qui redoutait que ses intérêts ne fussent menacés par l’orientation prétendument communiste du Premier ministre Patrice Lumumba » (13). Cette velléité de sécession a donc entrainé une guerre qui a conduit en 1965 à la première intervention des casques bleus de l’ONU en Afrique. Pour la première fois en Afrique, un Etat indépendant faisait face à un conflit en lien direct avec le désir d’accaparement de ses ressources, avec en toile de fond les rivalités entre les deux blocs communiste et occidental pendant la guerre froide.
Les guerres de sécession étaient donc le lot quotidien des nouveaux Etats africains instrumentalisés par les anciennes puissances coloniales.
Au Nigéria également, en 1967, éclata la guerre du Biafra. En effet, les populations du sud-est du Nigéria, les Ibos, proclamèrent l’indépendance de la République du Biafra, à la suite de violences interethniques et interconfessionnelles les ayant opposées aux populations musulmanes du Nord de la Fédération nigériane. « Derrière ces affrontement, se profilent des rivalités d’intérêts fondées sur les perspectives de partage de la rente pétrolière » (14). Une fois de plus, les puissances occidentales étaient impliquées dans ces violences. Shell, une société pétrolière anglaise, apporta son soutien au pouvoir de Logos, tandis qu’Elf, une société pétrolière française, prit le parti du Biafra (15). La France (16) du général de Gaulle fournit des armes au Biafra, et le Royaume-Uni et l’URSS soutiennent le gouvernement fédéral et lui fournissent des armes. Les États-Unis soutiennent également le Nigeria, mais s’opposent à toute vente d’armes aux deux parties. Selon certains auteurs, la guerre du Biafra « a été la première à être étroitement liée aux intérêts pétroliers » (17). Ce dernier fut « finalement assassiné par les occidentaux, plus précisément par des hommes de main des réseaux amréricano-belges en janvier 1961 ».
L’Angola pays riche en pétrole et en diamant (18), a également été le théâtre d’un conflit sanglant qui a commencé comme une guerre d’indépendance. Très vite, une guerre civile entre frères ennemis, d’une part l’UNITA (Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola) soutenu par les Etats-Unis et d’autre part le MPLA (Mouvement populaire de Libération de l’Angola) et le FNLA (Front National de Libération de l’Angola) d’obédience marxiste, a pris place dans le dessein de s’accaparer du pouvoir. Ce conflit s’inscrit donc dans le contexte géopolitique de la guerre froide et là aussi, les puissances étrangères ont eu à jouer leur partition pour des raisons, sans nul doute, intéressées (19). Cependant, la fin de la guerre froide va ouvrir une nouvelle ère en Afrique, encore plus sanglante que la précédente.

B- De la chute du mûr de Berlin à nos jours

La fin de la guerre froide a eu comme corolaire en Afrique, l’apparition de mouvements qui revendiquent plus de démocratie. Dans certains pays, cette revendication a été faite par les armes. Une fois de plus, les puissances étrangères ont trouvé une belle opportunité pour revenir en force dans les différents conflits qui ravagent les pays africains. Les armes des pays de l’ancienne Union soviétique ont trouvé un marché florissant grâce à des marchands d’armes sans scrupule comme le célèbre Victor Bout (20). La kalachnikov (21) une arme de fabrication russe est devenue l’arme de guerre la plus courante en Afrique. Ces armes sont achetées principalement grâce à l’argent tiré de la vente des ressources naturelles exploitées illégalement dans les zones de guerre. Ce fut le cas des « diamants de sang » (22) qui ont permis de financer des années durant ; les guerres civiles au Libéria (1989-2003), en Sierra Leone (1991-2001), en Angola et en RDC. Pendant la guerre civile qu’a connue la Sierra Leone une dizaine d’années durant, ce sont les mines de diamants de ce pays qui ont suscité les plus combats les plus violents.
Le bois libérien n’était pas en reste. En 2000, par exemple, alors que la guerre civile battait son plein, « les Français et les Chinois ont importé respectivement 167 779 m3 et 290 409 m3 de bois, soit environ 71 % des exportations libériennes. Aux côtés de la Chine, dont l’intérêt pour la forêt libérienne s’est accru depuis l’interdiction gouvernementale d’abattre les forêts naturelles dans plusieurs de ses provinces édictée en 1998, l’UE en particulier est une destination importante pour les exportations de bois » (23). Par ailleurs, le bois tropical a toujours transité dans les ports français et de grands groupes français traditionnellement implantés en Afrique exercent une bonne partie de leur activité dans le domaine de l’exploitation forestière (Pinault, Bolloré, Rougier, Interwood…). Il ne fait donc aucun doute que, lorsqu’il s’est agi de se prononcer en matière de sanctions et d’embargo, la défense d’intérêts commerciaux a pesé sur la position première des autorités françaises, certains industriels du secteur privé faisant partie de holdings proches du pouvoir politique (24). Ce sont ces intérêts qui ont également poussé les Etats Unis à protéger pendant un certain temps Victor Bout d’échapper en lui permettant d’échapper à la justice (25).
Quant au Congo, « sa capitale Brazzaville, a été le théâtre d’une guerre civile qui s’est déroulée entre 1993 et 2000. L’argent du pétrole, seule ressource du pays, a été utilisé pour armer les milices et acheter des armes lourdes, tant par le gouvernement légal de Pascal LISSOUBA, qui disposait de la redevance versée par les compagnies pétrolières, principalement Elf Congo, que par son adversaire Denis SASSOU NGOUSSO, qui avait conservé des liens étroits avec les dirigeants du groupe Elf » (26).

Au Soudan, le pétrole est un acteur omniprésent dans les guerres du Soudan (le partage de la rente pétrolière est au coeur des tensions entre Soudan du Nord et du Sud) et il a réactivé des rebellions au Tchad, notamment en 2008, depuis que celui-ci est devenu producteur en 200327. Dans les deux pays et notamment au Tchad, la France intervient souvent sous couvert des accords de coopérations militaires pour protéger le régime en place.
Le conflit en République Démocratique du Congo qui dure depuis 1997, est le symbole du conflit dont la récurrence est liée au pillage des ressources naturelles. La RDC a tellement été pillée que l’ONU a chargé le 19 décembre 200128 un Groupe d’expert chargé de faire une enquête sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo. Le groupe a rendu un rapport29 accablant pour les puissances étrangères impliquées dans le pillage des ressources de la RDC, y compris des pays africains30. Le rapport a également fait état de la façon dont se fait le pillage des ressources du Congo31.
La crise ivoirienne a également connu son lot de pillage dans les zones aussi bien contrôlées par les rebelles que par les forces régulières. Le diamant, et le cacao ont servi à l’effort de guerre des protagonistes. L’intervention français dans la crise après les violences de 2011, a été interprète par certains comme étant révélateur de la volonté de cette dernière de protéger ses intérêts en Côte d’Ivoire. C’est la même critique qui a été faite à la France lorsqu’elle est intervenue au Mali pour chasser les islamistes qui avaient occupés le Nord du Mali. Pour certains, il s’agissait pour la France de protéger ses exploitations d’uranium au Niger voisin.

II- De la nécessité d’une réparation des préjudices causés à l’Afrique
Avant de parler de réparation pour l’Afrique, il faudrait prouver qu’elle a été victime des mauvais agissements des puissances étrangères à son égard. Il est donc souhaitable dans un premier temps de voir les préjudices dont a souffert et continue de souffrir le continent africain (A), et dans un second temps, proposer des réparations (B). (27)

Les préjudices dont souffre l’Afrique en raison des conflits et du pillage de ses ressources, sont multiples. Ils peuvent cependant être regroupés en deux grandes catégories à savoir le coût humain des guerres (1) et le retard économique du continent (2)32.

1) Les pertes humaines

Les dommages sur les populations liées aux conflits sont innombrables. Ils se chiffrent par million sous différentes formes : décès, maladies, handicaps, séquelles, traumatismes… Ces pertes sont présentes dans tous les pays connaissant des conflits.
Il y aurait 1 500 00033 de morts aux combats en Afrique entre 1960 et 2005, mais le nombre de décès de personnes civiles est difficilement calculable. Pour illustrer cette perte, quelques estimations34 : en RDC, entre 1998 et 2008, il est estimé que le nombre de morts s’est élevé à 5,4 millions ; 200 000 au Libéria entre 1989 et 1996 ; 1,5 million en Angola entre 1975 et 2002.
Les conflits entrainent également la propagation rapide de maladies, telles que le VIH par exemple, mais aussi des déplacements massifs des populations. 31%35 des réfugiés du monde entier sont originaires d’Afrique (notamment du Soudan, de la Somalie, de la RDC, du Burundi, de l’Angola, de l’Érythrée, du Liberia, du Rwanda, du Sahara occidental et de l’Éthiopie.) Ces derniers constituent une vraie menace à la paix non seulement pour les pays d’accueil, mais également pour les pays de départ. Par exemple, « entre 1994 et 1996, les camps de réfugiés hutus du Kivu (plus d’un million de personnes) ont servi de sanctuaire à l’armée rwandaise défaite (les FAR, Forces armées rwandaise) et aux miliciens appelés interahamwe, qui furent les principaux exécutant du génocide. La menace qu’ils faisaient peser sur le nouveau pouvoir de Kigali a convaincu celui-ci de la nécessité de détruire les camps : l’offensive rapidement victorieuse de 1996 marque le début des guerres congolaises.
La question des enfants soldats est aussi très inquiétante, puisque l’ONU estime encore aujourd’hui à 250 000 le nombre d’enfants soldats dans le monde, et que ces « générations gâchées » doivent être soignées et réinsérées.
Ces conséquences des conflits sur les populations sont certes communes à tous les conflits, qu’ils soient liés ou non au pillage des ressources africaines. Mais lorsque les conflits sont « facilités » ou financés par les puissances étrangères ou encore lorsque les puissances étrangères profitent de ces conflits dans leur intérêt, la question des conséquences en pertes humaines est d’autant plus importante à traiter, la responsabilité de ces gouvernements étant engagée.

2) Les conséquences économiques
Les conséquences économiques liées au pillage des ressources et aux conflits, sont également difficilement mesurables, et pourtant ces conséquences sont très palpables.
Des études estiment les pertes économiques de l’Afrique ou de certaines régions de l’Afrique dans le cadre des pillages des ressources. A titre d’exemple : le rapport « Equité et industries extractives en Afrique » rédigé par l’Africa Progress Panel dont fait partie Kofi Annan, indique que « la falsification des prix des échanges commerciaux aurait coûté à l’Afrique en moyenne 38,4 milliards de dollars par an entre 2008 et 2010, soit plus que l’aide bilatérale reçue des bailleurs de l’OCDE37 ». De même, il est estimé que la RDC aurait perdu 1,36 milliard de dollars entre 2010 et 2012, selon le même rapport, suite à « des ventes de concessions minières qui, d’après les calculs de l’APP, ont été réalisées en moyenne au sixième de leur véritable valeur » (38) à destination d’une société de droit britannique.
Les guerres réduisent à néant les infrastructures des pays qui deviennent inexistantes en raison de leur destruction lors des combats. Par ailleurs, les conséquences économiques sont aggravées à cause des choix budgétaires faits par les gouvernements qui sont toujours dans la dynamique de préparation de la guerre. En effet ceux-ci préfèrent acheter des armes avec leurs maigres ressources financières, plutôt que de financer l’éducation, le développement de l’agriculture ou du secteur de la santé. De même, l’insécurité entraine la fuite des capitaux économiques (les investisseurs fuient les régions dévastées par la guerre) mais aussi de la main d’oeuvre qualifiée. Tout ceci n’est pas sans conséquences sur le développement des pays.
Les conflits liés aux ressources naturelles profitent donc aux groupes armés, aux marchands d’armes et à tous ceux concernés de près ou de loin dans « l’entreprise de guerre et de pillage ». Face à toutes ces conséquences, la responsabilité des gouvernements impliqués dans le pillage des ressources et ses conflits doit être engagée.

B- Des réparations
La question de la réparation des dommages causés à l’Afrique lors du pillage de ses ressources, est fondamentale. En effet, non seulement elle permettra aux responsables de réparer leur actes, mais aussi elle pourra permettre à l’Afrique de rattraper son retard de développement.
Déjà dans son rapport, le Groupe d’expert recommande que des fonds soient levés pour aider la RDC et les pays voisins afin de reconstruire leurs infrastructures39. A notre humble avis il reviendrait aux pays ou sociétés impliqués dans le pillage des ressources, de financer cette réparation. L’idée de la dette écologique40 développée par le CADTM (41) pourrait donc servir de principe pour exiger des réparations des puissances étrangères qui ont pillés les ressources des pays africains.
La criminalisation de ces pillages serait également une solution. En effet, il serait intéressant de considérer ces pillages comme un crime et donc passible d’une poursuite devant le Tribunal Pénal International.

Conclusion
La responsabilité des grandes puissances dans le pillage des ressources en Afrique ne fait aucun doute. Le problème, c’est la reconnaissance de ces dernières de leur responsabilité qui ouvrirait la voie à la réparation du tort qu’elles ont causées à l’Afrique. Il semble cependant que ces dernières nient toujours leur implication dans ces conflits malgré les différents rapports qui prouvent le contraire. Il appartient donc aux mouvements sociaux de mener des actions pour dénoncer ces agissement et interpeller l’opinion publique sur la question. Ceci permettra par exemple une prise de conscience des citoyens des pays coupables de pillage et de ce fait pourrait conduire à des sanctions par les urnes de la part de ces derniers.
Une question demeure cependant ; quelle est la part des africains dans ces pillages ? Ne sont-ils pas aussi responsables de leur problème ? Devrait-on exiger une réparation pour une faute dont on est complice ?

Contribution d’Attac Togo au forum "Relations Afrique-Europe" (Université européenne Paris 2014)


(1) Roland Pourtier (dir.) Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, 3ème édition, Nathan, 2014, p.113
(2) HELLENDORFF (B.), « Ressources naturelles, conflits et construction de la paix en Afrique de l’Ouest », disponible sur http://www.grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2012/Rapport_2012-7.pdf, dernière consultation 28 juillet 2014, p. 6.
(3) En ce qui concerne les ressources naturelles pillées lors des conflits en Afrique, voir le tableau 1 en annexe. Mais il ne s’agit pas d’une liste exhaustive car le sol congolais par exemple regorge d’autre ressources minières non citées dans le tableau.
(4) Dictionnaire Larousse, disponible sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/piller/60921
5 Dictionnaire Larousse, idem.
6 Marysse (S.) et André (C.), « Guerre et pillage économique en République Démocratique du Congo », disponible sur http://www.ua.ac.be/objs/00111769.pdf, dernière consultation 30 juillet 2014.
7 Voir le Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, disponible sur http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/fr-S-2002-1146_fr.pdf
8 L’Ouganda, le Rwanda et le Burundi sont accusés d’avoir participé à la guerre en RDC. Disponible sur http://www.horizons-et-debats.ch/23/23_10.htm, dernière visite 26 juillet 2014. Voir aussi le Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, disponible sur http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/fr-S-2002-1146_fr.pdf
9 Roland POURTIER (dir.), Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, op. cit, p.115.
10 En Angola, l’indépendance a été proclamée en 1975.
11 Le Katanga après avoir fourni l’uranium utilisé pour la fabrication des bombes atomiques larguées à Hiroshima et Nagasaki en 1945, conserva longtemps une importance stratégique pour les Etats Unis grâce à sa production de cobalt.
12 Qui signifie « rendre plus congolais », voir http://fr.wiktionary.org/wiki/congoliser. Voir aussi, Robert KOVAR, « la ‘’Congolisation’’ de l’Union Minière du Haut-Katanga », Annuaire Français du Droit International, Année 1967, Volume 13, Numéro 13, pp. 742-781, disponible sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1967_num_13_1_1958, dernière consultation 25 juillet 2014.
13 Ce dernier fut « finalement assassiné par les occidentaux, plus précisément par des hommes de main des réseaux amréricano-belges en janvier 1961  ». Roland POURTIER (dir.) Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, op. cit, p.115.
14 Roland POURTIER (dir.), Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, op. cit, p.115. 15 Roland POURTIER (dir.), idem. 16 La France a joué un grand rôle dans ce conflit. Le chef de la République du Biafra, Ojukwu, a établi à Paris le Biafra Historical Research Center, où travaillent le mercenaire Bob Denard et Roger Faulques, ex-colonel pendant la guerre d’Algérie. Ceux-ci recrutent d’autres mercenaires pour soutenir la sécession du Biafra, dont le colonel Rolf Steiner, un légionnaire allemand, ancien de l’OAS, qui commandera au Biafra la 4e Brigade commando (« légion noire ») et Gildas Lebeurrier, un ancien parachutiste en Indochine et en Algérie. Le bureau sert aussi d’interface pour acheter des armes sur le marché « gris ». Selon les analyses controversées de François-Xavier Verschave, le soutien militaire (mercenaires, armes et munitions) et financier apporté secrètement par les autorités françaises aurait prolongé le conflit durant 30 mois, provoquant indirectement 2 à 3 millions de morts. Très éloigné de ces chiffres, le consultant canadien pour le développement Ian Smillie avancera que la prolongation de la guerre dû au soutien français aux insurgés du Biafra aurait contribué à la mort de près de 180 000 civils. Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Biafra#cite_ref-5, dernière consultation 28 juillet 2014.
17 Roland POURTIER (dir.), idem. p. 118
18 L’armée angolaise de Luanda se finançait grâce au pétrole et celle de l’UNITA contrôlait l’exploitation du diamant. Voir Roland POURTIER (dir.), idem.
19 Disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_angolaise.
20 Il est un ancien officier de l’armée de l’air russe. Il est devenu célèbre grâce au rôle qu’il a joué dans la plupart des conflits en Afrique. « Certains médias l’ont surnommé le « marchand de mort » et « Lord of War ». Selon certains analystes, les guerres en Sierra Leone, Liberia, République démocratique du Congo, Angola et Soudan n’auraient pas pu s’étendre et se poursuivre si Viktor Bout n’avait pas fourni d’armes aux belligérants », disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Viktor_Bout#cite_ref-Trafic65_12-0, dernière consultation 25 juillet 2014. L’histoire de Victor Bout a même inspiré Hollywood qui en a fait un film. Il s’agit du long métrage « Lord of war »
21 Une arme de fabrication russe, inventée par l’ingénieur et lieutenant-général russe Mikhaïl Timofeïevitch Kalachniko, disponible sur, http://fr.wikipedia.org/wiki/Mikha%C3%AFl_Kalachnikov 22 Les “diamants du sang” – expression évocatrice – sont probablement le symbole le plus connu du lien qui existe entre ressources et conflits en Afrique. Du fait de leur petite taille, les diamants sont faciles à transporter et à importer illégalement. Leur prix élevé sur les marchés mondiaux peut servir à acheter de nombreuses armes, à rémunérer des combattants ou à financer par d’autres moyens des activités militaires. Disponible sur : http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/january-2007/conflits-et-ressources-naturelles#sthash.6YtgLlGi.dpuf
23 Disponible sur http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=CRII_028_0047, dernière visite 29 juillet 2014.
24 Idem. Voir également François-Xavier Verschave, Les pillards de la forêt : exploitations criminelles en Afrique, Marseille, Agone, 2002, p. 179.
25 En effet, à partir de 2002, une plainte a été déposée par la Belgique contre Victor Bout pour le blanchiment de 325 millions de dollars et ce dernier fut recherché par Interpol (Interpol est une contraction de l’expression anglaise International Police). Lors du dépôt d’une demande de sanction au conseil de sécurité des Nations unies contre les trafiquants d’armes, la France le mentionne nommément, mais les États-Unis le font retirer ; il en a été de même en 2004 lors d’une résolution française contre Charles Taylor. Ce n’est qu’en avril 2005 que le département du Trésor des États-Unis gèle ses comptes aux États-Unis et il fut finalement arrêté le 6 mars 2008 à Bangkok en Thaïlande.
26 Roland POURTIER (dir.), Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, op. cit, p. 118
27 Roland POURTIER (dir.), Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, idem.
28 Nations Unies, S/PRST/2001/39.
29 Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, disponible sur http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/fr-S-2002-1146_fr.pdf, dernière consultation 29 juillet 2014.
30 Voir la liste en annexe Tableau N02.
31 Pour plus de détail, voir le rapport du Groupe d’expert précité.
32 Roland POURTIER (dir.), Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, op. cit, p. 120
33 Rapport sur le développement en Afrique 2008-2009. p.14 : base de données sur les conflits armés UCDP/PRIO.
34 Idem.
35 Idem.
36 Roland POURTIER (dir.), Géopolitique de l’Afrique et du moyen orient, idem. P. 121
37 Idem
38 J-B JACQUIN, "Comment la City fait semblant de découvrir le pillage des ressources de l’Afrique", 10 mai 2013 in Le Monde http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/05/10/comment-la-city-fait-semblant-de-decouvrir-le-pillage-des-ressources-de-l-afrique_3175061_3234.html
39 Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, op.cit., p.33.
40 « La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation », disponible sur, http://cadtm.org/Dette-ecologique, dernière consultation 17 août 2014.
41 Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde, une organisation qui milite pour la justice sociale.